|
|
|
|
CHAPITRE IX
INFLUENCE DE L’EGLISE
|
Progrès des richesses de l’Eglise et des monastères
Mode de donation, - Travaux et richesses des monastères, - Usages domestiques.
Monastères de Noirmoutier, de Saint-Michel-en-l’Herm, de Luçon
et de Maillezais.
Noirmoutier.
Ermentaire, de Noirmoutier, écrivain du temps.
Saint-Michel-en-l’Herm (682), - Etablissements formés par les Michelins.
Luçon, - Evénements divers.
Légende poitevine du IX° siècle.
La légende de la jeune fille poursuivie dans l’église
de Mareuil par un de la Trémouille. L’abbaye De Maillezais (939),
- Son importance. Rôle de certains évêques.
INVASION DES NORMANDS EN BAS-POITOU. - Création du Comté
d’Herbauges. Droits des Moines de Noirmoutier de posséder des navires.
Nouveaux désastres (834-835).
Autres ravages (Marans, Damvix, Coulon, Magné, Niort, Maillezais, Maillé,
Les Mauges, Tiffauges, les Herbiers, Saint-Georges-de-Montaigu).
Combat du Blaison près La Guérinière, en Saint-Hilaire
de Loulay (844). Mort de Bégon,Comte de Poitiers.
Nouvelles invasions des Normands (846 à 1018). Les Sables d’Olonne,
Oléron, Luçon, Saint-Michel En-l’Herm, Noirmoutier, Fontenay, Velluire, Les Herbiers, Maillezais,
Ile de Ré…
Souterrains refuges, Réaumur, Tallud Sainte-Gemme, Petosse, La Cacaudière
de Pouzauges,Chalais de Saint-Pierre-le-Vieux...
|
INFLUENCE DE L'ÉGLISE
|
Pendant les époques mérovingienne et carlovingienne,
l'autorité de l'évêque s'accroît encore :
pasteur des âmes, supérieur au juge laïque, puisqu'il
a mission de le surveiller, défenseur naturel des faibles, protecteur,
grâce au droit d'asile ('), de tous les fugitifs et de tous les
misérables, il dispose contre ceux qui lui sont rebelles, d'une
arme terrible : l'excommunication, et il les terrifie par le don des
miracles. Déjà un monde d'écrivains pieux, les
hagiographes, sont à l'uvre pour raconter avec force prodiges,
la vie des saints évêques et des saints abbés, car
presque tous sont des saints. Rome n'était pas encore consultée
pour les canonisations, et ce sont surtout les saints de l'époque
franque qui abondent dans le calendrier.
Alors les couvents se multiplient et beaucoup seront le noyau autour
duquel s'élèveront des centres nouveaux de population.
Noirmoutier, Luçon, Saint-Michel-en-l'Herrn, doivent leur fondation
à des abbés. Là se créeront des écoles
de clercs, qui se perfectionneront en avançant dans le moyen
âge, et produiront plus tard des hommes de science et de talent
dont plusieurs s'asseoiront dans les conseils du gouvernement, et seront
honorés de l'amitié des rois.
Les couvents de femmes rivalisent avec les couvents d'hommes, et au
moment ou saint Martin de Vertou fonde, 'à Dur muni, un monastère
de femmes, sainte Radégonde, cette fille des rois de Thuringe,
cette captive dont Clotaire avait fait une reine de France, obtient
sa liberté et fonde, à Poitiers, le monastère de
Sainte-Croix (2).
Les Francs et les Gallo-Romains, soumis dans les cloîtres à
la même règle, unis au pied de la croix, donnèrent
l'exemple du rapprochement fraternel des races, et contribuèrent
beaucoup à concilier entre eux les éléments de
la civilisation nouvelle.
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Le tombeau de saint Martin, à Tours, et l'église
du grand saint Hilaire, à Poitiers, étaient surtout des
asiles inviolables. Leudaste, dont nous avons déjà parlé,
y trouva un refuge pendant plusieurs mois.
(2) Sainte Radégonde mourut à Poitiers le
12 août 587.
|
PROGRÈS DES RICHESSES DE
L'ÉGLISE ET DES
MONASTÈRES
|
Les terres des églises (1) et des monastères vont toujours
s'arrondissant, tantôt par les dons des rois et des puissants,
tantôt par la ".recommandation " que font de leur terre
et de leurs personnes beaucoup de 'propriétaires, qui ne voient
pas de plus sûr protecteur que l'Eglise. Mais bientôt les
richesses des églises et des couvents tentent les leudes (2),
et le plus sûr moyen de se les approprier étant de se faire
nommer évêque ou abbé, la liberté des élections
épiscopales et monastiques fut violée. Dès les
temps mérovingiens, les rois disposaient presque souverainement
des offices ecclésiastiques, et il ne fallut rien moins que le
génie de Charlemagne pour mettre un peu d'ordre dans cette anarchie
(3).
Une lecture attentive, du, Cartulaire fait comprendre facile-t ment
le. rapide développement des possessions et des richesses des
monastères.
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) En Vendée comme ailleurs, les églises
eurent d'abord comme seules ressources : 1, les oblations volontaires
du peuple, dons en nature- ou en argent ; 2- les prémisses des
fruits de la terre, qui servaient aussi à l'alimentation du clergé
; 3° les dîmes, offrandes d'abord volontaires et spontanées
des fidèles, rendues obligatoires au v- siècle par le
dernier concile de Mâcon ; 4- les revenus des terres et des autres
propriétés des églises, se composant à peu
près exclusivement des meubles ou immeubles qui avaient formé
la dotation des temples païens. Néanmoins, les empereurs
chrétiens constituèrent une sorte de budget des cultes,
et Constantin accorde à des membres indigents du clergé,
des secours ou (les pensions. Toutefois l'époque romaine n'est
pas celle des grandes richesses de l'Eglise, que nous verrons s'accroître
sous les rois de France. Les empereurs se montrent plus larges en matière
de privilèges qu'en matière de dotations, et en dehors
des immunités accordées aux clercs, une loi de Théodore
,attribue aux sanctuaires chrétiens le droit d'asile dont avaient
joui certains temples.
(2) Compagnon du chef ou du roi chez les Francs.
