La Vendée, dont le nom, célèbre dans le monde entier,
a comme de prestigieux et magiques accents, faisait, avant la Révolution,
partie de la province du Poitou, fameuse dans les fastes de l'histoire
nationale.
Le choix de ce nom de Vendée, que les Constituants trouvèrent en 1790,
lors de la réorganisation administrative de la vieille France, fut des
plus heureux.
Par sa forme brève et concise, il s'est merveilleusement prêté à désigner
un peuple que son héroïsme devait faire qualifier, par le plus grand
capitaine des temps modernes « de peuple de géants ».
Il convenait admirablement aussi à désigner une unité sociale constituant
un des rares départements de France qui ait son histoire particulière. Car
sous des noms différents avec son unité dans le passé comme dans le
présent, la Vendée est un pays qui, suivant la juste expression
d'Emmerdée Thierry, a présenté à toutes les époques, un remarquable
caractère d'énergie et de grandeur.
Distincte du reste du Poitou par sa constitution physique, non moins
par les mœurs que par le caractère de sa population, c'est une région
naturelle où se fait la transition des climats, des peuples et des races.
La Vendée est une sorte de région moyenne où s'établit l'équilibre de
la France, au jour des grandes lattes et des grands dévouements.
Située au sud-ouest de l'antique Aquitaine, sur les bords de l'immense
Océan, la Vendée, comme la Bretagne, plonge par les nombreux monuments
mégalithiques dont elle est parsemée, jusqu'aux époques les plus lointaines
de l'histoire.
Toutes les périodes de la vieille Gaule et de la vieille France ont
sur ce sol labouré par les révolutions, des représentants et des témoins
éloquents dans les fastes de l'histoire, dans les usages, dans les reliques
du passé.
Ce pays a vu César, Saint-Louis, le Prince Noir, Duguesclin, Henri IV,
Louis XIII, Napoléon...
Il a vu les conquérants, les armées étrangères fouler son sol et il
les a vaincus.
Il a vu naître aussi ou donné l'hospitalité à de grands écrivains et
de grands penseurs.
C'est à Fontenay que Rabelais s'est fait moine.
Non loin de Bressuire, Commines a écrit ses mémoires.
C 'est à Maillé qu'Agrippa d'Aubigné a fait imprimer la première édition
de son Histoire universelle.
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A côté de noms illustres à divers titres, comme ceux de Saint-Hilaire,
de Mauléon, de la Trémouille, de Vivonne, Viète, Tiragueau, Brisson,
Nicolas Rapin, de la Rochejaquelein, d'Elbée, Stofflet, de Lescure,
de Charette, l'histoire de la Vendée a fourni aux romanciers les contes
populaires de Mélusine, de Barbe-Bleue et de Guillery:
Elle est pleine de gracieuses légendes, de touchantes
traditions, d'attachants épisodes.
Pendant le moyen âge, la Vendée fut le siège d'une aristocratie forte
et indépendante. Elle devint au XVIe siècle un des plus ardents
foyers de la guerre religieuse.
C'est à Luçon peut-être, au milieu de la noblesse si indépendante de
la Vendée, que le fameux cardinal de Richelieu conçut la pensée d'abaisser
et de détruire l'aristocratie qui résistait à sa volonté despotique.
Enfin, lorsque l'unité nationale est sur le point de s'accomplir, un
cri de résistance s'échappe de notre pays : ce cri est le signal d'une
longue et sanglante lutte contre des armées aguerries, conduites par
de grands capitaines qui s'appellent Kléber, Hoche, Marceau.
Cette dramatique période de notre histoire est le dernier événement
qui atteste la puissance provinciale c'est son dernier effort, sa dernière,
mais formidable protestation, contre l'envahissement de l'unité.
Pays historique et enchanteur, extrémité du monde antique, que les
brises de la mer tempèrent et rafraîchissent, que tant de cours d'eau
fécondent et dont le soleil réchauffe les plaines.
La Vendée, pays de quartz et de granit, couvert encore, sur certains
points, de rudes bruyères et de sombres ajoncs, ombragé de chênes séculaires,
sillonné de collines verdoyantes, de ravins sauvages, de torrents impétueux,
et puis semé de paysages qu'eût chantés Virgile:
Lacs endormis dans les bois, vallons
embaumés, ruisseaux perdus sous les fleurs...
Et partout ce grand livre des monuments, où le passé se lit en lettres
de pierres; terre de Géants arrosée depuis de si longs siècles par tant
de sang; illustrée par tant de lauriers; telle est la Vendée que nous
voulons faire connaître et décrire avec le sentiment profond de la vérité,
le respect absolu de toutes les convictions et de toutes les croyances.
Répondant à un appel éloquent fait, il y a quelques
années, par l'érudit président de la Société d'émulation de la Vendée,
nous allons essayer de redire l'histoire de ce coin de France qui, naguère
encore, calomnié par les ignorants et les aveugles, passionne aujourd'hui
les savants, les poètes, les philosophes et les artistes.
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Dans l'étude que nous entreprenons, nous embrasserons la Vendée depuis
ses origines les plus recalées jusqu'à nos jours.
