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DE L'ORGANISATION DU TRAVAIL EN BAS-POITOU
DEPUIS LE XIe SIÈCLE JUSQU'A LA RÉVOLUTION
L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DU BAS-POITOU
DU XIe AU XVIIe SIÈCLE
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Les origines de l'histoire économiques du Bas-Poitou
sont pendant de longs siècles enveloppées d'obscurités
; ce n'est qu'à partir du XIe seulement que les documents deviennet
moins rares, et qu'il est permis d'y retrouver les grandes lignes
économiques de notre pays, dont les principales ressources
consistèrent toujours dans ses produits agricoles.
Parmi les localités industrielles et commerçantes,
Fontenay a inconstestablement toujours tenu le premire rang, et dès
le commencement du XIIe siècle, deux industries surtout, celle
des draps et celle des cuirs avaient attenit un développement
considérable.
Les Rôles des habitants de la seconde moitié
du XIIIe siècle, les plus anciens que l'on possède,
montrent déjà les tanneurs en nombre. Sous Louis XI,
ils étaient 36 en possession de la maîtrise obtenue par
eux-mêmes ou comme fils de maîtres ; vingt autres étaient
« requérans ». Total : 56.
De documents puisés aux Archives de Fontenay,
et dont nous avons déjà parlé au chapitre XIX,
il résulte que beaucoup des membres du nouvel échevinage
s'étaient enrichis dans la partie et faisaient des affaires
considérables. Les guerres de religion n'avaient pu ruiner
cette grande industrie qui, pendant 300 ans, fournit une partie du
Poitou.
La corporation des drapiers, également fort riche
et sans doute la première et la plus ancienne de Fontenay,
possédait plusieurs privilèges : en cas d'une taille
imposée par la ville, les drapiers seuls avaient le droit de
déterminer la somme qu'ils pouvaient payer et de percevoir
sur leurs confrères (1).
Les chapeliers figurent aussi comme exerçant
leur industrie à Fontenay dès le moyen âge, et
un aveu rendu à la seigneurie de la Meilleraye, près
Saint-Michel-le-Clouq, le 7 décembre 1380, mentionne une ruelle
foraine de cappellerrs (chapeliers), située dans les Loges,
près de Saint-Jean. Leur corporation qui, en 1448, ne comptait
que sept ou huit maîtrises, a pris depuis lors une extension
considérable, et l'industrie de la chapellerie est aujourd'hui
la plus importante de la ville et peut-être la première
en son genre pour toute la France.
D'autres industries moins considérables, mais
également florissantes, étaient celles des potiers,
des pintiers et des tisserands en fil de lin (2).
Au XIVe siècle, les fabricants d'épées
de Fontenay avaient encore une grande réputation de savoir-faire,
et les artisans des bords de la Sèvre savaient travailler le
bois (merrains, fûts, tonneaux, cercles, charrettes) et faisaient
l'objet d'un commerce assez actif. - Les potiers poitevins étaient
surtout nombreux à Poitiers, à Melle, à Vouvent,
à Champ-Saint-Père, à Maillezais, et dans le
pays de Rais. Il existait aussi des verreries dans la région
forestière de la province à Maillezais, La Roche-sur-Yon,
Mervent, Mouchamps, La Réorthe (3).
Les vins du Poitou sont expédiés par les
vaisseaux flamands dans les pays du Nord, et par les Templiers jusqu'en
Orient. Les blés entreposés à Niort, à
La Rochelle, vont dès le XIIIe siècle approvisionner
l'Angleterre, la Normandie et les Pays-Bas.
De même les laines poitevines, enlevées
par les marchands de Gravelines, de Gand et de Bruges alimentent,
concurremment avec les laines anglaises, les nombreux métiers
des Flandres. Aux autres provinces françaises ou à l'étranger,
le Poitou vend, outre ses blés, ses vins et ses laines, le
sel de ses marais salants, et d'autres produits agricoles tels que
le fromage, le bétail, les châtaignes, le miel et la
cire. Qu'on y joigne les peaux de buf, de vache, de mouton ou
de chèvre, vertes ou sèches, le coudre ou bois de chataîgnier
pour la tonnellerie, le merrain ou bois d'ouvrage, les fûts
ou tonneaux, les armes, le fer ou l'acier, et l'on aura le tableau
résumé du commerce d'exportation de Poitou.... Les barques
chargées de marchandises remontent où descendent la
Sèvre, le Clain, la Vienne, le Lay et la Vendée, où
se sont fondés les principaux centres urbains du pays (4).
