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CHAPITRE XX
LES GUERRES DE RELIGION EN BAS-POITOU
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Le Bas-Poitou depuis le traité des Pyrénées (1659) jusqu'à 1700
PROGRÈS CONSIDÉRABLE DES PROTESTANTS EN BAS-POITOU
EMPRUNT FORCÉ SUR L'ÉVÊCHÉ ET LE CHAPITRE DE LUÇON. - RÉCLAMATIONS DES SEIGNEURS
DE LA BARONNE DE MONTAIGU. - SOULÈVEMENTS DIVERS. - PILLAGES DE LUÇON, LE LANGON, ETC
PREMIER SIÈGE DE FONTENAY. - LA VILLE EST MISE A SAC ET PILLÉE (1562). - L'EFFROI EST
PARTOUT. - RASSEMBLEMENT DE TROUPES A FONTENAY, MOUILLERON, SAINTE-HERMINE,
LUÇON. - PRISE DE POUZAUGES, MONTAIGU
PRISE DE L'HERMENAULT ET DU CHATEAU ÉPISCOPAL DES MOUTIERS-SUR-LE-LAY. - LE CULTE PROTESTANT AUTORISÉ DANS
DIVERS LIEUX, FAIT DES PROSÉLYTES DANS PLUSIEURS PAROISSES DU BAS-POITOU OU LA MESSE EST ABOLIE
ÉTAT DES ESPRI'TS EN BAS-POITOU. - SYNODE DU PUYBELLIARD - PAIX D'AMBOISE (19 Mai 1563).
- LE CALME NE DURE PAS LONGTEMPS. - DU LUDE FAIT CESSER LES PRÊCHES DE DU MOULIN. - ACTES D'INTOLÉRANCE RÉCIPROQUE. - DÉPOSITIONS
DE DIVERS ECCLÉSIASTIQUES
CENSURE FAITE PAR DES MAGISTRATS ET DES PRÉLATS
REPRÉSAILLES A POUZAUGES. - RÉSISTANCE HÉROIQUE DU CHANOINE CHANTECLERC A LUÇON.
- MEURTRES ET PILLAGES
LE COMTE DU LUDE S'AVANCE POUR SECOURIR LUÇON ET POURSUIVRE
L'ARMÉE PROTESTANTE. - ENGAGEMENTS DE MARANS, SAINTE-GEMME-LA-PLAINE,
ETC. - SACS DE DIVERSES ÉGLISES ET ABBAYES. - RÉSISTANCE
HÉROIQUE DE HAUTECOMBE ET DE SEPT BOURGEOIS DE FONTENAY
SIÈGES DE TIFFAUGES (15 Mars 1569), DE MONTAIGU (24 Mars 1569). - LA GRÈVE. - L'ILE-D'ELLE.
- VENTE DE BIENS ECCLÉSIASTIQUES. - BATAILLE DE JARNAC (13
Mars 1569). - PRISE DE BOURNEZEAU ET DE L'HERMENAULT. - SIÈGE
DE NIORT (Juin 1569). - LA GARNISON DE FONTENAY SE RETIRE A MARANS
PRÉLUDES DE LA SAINT-BARTHÉLEMY. - BATAILLE DE MONTCONTOUR
(3 Octobre 1569). - REPRISE DE NIORT ET DE LUSIGNAN. - FONTENAY ÉVACUÉ
PAR LES PROTESTANTS (11 Octobre 1569). - MARANS PRIS ET REPRIS PAR
LES DEUX PARTIS. - AFFAIRE DE L'ILE-D'ELLE. - GUÉ-DE-VELLUIRE, BEAUVOIR, ETC
SIÈGE ET PRISE DES SABLES-D'OLONNE
PAR LA NOUE-BRAS-DE-FER (16 Mars 1570). - LUÇON ENLEVÉAUX PROTESTANTS. - BATAILLE DE SAINTE-GEMME-LA-PLAINE.
- REPRISE DE FONTENAY PAR LES PROTESTANTS (21 Juin 1570). - DÉPRÉDATIONS DIVERSES
LA SAINT BARTHÉLEMY ET SES CONSÉQUENCES EN BAS-POITOU. - MISE A MORT DE PLUSIEURS GENTILSHOMMES
BAS-POITEVINS. - ÉCHEC DU DUC D'ANJOU DEVANT LA ROCHELLE
REPRISE DE FONTENAY PAR LES PROTESTANTS (24 Février 1571.)
- LES HERBIERS, MORTAGNE, MELLE ET TALMONT ONT LE MÊME SORT
PREMIER SIÈGE DE FONTENAY PAR LE DUC DE MONTPENSIER (7 Mai 1574). - NOUVEAU SIÈGE PAR MONTPENSIER,
QUI S'EMPARE DE LA VILLE (18 Septembre 1574)
SEPTIÈME GUERRE CIVILE DITE DES AMOUREUX (1579-1580). - LES GRANDS JOURS A POITIERS. - PRISE ET
SIÈGE DE MONTAIGU (Septembre 1580). - TRISTES RÉSULTATS
DES GUERRES DE RELIGION EN BAS-POITOU A LA DATE DE 1580
LA SAINTE-UNION. - SCÈNES REGRETTABLES ENTRE CATHOLIQUES ET PROTESTANTS : DUEL, ENLÈVEMENT, MEURTRE.
- MORTAGNE ET LA GARNACHE ENLEVÉS AUX CATHOLIQUES. - PLUSIEURS
GENTILSHOMMES EMBRASSENT LE PARTI DE LA LIGUE
CONDÉ MARCHE SUR COULONGES,
CHASSENON, FONTENAY. - PROTESTATIONS DE HENRI DE NAVARRE CONTRE SON
EXCOMMUNICATION (6 Novembre 1585)
PRISE DE BROUAGE ET DE MARANS PAR HENRI DE NAVARRE. - CONFÉRENCE DE SAINT-BRIS. - MAILLEZAIS
SE REND AUX PROTESTANTS. - LE DUC DE MONTPENSIER FAIT METTRE FONTENAY
EN ÉTAT DE DÉFENSE (Février 1587)
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EN BAS-POITOU LA RÉFORME. - SES CAUSES.
- SON INTRODUCTION
EN POITOU. - PREMIÈRES PERSÉCUTIONS
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Le commencement du XVIe siècle vit éclater en Europe
une révolution qui eut dans le Bas-Poitou de longs et cruels
retentissements.
L'invention de l'imprimerie donnait, depuis soixante ans, une grande
impulsion aux esprits ; les hérésies, mal étouffées,
fermentaient sourdement ; les progrès du commerce et des arts
avaient fait naître mille besoins nouveaux, que l'organisation
trop peu flexible de la société ne pouvait satisfaire.
Ce fut alors qu'éclata la Réforme. Elle apira à
devenir un nouveau système social ; elle clôtura le moyen
âge, ouvrit la série des siècles modernes, fit
des efforts pour déplacer le foyer de la civilisation, resté
jusqu'alors dans l'Église, et faillit l'éteindre en
prétendant l'épurer. Par l'esprit d'indépendance,
elle changea la face du monde politique ; par l'esprit d'investigation,
elle remua sans les ébranler les fondements du monde religieux.
L'origine de cette collision qu'avaient entrevue les grands docteurs
de l'Église, Gerson, Clémengis, Pierre d'Ailly, Girolomo,
Savonarola et beaucoup d'autres fut misérable. Les Jacobins
avaient été chargés par Léon X de recueillir
des fonds pour la construction de la basilique de Saint-Pierre de
Rome : des indulgences y étaient affectées. Les Augustins
auraient voulu aussi y participer. Un jeune religieux, Luther, venu
en 1510 à Rome, pour les affaires de son ordre, composa contre
l'abus des indulgences une thèse qu'il fit afficher sur les
murs même du Vatican et qu'il soutint publiquement en chaire.
Les indulgences étaient alors un grand commerce d'argent.
Luther en fit un grand scandale : la controverse s'anima. Luther,
poussé dans cette voie, attaqua le pouvoir des papes, l'unité
de l'Église, les dogmes, la discipline, la hiérarchie.
Il fut excommunié. Il éleva autel contre autel, brûla
la bulle du pape et se déclara chef d'une nouvelle Église.
Il comparut devant Charles-Quint, défendit admirablement sa
doctrine, et fut banni du territoire de l'empire. L'électeur
de Saxe, Frédéric, lui donna asile au château
de Warbourg, où il resta longtemps caché ; mais ses
écrits soulevèrent les princes d'Allemagne contre Charles-Quint,
les paysans contre les évêques et les seigneurs, et une
foule d'Églises contre l'Église de Rome.
La Réforme pénétra, paraît-il, en Poitou,
par les prédications de Calvin, à la suite d'un voyage
qu'il fit en Saintonge chez Louis du Tillet, chanoine d'Angoulême
et curé de Claix, qui partageait ses opinions et qui était
frère de Jean du Tillet, greffier du Parlement de Paris (1).
Les passions religieuses y furent vite surexcitées. Dès
1531, les Grands jours, tenus à Poitiers, avaient condamné
un habitant de Loudun a être brûlé vif à
cause de ses opinions religieuses, et trois ans après un autre
bûcher s'allumait également dans notre pays.
La victime, cette fois, était une pauvre femme du nom de Marie
Beccaudelle, appelée aussi Gaborite, pauvre fille des Essarts,
servante à La Rochelle, dans une maison où des marchands,
revenus du Brabant avaient, paraît-il, fait pénétrer
la doctrine nouvelle.
De retour aux Essarts, Marie ne craignit pas d'attaquer publiquement
la doctrine d'un franciscain en lui citant divers passages bibliques
qu'elle avait retenus. Mal lui en prit : accusée d'hérésie
et conduite en prison, elle fut jugée à Fontenay et
condamnée à être brûlée vive aux
Essarts (1538).
Six ans plus tard, Charles Chabot, seigneur de Jarnac, ordonnait
« au commissaire desparty » à Fontenay, de faire
le procès à trois individus incarcérés
et accusés d'hérésie (1542).
En 1557, Jean Buron, d'Apremont, supplicié en Anjou, subissait
son jugement et sa peine clans un calme inaltérable.
Pierre Gabard, de Saint-Georges-de-Montaigu, était brûlé
à petit feu, et Nicolas Ballon, de Breuil-Barret, exécuté
en 1559, parce qu'il colportait la Bible clans le pays.
Ces sanglantes exécutions consternaient les protestants sans
les abattre ; frémissant de rage et de colère, leurs
chefs ne cessaient de réveiller en eux le désir de la
vengeance, n'attendant plus qu'une occasion favorable pour lever ouvertement,
dans le Bas-Poitou, l'étendard de la révolte.