(3) Auber et Rambeau.
|
MODE DE DONATION. TRAVAUX ET RICHESSES
DES MONASTÈRES
|
Un acte de cession de propriété aux monastères,
de -quelque nature qu'il fût, ne pouvait être valable que
s'il était consenti et ratifié non seulement par le chef
de la famille, mais encore. par sa femme, par ses enfants, et, s'il
n'en avait pas, par ses autres héritiers.
Pour les abbayes du Poitou, surtout à partir de Charlemagne,
toutes les chartes, contiennent cette sage prescription (1).
Les nombreuses 'populations qui se groupèrent autour des abbayes
y furent surtout attirées par la sécurité, la douceur..
et le bien être qu'elles y trouvèrent. - Le monastère
de Saint-Maixent, à la fin de la première race, avait
quinze mille manses, ce qui, en admettant la 'moyenne établie
par M Dureau de la Malle, de quatre habitants et demi par manse, devait
donner soixante-sept ou soixante-huit mille individus placés
sous la dépendance de, l'abbaye.
Les monastères, dans leurs vastes domaines, donnèrent
partout l'exemple de-l'adoucissement progressif de l'état servile
; leurs richesses eurent pour principal emploi le soulagement des .pauvres
et les grands. travaux de défrichement. dont, le souvenir se,
rencontre encore partout dans nos contrées ; les travaux exécutés
dans les marais du Bas-Poitou au Xe sièc!e suffiraient seuls
pour prouver tout ce, que nous leur devons, même au point de vue
matériel (2).
Retour
haut de page
|
USAGES DOMESTIQUES
|
L'agriculture se développait en Bas-Poitou quand les guerres
n'y sévissaient pas. Au pain (3), composé de farine de
millet, d'orge et de bai large (le, froment étant réservé
pour la table du seigneur et des riches), on ajoutait. les produits
de la chasse, de la pêche et des jardins. Les pores entraient
pour beaucoup aussi dans l'alimentation habituelle, bien plus que, les
moutons, dont les troupeaux étaient encore très rares,
et que les bêtes à cornes, dont l'usage culinaire ne remonte
parmi nous qu'à la dernière moitié du Xe siècle.
La boisson la plus ordinaire était la bière ou le-vin.-
En fait de vins on estimait surtout le vin cuit, fait avec des raisins
rouges plus mûrs et plus doux. Un autre mêlé d'aromates
et de miel, s'appelait medum, et était fort recherché
; ce qui fit que sainte Radégonde s'en priva absolument dès
qu'elle fut entrée en religion (4).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Charte citée par de la Fontenelle.
(2) Le Poitou pendant l'époque mérovingienne, par du,
Fougeroux.
(3) Dans les bourgs comme dans les monastères, on était
pourvu d'une boulangerie complète, selon la règle de saint
Benoît (Tuber, T. III, page 4Q2).
(4) Saint Fortunat. - Vie de sainte Radégonde.
|
MONASTÈRES DE NOIRMOUTIER,
DE St-MICHEL-EN-L'HERM,
DE LUÇON ET DE MAILLEZAIS,
NOIRMOUTIER.
|
Quelques années après la mort de saint Martin de Vertou,
un jeune homme, Filibert, élevé à la cour des rois
francs, parcourt les monastères d'Italie, étudie l'esprit
des Benoît et des. Colomban, et fonde mur les rives de la Seine,
non loin de Rouen, la célèbre. abbaye de Jumièges,
puis ensuite Pavilli, Montevilliers, etc.
Aspirant à une retraite plus profonde, et sans doute 'aussi
à de nouvelles conquêtes, il se retire ans l'île
déserte d'Hério; aujourd'hui Noirmoutier, y construit
la petite chapelle de " Notre-Dame du Reclusage ", et vers
677, sous le patronage d'Ansoald, évêque, de Poitiers,
fonde au même lieu une abbaye bénédictine. Le 20
août 690,11 y meurt en odeur de sainteté, et est enterré
dans un caveau qu'on appelle encore la crypte de Saint-Filibert, restaurée
par M. Charier, architecte, et placée sous la voûte du
choeur de l'église actuelle de la paroisse.
En 732, cette abbaye, détruite par les Sarrazins, demeure en
ruines, jusqu'au temps de Charlemagne, qui la fait reconstruire en 801,
et lui accorde, ainsi que ses successeurs immédiats, diverses
immunités. Malheureusement, elle ne peut échapper au sort
commun. Au mois de juin 830, les Normands la ruinent; de fond en comble,
et ses religieux, au nombre de 800 paraît-il, avertis du péril
qui les menace, commencent le long pèlerinage qui les conduit
à Tournus (Saône et Loire).
Plus tard, vers 931, un certain Breton, homme riche et puissant, se
retire dans les ruines de l'ancien monastère d'Hério et
y appelle de nouveaux habitants, mais il ne peut lui rendre son ancienne
importance, et n'en fait qu'un simple prieuré dépendant
de l'abbaye de Tournus.
Retour
haut de page
|
ERMENTAIRE DE NOIRMOUTIER, ÉCRIVAIN DU TEMPS.
|
Parmi les chroniqueurs qui nous ont laissé les souvenirs des
affreux malheurs qui, après Charlemagne, fondirent sur le Bas-Poitou,
il convient de citer, au premier rang, Ermentaire qui, en 860, devint
abbé des moines errants de Noirmoutier, " et qui fut de
toutes leurs transmigrations ". Ii écrivit, et pour ainsi
dire jour par jour, ce qu'il voyait de ses yeux et souffrait de son
coeur, des malheurs publics et des infortunes de ses frères.
On lui doit aussi une histoire de toutes les translations de Saint-Filibert,
auxquelles il avait assisté depuis 836 jusqu'en 863. Il la composa
en deux livres, où il proteste ne rien avancer dont il ne soit
témoin oculaire, ou qu'il n'ait appris de personnages dignes
de foi. Aussi, règne-t-il dans sa narration un air de simplicité
et de candeur qui devient une preuve de sa sincérité.