La fin de la guerre de cent ans coïncide avec le
relèvement économique du Bas-Poitou, qui pendant un
siècle jouira d'une paix profonde pendant laquelle se créera
à Fontenay la fabriçation des bijoux locaux. La corporation
des ouvriers en métaux précieux, érigée
en corps de métiers par Charles IX, en 1671, ne perdra de son
importance qu'au XVIIIe siècle, et c'est à son syndic
Léon Chabot, qu'écherra, en 1604, l'honneur de haranguer
le grand Sully au nom, des dix-huit corporations ouvrières
de la ville (5).
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NOTES:
(1) Plusieurs patrons drapiers avaient
des armoiries. Arch. Fontenay T. IV, page 365.
(2) Louis Brochet. - Fontenay dans le
passé.
(3) Nous en avons déjà dit
un mot au chapitre XIII.
(4) Extrait du remarquable travail de M.
Boissonnade, paru en 1898, dans les ires dès antiquaires de
l'Ouest, sous la rubrique : Essai sur l'organisation travail en
Poitou - Nous devons dire pour n'y plus revenir, que c'est dans
ce mémoire que nous avons puisé la plupart des données
qui constituent le chapitre.
(5) Louis Brochet. - Fontenay dans le
passé.
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INDUSTRIE ET LE COMMERCE DU BAS-POITOU
AU XVIIe SIÈCLE
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Le Bas.-Poitou avait beaucoup souffert des troubles
religieux et les traces ne s'en effacèrent que lentement. Cependant
certaines variétés industrielles ont conservé
ou développé, au XVIIe siècle, l'activité
qu'elles montraient au siècle précédent. Sur
la côte, les marais salants continuent d'être la grande
ressource de l'habitant : des barques normandes, de petits vaisseaux
de Bayonne, des navires d'Angleterre viennent dans les ports du Bas-Poitou,
aux Sables, à Beauvoir, à la Barre-de-Monts, à
Saint-Gilles, à Saint-Benoît, à La Tranche, et
dans les îles d'Yeu et de Noirmoutier, faire de grands chargements
de sel, apportant en échange du brai, de la résine,
du charbon de terre. Les Olonnais se livrent encore à la pêche
de la morue et la vendent soit verte, soit sèche, partie dans
les villes de la province, partie à Nantes, partie à
La Rochelle et à Bordeaux. Ils s'emploient aussi à la
pêche de la sardine. Cette industrie occupe 30 à 40 navires
et environ 200 barques avec 12 à 13.000 matelots (1).
En 1669, Fontenay fabriquait des serges drapées
grises en laine du pays, dont la, pièce, large d'une aune sur
12 aunes de long, était vendue 36 à 38 sous l'aune,
pour les Portugais et les Italiens du Nord. - Luçon, La Châtaigneraie
et Parthenay livraient au commerce d'autres fortes étoffes,
les serges trémières, que La Rochelle expédiait
au Portugal et au Canada
Dans presque tous les villages du Poitou, la production
de la draperie, de la sergerie et de la bonneterie s'était,
grâce à Colbert, répandue avec une extrême
rapidité. De la Sèvre à la Loire, de la Gâtine
au Bocage, s'élevait le bruit des métiers. Ce fut vraiment
l'apogée de l'industrie textile dans cette vaste région,
dont nous avons déjà parlé.
Bien que la révocation de l'Édit de Nantes
ait porté aux ateliers de tissage du Poitou une sérieuse
atteinte, l'industrie des étoffes reste encore, à la
fin du XVIIe siècle, la plus importante qui existe dans la
province. Il y a aux Archives nationales une statistique précise
dressée par l'ordre du contrôleur général
Pontchartrain, pour toutes les généralités du
royaume, d'après les rapports des intendants et des inspecteurs
des manufactures. Elle fournit des renseignements détaillés
relatifs à l'intendance de Poitiers. Ce document, qui est daté
de 1693, ne mentionne pas moins de 26 lieux de fabrique pour cette
circonscription administrative. Ce sont pour le Bas-Poitou : Breuil-Barret,
Fontenay, La Châtaigneraie, Cheffois, La Meilleraye, Pouzauges,
St-Pierre-du-Chemin et St-Mesmin.