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NOTES:
(1) Des documents établissent que les Parthenay
l'Archevêque professaient, au Parc de Mouchamps, la religion
réformée dès 1515, et que de 1515 à 1528,
Michelle de Saubonne, veuve de Jean l'Archevesque, et dame d'atours
de la reine Anne de Bretagne, faisait prêcher dans les églises
de Mouchamps, Rochetrejoux et Vendrennes, la doctrine de Calvin, qu'elle
avait fait venir sous le nom de Charles d'Esfeuille, à la cour
de Renée, femme du duc de Ferrare, et fille d'Anne de Bretagne
et de Louis XII.
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PROGRÈS CONSIDÉRABLE DES PROTESTANTS
EN BAS-POITOU
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Breuil-Barret. - Fontenay. - La Châtaigneraie.
- Mouchamps. - Chantonnay. - Pouzauges. - Les Herbiers. - Montaigu.
- Mareuil. - Le Poiroux. - Talmont. - Saint-Cyr-en-Talmondais, etc.
L'édit inique rendu à Ecouen par Henri II, en 1555,
en vue d'arrêter le progrès du protestantisme, n'avait
jamais été exécuté, grâce à
l'opposition du Parlement de Paris, et dans plusieurs régions
du Bas-Poitou, l'hérésie, favorisée par l'insuffisance
des récoltes, avait fait de rapides progrès.
Au Breuil-Barret, la religion prétendue réformée
enseignée par Pierre Denfert, fils d'un marchand-tondeur, comptait
de nombreux adeptes. Il en était ainsi à Fontenay, où
les familles Rivaudeau, Collin, Bonnet, Misère, Imbert, Vernède,
de Sallenvove, Frouard, Garipault, Gaudin, Robert, etc., faisaient
publiquement montre des nouvelles croyances. Dès 1557, un ministre
du nom de Josué, s'était discrètement établi
dans cette ville, et en 1562, son successeur, Claude Du Moulin, prêchait
dans une maison acquise par le Consistoire à l'angle de la
rue Haute-du-Puits-Lavau.
Dans d'autres parties du Bas-Poitou, les deux Bouchet, les Parthenay-l'Archevêque,
Lancelot de Sainte-Gemme-la-Plaine, son oncle Tanneguy, Claude de
la Grulie, du Landreau, etc., faisaient faire le prêche dans
tous les lieux qui relevaient de leurs seigneuries : Saint-Cyr-en-Talmondais,
Le Poiroux, Saint-Fulgent, Mouchamps, Vendrennes, Rochetrejoux, Bournezeau.
Il en était ainsi à Puybelliard, Chantonnay, Sigournais,
Les Herbiers, Les Essarts, Talmont, Montsireigne, Mareuil, Mouilleron-en-Pareds,
Cezais, Saint-Sulpice, etc.
A La Châtaigneraie, les puissants seigneurs de Vivonne, bien
qu'ardents catholiques, ne purent non plus empêcher le protestantisme
de pénétrer parmi leurs vassaux, nobles ou roturiers,
et bientôt se forma autour de leur château, comme un cercle
hostile qui, se resserrant de plus en plus dès le début
du règne de Charles IX, les força de renoncer à
cette résidence. - A Puyviault, de Saint-Sulpice-en-Pareds
et à Honorat Prévost, du Chatellier-Portault, de Mouilleron-en-Pareds,
se joignirent bientôt les Bastard de la Cressonnière,
qui prirent une part très active aux troubles qui agitèrent
le nord du pays, pendant que le fameux Tanneguy du Bouchet commettait
toutes sortes d'exactions dans la région des Moutiers-les-Mauxfaits,
Angles, le Poiroux, La Claye, Saint-Cyr-en-Talmondais, etc.
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EMPRUNT FORCÉ SUR L'ÉVÊCHÉ
ET LE CHAPITRE DE LUÇON. - RÉCLAMATIONS DES SEIGNEURS
DE LA BARONNE DE MONTAIGU. - SOULÈVEMENTS DIVERS. - PILLAGES
DE LUÇON, LE LANGON, ETC
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En 1560, François II voulant anéantir la nouvelle religion
en recouvrant aux armes, jugea bon de lever un emprunt forcé
de 1.000 livres sur l'évêché de Luçon,
et de 500 sur le chapître de cette ville, mais cette mesure
violente ne produisit pas l'effet qu'on en attendait, - Peu de temps
après, dix-huit gentilshommes de la baronnie deMontaigu réclamaient
énergiquement au roi, par l'organe de Raymond de Castinayes,
seigneur de la Preuille, en Saint-Hilaire-de-Loulaye, le libre exercice
de la religion réformée.
Dans tout le Bas-Poitou, de soudaines explosions de colères,
préludant à de sanglantes luttes, indiquaient clairement
à l'observateur attentif que leur force d'expansion serait
d'autant plus grande, qu'elle avait été plus longtemps
comprimée.
A la fin du règne de François II, les consciences ne
demandaient qu'à éclater. « Les curs »
dit Dargaud (1) « avaient des pressentiments de martyre et d'héroïsme,
les voix d'éloquence, les bras de batailles sacrés !
»
Le massacre de Vassy (1er mars 1562), vite connu en Bas-Poitou, mit
le feu aux poudres dans ce milieu surchauffé par les passions
religieuses. Tanneguy du Bouchet quitte le Puy-Greffier près
Saint-Fulgent, et va, sur l'ordre de Condé, prendre l'importante
charge de prévôt d'Orléans, première place
de guerre du parti protestant. Soubise du Parc de Moucliamps va occuper
Lyon, pendant que les catholiques mettent à feu et à
sang Mouilleron-en-Pareds, où les protestants prendront deux
ans après, une terrible revanche, ainsi qu'à Cheffois,
où l'église devait être transformée en
temple.
La Cathédrale de Luçon et les Cloîtes
de l'Evêché. (Cliché Jules Robuchon).
Le ministre Claude du Moulin, envoyé de Genève à
Fontenay en 1560, parcourait les campagnes, transformant en chaire
le premier tertre venu, et jetant à ces hommes simples et crédules,
un éloquent cri de guerre qu'ils interprétèrent
comme un appel à la liberté. Peu de nobles prirent d'abord
part à ce soulèvement qu'ils avaient pourtant préparé,
et les premiers chefs de l'insurrection calviniste furent surtout
des ministres et des paysans. Tout le pays compris entre l'Autise,
La Châtaigneraie, Pouzauges, Les Herbiers, La Roche-sur-Yon,
Le Poiroux, Talmont, Saint-Cyr, Luçon, Le Langon prit les armes,
et des bandes munies de hâtons, de haches et de quelques arquebuses,
se mirent à piller les églises, à massacrer les
prêtres et ceux qui passaient pour de zélés catholiques.
Le 30 avril 1562, sous la conduite de plusieurs genthilshommes, au
nombre desquels se fait remarquer Philippe de Harpedanne, seigneur
de Cosnac, Puyhelliard et Chantonnay, les protestants de Fontenay,
Luçon, La Châtaigneraie, Chantonnay, Le Puybelliard,
Foussais, Montsireigne (2), Thiré, Pouillé et autres
paroisses, pénétrèrent avec « épées,
pistolets, arquebuses, hallebardes, armures et autres bâtons
défendus » dans la cathédrale de Luçon,
défendue par le chanoine Chanteclerc, la saccagèrent,
brisèrent les statues, déchirèrent les tableaux,
renversèrent les autels, mirent en pièces les livres
des prières et les ornements d'une faible valeur, et s'approprièrent
les autres. Ils en firent autant dans les églises de Saint-Mathurin,
de Saint-Philbert et de Sainte-Madeleine. Ils pillèrent le
palais épiscopal, les bâtiments du chapitre, les maisons
des chanoines et placèrent ensuite garnison dans la cathédrale.
- Le jour même où ce monument était saccagée,
l'église de Nalliers, et le lendemain celle de Mouzeuil subissaient
le même sort.
Poursuivant leur campagne de destruction, les protestants pillèrent
également le Langon et se décidèrent à
faire le siège de Fontenay où s'était déjà
produite, le 24 juin précédent, une échauffourée
sanglante provoquée par les questions religieuses.
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NOTES:
(1) Histoire de la liberté religieuse.
(2) Ceux de Montsireigne se firent surtout remarquer
parmi les plus intolérants.
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PREMIER SIÈGE DE FONTENAY.
- LA VILLE EST MISE A SAC ET PILLÉE (1562). - L'EFFROI EST
PARTOUT. - RASSEMBLEMENT DE TROUPES A FONTENAY, MOUILLERON, SAINTE-HERMINE,
LUÇON. - PRISE DE POUZAUGES, MONTAIGU
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Le samedi 23 mai 1562, veille de la Trinité, des paysans et
d'autres individus, tous protestants, déguisés en campagnards,
arrivèrenet en grand nombre à Fontenay, sous le prétexte
de vendre des denrées, et allèrent occuper le Marché
aux Porches, aujourd'hui Place Belliard, tandis que leurs complices
se dirigeaient sans bruit vers l'église et les portes.
A un signal convenu, le tocsin sonne, et les prétendus marchands,
tirant des armes cachées sous leurs vêtements, se rendent
facilement maître de la place.
Ce premier succès obtenu, ils dirigent quatre couleuvrines
contre le château, qui capitule au premier coup de canon.
Dès lors, le pillage commence : Notre-Dame, Saint-Jean, Saint-Nicolas,
les Jacobins, les Cordeliers sont saccagés ou brûlés,
les ornements d'église sont détruits en partie ; les
trésors que possédait la principale église de
la ville, notamment un magnifique ciboire en or, sont pillés
; les images de saints descendues de leurs piédestaux, sont
brisés ou disparaissent. Les tableaux ont le même sort,
et les doctrines des iconoclastes, qu'on croyait à jamais éteintes,
font de nouveau leur apparition dans les murs de la capitale du Bas-Poitou
qui pendant plusieurs semaines, fut livrée à la folie
de destruction qui soufflait sur les réformés. Les maisons
des papistes furent visitées et mises à contribution,
et les personnes durent au sieur de la Jousselinière, capitaine
du château, et à du Moulin, de n'être pas massacrées.
Les paroisses voisines de Fontenay, notamment Le Langon, ne furent
pas épargnées non plus par des maraudeurs, dangeureux
auxiliaires qui, aux jours de crise, montent des couches inférieures
de la société et s'attachent comme une plaie aux flans
des partis.
Cet état de choses dura plus d'un mois : bientôt cet
assemblage hideux de pillards et de vagabonds eut peur de du Lude,
gouverneur du Poitou, qui était à Niort, afin de surveiller
les progrès de la révolte, si bien que vers la fin de
juin, la ville se trouva purgée, et que les plus hardis catholiques,
dirigés par Nicolas Rapin, Pierre et Barnabé Brisson,
Tiraqueau, Hilaire Goguet, Pierre Gâteau, André et Abraham
Gallier, s'emparèrent des portes et du château.