C'est au milieu de ces récits qu'ayant abandonné l'intention,
d'abord conçue, de raconter les malheurs de la France en un ouvrage
particulier, il introduisit certains passages qui nous en font connaître
des particularités émouvantes. L'écrivain, en maints
endroits, se montre homme de goût, et il ne manque pas d'un style
qui vaut mieux que celui de son temps. Il déploie souvent, avec
un sentiment de douleur, qui attache à son livre, ces secousses
violentes que subit cette belle Gaule dont les richesses, les sites
et la foi religieuse semblaient s'effacer sous les larmes qu'ils lui
faisaient verser (1).
Retour
haut de page
|
SAINT -MICHEL -EN-L'HERM (602).
-ÉTABLISSEMENTS
FORMÉS PAR LES MICHELINS.
|
Des cloîtres de Hério (Noirmoutier), un des derniers asiles
de la civilisation et des lumières dans notre pays, partent en
682, à la voix d'Ansoald, évêque de Poitiers, une
légion de moines. Montés sur de frêles esquifs,
ils abordent cette terre et tendent la main à ces hommes grossiers
pour les convertir s'ils n'ont pas reçu les enseignements de
la foi, pour les fortifier, s'ils sont déjà chrétiens.
Conquérants pacifiques, ils bénissent cette terre sauvage
qu'ils transformeront, et qui s'appellera désormais Saint-Michel-en-l'Herm,
Saint-Michel-du-Désert, à cause de la solitude qu'on y
trouve, soit comme souvenir de l'île d'Her, d'Hério, du
désert.
Le monastère élevé par Ansoald prit de rapides
développements, et bien avant les invasions normandes, des légions
de moines avaient établi des fondations sur plusieurs points
de la Vendée.
Confinés sur leur rocher battu par les flots de l'océan,
obligés comme les moines d'Hério, de vivre à la
façon des mariniers, ils se dirigèrent de préférence
vers les lieux-dont l'accès par eau leur était facile.
Le Bas-Poitou, le pourtour de la portion du golfe où les flots
pénétraient au moyen de canaux naturels, l'Aunis et la
Saintonge, les îles des bords de l'océan reçurent
plusieurs colonies de Michelins, nom qu'on donnait au moyen âge
aux religieux de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm.
La Dive, l'île de Rhé, Châtelaillon, Le Langon,
Sainte-Radégonde-des-Noyers, Saint-Benoît-sur-Mer, l'Aiguillon,
deviennent des prieurés dépendant dés religieux.
Le Lay, dont l'embouchure était alors située près
de l'abbaye, fut, ainsi que ses affluents, sillonné par les barques
des moines qui fondent des établissements religieux, placés
sous leur dépendance, à Saint-Denis-du-Payré, Grues,
Lairoux, la Claye, Curzon, Beaulieu, Saint-André, Mareuil-sur-le-Lay,
Marigny en Saint-Vincent-sur-Graon, Nesmy-sur-le-Graon, Dissais et Saint-Hermand,
sur, la Smagne, Saint-Pierre-de-Vouzon, dans Puymaufrais, l'Angle-du-Lay,
Chantonnay, Saint-Vincent-Sterlanges et Sainte-Cécile.
Sur les rives du Petit-Lay, à Javarsay, Saint-Philbert-du-Pont-Charrault,
Saint-Mars-des-Prés, Montsireigne, les religieux s'établissent,
et de ces prieurés qui, à leur tour, deviendront, des
centres, importants, partiront d'autres colonies qui, presque partout,
iront se fixer sur des points placés sur des. voies romaines
ou sur d'anciens chemins.
De Mareuil, elles se rendront à Belle-Noue, Château-Guibert,
les Pineaux et Thorigny. De Chantonnay, elles gagneront le haut bocage
et planteront leurs tentes aux Redoux, SaintGermain-l'Aiguiller, Ardelay,
les Herbiers, le Petit-Bourg, la Gaubretière, la Verrie, Mortagne,
Evrunes, Cholet, Saint Michel-du-May, dans le doyenné de Vihiers,
etc.
Les rivières la Jaunay et la Vie, leùr servant également
de routes de circulation, ils s'établissent aussi à Saint-Gilles,
Givrand, là Chaize-Giraud, Landevieille, Saint-Ambroise-de-Riez,
Saint Hilaire-de-Riez, puis, prenant la voie qui se dirige vers Durinum,.
ils se posent à la Chapelle-Palluau, la Merlatière, Sainte-Florence
de-l'Oie, et jusqu'à Saint-Pierre-de-la-Lande, non loin de Palluau.
Si l'on songe qu'à partir du e siècle, une foule de
chaussées coupèrent les cours d'eau, que le système
féodal laissa, à partir de cette même date', perdre
ou détruire systématiquement presque toutes les anciennes
voies romaines, on peut affirmer que toutes les fondations dont nous
venons de parler sont antérieures à l'assemblée
de Kiersi-sur-Oise, tenue en 877. Un autre indice n'est pas non plus
à négliger dans la circonstance. Les patronages des églises
et des prieurés que nous venons de mentionner, sont tous empruntés
à la- légende chrétienne et au martyrologe des
sept premiers siècles. Cette nomenclature est caractéristique
; on y trouve: Saint-Sauveur-la-Trinité, Sainte-Marie, Saint-Jean-Baptiste,
Saint-Pierre, Saint-André, SaintDenis, Saint-Nicolas, Saint-Georges,
Saint-Romain, SaintMédard, Sainte-Cécile, Saint-Ambroise,
Saint-Benoît, SaintVincent, Saint-Hilaire, Saint-Maixent, Saint-Philbert.
Donc, il résulte bien de cette quantité de fondations
remontant au moins, pour la plupart, à une, date antérieure
à l'époque de la destruction de l'abbaye-mère par
les Normands, que celle-ci eut, sous les Mérovingiens et les
derniers Carlovingiens, une assez grande importance, et, qu'on devait
même y frapper des tiers de sous et des deniers, d'argent analogues
à ceux, des monastères de Saint-Hilaire, de Sainte-Croix-de-Poitiers,
de Saint-Maixent et de Ligugé.
Le mode de donation des églises aux abbayes, que pratiqua le
régime féodal, auquel présidaient le hasard et
le- caprice des seigneurs, n'eût pu grouper avec autant d'ensemble
et de régularité,ces suites de domaines et de dépendances
d'une même maison religieuse, sur le cours de telle ou telle rivière,
le long de tel ou tel chemin, et on peut en inférer qu'une direction
intelligente et unique présidait à l'édification
de ces nombreuses annexes religieuses qui étendaient leur influence,
sur un, immense. pays.