Après Niort, Saint-Maixent et Fontenay, c'est
à Bressuire, à Parthenay, à Montcoutant que la
fabrication se trouve alors être la plus active.
Montcoutant est renommé pour ses tiretaines,
qu'on trouve jusque sur le marché de Lyon, sans parler de celui
de Paris. Ses vingt fabricants font, marcher 200 métiers, d'où
l'on retire tous les ans 2.500 pièces. - Cheffois a
9 à 10 fabricants, 1 moulin à foulon, 250 pièces.
- La Meilleraye, 12 fabricants, 18 métiers, 1 moulin,
450 à 460 pièces. - Pouzauges, 10 fabricants,
1 moulin, 23 métiers. - Saint-Mesmin, 11 fabricants, 30 métiers.
- St-Pierre-du-Chemin, 18 fabricants, 50 métiers, 300
pièces. - Coulonges, 240 pièces. - Breuil-Barret,
14 fabricants, 12 métiers, 80 pièces.
Quelques créations éphémères
de faïencerie à Ardelay et à l'Ile-d'Elle,
marquent la première moitié du XVIIe siècle (2).
Les élections des Sables et de Fontenay exportent
leurs grains en Guyenne et en Bretagne. - Les vins que produit l'élection.
de Fontenay font l'objet d'un trafic assez considérable dans
l'intérieur de la province et même au dehors. On convertit
les plus forts en eaux-de-vie, qu'on expédie à La Rochelle
et à Nantes par les rivières de la côte. - Le
bétail est abondant. Les haras du Bas-Poitou ont déjà
une certaine renommée. Les fromages, les fruits, les légumes,
spécialement les noix et les châtaignes, forment les
articles essentiels du commerce local et même du commerce extérieur
(3). Enfin, le sel, les serges, les draps communs et la bonneterie
poitevine sont expédiés dans l'intérieur du royaume,
et par La Rochelle, dans la péninsule Ibérique, en Angleterre,
en Hollande et en Italie. Le Poitou reçoit de son côté
les vins blancs d'Anjou, les vins rouges d'Angoumois et de Saintonge,
les eaux-de-vie de l'Aunis et par les ports du littoral le charbon
d'Angleterre. La Rochelle et Nantes lui fournissent la résine
des Landes, le pastel du Languedoc, les drogues tinctoriales exotiques,
les laines d'Espagne et de Portugal, les fers de Bretagne, les sucres
raffinés de nos ports, les huiles et les fruits du Midi (4).
Aux foires on apporte les soieries de Tours, les lainages de Picardie,
de Flandre, de Normandie, du Languedoc, les toiles de Rouen, d'Anjou
et du Maine.
Industrie et commerce présentent donc une certaine
vitalité pendant une bonne partie du XVIIe siècle. Mais
les grandes guerres de la fin du règne de Louis XIV, la mauvaise
administration économique des successeurs de Colbert, les fautes
politiques telles que la révocation de l'Édit de Nantes,
eurent un contre-coup fâcheux sur le mouvement industriel et
commercial du Poitou, qui se trouve dès lors pour longtemps
enrayé ou ralenti (5).
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NOTES:
(1) Extrait de Boissonnade, pages 38 et
39.
(2) Boissonnade, page 47.
(3) Savary Dictionnaire du Commerce,
T. II, pages 61-65.
(4) Savary, T. I, p. 467. Rapport de l'inspecteur
des manufactures, 1735; Vienne, 736.
(5) Boissonnade déjà cité,
page 50.