Le triomphe des catholiques fut accueilli avec des transports de
joie, non seulement par les Fontenaisiens, mais aussi par les habitants
des régions de Sainte-Hermine, Luçon et l'Hermenault,
où les transactions commerciales avaient presque complètement
cessé ; l'insécurité des routes était
telle que les gens n'osaient plus s'aventurer à une lieue de
leur village.
Mais ce n'était qu'une éclaircie dans un nuage chargé
d'orages : un hiver rigoureux (1) avait causé d'affreuses misères
et les exaltés des deux partis en avaient profité pour
faire appel aux plus mauvaises passions.
Pendant que des troupes de catholiques furieux, sous les ordres de
Vitry et le Lys, battaient le pays aux environs de Fontenay et de
Mouilleron, y commettant toutes sortes d'exactions et de violences,
les protestants commençaient encore à s'agiter dans
le Bas-poitou : des troupes venant d'Aunis se rassemblaient à
Sainte-Hermine et vers Luçon.
Le 11 mars 1563, les réformés s'emparèrent de
Pouzauges et l'occupèrent jusqu'au 15. Ils étaient commandés
par « le seigneur de Sainte-Hermine, Lancelot du Bouchet et
du Landreau, seigneur de Bournezeau (2), qui firent leurs montrées
à Pouzauges et cherchèrent tout autour et vers la Châtaigneraie
les gens d'églises pour leur faire outrages, dont aucuns de
leurs gens faisaient maintes voleries. » En moins de deux mois,
les églises éparses dans les campagnes furent pillées,
et plusieurs réduites en cendres.
Dans quelques paroisses les prêtres n'osèrent pas célébrer
la messe pendant la semaine sainte et le jour de Pâques.
L'église, la chapelle du Chapitre de Saint-Maurice (3) et
le château de Montaigu étaient également mis au
pillage le dimanche de la Passion, et le récit des atrocités
commises est relaté dans un document du chartrier de Thouars,
que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici (4).
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NOTES:
(1) Au commencement de mars 1563, le boisseau de froment
valait, à Fontenay, quarante-cinq sous, chiffre énorme
pour l'époque et qui représenterait aujourd'hui une
valeur quintuple.
(2) Il devint plus tard un fougueux catholique.
(3) Cette chapelle se trouvait alors située dans
le château de Montaigu.
(4) Nous avons publié ce récit dans notre
histoire des guerres de religion en Bas-Poitou, T.I, pages 78, 79,
80, 81.
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PRISE DE L'HERMENAULT ET DU CHATEAU ÉPISCOPAL
DES MOUTIERS-SUR-LE-LAY. - LE CULTE PROTESTANT AUTORISÉ DANS
DIVERS LIEUX, FAIT DES PROSÉLYTES DANS PLUSIEURS PAROISSES
DU BAS-POITOU OU LA MESSE EST ABOLIE
|
L'expédition projetée contre Fontenay par du Landreau
et de Sainte-Gemme à la tête de leurs bandes, et qui
se borna à la prise de l'Hermenault et du château épiscopal
des Moutiers-sur-le-Lay, n'était point de nature à faire
renaître la confiance, mais cette campagne tant annoncée
ayant avorté, les craintes se calmèrent. Le besoin d'entente
se faisant sentir, une sorte de compromis au moins tacite fut accepté
par les partis, d'autant mieux qu'une déclaration royale du
7 avril de cette année, autorisait les réformés
à s'assembler dans les faubourgs de Fontenay pour l'exercice
de leur culte. Châtellerault, Montmorillon et Aunay eurent les
mêmes privilèges. Mais ce nombre très insuffisant
de lieux de culte n'était proportionné ni à celui
des réformés, ni à l'étendue du pays.
Dans le Bas-Poitou la révolution religieuse à laquelle
n'avait pas toujours présidé l'esprit de tolérance,
avait fait des progrès immenses.
« Des paroisses nombreuses du diocèse de Luçon
n'avaient plus de messe. Dans la partie occidentale qui longe la mer
et forme aujourd'hui l'arrondissement des Sables-d'Olonne, elle avait
été abolie : à Saint-Gervais, Sallertaine, Froidfond,
Falleron, Saint-Paul-Mont-Penit, Saint-Révérend, Landevieille,
Saint-Sornin, le Givre, Saint-Cyr-en-Talmondais et sur la limite de
la province, au nord, à Saint-Etienne-de-Corcoué et
dans quelques autres lieux...
Le protestantisme avait aussi conquis une grande partie de la population
du pays compris entre Saint-Fulgent, Les Herbiers et Pouzauges au
nord, et Mareuil, Luçon et Fontenay au midi. Les réformés
étaient surtout agglomérés sur les bords du Lay
et de ses nombreuses petites ramifications depuis Pouzauges et Mouchamps
jusqu'à la mer. Le culte catholique ne se célébrait
plus à Saint-Fulgent, Saint-Michel-Mont-Mercure, Pouzauges,
le Boupère, Mouchamps, Montsireigne, Tillay, Chavagnes -les-Redoux,
Sainte-Gemme-des-Bruyères, Le Talud, Saint-Germain, L'Aiguiller,
Mouilleron, Le Puybelliard, La Jaudonnière, Puymaufrais, Saint-Martin-l'Ars,
Bournezeau, Le Simon, Bessay, La Bretonnière, Nesmy, et dans
beaucoup d'autres paroisses (1) ».
A la Copechagnière, petite commune du canton de Saint-Fulgent,
et privée de tout moyen de communication facile, le protestantisme
avait de très bonne heure fait son apparition. Des tanneurs
de cette paroisse, en relation d'affaires avec La Rochelle y avaient
apporté la nouvelle religion, embrassée aussitôt
par les familles les plus influentes des environs. Les de La Fontenelle
de la Violière, Durcot de Puytesson, Marchegay-Guyard et autres
fervents adeptes des doctrines de Calvin, ne se distinguèrent
malheureusement trop souvent que par leur intolérance, contre
laquelle la cour de Poitiers dut plus d'une fois intervenir.
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NOTES:
(1) Lièvre. - Histoire des Protestants et
des Églises réformées du Poitou. T. 1, pp.
132, 135. - Ce fut vraisemblablement à cette époque
que les protestants, pour se reconnaître, ainsi que les chrétiens
de la primitive Église, firent usage de méreaux, sortes
de jetons en métaux qui constituaient au moment de la Cène,
surtout, des signes de ralliement donnés par les ministres.
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ÉTAT DES ESPRI'TS EN
BAS-POITOU. - SYNODE DU PUYBELLIARD - PAIX D'AMBOISE (19 Mai 1563).
- LE CALME NE DURE PAS LONGTEMPS. - DU LUDE FAIT CESSER LES PRÊCHES
DE DU MOULIN. - ACTES D'INTOLÉRANCE RÉCIPROQUE. - DÉPOSITIONS
DE DIVERS ECCLÉSIASTIQUES
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La Mort du duc de Guise (24 février 1563), le plus grand homme
de guerre de France, à cette époque devenu chef de parti
et tombé victime d'un guet-apens, consterna l'Europe, et l'angoisse
fut, immense dans la catholicité. Guise mort, Condé
et Montmorency captifs, la reine-mère, Catherine de.Médicis,
restait maîtresse du gouvernement. Femme d'une intelligence
supérieure, si au point de vue moral on ne peut la juger trop
sévèrement, à travers tant de vices elle eût
des mérites. Voyant ce qu'au fond voulaient ces ambitieux,
le triomphe de leur croyance sans doute, mais aussi celui de leur
pouvoir, elle s'empressa de profiter de la situation nouvelle qui
lui était faite pour rendre au gouvernement un peu d'énergie
et de force, d'autant mieux qu'elle voyait la guerre civile diminuer
le respect pour l'autorité royale.
Tout le vieil édifice social était ébranlé,
et de terribles commotions agitaient le pays. Le Bas-Poitou était
toujours le champ de bataille ouvert à tous les partis, et
là plus qu'ailleurs, on n'attendait qu'une occasion pour se
soulever à nouveau.
Au commencement de 1563, un synode protestant où assistaient
plus de soixante ministres ou gentilshommes s'était tenu à
Puybelliard. Là, les mesures les plus propres à lever
l'étendard de la révolte avaient été prises,
des intrigues nouées, des visites échangées,
des biens vendus pour achat d'armes et de chevaux.
Pour arréter cette agitation qui gagnait le Haut-Poitou, Catherine
deMédicis se hâta de remplir par la paix le vide qu'avait
causé la mort du vainqueur de Dreux. Elle la négocia
avec Condé dans l'île aux Bufs (charmante île
de la Loire à peu
de distance d'Orléans) et dès le 13 mars, veille de
la signature du traité, elle en informait du Lude, gouverneur
du Poitou.
Enfin, le lendemain 14, était signé le traité
de pacification publié le 19 sous la forme d'un édit
royal et connu sous le nom de : Paix d'Amboise (1563). Cet édit
accordait l'exercice de leur culte, dans leurs manoirs, à tous
les barons, hauts justiciers et autres gentilshommes, y compris leurs
familles et leurs vassaux. La bourgeoisie et le peuple furent réduits
à une seule ville par bailliage, indépendamment des
villes occupées par les huguenots avant la conclusion de la
paix. Ordre fut également donné dès le 17 mars,
de mettre en liberté tous les prisonniers détenus «
tant pour le faict de relligion que pour avoir porté les armes.
»
Le calme qu'on attendait de la paix d'Amboise ne fut pas de longue
durée. Dans les villes où les catholiques avaient le
dessus, ils refusaient d'observer l'édit à l'égard
des protestants et les troublaient dans l'exercice de leur culte ;
dans les villes au contraire où les protestants étaient
restés les plus forts, ils gardaient les églises et
continuaient les prêches dans les lieux où l'édit
de pacification les interdisait. On n'aurait qu'à choisir parmi
les nombreux exemples d'une intolérance égale des deux
côtés. - Quelques exemples suffiront. A la faveur de
la paix dit d'Amboise, le ministre du Moulin put recommencer à
Fontenay, dans le temple du Puits de Lavau, ses prêches ordinaires
jusqu'à Pâques 1564. A cette époque le comte du
Lude, arrivant dans cette ville, les fit cesser malgré le traité
d'Amboise et la déclaration de Rouen (14 septembre 1563), qui
portait amnistie pour le passé, et confirmait aux protestants
la liberté de conscience. A Nantes, nobles, bourgeois et manants
suppliaient le roi de ne pas autoriser les prêches ni dans leur
ville ni dans les faubourgs..