Après la mort de saint Philbert, ou Filibert,- un voile épais
couvre l'histoire de l'abbaye de Saint-Michel jusqu'au moment des invasions
normandes, et c'est à peine si les chroniques-laissent percer
quelques traits sur les événements importants auxquels
l'abbaye fut, associée. Le plus ancien en date et peut-être
le plus authentique est celui qui a trait aux invasions des Arabes en
France et dont nous avons déjà parlé.
Depuis la bataille de Poitiers, la vie de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm
resta unie à la vie d'Hério probablement jusqu'au moment
de l'invasion des Normands.
Dès 826, Hibold, qui tenait alors en mains le bâton abbatial
de Noirmoutier, avait donné l'ordre de prendre des précautions
pour défendre Saint-Michel. La résistance s'organise,
les côtes se hérissent de forteresses, Maillezais a la
sienne, et à Chaillé-les-Marais, on chante encore peut-être
aujourd'hui dès couplets populaires où l'on parle des
fortifications élevées contre les Normands (2).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Chifflet, histoire de Tournus. - Mabillon-Rivet, histoire
littéraire. - Auber, histoire du Poitou, T. Y, pages 126 et 127.
(2) Histoire de l'Abbaye royale de Saint-Michel-en-l'Herm,
par L. Brochet.
|
LUÇON. - ÉVÉNEMENTS
DIVERS
|
L'abbaye de Luçon (1) fut fondée aussi à la fin
du vue siècle, très probablement par saint Filibert lui-même.
Ce ne fut primitivement qu'un simple domaine, ensuite un prieuré
dépendant de Noirmoutier, et cet état de choses dura sans
doute jusqu'à l'invasion des Normands. Ermentaire, abbé
de Noirmoutier, dont nous avons déjà parlé, et
auteur de la vie de saint Filibert, qualifie le prieuré, de Luçon,
ou plutôt le simple domaine dépendant de l'abbaye-mère
de (vicus noster), mais il faut reconnaître que Tournus, devenu
chef d'ordre, revendiqua probablement en vain, la suprématie
sur Luçon.
Quoi qu'il en soit, au mois de mai 853, les pirates normands y portèrent
la dévastation, l'incendie et la mort. Il ne sortit de ses ruines
qu'à la fin du IXe siècle, ou plutôt au commencement
du e. Un texte relaté dans le Gallia-Christiana, nous apprend
en effet, qu'en $77, il n'était qu'un amas de décombres.
Avant d'arriver à des temps plus heureux, l'humble monastère
de Luçon avait à passer encore par bien des désastres.
Si, d'un côté, il devenait abbaye indépendante,
vers la première période de l'organisation féodale,
et était rebâti sur un plus vaste plan, sa prospérité
naissante excitait, de l'autre, l'envie des seigneurs laïques,
entre autre du terrible comte Gui-Geoffroy, qui l'incendiait de nouveau
en 1067-68, et-dispersait ses religieux. Vingt-trois ans plus tard,
en 1091, il renaissait encore une fois de ses cendres, et son église
était consacrée le 15e jour avant les calendes de mai
(19 avril 1121).
Le XIIe siècle fut plus favorable à l'abbaye; des donations
nombreuses lui arrivèrent, et, avec les biens de la terre, les
moyens d'étendre son influence religieuse sur tout le territoire
bas-poitevin. Parmi ses bienfaiteurs, figurèrent en première
ligne Henri II, roi d'Angleterre, et la fameuse Éléonore
d'Aquitaine.
A partir de ce moment, Sainte-Marie-de-Luçon ne s'arrête
plus_ dans sa marche ascendante. Les premiers desséchements des
marais voisins furent, surtout pour elle une nouvelle source de prospérité,
et son importance devint telle que le pape et le roi de France, songeant
à former un évêché de la partie, la plus
occidentale de celui de Poitiers, durent naturellement jeter les yeux
sur elle pour en être le siège à partir de 1315
(2).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) MM. Poey-d'Avant, Fortuné Parenteau et B. Fillon,
ont recueilli, près du ténement du Fresne, des haches
gauloises, des monnaies romaines du haut empire, et des briques à
rebord. On connaît en outre une monnaie gauloise de la dernière
période, frappée probablement sous Auguste, qui porte
la légende LVCCIO, et que B. Fillon attribue à Luçon
, se fondant sur la ressemblance complète qui existe entre cette
monnaie et celles aux légendes ATECTORI, CONTOVTOS, ANICOIOS,
petits bronzes fabriqués, selon lui, dans le voisinage du golfe
poitevin. M. de la Saussaye, ancien recteur de l'académie de
Poitiers, veut au contraire voir dans LVCCIO le nom d'un chef gaulois.
Quoi qu'il en soit, l'origine gallo-romaine de Luçon est évidente,
et rend inadmissible l'opinion qui tend à faire croire à
sa fondation par Lucius, qualifié d'irnpérialis, aussi
bien que la légende de Lucius et de Lucio.
(2) Pouillé du diocèse de Luçon,
Aillery,.XVI.
|
LÉGENDE POITEVINE (IXe
siècle)
|
La vierge Solange habitait la paroisse de Saint-Martin-du-Cros (maintenant
Sainte-Soulanges, à trois lieues de Bourges). Le jeune Bernard,
fils d'un comte de Poitiers, qui avait entendu parler de sa merveilleuse
beauté, alla chasser- un jour sur les terres de Villemont, et
la rencontre gardant ses moutons dans les brandes. Épris d'une
violente et soudaine, passion (ut vidit ut periit), il se jette à
ses pieds, lui promettant de la faire dame et comtesse du pays, si elle
cédait à ses désirs. La bergère répondit
qu'elle était la fiancée du Christ, et, effrayée
des fougueux transports du seigneur aquitain, prit la fuite à
travers les bruyères. Bernard, la poursuivant à course
de, cheval, l'atteint, la saisit par ses longs cheveux, l'enlève
et la jette en travers sur le côté de sa monture, puis,
partant au galop, l'emporte en lui prodiguant les prières et
les menaces, les caresses et les violences. Solange se tord, se débat,
glisse et tombe à terre. Comme elle relevait vers le ciel sa
tête suppliante, l'homme du midi, fou de désir et de colère,
tire son épée, frappe sans voir, et la tête de la
bergère tombe en murmurant trois fois le nom de son céleste
époux.