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LE MOUVEMENT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
EN BAS POITOU AU XVIIIe SIÈCLE
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Les correspondances des intendants et celles des inspecteurs
des manufactures, aussi bien que les rapports privés, signalent
en effet l'appauvrissement de la province à la fin de l'ancien
régime. Le Nain en 1733, M. de Pardieu en 1747, Necker en 1785,
constatent la misère dans laquelle est tombé ce pays
qui paraît avoir été l'un des plus prospères
du royaume pendant nombre d'années, au XIIIe, au XIVe, au XVIe
et même au XVIIe siècle. Mais bien qu'en notable décadence,
l'agriculture, dans la moitié cultivée et fertile du
Poitou, continue à produire des céréales et des
vins. Dans la vallée du Clain,, de la Sèvre et de la
Vendée, sont encore de bonnes terres à blé. On
peut dire, déclare l'inspecteur Pardieu, en 1747, qu'il
est recueilli, année commune, moitié plus de blé
de toute espèce qu'il n'en faut pour la subsistance des habitants... Les
bas-poitevins nourrissent des veaux et jeunes bufs qu'ils achètent
en Auvergne, Limouzin et Marche, et qu'ils revendent gras à
la boucherie.
Toutes les industries périclitent... Seul, les
marais salants conservent encore quelque activité. Les Sables-d'Olonne
expédient dans le premier quart du XVIIe siècle, environ
20.000 muids de sel que l'on utilise dans les provinces réputées
étrangères, et que les Anglais viennent enlever pour
les revendre dans les îles Britanniques ou dans les pays du
Nord. En 1789, on estime que les expéditions de sels faites
par le port des Sables, à destination de Bayonne et de Bordeaux,
s'élèvent à 900 ou 1.300 charges par an, valant
de 15 à 250 livres la charge suivant l'abondance de la production
(1). L'industrie textile, qui était depuis le XVIIe siècle
la principale du Poitou, se maintient de plus en plus difficilement.
La concurrence de manufactures mieux outillées, les guerres,
l'évolution du goût et l'Edit de Nantes, lui portent
un coup terrible. L'émigration de 100.000 protestants du Poitou
et de la Saintonge enlève à la province ses meilleurs
ouvriers et fabricants... La plupart des maîtres ont abandonné
leur profession, dit un rapport. Il ne se présente même
plus d'apprentis. La fabrique de Breuil-Barret n'a plus que
6 maîtres ; elle en comptait 24 en 1704 ; de 50 métiers
battant, il n'en reste plus que 10. La Châtaigneraie
avait 39 maîtres fabricants en 1699 ; il n'y en a plus que 10
en 1714. Environ cent rnétiers sont encore répandus
dans les campagnes voisines de ce bourg, mais on ne peut- plus recruter
de fileurs et de fileuses. Fontenay et ses environs comptent
100 métiers, mais la ville n'en a plus que 25 à 30 (2).
La longue période de paix qui suit les traités
de 1713 et 1714 permet aux manufactures du Poitou de se relever lentement,
et à Montcoutant la manufacture connue principalement pour
la fabrication de ses tiretaines faites avec des laines du pays ou
de Saintonge est en pleine prospérité. En 1733, 1200
ouvriers y travaillent ; les 150 métiers de ce bourg
donnent 4 à 5.000 pièces, que l'on vend surtout dans
la Normandie et le Maine (3).
Les manufactures poitevines s'occupant de bonnets et
de bas essayèrent de lutter, surtout après 1770, et
l'inspecteur Vaugelade affirme, en 1775, que la « bonne qualité,
la fidélité et le bas prix de leurs étoffes »
valurent dès lors un retour de faveur aux industriels poitevins,
qui à cette époque avaient dans le Bas-Poitou des fabriques
à Fontenay, le Breuil-Barret, La Châtaigneraie, Saint-Pierre-du-
Chemin, Mouilleron, Cleffois, La Meilleraye, Pouzauges, Saint-Mesmin,
Les Herbiers.
Mais les pièces d'étoffes fabriquées,
draps, pinchinats, cadis, droguets, etc., sont en 1775 au nombre de
21.094 seulement, en diminution sensible de 4.000 sur le total atteint
en 1747. Il faut observer d'ailleurs que le pouvoir de l'argent a
diminué dans la dernière moitié du XVIIIe siècle.