Au même moment deux prêtres étaient tués
à Argenton par les protestants, et dans la région de
Thouars, le service religieux était en fait interdit aux catholiques
qu'on molestait à chaque instant.- Les prêtres étaient
surtout l'objet de l'animadversion des réformés qui,
il faut savoir le reconnaître, s'attaquaient néanmoins
de préférence aux églises, aux vases sacrés,
aux ornements sacerdotaux.
Résumons, d'après les manuscrits de Dom Fonteneau,
les faits les plus saillants de ces débuts sinistres et lugubres,
où sous prétexte de religion, se satisfaisaient souvent
des vengeances particulières, où des bandits, sans croyances
religieuses, ralliés pourtant à un drapeau quelconque,
sentant le présent leur appartenir, en usaient largement.
Le 24 décembre 1563, le curé d'Angles est frappé
à la tête par Tanneguy du Bouchet, seigneur du Poiroux
et de Saint-Cyr-en-Talmondais.
Le 4 mai 1514, le curé de Saint-Germain-l'Aiguiller déclare
qu'il ne peut dire la messe dans sa paroisse, parce que les habitants
de Mouilleron-en-Pareds menacent de lui couper la gorge s'il le fait.
Le 14 octobre, l'église des Lucs est transformée en
écurie par les hommes, de Jean Roux, seigneur de la Dangère,
la porte brûlée ainsi que celle de la cure. - Quelques
semaines auparavant, le tabernacle et les fonts baptismaux de Saint-Cyr-en-Talmondais
avaient été brisés; l'église de Tillay
détruite, et la cure de Redoux ruinée. - Des faits de
même nature s'étaient produits au Petit-Bourg-sous-la-Roche,
où les deux vicaires avaient été maltraités,
à Saint-Michel-Mont-Mercure, Rocheservière, Longeville,
Nieul-le-Dolent, Le Girouard, Saint-Vincent-Sterlange, Puybelliard,
Bessay, Le Poiroux, Bournezeau, Puymaufrais. A Saint-Martin-Lars,
le seigneur de Puythumer faisait faire le prêche dans l'église
par un valet et jouissait des revenus de la cure. - A la Bretonnière
et à Mouchamps, les églises où l'on ne célébrait
plus le culte catholique étaient devenues des réceptacles
d'ordures.
L'exercice du culte catholique n'avait plus lieu non plus au Givre,
Saint-Sornin, Montsireigne, Saint-Fulgent, Saint-Révérend,
Froidfond, Saint-Paul-Mont-Penit, Falleron, Laudevieille, Nesrny,
Saint-Gervais, Chavagnes-en-Paillers, etc. ; le 1er juillet 1566 l'évêque
de Luçon était obligé derequérir l'exercice
du droit séculier pour pouvoir rétablir le service divin
à La Bretonnière, Saint-Cyr-en-Talmondais, Bessay, Sainte-Gemme-la-Plaine,
etc.
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|
CENSURE FAITE PAR DES MAGISTRATS ET
DES PRÉLATS
SITUATION TENDUE. - APPARITION DE LA PRESSE. -
ATTAQUE DU CHÂTEAU DE BEUGNÉ. -
LES PROTESTANTS REPOUSSÉS SUR MAREUIL, TALMONT ET MARANS
|
Il nous serait agréable de pouvoir déchirer ces pages
sanglantes de notre histoire, si notre rôle ne devait pas être
de dire toute la vérité pour l'instruction de l'avenir.
Nous déplorons profondément ces atrocités sans
nom, commises souvent sur des enfants et sur des femmes, et nous n'hésitons
pas à les blâmer sévèrement, mais nous
devons constater une fois de plus, que cette révolution politique
et religieuse a eu pour cause des abus que les gouvernants n'avaient
pas su prévoir.
Ecoutons à ce sujet. ce qu'en dit le grand historien de Thou.
Le 5 juillet 1561 L'Hospital, accompagné de Charles de Marillac,
archevêque de Vienne, déclarait devant le parlement assemblé,
que la corruption s'était glissée dans tous les ordres
de l'État, qu'il fallait d'abord « convenir que les vices
des gens de l'Église avaient donné lieu a de grands
scandales..., que la noblesse n'étant point payée par
le roi, se croyait en droit de vexer le pauvre peuple..., qu'enfin
le peuple, répandu dans les campagnes, avait des murs
corrompues, vivant sans principes et sans instruction, parce que ceux
à qui ils étaient soumis étaient plus occupés
de la perception des dîmes et des offrandes que du salut des
âmes. » Au mois de décembre de la même
année, devant les États réunis à Orléans,
le Grand Chancelier tenait le même langage.
Le 21 août suivant, devant la cour assemblée à
Fontainebleau, l'évêque de Valence, Jean de Montluc,
reconnaissait qu'une étrange confusion régnait dans
les ordres de l'État, que « de là étoient
nés de grands troubles qu'on ne pourroit calmer qu'après
avoir donné la paix aux consciences. »
Laissons aussi la parole à l'un des plus remarquables et des
plus saints prélats de France, Mgr de Beauregard, évêque
d'Orléans, et vicaire général de Luçon
au moment de la révolution de 1793 ; son témoignage
du moins ne sera pas suspect. « Il faut l'avouer, dit-il, le
désordre était grand parmi les gens d'Église.
Il égalait son ignorance et l'inconduite des prêtres,
la licence de leurs murs, justifiaient sinon les violences dont
ils étaient les victimes, au moins un prétexte dont
les novateurs se servaient contre le clergé pour justifier
leurs plaintes. »
Celui du diocèse de Luçon n'était point non
plus exempt des inculpations qui retentirent contre tous les ministres
de l'Église catholique, et Monseigneur Thiercelin s'en plaignit
lui-même au Chapitre dans une réunion générale
du mois d'octobre 1568 (1). Pour être abbé il n'était
pas nécessaire d'avoir fait des vux monastiques ni même
d'être prêtre. Il suffisait d'être bien apparenté.
Dans les hautes sphères de l'Église, le cumul des bénéfices
avait été à la hauteur d'un principe. Un évêque
de Maillezais, Pierre d'Accolti, posséda tour à tour
où à la fois onze évêchés.
La haine entre les catholiques et les protestants, avivée
par la presse qui apparaissait pour la première fois dans nos
luttes et s'insinuait partout comme la lumière, survivait aux
désastres, aux trêves, aux traités de paix, et
les deux partis cherchaient à se surprendre.
Dans un conciliabule tenu à Mouilleron-en-Pareds, les protestants
ayant appris que le sieur de la Roussière, marié avec
la
nièce du comte du Lude, avait fait arrêter et conduire
à Poitiers un de leurs ministres, Jean Paillat, prêtre
renégat, se décidèrent d'attaquer son château,
sis dans les paroisses de Beugné-Saint-Maixent. - A cette nouvelle
et pour faire diversion, le comte du Lude dirige, le 30 novembre 1567,
des troupes sur Mareuil, occupé par le protestant Cacaudière,
qui, obligé de battre en retraite, se retire sous les murs
de Talmont, après avoir subi un premier échec devant
Saint-Vincent-sur-Graon.
Harcelés par du Lude, les protestants purent néanmoins
se réfugier dans Marans, d'où ils ne cessèrent
de diriger des reconnaissances vers le Langon, le Gué-de-Velluire
et le Poiré-deVelluire, où ils essuyèrent une
cruelle défaite au mois de février 1568.
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|
NOTES:
(1) Voir l'ordonnance rendue à ce sujet dans
notre Histoire des guerres de religion, T. I, pages 125 et
126.
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REPRÉSAILLES A POUZAUGES. -
RÉSISTANCE HÉROIQUE DU CHANOINE CHANTECLERC A LUÇON.
- MEURTRES ET PILLAGES
|
Pendant ce temps-là, les protestants du bocage ne demeuraient
pas inactifs, et le 13 décembre 1567, les églises de
Pouzauges et du vieux Pouzauges étaient dévastées
par plusieurs gentilshommes en présence du pasteur Moreau.
En apprenant ce nouveau méfait, du Lude enjoint au capitaine
du château de Sainte-Hermine et à ceux des baronnies
et châtellenies de la Chaize-le-Vicomte, Luçon, Mareuil,
Les Moutiers, Pouillé, Mouzeuil, Nalliers, Saint-Martin-sous-Mouzeuil
de courir sus aux protestants qui infestaient la région du
Langon, dont ils venaient de brûler en partie l'église
mise préalablement au pillage ainsi que celle de Mouzeuil.
- Après avoir, le 18 février 1568, pillé le Gué,
Le Poiré, Velluire et l'Anglée, ils vinrent le lendemain,
sous la conduite de Boisseau et de Sauvage, mettre le siège
devant Luçon. Cette ville, dont les murs avaient été
endommagés pendant la guerre de Cent ans, était presque
sans défense ; la cathédrale et l'évêché
avaient pourtant encore quelques fortifications. Là une résistance
énergique les attendait.
Vainement le chapitre avait cherché un capitaine pour lui
confier la garde de l'église. Salo de Beauregard et le sieur
du Sableau ne s'étaient pas rendus à l'appel qui leur
était fait.
Le péril était extrême : les chanoines prirent
différents déguisements et se cachèrent.
Un seul resta, c'était le valeureux Chanteclerc. Renfermé
avec quelques soldats de la garnison de Fontenay dans les fortifications
qui protégeaient la cathédrale, il attendit bravement
les assaillants commandés par Jean Boisseau et par Trousseau.
Chanteclerc ayant eu dès le début la main droite emportée,
se mit à tirer de la main gauche avec tant d'adresse que tous
ses coups atteignaient le but. Pleins de rage, les calvinistes entassent
aux portes de l'église des matières inflammables et
y jettent de la résine pour activer le feu. Les portes s'embrasent
et tombent, mais un mur élevé à l'intérieur
de l'église en défend encore l'entrée. Irrités
d'une telle résistance, ils s'aident de piques et de pieux,
et à la lueur des cierges, cent catholiques, parmi lesquels
Pierre Maré, Germain Amand, Maurice Massiot sont passés
au fil de l'épée. Mathurin Rond, choriste, et le brave
Chanteclerc sont pendus. Sans respect pour la mort, le corps de ce
dernier, pris pour cible, est criblé de balles.
Ils n'en restèrent pas là : les vitraux furent brisés,
les serrures volées, les ornements, les livres brûlés,
les six cloches de la cathédrale et les quatre de Saint-Mathurin
brisées, emportées par fragments. L'évêché,
l'église paroissiale de Saint-Philbert, la chapelle de l'Aumônerie
et les maisons des chanoines furent aussi brûlées.