C'est bien là une tradition populaire : c'est une sainte qui
est la propriété du peuple; sa gloire n'a pas pour piédestal,
comme bien d'autres martyrs, d'invraisemblables miracles et de superstitieuses
croyances, c'est une victime. humaine frappée par une passion
humaine; c'est le peuple personnifié dans cette jeune fille,
dont les douleurs sont incessantes. au milieu des agitations sociales
; c'est le symbole de sa passion toujours renouvelée, de ses
blessures toujours saignantes, lorsque le fer est appelé à
décider les choses humaines (1).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Guérinière, T.II, page 258
|
LA LÉGENDE DE LA JEUNE
FILLE POURSUIVIE DANS
L'ÉGLISE DE MAREUIL PAR UN DE LA TRÉMOUILLE
|
Un seigneur de Mareuil poursuivait depuis longtemps, de ses assiduités,
une jeune fille aussi belle que vertueuse. Promesses, menaces, rien
n'avait pu faire dévier la jeune paysanne du chemin de l'honneur,
et l'irritation du gentilhomme était devenue tellement grande
qu'il s'oublia, un jour qu'il revenait de la chasse, jusqu'à
s'élancer à cheval après sa victime, qui s'était
réfugiée dans l'église.
Mais à peine était-il arrivé devant le choeur
que le cheval, comme arrêté par une main invisible, tombe
à la renverse avec son cavalier. En vain le seigneur veut-il
se relever, une force surhumaine le cloue au parvis de l'église,
comme jadis Héliodore dans le temple de Jérusalem.
Le remords et la crainte s'emparant de tout son être, il demande
pardon à Dieu et aux hommes, et prend pour lui et les siens l'engagement,
s'il est délivré, de fournir à perpétuité
l'huile qui brûle devant l'autel.
Et voici comment, disent les bonnes gens du pays, un de La Trémouille
paye encore aujourd'hui les frais du luminaire? (1).
Retour
haut de page
|
L'ABBAYE DE MAILLEZAIS (959).
- SON IMPORTANCE.
ROLE DE CERTAINS ÉVÊQUES
|
L'abbaye de Maillezais fut fondée dans l'île de ce nom,
trois siècles environ après celle, de Luçon. Guillaume
IV, duc d'Aquitaine et comte de Poitou, chassait souvent dans les forêts
qui couvraient alors l'île de Maillezais, où les comtes
de Poitou avaient fait élever un château et une église
sous le vocable de Saint-Hilaire ; mais cette église avait été
détruite par les Normands. Vers l'année 959, le comte
Guillaume se livrait aux plaisirs de la chasse, lorsque ses chiens poursuivirent
un sanglier jusque dans un souterrain voûté, couvert d'arbres
et de halliers, où l'on découvrit trois autels, restes
de l'église de Saint-Hilaire. La duchesse Emma, sa femme, fille
de Thibaut-le-Tricheur, comte de Blois, l'engagea aussitôt à
rebâtir ce temple. Le bâtiment fut commencé au lieu
qu'on a appelé depuis Saint-Pierrele-Vieux, envers l'année
972, des moines, au nombre de douze, s'y installèrent, sous la
direction de Gaubert, abbé du monastère de Saint-Julien-de-Tours,
parent de la duchesse.
De graves dissentiments étant survenus entre Emma et son époux,
le nouveau monastère fut donné aux religieux de l'abbaye
de Saint-Cyprien de Poitiers, et les moines qu'Emma avait fait venir
de Tours furent renvoyés. Cependant Guillaume V,o leur fils,
ne se borna pas à rappeler les moines dans l'église, mais
encore les possessions dont le ressentiment de son, père les
avait fait dépouiller, leur furent rendues. De plus le fils d'Emma
transféra ,à sa prière, les religieux dans le château
des comtes du Poitou, placé à Maillezais, et leur abandonna
la propriété de l'île entière (1). Lui-même
sentant sa fin approcher, se retira à Maillezais et y termina
sous le froc., une vie passée au faîte des grandeurs. La
protection accordée par ce prince aux moines de Saint-Pierre
leur fut continuée par ses successeurs. De nombreuses chartes
attestent la munificence des souverains du Poitou envers les religieux
de Maillezais, et, grâce à ces princes, le monastère
se trouva promptement placé au rang des communautés les
plus riches et-les plus renommées de la province.
L'abbaye de Maillezais était devenue, dès le commencement
du XIIe siècle, 'le rendez-vous d'un grand nombre de fidèles.
Plusieurs personnages, y avaient embrassé la vie monastique ;
d'autres, parmi lesquels on compte trois ducs d'Aquitaine, avaient voulu
que leurs dépouilles mortelles y fussent déposées
Deux abbayes s'étaient soumises à son obédience
; plusieurs monastères avaient choisi leurs abbés parmi
ses religieux, et c'est aussi parmi les moines de Saint-Pierre que l'église
de Saintes était venue chercher un évêque, l'abbé
Goderan, qui avait été précédemment chapelain
de Saint-Hugues de Cluny. Un jour, renonçant aux grandeurs de
l'épiscopat et abandonnant son siège, il reprit le chemin
de son ancienne abbaye, où il mourut en 1073. Sa crosse abbatiale
fut trouvée dans la grande nef de l'église, en 1835, avec
l'anneau pastoral en or : le tout faisait partie de la collection Poey-d'Avant.
Grâce à la sage administration et aux travaux des Bénédictins
qui firent construire l'église actuelle de Maillezais, d'abondantes
récoltes couvrirent le sol resté inculte depuis l'invasion
des Normands, et les vastes marais que formait la Sèvre, ne tardèrent
pas à se convertir en excellents pâturages qui sont de
nos jours une source de richesses. Mais de plus hautes destinées
étaient réservées à la fondation de Guillaume
et d'Emma. En 1317, Georges Pouvreau, abbé de Maillezais, était
sacré -à Avignon et devenait premier évêque
de Maillezais. La bulle d'érection .conférait le titre
de cité à la simple bourgade de Maillezais qui, en 1618,
perdait son titre d'évêché au profit de la Rochelle.