Fontenay tient le premier rang, avec 2.337 pièces. Au
second vint Parthenay, avec 1.875, diminution légère
sur le chiffre de 1693. Cette décroissance est encore plus
sensible à Niort, où la fabrication est tombée
en moins d'un siècle, de 2.000 à 1.329
pièces, à Montcoutant, où de 5.000
elle est descendue à 1.042, à Bressuire, qui
en cent ans a vu décroître sa production de 4.000
à 1.414 pièces. A Breuil-Barret, elle
est de 1.302 pièces, La Chataigneraie, 1.644, Pouzauges,
1.092, Saint-Pierre-du-Chemin, 500, Mouilleron, 310, Cheffois, 420,
La Meilleraye, 430, Mesmin, 276, Les Herbiers, 534, Châtillon,
680 (4).
Un tableau dressé vers 1780, indique pour tout
le Poitou le nombre de 468 fabricants, 805 tisserands et 7.212 ouvriers.
C'est une diminution de 3 à 4.000 personnes, sur le chiffre
de 1.747. Niort arrive en tête avec 40 fabricants, 80 tisserands,
et 1.200 ouvriers ; mais il y en avait 4.000 avant 1760, c'est-à-dire
avant la perte du Canada. Puis viennent La Châtaigneraie,
Montcoutant, Saint-Maixent, Bressuire ; Fontenay compte 20 fabricants,
40 tisserands et 500 ouvriers ; La Châtaigneraie, 38,
50, 1.200 ; Montcoutant, 36, 160, 700 ; Bressuire, 25, 70, 400 ; Parthenay,
25, 50, 200, etc.
Autour de la Tessoualle, quatorze villages, en particulier
Mortagne-sur-Sèvre, Le Puy-Saint-Bonnet, Evrunes, Saint-Hilaire,
Saint-Aubin-des-Ormeaux, Treize-Vents et Châtillon, participaient
à la production des coutils répartie entre 65 fabricants
et 103 métiers. Enfin, on faisait à Niort et à
Mortagne de très beaux fils, et dans ce dernier canton, voisin
de Cholet, « on avait l'art de blanchir supérieurement
».
En 1777, le rapport de l'inspecteur du Poitou donne
pour les toiles une production estimée 606.154 L. et pour le
fil 130.000 L., ensemble 736.154 L. - Après cette date, nous
dit Creuze-Latouche, dans un rapport de 1791, diverses mesures de
fiscalité auraient ruiné l'industrie des toiles poitevines.
Après la Révolution, on ne retrouve plus que quelques
vestiges de cette ancienne fabrication. Ce sont les toiles fortes
d.'Airvault, qui occupent en l'an X, 200 métiers de tisserands,
et les toiles de ménage de Fontenay.
En dehors de la fabrication des lainages et du travail
des peaux, le Poitou ne possède plus au XVIIIe siècle
que de rares établissements, qui présentent le caractère
d'entreprises industrielles d'intérêt général...
Sur la côte, le port des Sables se livrait avec succès
à la pêche de la morue et de la sardine. - Les Olonnais
envoyaient tous les ans sur le banc de Terre-Neuve, 70 à 80
petits bâtiments de 100 tonneaux, pour pêcher les morues,
et 40 à 50 chaloupes pour capturer les sardines et autres poissons
de mer.
Cette industrie avait décliné depuis 1720.
Les 60 vaisseaux étrangers qui venaient autrefois aux Sables,
charger la sardine et la morue, avaient été éloignés
par des droits excessifs (5).
Quelques papeteries, en particulier à Niort,
à Mortagne-sur-Sèvre, subvenaient pour une part
assez faible à la consommation de la province.
Un rapport inédit de 1750, conservé aux
Archives de la Vienne, mentionne la fabrique de faïence de
Lavergne-Greffau, près la Roche-sur-Yon, où l'on
emploie une terre aussi résistante au feu que celles qu'utilisent
les faïenceries de Rouen, mais qui ne livre que des produits
grossiers, enduits d'un vernis noir... De 1770 à 1785, le marquis
de Torcy tente même à Saint-Denis-la-Chevasse
d'établir une manufacture de porcelaine du genre moyen pour
les services de la table.
En 1802, le préfet de la Vendée, Labretonnière,
constatait qu'aucun des départements de France ne comptait
aussi peu de grands chemins que le sien... En 1789,
la généralité avait 700 kil. de chemins royaux,
mais sur beaucoup de points, ce n'étaient que des tronçons
encore peu utilisables. - Sur le littoral, le seul port important,
celui des Sables, avait été préservé de
l'invasion des flots et des apports maritimes, par deux jetées
construites à partir de 1762. On avait travaillé à
le joindre au Havre de la Gachère, par un canal, et ces divers
travaux avaient coûté 2.206.000 livres. Des batteries
en défendaient l'entrée.