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|
LE COMTE DU LUDE S'AVANCE POUR SECOURIR LUÇON ET POURSUIVRE
L'ARMÉE PROTESTANTE. - ENGAGEMENTS DE MARANS, SAINTE-GEMME-LA-PLAINE,
ETC. - SACS DE DIVERSES ÉGLISES ET ABBAYES. - RÉSISTANCE
HÉROIQUE DE HAUTECOMBE ET DE SEPT BOURGEOIS DE FONTENAY
|
Cependant le comte du Lude, en apprenant ces sinistres événements,
s'avançait pour secourir la ville, que les protestants se hâtèrent
de quitter précipitamment. - Après avoir subi un échec
devant Sainte-Hermine, ils purent néanmoins se réfugier
dans Marans. - Des attaques, dirigées par du Lude, étant
demeurées infructueuses, les protestants enhardis, se portèrent
à de nouvelles exactions « et ne cessèrent de
faire brûler églises, prieurés, cures et autres
maisons bénéficiaires. »
Citons au hasard, Pouillé, Petosse, Bournezeau (8 avril 1568)
; les Moutiers-sur-le-Lay (28 février 1568) (1) ; Lairoux,
La Chaize-le-Vicomte, Aubigny, La Boissière-des-Landes, Nesmy,
Saint-André-d'Ornay, Saint-Florent-des-Bois, Sainte-Flaive-des-Loups,
Les Moutiers-les-Mauxfaits, La Merlatière, Rocheservière,
Les Lucs, Saint-Denis-la-Chevasse, La Grolle, Lerrière, Beaufou,
Saint-Georges-de-Pointindoux, Chaillé-les-Ormeaux, Montaigu,
Ardelay, etc.
L'église de Saint-Jean-de-Montaigu. (Cliché
Aug. Douillard de Montaigu.)
La capitale du Bas-Poitou ne fut pas non plus épargnée
: du 28 août au 5 septembre, l'héroïque commandant
Hautecombe et sept bourgeois, qui s'étaient jetés dans
le château, y résistèrent pendant plusieurs jours
à toute une armée protestante, mais menacés de
se voir incendiés, ils se rendirent à Puyviault, qui
leur avait promis la vie sauve.
Les excès de tous genres, qui malheureusement avaient signalé
la première entrée des protestants dans Fontenay devaient
se renouveler et compléter la désolation de la malheureuse
ville. Ses monuments religieux furent encore incendiés, et
Notre-Dame, abattue en partie le jour de la prise du château
(15 septembre 1568), après avoir vu disparaître ses dernières
richesses, eut ses voûtes en pierre presque complètement
démolies et ses piliers sapés. Les statues des rois
qui ornaient les niches furent brisées. L'église Saint-Jean
eut le même sort ainsi que la chapelle Sainte .Marguerite, située
sur le champ de foire (l'emplacement actuel du Cheval-Blanc).
Refectoire de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm.
Après le sac de Fontenay, les protestants vainqueurs, poursuivirent
leurs exploits sanguinaires, pillant et brûlant sans pitié
les monuments religieux qui se trouvaient sur leur passage. La désolation
régnait partout dans les villes comme dans les campagnes, et
l'évêque de Luçon lui-même se voyait contraint
d'abandonner son palais épiscopal en cendres, après
avoir fait transporter quatre pipes, remplies de papiers et
des objets les plus précieux dans l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm.
Ce monastère, qui était alors la place de sûreté
des catholiques de cette région, et qui ,jusque-là semblait
avoir échappé aux vandalisme des protestants, allait
bientôt partager le sort commun et tomber lui aussi sous leurs
coups. Malgré l'héroïque résistance du sacristain
Chateaupers, l'abbaye fut, après un siège meurtrier,
prise par les troupes de Pierre des Vilattes, seigneur de Champagné-les-Marais,
gardé par un traître (3 et 8 janvier 1569.)
La Tour du Vidame. D'après un cliché
de M. Arsolier.
Les abbayes de Lieu-Dieu en Jard, des Fontenelles, d'Angles, de Saint-Jean-d'Orbestier,
de Bois-Grolland, de Sainte-Croix-de Talmont, furent dévastées
et la plupart des chanoines massacrés. En même temps
furent ruinées les églises du prieuré de Mareuil,
de Sainte-Radégonde, de Jard, de Saint-Hilaire-de-Talmont,
de Longeville, de Notre-Dame-des-Lucs, de Beaufou, de Saint-Christophe,
de Grues, de Saint-Denis-du-Payré, de Moricq, de l'Hermenault,
de Sainte-Hermine.
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|
NOTES:
(1) Le château de la localité où
résidait l'évêque, mis au pillage une première
fois, fut de nouveau livré à feu et à sang dans
la nuit du 7 au 8 avril 1568.
|
SIÈGES DE TIFFAUGES (15 Mars
1569), DE MONTAIGU (24 Mars 1569). - LA GRÈVE. - L'ILE-D'ELLE.
- VENTE DE BIENS ECCLÉSIASTIQUES. - BATAILLE DE JARNAC (13
Mars 1569). - PRISE DE BOURNEZEAU ET DE L'HERMENAULT. - SIÈGE
DE NIORT (Juin 1569). - LA GARNISON DE FONTENAY SE RETIRE A MARANS
|
En même temps, au nord, Rouhaud du Landreau, zélé
catholique, après avoir été non moins fervent
protestant, attaquait Tiffauges, qui appartenait au vidame de Chartres
et s'en emparait. - Quelques jours plus tard, par ordre du duc d'Anjou
et sur les pressantes sollicitations de du Landreau, un corps de trois
mille hommes d'infanterie, sous le commandement de Puy-Gaillard et
de Bouillé, gouverneurs de Nantes et d'Angers, vint assiéger
Montaigu, défendu par du Plessis la Gayne. La garnison de la
ville, qui n'était que de cinquante hommes, n'ayant pu être
secourue à temps, abandonna la brèche et se sauva dans
le château : la ville fut prise et saccagée. - Le château
se rendit quelque temps après, à condition que chacun
aurait la liberté d'emporter ses effets. Cette capitulation,
bien qu'accordée, ne fut point exécutée ; on
dépouilla la plupart des protestants, et on en arrêta
plusieurs qui furent obligés de payer une rançon. Triste
et misérable emploi de la force brutale, qui diminuait la force
morale. du parti qui l'imposait.
Le 12 octobre de la même année, le château de
la Grève en Saint-Martin-des-Noyers, qui appartenait aux Chabot
de Rocheservière, était pris par les catholiques, qui
sur ces entrefaites s'emparaient aussi de l'Ile-d'Elle.
Vers la même époque, les protestants, maîtres
de Luçon, procédaient à la vente de plusieurs
biens ecclésiastiques appartenant aux évêchés
de Luçon et de Maillezais,- et commettaient à cet effet
Jehan de la Valade, ministre à Fontenay, ainsi qu'il appert
d'un acte du 19 mai 1569, que le feudiste Maugas fit insérer
en 1787 dans les Affiches du Poitou.
Pendant que les protestants aliénaient les domaines ecclésiastiques
et se concertaient avec les palatins d'Allemagne, le duc d'Anjou s'avançait
vers la Charente afin d'assaillir les protestants avant qu'ils eussent
reçu d'autres renforts qu'ils attendaient, l'un du Quercy,
l'autre de l'Allemagne. Le 13 mars (1569), il livrait au prince de
Condé, qui devait y trouver la mort, la sanglante bataille
de Jarnac, où devait périr aussi l'élite des
gentilshommes protestants et catholiques. - En même temps d'Andelot,
frère de Coligny,.essayait vainement de s'emparer de Montaigu
et de Clisson. - Moins heureux furent Bournezeau, où était
détenu le huguenot Frouard, procureur du roi, homme d'une rare
activité, et l'Hermenault, dont le château, résidence
d'été des évêques de Maillezais, fut livré
au pillage (30 avril 1569).
Coligny avait eu à peine le temps de donner quelques larmes
au souvenir de son frère bien aimé d'Andelot, mort à
Saintes, le 27 mai 1569, que déjà un nouvel appel aux
armes se faisait entendre. Le comte du Lude, secondé par du
Landreau et de Béjarry de La Roche-Louherie, se mit à
la tête d'un corps de troupe de cinq mille hommes appuyés
par huit pièces d'artillerie, et entreprit de faire le siège
de Niort, qui fut levé après quatorze jours d'attaque
(20 juin - 3 juillet 1569).
Cet insuccès de du Lude causa une si grande frayeur à
la garnison de Fontenay, qu'elle crut prudent de se retirer sur Marans.
Aussitôt les réformés mirent de nouveau la capitale
du Bas-Poitou en état de défense : ils réparèrent
les murailles, recreusèrent les fossés et en chassèrent
presque tous les catholiques.
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|
PRÉLUDES DE LA SAINT-BARTHÉLEMY. - BATAILLE DE MONTCONTOUR
(3 Octobre 1569). - REPRISE DE NIORT ET DE LUSIGNAN. - FONTENAY ÉVACUÉ
PAR LES PROTESTANTS (11 Octobre 1569). - MARANS PRIS ET REPRIS PAR
LES DEUX PARTIS. - AFFAIRE DE L'ILE-D'ELLE. - GUÉ-DE-VELLUIRE,
BEAUVOIR, ETC
|
La guerre civile continuait à sévir non seulement en
Bas-Poitou, mais aux confins de la province, en Aunis, où l'on
se battait et s'assassinait. - A Orléans, le 21 août
1569, la plèbe fanatique avait forcé les prisons, où
les protestants étaient entassés pêle-mêle,
et en avait égorgé trois cents, parmis lesquels des
femmes, des enfants, des vieillards, des pasteurs qui furent torturés
jusqu'à la mort, avec des inventions, des variétés
et des redoublements inouïs de férocité qui devaient,
trois jours après, être dépassés à
Pau par Montgommery. - Le 7 septembre, Coligny avait été
obligé de lever le siège de Poitiers. - A Montcontour,
3 octobre 1569, le duc d'Anjou avait battu les protestants commandés
par Henri de Navarre et Coligny. - La Brosse, lieutenant du calviniste
de Mouy, lâchement assassiné par Maurevel, avait abandonné
Niort, et le baron de Mirambeau avait rendu Lusignan à Lansac,
son proche parent.
Le bruit de ces échecs retentit douloureusement dans l'âme
des réformés de Fontenay qui, dans la nuit de la Saint-Venant
(11 octobre), abandonnèrent en toute hâte la ville pour
se retirer à Marans. - Le capitaine d'Asnières, qui
commandait au Langon, se hâta de rentrer dès le lendemain
à Fontenay, dont vint prendre possession, le soir même,
au nom du roi, Puygaillard, son lieutenant, qui commandait le camp
de la Châtaigneraie. Jehan de Montsoreau en ayant été
nommé gouverneur, se hâta de piller la maison du ministre
Claude du Moulin et de transformer le temple en écurie pour
y loger ses chevaux.