Église de Maillezais
Quatre évêques de Maillezais furent conseillers de nos
rois. Trois furent revêtus de la pourpre romaine. Pierre de Thury,
évêque de Maillezais en 1382, cardinal en 1385, fut maître
des requêtes sous Charles VI, légat apostolique pour le
royaume, de Naples : sous Clément VII, et mourut en 1112 ou 1117,
après avoir puissamment contribué à l'extinction
du grand schisme d'Occident. Georges d'Estissac, ami de Rabelais, cultiva
les lettres, les jardins, les fleurs, les arts. Ce fut lui. qui fit
construire, vers 1510, à la moderne, tout le choeur de la cathédrale.
Sous son épiscopat l'abbaye de Maillezais comptait 25 religieux
et 6 convers.
La juridiction de l'évêque de Maillezais s'étendait
sur 228 paroisses, 148 prieurés et 9 abbayes.
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) La donation est de l'an 1000, et dès 1003,
le monastère fut érigé en abbaye sous la direction
de Théodelin, juif d'origine, et successeur de Gaubert. La nouvelle
église abbatiale, dont il existe encore des restes imposants,
fut consacrée en 1016, par Gombaud, archevêque de Bordeaux,
en présence du duc, de la duchesse et d'un nombreux clergé.
|
INVASION DES NORMANDS EN
BAS-POITOU
CRÉATION DU COMTÉ D'HERBAUGES.
- DROITS DES MOINES DE NOIRMOUTIER DE POSSÉDER DES NAVIRES, -
NOUVEAUX DÉSASTRES 831-835.
|
Notre pays avait eu à peine le temps de panser ses plaies, sous
la sage et intelligente administration de Charlemagne, qu'une , invasion
plus terrible que :toutes celles connues jusqu'alors allait fondre sur
le Bas-Poitou, et le couvrir de ruines.
Le grand empereur venait de descendre au tombeau, après avoir
vu, dit Boulineau, les premières barques de pirates redoutables
sillonner la mer aux environs des Sables-d'Olonne (1).
Venus du Danemark, de la Suède et de la Norwège, écumeurs
des mers et des rivages, se jouant dans leurs frêles nacelles
des flots et des tempêtes, les Normands (hommes du nord), indomptables
par leur caractère, pillant les églises, niassacrant les
prêtres, se réjouissant après une dévastation
d'avoir chanté aux chrétiens la messe des lances, qui
avait duré jusqu'à la nuit ", cinglent vers les côtes
vendéennes.
Vaincus, ils se hâtent de regagner leurs vaisseaux ou leurs places
de refuges vainqueurs, ils poussent plus loin leurs pillages et disparaissent
bientôt, avant de laisser réunir contre eux de nouvelles
forces.
En 820, ils menacent Noirmoutier, brûlent le prieuré
de Beauvoir, s'emparent de l'île de Bouin, la pillent, font prisonniers
ses habitants et repartent chargés de butin pour leur pays, d'où
nous allons les voir revenir bientôt pour causer encore de nouveaux
désastres.
Pour protéger à la fois et les îles menacées
et le continent qui les avoisinait, on décida la création
du comté d'Herbauges, vaste possession militaire ayant pour chef-lieu
Ratiatum, aujourd'hui Rezé, délimité vraisemblablement
au nord par la Loire, à l'est par la Sèvre-Nantaise, au
midi par le Grand Lay, à l'ouest par l'Océan. Deux pagus
moins considérables, Manges et Tiffauges, se trouvaient renfermés
dans ces limites. Ce comté renfermait donc des forces militaires
assez importantes, pouvant à l'improviste se porter sur des points
menacés (2).
L'île de Noirmoutier était surtout convoitée par
les Normands, et dès 825, en prévision de dangers prochains,
Hibold, abbé de Noirmoutier, fortifiait l'île et obtenait,
le 18 mai, de Louis et de Pépin, fils de Louis le Débonnaire,
le droit de posséder six navires, pour vendre, acheter, transporter,
et conduire sur toutes les rivières du royaume, tout ce qu'il
jugerait à propos pour le bien et l'utilité de ses deux
monastères de Noirmoutier et de Déas (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu).
Malgré ces précautions, et profitant des funestes divisions
des fils de Louis le Débonnaire, les pirates, sous la conduite
du célèbre chef normand Hastings, s'emparent de Noirmoutier
au mois de juin 830, ainsi qu'on l'a déjà vu, brûlent
le monastère, renversent les derniers murs et disposent les fortifications
de manière à s'en servir néanmoins, eux-mêmes,
l'année suivante. Renaud ou Raynaud., comte d'Herbauges, occupait
Noirmoutier avec des -forces considérables ; mais enhardis par
de nouveaux succès dans la Flandre et dans la Frise, les Normands
se présentèrent, le 19 août 835, en face du port
nommé la Conque, avec neuf vaisseaux de haut bord portant dans
leurs flancs une cavalerie nombreuse. Le débarquement eut lieu
le 20, jour de la fête de saint Filibert, mais la résistance
courageuse de Renaud et des insulaires qui se portèrent en foule
aux remparts, eut raison de la bravoure des Normands. Quatre-cent quatre-vingtquatre
ennemis jonchèrent le champ de bataille, dit Ermentaire, et beaucoup
de cavaliers tués indiquaient les pertes de l'ennemi qui, rendu
furieux par cet échec, revenait en septembre avec des forces
plus considérables, s'emparait de l'île abandonnée
par les moines et les habitants, et en faisait une sorte de quartier
général où il apportait le fruit de ses expéditions.
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Thibaudeau dit que c'est par là qu'ils entrèrent
dans le Poitou, en 817, T. i, page 156.