Nous irons chercher le druide dans la forêt sacrée, le patricien romain
dans sa riche villa, le baron féodal derrière son formidable et sombre
donjon, le religieux au fond de son monastère, l'agriculteur derrière
sa charrue, l'artiste dans son atelier, le poète dans sa solitude, l'écrivain
dans son cabinet, le navigateur sur la « plaine qui se sillonne d'elle-même
», le guerrier sur le champ de bataille, l'explorateur sous les feux
des tropiques, ou dans les sables du désert.
Au milieu des transformations sociales qui s'opèrent et qui, peu à
peu, changent la face des sociétés et des nations, notre Vendée touche
de plus en plus à une vie nouvelle mais non pas à la mort comme l'ont
murmuré quelquefois des esprits par trop chagrins, et c'est pour cela
que nous voulons tracer à la fin du siècle qui s'achève, un portrait
d'ensemble aussi fidèle que possible, d'une des plus anciennes et des
plus nobles parties de la France.
A défaut d'un génie qui pourrait donner à ses traits le sceau de l'immortalité,
nous avons du moins la piété filiale qui les rendra fidèles: ce sera
là notre principal mérite.
C'est dans cet esprit que nous entendons écrire l'histoire générale
de la Vendée; si nous la comprenions autrement, l'œuvre de nos ancêtres
rendrait la nôtre inutile.
L'abbé Baudry, Legrip, Auber, de Chergé, en ont rapporté les traditions
et les légendes; les savants Besly, Thibaudeau, Cavoleau, Dreux-Duradier,
Beauchet-Filleau, Crétineau-Jolly, de la Fontenelle de Vaudoré, Audé,
de la Boutetière, de Sourdeval, Arnaud, du Tressay, Marchegay, Lièvre,
les abbés Aillery, H. Boutin et Teillet, Petiteau, Puichaud, Pitre-Chevalier,
la marquise de La Rochejaquelein, De Brem, Dugast-Matifeux, Giraud,
Viaud-Grand-Marais, Brethé, Merland, Charrier, de Rochebrune, Fillon,
Gallet, Chassin, Eug. Louis, Bitton, Bourgeois, etc., ont patiemment
amassé le trésor des documents constitutifs de ses annales.
Mais si chacun de ses écrivains, avec l'autorité de son talent, s'est
emparé d'une portion de l'histoire de la Vendée, personne n'a encore
essayé jusqu'ici de résumer tant d'études spéciales, dans un travail
véritablement général et complet, assez étendu pour tout comprendre,
et assez restreint pour être populaire.
C'est précisément ce vide que nous avons essayé de combler, Que les
auteurs dont nous avons cité les noms, que ceux dont le souvenir pourrait
nous échapper ici, reçoivent à cette Place, l'assurance de nos sincères
remerciements, car c'est à eux que nous devons le meilleur de notre
travail.
Nous avons comme eux, fouillé la mine historique, les sources originales,
les bibliothèques publiques et privées, les publications de toutes natures,
les cabinets de médailles, les collections particulières de toutes sortes,
vases, émaux, faïences, porcelaines...interrogé le soi du pays qui est
le nôtre.
Nous avons maintes fois parcouru avec un plaisir et un intérêt toujours
croissant ses plaines, ses marais et ses côtes; nous avons exploré son
frais et poétique bocage « ce labyrinthe inextricable et profond» comme
l'appelait Kléber, où le voyageur rencontre à chaque pas de délicieux
paysages, des vues pittoresques et variées, mais aussi, trop souvent
hélas des ruines, tristes vestiges de nos discordes civiles, qui rappellent
néanmoins de grands et impérissables souvenirs.
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Nous avons traversé ses forêts, ses bois silencieux, sous les rayons
du soleil, à la lumière des nuits étoilées, sous les rafales de la tempête.
Nous avons interrogé les vieux restes de ses manoirs démantelés, accrochés
comme des nids d'aigles aux flancs de la colline; nous avons erré au
milieu de ses abbayes fameuses, dans l'enceinte desquelles les chants
religieux ont depuis longtemps fait place aux cris rauques des hiboux
et des corneilles.
Nous avons parcouru ses plages magnifiques, à l'horizon desquelles
se confondent l'azur du ciel et l'azur de l'Océan, comme se confondent
sur les confins de notre imagination, ces deux autres azurs, l'idéal
et l'art, le rêve et la nature.
Nous avons contemplé l'Océan, avec ses vagues, ses courants passagers,
ses rochers, ses brisants, ses écueils, nous avons essayé de décrire
la configuration de ses rivages, frangés de la blanche écume des flots,
et le long desquels se voient souvent, singulier contraste d'un côté
l'asile de la prière, de l'antre un monument guerrier, tels l'église
de Saint-Jean-d'Orbestier et la tour d'Arundel.
Si dans l'ouvrage que nous offrons au public, notre avis diffère quelquefois
de celui des écrivains qui nous ont précédés, il ne nous en coûte pas
néanmoins, de dire que sans leurs travaux, le nôtre, oeuvre de la réunion
de talents divers, eut été irréalisable.
Ils se reconnaîtront souvent dans nos pages, et ce n'est pas de lit
qu'elles tireront leur moindre prix.
Puissions-nous avoir fait oeuvre durable et féconde !
Fontenay-le-Comte, le 1er juin 1901.
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