Marans, où s'était réfugié Puyviault,
devait avoir bientôt le même sort que Fontenay. L'Ile-d'Elle,
le Gué-de-Velluire, Beauvoir-sur-Mer tombaient également
aux mains des catholiques, pendant que du Lude, campant au passage
du Braud, faisait des levées d'hommes à Champagné-les-Marais,
Puyravault, Sainte-Radégonde-des-Noyers.
Au commencement de l'année 1570, les protestants ne possédaient
pour ainsi dire plus aucune place dans la province du Poitou, que
du Lude et du Puygaillard parcouraient en tous sens, et leur cause
semblait bien compromise dans notre pays. Heureusement pour eux que
La Noue, maître de la Rochelle, disposait de puissantes forces
qui, bien dirigées, allaient ramener la victoire sous les plis
des drapeaux des réformés.
La Noue, sur les conseils de Scipion Vergany, célèbre
ingénieur qui avait fortifié La Rochelle et dirigé
l'attaque de Saint-Michel-en-l'Herm, s'empare de Maillé et
de Marans (27 février 1570). - La Grève, le Gué-de-Velluire,
Le Langon, Luçon et Mareuil tombent aux mains des protestants,
qui massacrent les garnisons et y exercent toutes sortes de représailles.
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|
SIÈGE ET PRISE DES SABLES-D'OLONNE
PAR LA NOUE-BRAS-DE-FER (16 Mars 1570). - LUÇON ENLEVÉ
AUX PROTESTANTS. - BATAILLE DE SAINTE-GEMME-LA-PLAINE. - REPRISE DE
FONTENAY PAR LES PROTESTANTS (21 Juin 1570). - DÉPRÉDATIONS
DIVERSES
|
Encouragé par ces succès, Puyviault se décide
à attaquer les Sables-d'Olonne, défendu par du Landreau,
qui, à la tête de quatre vaisseaux bien équipés
faisait continuellement des courses sur les Rochelais. - Le 15 mars
1570, les assiégeants attaquèrent les retranchements
incomplets élevés à la hâte par les Sablais.
Le combat fut terrible : les protestants, animés par l'espoir
du butin, les catholiques par la crainte de perdre et leur vie et
leurs biens. Du Landreau animait les Sablais par son courage et par
son exemple ; mais le nombre devait l'emporter, et le jeudi 16 mars,
après un assaut meurtrier, la ville fut prise et pillée
par une soldatesque effrénée qui ne respecta rien. Quatre
cents catholiques furent tués et beaucoup faits prisonniers.
Les protestants y trouvèrent trente canons, quarante navires
ou barques et « tant d'or et d'argent qu'à peine purent-ils
l'emporter. »
Landreau, qui avait pu se sauver, fut pris dans le marais où
il était tombé de cheval, et il allait être mis
à mort, sans la prière du roi, du maréchal de
Montmorency, et surtout sans la menace qu'on fit de faire subir au
marquis de Renty, gentilhomme protestant fait prisonnier à
Bourges, le même sort qu'aurait du Landreau.
Les places du Bas-Poitou, de nouveau menacées, demandèrent
du secours à Puygaillard, commandant sous le comte du Lude.
A la tête de quatre mille hommes il reprend Luçon, fait
fortifier les principales levées du marais à Triaize,
La Charrie, Moreilles : puis après avoir laissé dans
Luçon quatre compagnies aux ordres de Mascaron, il divise son
armée et inquiète Niort, Saint-Maixent et Bressuire.
La Noue, informé de ce qui se passait à Luçon,
part de La Rochelle le 14 juin 1570 avec des forces imposantes qui,
le 15 juin vinrent se heurter près de Sainte-Gemme-la-Plaine,
aux catholiques commandés par Puygaillard.
Le combat fut acharné de part et d'autre ; quatre fois les
troupes de Puygaillard furent repoussées, quatres fois elles
furent ramenées au combat avec un nouvel acharnement ; mais
ses escadrons devaient se briser sur le front de l'armée calviniste,
qui fit 800 prisonniers ; 500 catholiques avaient péri dans
la mêlée.
Enhardis parles succès remportés à Sainte-Gemme,
les protestants vinrent, le samedi 17 juin 1570, mettre le siège
devant Fontenay, défendu par une poignée de braves.
Ces braves avaient pour chefs le commandant breton Bompas, à
la tête de quatre compagnies de gens de pied, et le maire Nicolas
Rapin, dont la compagnie protégeait le château.
Après une résistance énergique, la ville dut
capituler le 24 juin et se rendre aux protestants (1).
Peu de jours après, le Gué-de-Velluire eut le même
sort pendant que les protestants commettaient toutes sortes de déprédations
et de violence au Langon, à Mouzeuil, Luron, Nalliers, l'Hermenault.
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|
NOTES:
(1) C'est au cours de ce siège que l'intrépide
capitaine protestant La Noue eut le bras gauche cassé par un
coup d'arquebuse. - L'amputation de ce membre fut faite à La
Rochelle, en présence de la reine de Navarre. - Un ouvrier
fort adroit remplaça le membre absent par un membre en fer,
d'où le surnom de La Noue Bras-de-Fer que lui avait conservé
l'histoire et que porte une rue de Fontenay-le-Comte.
|
LA SAINT BARTHÉLEMY ET SES
CONSÉQUENCES EN BAS-POITOU. - MISE A MORT DE PLUSIEURS GENTILSHOMMES
BAS-POITEVINS. - ÉCHEC DU DUC D'ANJOU DEVANT LA ROCHELLE
|
La prise de Fontenay avait singulièrement irrité Charles
IX. Le roi voyait avec peine la capitale du Bas-Poitou aux mains des
protestants qui avaient, sur l'ordre du prince de Condé, transformé
Notre-Dame en magasin à fourrages, et il n'attendait qu'une
occasion favorable pour reprendre cette place qui commandait à
un ressort immense, dont le produit s'élevait à deux
cent mille livres. A cette époque où le manque de parole
était trop souvent de règle, l'édit de pacification
donné à Saint-Germain-en-Lay le 8 août 1570 ne
devait guère gêner le roi, qui déjà songeait
à la Saint-Barthelemy.
En effet, malgré le mariage d'Henri de Bourbon avec la belle
Marguerite, sueur du roi, malgré la présence à
la cour des principaux chefs protestants, la perte des réformés
était imminente. La sécurité au milieu des fêtes,
la haine de la maison de Lorraine contre Coligny, toute vivante dans
le cur d'Henri de Guise le Balafré, fils du dernier duc,
l'animosité des partis, les craintes qu'on inspirait au roi
sur sa sûreté, tout devait servir pour la consommer.
Dès le 22 août, c'est-à-dire quatre jours après
le mariage de celui qui fut plus tard Henri IV, Paris s'était
éveillé comme un lion, et secouait sa crinière.
Les quais, les remparts, les ruelles, les impasses, les bouges, les
écuries des seigneurs conversaient de meurtres comme le Louvre.
Enfin la nuit de la Saint-Barthélemy marquée pour la
vengeance de Catherine est arrivée ; les assassins sont prêts,
l'horloge du Louvre donne le signal et dans un instant, selon l'effroyable
expression de Tavannes « la mort et le sang courent les rues
de Paris. »
Plusieurs gentilshommes poitevins périrent dans cette affreuse
boucherie. Le plus remarquable, Puyviault, dont nous avons déjà
parlé (1) et qui avait risqué vingt fois sa vie ne devait
pas trouver grâce devant les sicaires. Il fut jeté dans
la Seine, et un ignoble pamphlet, lancé après l'exécution,
mentionne sa mort de la sorte :
Comme les autres, Pluvyau,
A faulte de vin, beut de l'eau.
Soubise, jeune encore, et qui avait un procès avec Catherine
de Parthenay (2) sa femme, qui réclamait le divorce pour cause
d'impuissance de son mari, fut soustrait à l'ignominie de cette
mesure par la Saint-Barthélemy. Lui à qui une femme
immodeste disputait le titre et la qualité d'homme, se défendit
comme un lion et tomba percé de coups de piques, de dards et
de poignards.
De Mornay, plus heureux, put se sauver ainsi que Bastard de la Cressonnière
et Agrippa d'Aubigné, réfugié pour cause de duel
à Montargis. C'est là que s'était retirée
Renée de Ferrare, la noble fille de Louis XII, une de ces douces
figures sur lesquelles, dans ce désolé XVIe siècle,
les regards aiment à se reporter, et qui ouvrit à deux
battants toutes les maisons de son apanage aux proscrits et aux persécutés.
Le massacre, loin d'écraser le calvinisme, multiplia ses partisans
et les rendit plus furieux. Ils se renferment dans la Rochelle, qu'allait
bientôt investir à la tête d'une armée nombreuse
le duc d'Anjou. Neuf assauts successifs, qui devaient coûter
la vie à vingt quatre mille catholiques, ne purent avoir raison
de l'héroïque cité. Honteux de cet échec,
le duc d'Aujou partit précitamment pour la Pologne dont il
venait d'être élu roi.
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NOTES:
(1) Seigneur de Saint-Sulpice-en-Pareds, où il
était né vers 1536. - Il avait épousé,
au mois de juin 1570, son amie d'enfance, Madeleine Voussart de Brebaudet,
paroisse de Saint-Cyr-des-Gâts. Les Archives de Fontenay
possèdent deux testaments de Marie Voussart.
(2) Morte au parc de Mouchamps, le 26 octobre 1631,
à l'àge de 77 ans. On lui attribue une apologie d'Henri
IV dont elle était l'amie.
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REPRISE DE FONTENAY PAR LES PROTESTANTS (24 Février 1571.)
- LES HERBIERS, MORTAGNE, MELLE ET TALMONT ONT LE MÊME SORT
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Moins heureux que La Rochelle, Fontenay devait voir encore les protestants
dans ses murs. Dans la nuit du 24 février 1574 et à
la faveur de l'obscurité, Giron de Bessay, Saint Etienne et
Bastard de la Cressonnière s'approchent de l'enceinte avec
précaution. Le capitaine La Ronde, qui commandait la garde
de nuit, s'était pourtant attardé plus que de coutume,
lorsque tout-à-coup il voit monter sur les remparts les premiers
assaillants. Il n'hésite pas à se jeter du haut des
murailles, se casse la jambe, et se met à crier de toutes ses
forces pour signaler le danger. Tout le monde dormait ; la ville fut
prise et pillée, beaucoup de maisons abattues, et l'argent
du roi remis aux protestants.