(2) D'un contrat passé en 943 entre Guilhem Tête
d'Etoupe, duc de Guyenne et Alain Barbetorte, comte de Bretagne, il
appert que les seigneuries d'Herbauges, de Mauges et de Tiffauges, qui
faisaient partie de l'ancien hommage du Poitou s'étendaient jusqu'à
la Loire. Ce fait, cité par Argentré, peut être
rapproché des capitulaires de Louis le Débonnaire, ordonnant
à son fils Pépin I", roi de Guyenne, de, mettre ordre
à la perfection des levées de la Loire. A cette dernière
date, le comté des Herbiers était soumis à la suzeraineté
des comtes de Nantes. (La Fontenelle de Vaudoré; Histoire des
évêques de Luçon, Tome I)
|
AUTRES RAVAGES
|
Remontant le cours de la Sèvre-Niortaise, les Normands saccagent
Marans, Damvix, Coulon, Magné, Niort. Par le cours de l'Autise,
ils jettent des troupes, dans l'île de Maillezais qu'ils ruinent
de fond en comble, ainsi que Maillé, pendant que d'autres pirates
portent le fer et le feu dans les contrées de Mauges, de Tiffauges
et d'Herbauges (843). Devant les Herbiers, la fortune des armes les
abandonna pourtant. Beggon ou Beggo, marié à Alpaïde,
fille de Louis le Débonnaire, et qui avait succédé
à Renaud (1), vint au secours des Herbiers et infligea aux Normands
une sanglante défaite ; ils furent plus heureux devant Durinum
(Saint-Georges-de-Montaigu). Le monastère fondé par saint
Martin de Vertou tomba entre leurs mains et fut complètement
ruiné.
Revenus dans Noirmoutier, pour faire le partage du butin, et ne pouvant
se mettre d'accord sur la répartition-, ils arrivèrent
à se battre entre eux. Profitant de cette lutte, les prisonniers
se jetèrent dans les bois, et quand la mêlée eut
pris fin, les combattants, saisis d'une terreur superstitieuse en voyant
la terre jonchée de leurs morts et de leurs blessés, se
hâtèrent (8è3) de remonter sur leurs vaisseaux qui
furent détruits en partie dans une tentative de débarquement
devant la Corogne.
C'est sur ces entrefaites que se livrait, aux confins du Bas-Poitou
et de la Bretagne. le combat du Blaison, où Begon, comte de Poitiers,
trouva la mort.
Retour
haut de page
|
COMBAT DU BLAISON, PRÈS LA GUÉRINIÈRE, EN
SAINT-HILAIRE-DE-LOULAY (844)
MORT DE BEGON, COMTE DE POITIERS
|
Begon, beau-frère de Charles le Chauve, qui avait succédé
à Renaud comme comte de Poitiers, résolut. de se débarrasser
de l'ancien comte Lambert, qui conservait sa. domination sur une partie
du. territoire poitevin et dont, les neveux Waifre (2), Rainier et Gérard,
occupaient la région des Mauges, de Tiffauges et des Herbiers.
Il commença par marcher contre Waifre, qui détenait une
partie du comté d'Herbauges et qui se. hâta de battre,
en retraite. Mais ce n'était qu'une feinte simulée. Au
moment où Begon allait franchir le Blaison (3), au lieu dit,
la Guérinière, entouré de bois épais, il
fut cerné subitement parce même Waifre qu'il croyait bien
loin, et qui, s'étant rallié à ses deux frères,
revenait avec eux pour l'attaquer de toutes parts. Il se vit donc traqué
de tous les côtés à la fois.. La position ne lui,
était pas favorable. Au nord, un tertre élevé rendait
le terrain fort inégal. Une déclivité assez rapide,
où l'on trouve encore des débris d'une antique construction
fortifiée, que la tradition attribue à Begon, n'existait
pas alors, et de ce côté un plateau presque régulier
se couronnait de quelques roches abruptes. C'est là, près
de ce ruisseau, tout proche de la voie romaine de Rezé à
Saint-Georges-de-Montaigu, que Begon fut atteint par ses ennemis. Poursuivi
par Waifre, au milieu de la mêlée, il fut, dans une sorte
de duel, renversé de son cheval et précipité dans
le cours d'eau, où le malheureux prince, embarrassé dans
sa lourde armure, trouva la mort. Il fut inhumé dans la chapelle
du monastère de Saint-Georges-de-Montaigu. A la suite de cette
victoire, l'autorité de Waifre s'affermit si. bien que les trois
pagus de Mauges, de Tiffauges et d'Herbauges furent dès lors
séparés du Poitou et réunis pour un temps au comté
de Nantes(4).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) En 839, au moment, où les divisions des fils
de Louis le Débonnaire ensanglantaient la France, Renaud s'était
rendu à Flatters, auprès de l'empereur, pour lui jurer
fidélité. - Le 25 juin 841 il prend, comme partisan de
Charles le Chauve, part à la sanglante bataille de Fontanet.
Pourvu, en récompense de sa vaillance, du comté de Nantes,
enlevé au comté Lambert, il fut, le 22 juin 843, tué
dans le village de Blain, sur la route de Nantes à Ancenis, où
il se reposait, par Héripouy ou Hérispogius, fils de Noménoée,
tyran de la Basse-Bretagne. Son fils, Henri, fut pendant quelque temps
comte d'Herbauges.
C'est à Fontenay-le-Comte que Lambert de Nantes et Renaud d'Herbauges,
réunirent les troupes levées en Bretagne et en Bas-Poitou,
pour aller au secours de Charles le Chauve. - Les serments de Strasbourg,
prononcés en 842, après Fontanet, par Louis de Bavière
et Charles le Chauve, constituent les premières lignes écrites
en français qui soient parvenues jusqu'à nous. - On, prétend
que c'est â, cette: occasion- que prirent naissance les tournois.
(2) Certains auteurs disent Gonfler.
(3) Le Maison prend sa source aux Brouzils, canton de Saint-Fulgent,
et va se jeter dans la Sévre-Nantaise,, près Saint-Fiacre,
après avoir traversé le territoire de L'Herbengement,
de Saint-André-Treize-Voies,. de Remouillé et d'Aigrefeuille
ne coule guère à plein bord que pendant l'hiver, et reste
souvent à sec pendant ;une grande partie de l'été,.