Ces améliorations avaient valu aux Sables un
retour de faveur ; les bâtiments marchands de 5 à 600
tonneaux, et les vaisseaux de guerre convoyeurs y mouillaient volontiers.
Mais le canal de Luçon, débouché des produits
de la Plaine s'envasait sans qu'on y portât remède, et
à Noirmoutier, la rade excellente du Bois-de-la-Chaise s'ensablait
rapidement. Quand aux autres ports, Beauvoir, Saint-Gilles-sur-Vie,
la Barre-de-Monts, le Pairay, la rade de l'Aiguillon, ils auraient
pu être mieux utilisés pour l'exportation des sels et
autres denrées, mais les ressources avaient manqué pour
les améliorer (6)... En 1747, à la foire de la
Saint-Venant (11 octobre), on vend à Fontenay pour 31.555 livres
d'articles de bonneterie. A la même foire, en 1775, la vente
est réduite pour cet article à 12.000 livres... En
1736, à la même foire, il est vendu pour 148.686 livres
de lainages de provenance française (7). - En 1737, aux trois
grandes foires de Fontenay, il est vendu pour 70.000 livres de denrées,
80.000 de soieries, 64.000 livres de toiles, 80.000 de mercerie et
de quincaillerie (8).
Dans le Bas-Poitou, le commerce du Bocage, pays alors
dépourvu de rivières navigables, de routes et de villes,
se réduisait à l'exportation du blé, des bufs
et des porcs, du merrain et du charbon. Ces produits étaient
envoyés dans l'Aunis et la Saintonge, par la Vendée,
et dans les autres régions de l'ouest par le moyen des foires
ou marchés de l'intérieur. La Plaine expédie
à Ré, à Bordeaux, à Rochefort, à
la Rochelle, ses froments, orges, seigles et avoines. A ses foires,
les marchands d'Auvergne, de Provence, de Languedoc et d'Espagne viennent
s'approvisionner de mulets et surtout de mules ; et ceux de Normandie
acheter les meilleures laines du pays.
Le Marais exporte ses céréales, ses sels,
ses chanvres dans le Bordelais, la Bretagne et le centre de la France.
Ses bufs alimentent le marché de Poissy et la boucherie
parisienne, et les belles toisons de ses moutons les fabriques
de Normandie et de Beauvaisis.
Les ports du littoral, principalement ceux de Saint-Gilles-sur-Vie
et des Sables-d'Olonne, ainsi que les îles de Bouin et de Noirmoutier,
font avec l'Angleterre, l'Espagne et nos provinces maritimes le trafic
des denrées agricoles, celui du sel, de la morue et des sardines.
A la fin du XVIIIe siècle, les Sables cornmencent même
à disputer à Marans le commerce d'exportation des céréales,
et depuis 1764, ils prennent une part active aux relations commerciales
avec les colonies (9).
« Une agriculture arriérée, dont
l'essor se trouvait enrayé par une organisation sociale et
politique défectueuse, une industrie en décadence, un
commerce local en partie paralysé par le mauvais état
des routes, tel est en raccourci le tableau que présente surtout
le Haut-Poitou au point de vue économique, à la veille
de la Révolution. L'absolutisme, par les excès de sa
fiscalité et par des mesures religieuses impolitiques, telles
que la révocation de l'Édit de Nantes, a certainement
contribué à ralentir l'activité économique
du Poitou. Mais il serait injuste de faire retomber sur la royauté
toute la responsabilité de cette décadence. Peu à
peu se produisait l'évolution qui devait transformer la production
industrielle et les transactions commerciales. Le groupement des capitaux
et la concentration croissante de l'industrie dans les grandes régions
favorisées par la nature ou par de puissantes traditions, commençaient
à produire leurs effets. La grande industrie tendait à
se former... La petite industrie seule, qui subvient aux nécessités
courantes de l'existence, est restée localisée. Le Poitou
a dû chercher au XIXe siècle, dans la production agricole
stimulée, accrue et améliorée, la principale
source de sa richesse (10). »
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NOTES:
(1) Almanach provincial, p. 207.