Les Herbiers, Mortagne-sur-Sèvre, Melle et Talmont eurent
le même sort.
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PREMIER SIÈGE DE FONTENAY PAR
LE DUC DE MONTPENSIER (7 Mai 1574). - NOUVEAU SIÈGE PAR MONTPENSIER,
QUI S'EMPARE DE LA VILLE (18 Septembre 1574)
|
La prise de Fontenay avait irrité le duc de Montpensier, qui
dès lors n'eut plus qu'un souci ; celui de l'enlever aux protestants.
Le mercredi 12 mai 1574, le prince, avec six pièces de canon,
sept mille cinq cents hommes de pied et trois mille chevaux, vint
camper devant Charzais « laissant libre la porte et toute l'avenue
de Saint-Michel, pour donner aux protestants quelque occasion de sortir
et de se retirer à La Rochelle. »
Six pièces de canon braquées près des Jacobins
tirèrent sans discontinuer contre les retranchements élevés
dans le faubourg des Loges, les jeudi, vendredi, samedi et mardi.
A la fin de cette dernière journée, le canon avait fait
une brèche assez large pour que dix hommes pussent s'y présenter
du côté des forts. Les dix premiers qui tentèrent
de reconnaître le ravelin furent tués par les soldats
de La Noue, dissimulés derrière une muraille de jardin
percée d'un trou. Malgré cet insuccès, les catholiques
ne se découragèrent pas, et de nouveau se préparèrent
à donner aux Loges un assaut vigoureux. Cet assaut fut couronné
de succès, et le 18, la reddition des Loges fut décidée.
Après s'être abondamment repue dans ce faubourg populeux
où les vivres étaient abondants, l'armée de Montpensier
s'approcha des murs de la ville et résolut d'en faire le siège.
Le dimanche 23 mai, au matin, quatre pièces de canon ouvrirent
un feu meurtrier contre les portes des Loges et de la Fontaine. Les
deux tours qui les protégeaient, et la courtine s'étant
écroulées sur deux endroits, les assiégeants
s'élancent à l'assaut des remparts, mais devant le feu
nourri des assiégés ils se retirent, non sans avoir
subi de grandes pertes. A la suite de cet insuccès, le duc
de Montpensier lève précipitamment le siège de
Fontenay dans la nuit du 26 au 27 mai, et se dirige avec son armée
vers Niort, laissant aux portes de la ville cent cinquante des siens
morts sans sépulture et trois cents blessés, dont plusieurs
gentilshommes du pays.
La trève de Thairé, près La Rochelle, conclue
pour deux mois, le 27 juin 1574, entre La Noue et l'abbé de
Gardaigne, représentant la reine régente, venant de
prendre fin, le duc de Montpensier, après avoir réuni
son conseil à Vouillé, près de Poitiers, se résolut
à venger son infructueuse tentative contre Fontenay.
Le 2 septembre 1574, huit pièces de canon commencèrent
à battre sans désemparer les Loges en trois endroits.
L'assaut, dirigé par Puygaillard fut couronné de succès
; mais, ce premier échec ne découragea point les réformés,
qui firent deux ou trois sorties, tuant beaucoup de monde au régiment
de Jacques Clermont, sieur de Bussy (1).
Pendant ce temps Montpensier, qui logeait dans la rue Sainte-Catherine
(aujourd'hui Benjamin Fillon) faisait canonner la flèche de
Notre-Dame, dont la flèche se rompit.
Malgré l'énergique défense des assiégés,
les catholiques gagnaient du terrain. Le 9 septembre, du Landreau
étant arrivé de Nantes avec de la cavalerie et de l'artillerie,
on commença aussitôt à canonner la grosse tour
du Café Helvétique, la muraille y attenant, celle
qui montait au pont aux Chèvres et celle qui reliait le fort
des Dames.
Le barrage de la rivière avait été détruit
deux jours auparavant.
Le donjon du chateau de Fontenay-le-Comte. Dessiné
par B. Fillon.
Le 15 septembre, sur les quatre heures du soir, l'armée catholique,
sous un feu meurtrier s'élance bravement à l'assaut
de château et du donjon, sans résultat appréciable,
mais le 16 au matin, toute l'artillerie de l'armée royale,
comprenant vingt pièces de canon et une couleuvrine agrandit
les brèches de la grosse tour au point que cinquante hommes
pouvaient y passer de front sans être inquiétés.
Vers les dix heures du matin, les Fontenaisiens voyant que la lutte
devenait impossible, agitèrent des mouchoirs blancs et demandèrent
à capituler, mais le duc de Montpensier, irrité de son
premier insuccès et de la ténacité des protestants
qui s'étaient refusés à discuter toute proposition
avant la remise d'otages, l'attaque fut continuée avec neuf
pièces de canon contre le château. - Enfin, sur les deux
heures de l'après-midi, Touvois, de Bessay et de la Musse,
conduits au quartier du prince, engagèrent avec le duc de Montpensier
des pourparlers qui ne purent aboutir. - Les assiégeants ayant
de nouveau ouvert le feu le lendemain matin, la ville demanda une
seconde fois à capituler, ce qui lui fut accordé à
de dures conditions. - Le 18, le duc de Montpensier entrait dans Fontenay,
devant lequel l'armée royale avait eu 250 hommes tués
et un grand nombre de blessés. Philippe de Chateaubriant fut
nommé gouverneur de la capitale du Bas-Poitou, et 500 hommes
eurent mission de la défendre contre un retour possible de
l'armée protestante - c'était la cinquième fois
que Fontenay était pris.
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|
NOTES:
(1) C'est dans la rue de la Tuée qu'eut lieu
le plus fort de l'action.
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LE CAPITAINE BIGOT ET LE PASTEUR CLAUDE
DU MOULIN SONT PENDUS A BENET. - NOUVEAUX MASSACRES A LUÇON.
- TRISTE SITUATION FINANCIÈRE DE L'ARMÉE. - RIXES ENTRE
CATHOLIQUES ET PROTESTANTS. - ÉVASION DE HENRI DE NAVARRE.
- BOMBARDEMENT DE LA CHAUME
|
Le dimanche 19, le duc de Montpensier se rendit à Benet, qu'il
occupa pendant une dizaine de jours et où il se distingua tristement
en faisant pendre devant le château le capitaine protestant
Bigot et le pasteur Claude du Moulin.
Le Château de Benet d'après une vieille
estampe découverte par M. H. Turpault.
Rassurés par le succès de Montpensier, la plupart des
catholiques revinrent à Luçon, mais mal leur en prit.
Des calvinistes
de La Rochelle, arrivés à l'improviste pendant la messe,
massacrèrent au pied des autels prêtres et laïques,
emmenèrent ceux que le fer avait épargnés, et
se répandirent dans les campagnes comme des vautours.
D'un autre côté, le gouvernement du roi manquant d'argent,
le 3 novembre, le duc de Montpensier imposait le diocèse de
Luçon pour une somme de 5.220 livres, destinée à
l'entretien de son armée ; mais sur les instantes supplications
de l'évêque Tiercelin, cette somme ne fut pas versée
au fisc.
L'année 1575 fut plus calme en Bas-Poitou : ce qui n'empêchait
pas catholiques et protestants d'en venir de temps en temps aux mains,
notamment à Marans. - La garnison catholique de Fontenay ayant
été licenciée par ordre du roi le 30 juin 1575,
Jehan de la Haye essaya de s'emparer de cette ville par surprise,
mais il ne put y réussir. La trève conclue à
Champigny le 21 novembre 1575 entre le roi, le duc d'Alençon
et le prince de Condé avait un peu calmé les esprits,
mais ce n'était qu'une éclaircie dans un ciel toujours
chargé d'orages. Avec leur cortège habituel de misères,
les guerres civiles ont surtout le grave malheur de développer
les haines personnelles ou religieuses, et d'habituer les partis à
faire bon compte de la vie de leurs adversaires.
Le 26 février 1576, un soldat de la grosse tour de Fontenay
blesse d'un coup d'arquebuse sept personnes. Le même jour à
Mouzeuil, à la suite d'une rixe entre catholiques et protestants,
il y eut mort d'homme.
Le 12 avril Raoul Dubois, seigneur de la Tombe-Ortige, échevin
et avocat, fut assassiné sur la route de Mareuil par le seigneur
de Bessay et son bâtard. - La situation était tellement
troublée au commencement de mars 1576, que des lettres patentes
du roi à l'évêque de Luçon n'avait pu,
depuis deux ans, recevoir leur exécution, et qu'il était
impossible d'assembler le clergé pour voter trois millions
destinés aux frais de la guerre.
Sur ces entrefaites (3 fevrier 1576), Henri de Navarre, marié
avec une femme plutôt courtisane que reine, s'échappait
de la cour et revenait à la religion réformée.
Henri III, sentant la nécessité de faire la paix, accordait
par l'édit de Chantenoy ou de Moulin dit : « Paix
de Monsieur » 14 mai 1576, les plus grands avantages aux
protestants, mais cet édit révolta les catholiques,
que nous verrons bientôt lever à leur tour l'étendard
de la révolte contre leurs princes et les faire périr
sous le fer des assassins. Mais n'anticipons pas sur les événements.
Le 25 mars 1577, une tentative des protestants pour reprendre Fontenay
ayant échoué, ne les découragea point. Au mois
d'avril, après s'être emparé de vingt-cinq vaisseaux
portugais qui, chargés de blés pour l'Espagne se trouvaient
dans le port des Sables, ils bombardèrent La Chaume, qui se
rendit avec la ville, mais quelques jours après (mai 1577),
les catholiques en redevinrent maîtres ainsi que de Marans et
de Maillé.
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|
SEPTIÈME GUERRE CIVILE DITE
DES AMOUREUX (1579-1580). - LES GRANDS JOURS A POITIERS. - PRISE ET
SIÈGE DE MONTAIGU (Septembre 1580). - TRISTES RÉSULTATS
DES GUERRES DE RELIGION EN BAS-POITOU A LA DATE DE 1580
|
Malgré les trois traités de paix, le Poitou était
toujours un champ de bataille ouvert à tous les partis ; la
longue querelle des protestants et des catholiques survivait à
tous les désastres.
En septembre 1579, le président de Harlay dut, avec quatorze
conseillers suivis de l'élite du barreau de Paris, se transporter
à Poitiers pour y tenir ce qu'on appelait les Grands Jours.