(4) Auber; T. IV, page 462. -- D'autres auteurs placent ce combat
en l'année 853.. Cette dernière date nous parait plus
vraisemblable.
|
NOUVELLES INVASIONS DES NORMANDS
|
En 816, les Normands reprenaient leurs courses sur les rivages de l'Ouest,
incendiant les églises et les monastères, dépouillant
surtout les châsses de leur riche matière, de leurs pierreries
et de leurs bijoux émaillés, les sanctuaires de leurs
vases sacrés, de leurs meubles précieux, etc. Au mois
de juillet 816, ils s'emparaient du petit port des Sables, de l'île
d'Aix, de l'île d'Oléron, et du monastère de l'île
Dieu, mais ils échouaient dans leurs tentatives contre ceux de
Luçon et, de Saint-Michel-en-l'Herm.- Celui de Noirmoutier, avec
le château, connut encore cette fois les horreurs des invasions
danoises. Tout fut détruit de nouveau : il ne resta que les traces
d'un vaste, incendie et une solitude si complète, que les murs
noircis par les flammes auraient fait donner, selon Dufour et l'abbé
Du Tressay, à la pauvre île désolée, le nom
de Noirmoutier, qu'elle n'aurait eu que depuis lors.
Couverts des dépouilles de l'Armorique, les Normands se jettent
de nouveau sur le Bas-Poitou, dans le pays d'Herbauges, qu'ils inondent
encore de leurs hordes, traversent cette région dans tous les
sens et n'en font qu'un monceau de décombres. .
Cinq ans après, et de 853 à 860 salis interruption, la
Vendée fut pillée impunément-par' ces barbares
le' prieuré de Luçon, malgré les marais et les
bois qui l'entouraient, fut ruiné, pendant que Noirmoutier demeurait
toujours aux mains des pirates. En 875, le siège abbatial était
transféré à Tournus (Saône et Loire), après
un -long et douloureux pèlerinage des moines. Noirmoutier, constamment
exposé aux coups des barbares, ne fut plus dès, lors qu'un
simple prieuré, auquel on essaya vainement de rendre une certaine
importance vers 934
Le 4 octobre 853, les Normands infligeaient encore aux portes de Fontenay,
à Brillac, hameau situé sur les bords de la Vendée,
non loin de Velluire, un échec sanglant. A Rainulfe; comte de
Poitiers et à Raymond;-comte d'Herbauges; faisant de cette malheureuse
région une affreuse solitude, y renversant tout " n'y laissant
que le silence et la destruction (1).
En 855, laissant leurs vaisseaux à l'embouchure de la Loire,
ils traversèrent tout le Poitou, mais attaqués par toutes
les forces de l'Aquitaine, ils essuyèrent une sanglante défaite,
reparurent encore un peu plus tard sous les murs de Poitiers, furent
vaincus de nouveau, triomphèrent enfin par surprise dans un combat
où Rainulfe, comte du Poitou et le comte de la Marche perdirent
la vie.. Poitiers fut alors pillé de fond en comble et livré
aux flammes : les Normands chargés de butin, gagnèrent
leurs navires (2).
L'année 877 fut encore signalée par de nouvelles courses
des Normands, et le Bas-Poitou souffrit plus que jamais de leurs fureurs
sanguinaires, et quand Luçon et Saint-Michel-en-l'Herm, qui furent
saccagés de fond en comble, sentirent les approches de l'ennemi,
les moines transportèrent tout dans la chapelle du château
de Thouars, et y ensevelirent leurs trésors sous l'autel, là
où le prêtre tient ses pieds quand il chante la messe.
"
Mareuil et toutes les localités bordant le Lay furent saccagées
cette même année 877, et pendant près de 80 ans,
les pirates s'établirent sans interruption sur les rives du petit
fleuve, répandant partout la terreur et la mort.
En 881, ils massacraient les paisibles populations de Maillezais et
les Colliberts. En 895, ils reparaissaient encore en Bas-Poitou, et
en 958, débarquaient de nouveau à la 'pointe orientale
de File de Maillezais, pendant que Guillaume Fier-à-Bras se reposait
dans la localité voisine d'une partie de chasse, mais ils disparurent
bientôt, sans laisser plus de traces de cette expédition
sur le terrain que dans l'histoire.
L'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, qui avait encore été
détruite en partie en 938, ne se relevait définitivement
de ses ruines qu'en 962, pour être reprise parles Barbares 43
ans plus tard.
Au mois de juin 1008, les pirates se présentèrent encore
suries côtes de Saint-Michel-en-l'Herm, firent prisonnière
Emma de Périgord, femme de Guy fer, comte de Limoges, qui était
allée au couvent faire un pèlerinage, et l'emmenèrent
dans leur pays où elle demeura pendant 3 ans. Elle ne fut délivrée
que contre forte rançon formée en partie par l'abbaye
de Saint-Michel et le trésor de saint Martial.
En 1018, ils reparurent, mais pour la dernière fois, sur nos
côtes, débarquèrent dans les parages de, Saint-Michel-en-l'Herm,
occupèrent l'île de Ré et couvrirent de leurs innombrables
navires toute cette portion (le nos côtes, appelée encore
mer Aquitanique.
Après plusieurs combats violents que leur livra le comte du
Poitou Guillaume V, et des pertes cruelles de part et d'autres, les
Danois virent que les temps étaient changés, que des donjons
fortifiés couvraient le pays et en assuraient la défense,
et malgré leur expérience de la guerre, comprirent qu'il
fallait renoncer à faire de la France un pays conquis.
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Dufour prétend au contraire qu'ils furent vaincus
par les Poitevins, mais les autres historiens sont d'un avis différent.
(2) De Gestis Francorum, lib. VIII. - Annal Bertiniani.
|
SOUTERRAINS-REFUGES
|
C'est aux invasions normandes que l'on, doit faire, remonter vraisemblablement
l'origine de la plupart des souterrains-refuges qu'on découvre
souvent encore dans nos campagnes. A Réaumur, au Tallud-Sainte-Gemme,
à Petosse, à la Cacaudière de Pouzauges, à
Chalais de Saint-Pierre-le-Vieux, d'étroites allées conduisent
à de vastes salles, où les parois du roc, noircies par
la fumée des lampes, attestent l'emploi de la lumière
artificielle. Certains détours étaient renforcés
par des portes solidement barricadées contre les découvertes
possibles de l'ennemi, et il n'y avait pas jusqu'à des puits
profonds ménagés dans les couloirs factices, où
les envahisseurs se fussent perdus sans retour, s'ils étaient
tombés en ces pièges inattendus (1).
Retour
haut de page
|
NOTES:
(1) Auber. - Histoire du Poitou, T. V, page 13. - Louis
Brochet. - Les souterrains-refuges de Chalais.
|
|
|
|