Il s'agissait de mettre fin aux brigandages de la noblesse poitevine,
à laquelle « les doctrines de Calvin avaient donné
des habitudes de rébellion, » et les chefs des meilleures
familles convaincus « de pilleries et d'assassinats, périrent
de la main du bourreau. »
Un an plus tard, et après plusieurs tentatives infructueuses,
Montaigu était, à l'aide d'un stratagème, surpris
par les protestants, qui couraient de nouveau aux armes sous prétexte
qu'on n'exécutait pas les édits de pacification. - Cette
place resta longtemps aux mains des réformés malgré
diverses tentatives, dont la plus célèbre fut celle
dirigée par un gentilhomme nommé de Butterie, enseigne
de Jarrie. Celui-ci, dit d'Aubigné « esperduement amoureux
de la sur de Pellisonnière, ne refusa point d'acheter
sa maîtresse par la trahison de Montaigu, donna rendez-vous
à toute la ligue de Bas-Poitou pour se trouver devant le chasteau
deux heures après minuit, promettant avec l'aide de quatre
soldats, de coupper la gorge au corps de garde du chasteau, demandant
d'estre secouru quand il aurait à la veüe des entrepreneurs,
jetté les morts par dessus les murailles et non plus tôt
», mais le complot fut découvert par d'Aubigné,
et les coupables exécutés (1).
Près de cinq années de tranquillité relative
succédèrent à cette levée de boucliers.
Avant d'entrer dans cette période, jetons, avec l'auteur de
la remarquable histoire des protestants et des églises réformées
du Poitou, le regretté M. Lièvre (2), un coup d'il
en arrière sur celle qui s'est écoulée depuis
le commencement des troubles. Un huguenot contemporain a fait sur
des documents officiels présentés aux Elats généraux
le recensement pénible des misères de la France à
cette époque. Ce relevé est approximatif. Il y reste
d'ailleurs beaucoup de lacunes. L'état du diocèse de
Maillezais manque entièrement : celui de Luçon est incomplet.
Tel qu'il est cependant, ce recensement est assez curieux pour que
nous en donnions l'analyse. Dans les deux diocèses de Poitiers
et de Luçon, soixante-dix ecclésiastiques, prêtres
ou moines avaient été tués dans cette guerre...
On ne dit point le nombre des ministres qui périrent aussi
dans des massacres où à la prise des villes. Dans ces
mêmes diocèses, plus de trois cent vingt gentilshommes
catholiques et quatre cents de la religion réformée,
avec dix mille soldats catholiques et plus de seize mille huguenots
avaient trouvé la mort au milieu de ces luttes intestines.
Le nombre des viols est effrayant.
Trois mille maisons avaient été brûlées
ou détruites. En outre, dans le seul diocèse de Poitiers,
sept cents hommes ou femmes avaient été massacrés
ou exécutés par voie de justice, seize cents étrangers
y avaient péri clans les combats, ainsi que quarante mille
Français nés hors du Poitou.
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|
NOTES:
(1) Montaigu fut démantelé l'année
suivante et remis au comte du Lude.
(2) T. I, page 208.
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LA SAINTE-UNION. - SCÈNES REGRETTABLES
ENTRE CATHOLIQUES ET PROTESTANTS : DUEL, ENLÈVEMENT, MEURTRE.
- MORTAGNE ET LA GARNACHE ENLEVÉS AUX CATHOLIQUES. - PLUSIEURS
GENTILSHOMMES EMBRASSENT LE PARTI DE LA LIGUE
|
Sous la pression du cardinal de Lorraine, venait de se créer
en France un nouveau parti qui s'organisait sous le nom de Sainte-Union
ou Sainte-Ligue. Le prétexte avoué était la défense
de la religion, le prétexte vrai, un intérêt politique.
L'esprit de révolte et l'espoir de recommencer avec succès
les grandes luttes de la féodalité animaient secrètement
les principaux chefs, notamment le Balafré. Ce dernier entrevoyait
même le moment où se briserait le trône royal qui
ne portait plus que deux branches, l'une épuisée de
sève, l'autre infectée d'hérésie ; mais
il semblait par sa foi de catholique zélé et la prétention
qu'il affichait de descendre de Charlemagne par la maison de Lorraine,
légitimer ses menées séditieuses qui, dans le
BasPoitou, lui avaient concilié plus d'un partisan.
Au nombre des ardents, se trouvait Chateaubriant des Roches-Baritaud,
auquel Henri III donnait, le 27 février 1582, l'ordre de démanteler
le château de Fontenay et de licencier la garnison, mais cette
mesure ne fut point exécutée, et les rivalités
entre les protestants et les catholiques amenaient chaque jour des
scènes regrettables.
Le 27 juin 1583, bien qu'on fut en pleine paix, un duel à
cheval eut lieu à Fontenay sur le carrefour du Mouton, entre
cinq gentilshommes catholiques et cinq gentilshommes protestants.
Après un combat acharné, qui dura plus d'une heure,
il ne resta
debout qu'un jeune homme de vingt et un ans, du parti calviniste.
Quelques jours auparavant, la jeune femme de Pierre Sauvestre, seigneur
de la Fuie-Goujon, près Fontenay, avait été enlevée
nuitamment pendant l'absence de son mari, baillonnée et conduite
en croupe à Culdebraie, sur la lisière de la forêt
de Mervent, où pendant plusieurs semaines elle resta au pouvoir
du capitaine La Barre, adversaire de son mari dans un duel précédent.
Quelques jours plus tard, La Barre était tué par Sauvestre
et sa femme, qui se vanta d'avoir arraché elle-même le
coeur de celui qui lui avait fait violence.
Une rixe terrible avait eu lieu également à Fontenay,
entre catholiques et protestants à l'occasion des processions,
et pendant ce temps La Boulaye courait le pays, enlevant Mortagne,
La Garnache, pillant et brûlant châteaux et églises.
Il ne fallut rien moins que l'énergie de Nicolas Rapin pour
rétablir momentanément un peu d'ordre dans notre pays.
En effet, malgré les trèves, malgré les édits,
des troubles, précurseurs d'une nouvelle crise se faisaient
sentir partout. Le célèbre Duplessis-Mornay, surnommé
le pape des protestants, venait de signaler à Henri
III le fameux ouvrage : Stemmata, Lotharingix et Bari ducum (Généalogies
des ducs de Lorraine et de Bar), qui faisait descendre les princes
lorrains, non plus seulement de la lignée de Charlemagne, mais
de Pharamond et de Clodion le Chevelu, et laissait deviner des conclusions
analogues à celle de l'avocat David contre la postérité
de l'usurpateur Capet. Henri III fit amener l'auteur, l'archidiacre
Rosière, de Toul à Paris et enfermer à la Bastille.
La publication de ce livre qui fut lacéré, souleva de
violentes polémiques, d'autant mieux que pour beaucoup de Français,
et par suite de la mort prochaine et escomptée du duc d'Anjou,
le roi de Navarre, qui déplaisait fort aux ligueurs, devenait
l'héritier présomptif de la couronne.
En Poitou, la noblesse, mécontente et tourmentée du
besoin de faire la guerre à laquelle elle trouvait tout profit
se jeta dans
la Ligue. Philippe de Chateaubriant prit la tête du mouvement
avec Briaudière.
L'Etang, petit castel fortifié de la paroisse de Chavagnes-en-Paillers
reçut une garnison, ainsi que Mortagne. Niort, qui venait aussi
d'embrasser le parti des Ligueurs après avoir failli être
emporté par Saint Gelais, envoyait à Nantes demander
du secours au duc de Mercur.
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CONDÉ MARCHE SUR COULONGES,
CHASSENON, FONTENAY. - PROTESTATIONS DE HENRI DE NAVARRE CONTRE SON
EXCOMMUNICATION (6 Novembre 1585)
|
D'un autre côté Condé franchit la Sèvre,
occupe Saint-Maxire, entre dans Coulonges et s'avance jusqu'à
Chassenon et à Fontenay, où il offre vainement le combat
à Mercur, retranché dans le clos des Jacobins.
Enfin, le soir, Condé se retira du côté de Coulonges,
pendant que le duc se sauvait durant la nuit vers Nantes, et fuyait
si vite qu'il abandonnait en route ses fantassins et jetait ses drapeaux
dans le lac de Saint-Philbert-de-GrandLieu (19 août 1585).
Malgré l'affaire de Fontenay, les calvinistes ne possédaient
plus que Saint-Jean-d'Angély et La Rochelle, que La Ligue entreprit
d'affamer, et c'en était fait de l'union catholique dans l'Ouest,
si d'Aubigné d'abord, puis le roi de Navarre n'étaient
venus relever les espérances.
Ce dernier qui, en apprenant que Henri III s'était rapproché
de la Ligue, avait conçu. une telle appréhension des
maux qu'il prévoyait « pour son parti qu'elle lui avait
blanchi la moitié de la moustache » venait d'être
excommunié par Sixte-Quint (9 septembre 1585). Mais fier de
ses droits, il ne s'inquiète pas de la bulle, en appelle au
Parlement et au Concile général, et fait afficher, le
6 novembre 1585, par un serviteur hardi, une énergique protestation
jusqu'aux portes du Vatican, sur les portes des églises et
même sur les célèbres statues de Pasquin et de
Martorio.
Tout en revendiquant hautement ses droits, le Béarnais lève
des troupes en France et en Allemagne, pendant qu'Henri de Guise manuvre
La Ligue, guerroie contre le duc de Bouillon, et qu'Henri de Valois
dépense deux cent mille écus d'or par année en
petits chiens, en perroquets, en singes ; joue gravement au bilboquet,
et découpe, pour les coller aux parois de ses chapelles, les
images des livres de prières.
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PRISE DE BROUAGE ET DE MARANS PAR
HENRI DE NAVARRE. - CONFÉRENCE DE SAINT-BRIS. - MAILLEZAIS
SE REND AUX PROTESTANTS. - LE DUC DE MONTPENSIER FAIT METTRE FONTENAY
EN ÉTAT DE DÉFENSE (Février 1587)
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Secondé par Condé, le roi de Navarre s'empare de la
forte place maritime de Brouage et de Marans, et négocie avec
Catherine de Médicis, à Saint-Bris (13 décembre
1586), pendant que Maillezais se rend aux protestants.
L'année 1587 s'annonçait donc toute chargée
d'orage, et Fontenay ne pouvait plus douter du sort qui l'attendait,
d'autant mieux que Henri de Navarre avait été très
affecté de la prise de Marans. - Néanmoins les protestants
concentraient leurs forces en Poitou. Saint-Maixent et Talmont venaient
de tomber en leur pouvoir, et tout annonçait une attaque prochaine
de Fontenay. - Le 24 février 1587, Louis de Gonzague, duc de
Nevers, vint dans la capitale du Bas-Poitou, et donna à la
Roussière les ordres nécessaires pour mettre en état
de défense une place que depuis longtemps déjà,
se disputaient avec tant d'acharnement catholiques et protestants.
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