(2, 3 et 4) Extrait de Boissonnade, pages
56, 57, 59 et 63.
(5) Boissonnade, page 71.
(6, 7, 8 et 9) Boissonnade, pages 77, 78,
79 ,82, 85 et 86.
(10) Boissonnade, pages 85 et 86.
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LE COMMERCE DES CÉRÉALES
EN POITOU AVANT LA RÉVOLUTION
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Bien que le Poitou ait été dès
le moyen âge un des principaux pays producteurs de céréales
(1), les documents relatifs au commerce de cette précieuse
denrée font presque entièrement défaut pour cette
période. Ils ne commencent à devenir abondants que depuis
le XVIIe siècle.
En 1709, l'intendant Roujault écrit que les laboureurs
du Bas-Poitou « sont, malgré la déclaration royale
du 21 août 1699, presque tous érigés en marchands
de blé ». Ils ont des greniers à Marans, à
Ré, à La Rochelle, et ce commerce « en gros est
établi de tout temps ». Lorsqu'on essaya de l'empêcher,
au mois de décembre 1709, on ne fit que troubler inutilement
les approvisionnements de l'Aunis et du Bordelais.
Longtemps deux ports sont seuls autorisés à exporter
les grains destinés aux provinces françaises. C'étaient
ceux de Marans dans la généralité de la Rochelle,
et des Sables-d'Olonne dans celle de Poitiers. En 1773 on y ajoute
les ports de Moricq et de Saint-Gilles-sur-Vie, mais en limitant les
chargements à 50 tonneaux, s'ils sont destinés à
un autre point du Poitou. En 1775 enfin, tous les ports sont admis
à ce commerce.
C'est surtout l'exportation des grains à l'étranger
qui préoccupe l'opinion dans une province maritime telle que
le Poitou. Lorsque les récoltes sont abondantes, l'autorisation
d'exporter est accordée malgré les interdictions générales
décrétées en principe.
Dès le moyen âge, les Poitevins font le trafic de leurs
blés par les ports de la côte (2). Mais quand on redoute
la disette, toute exportation est rigoureusement prohibée.
Le commerce des blés oscille ainsi entre la liberté
et la prohibition, et ce système se maintient jusqu'à
la fin du xvnte siècle.
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NOTES:
(1) Les rentes en blés ou froments,
seigles, avoines, baillarges, sont mentionnées dans une foule
de Chartes. Dans une seule châtellenie, celle d'Angle, l'évêque
de Poitiers en perçoit pour une valeur de 3.591 francs. Cartulaire
de l'Évêché, acte de 1420, pp. Rédet,
Arch. hist. Poitou, X, n° 144.
(2) Exemples d'ordonnances autorisant l'exportation,
1252, 20 février 1534, 29 août 1558, 20 février
1601, janvier 1629, 29 mai 1669, etc. - Ordonnances prohibitives,
1304, 1322, 1515, 1538, 1565, 1587, 1626, 1641, 1675, etc. - L'article
7 de la déclaration royale de 1699, r
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LE COMMERCE DU POISSON, DU SEL ET
DES ÉPICES, DU BEURRE ET DES FROMAGES, DES LÉGUMES ET
DES FRUITS
|
Au XVIIIe siècle, les pêcheurs du Bas-Poitou
se livrent surtout à la pêche de la sardine et de la
morue, les Normands et les Bretons, ayant plutôt la spécialité
de la capture du maquereau et du hareng. Au mois de juin, les bancs
de sardines remontant le long du littoral vers Saint-Gilles et les
Sables, les barques vont jeter les filets. On vend ce poisson au sortir
de l'eau à des revendeurs qui le salent et le portent à
dos de cheval dans les villes voisines, où il s'en fait un
grand débit (1). Les Bretons au contraire vendent surtout les
sardines salées, séchées ou fumées, en
boîtes ou barils. Du mois de février au mois d'avril,
les Olonnais partent à la pêche de la morue. A la fin
du XVIIe siècle, ils tiennent le premier rang parmi les pêcheurs
de cette variété de poisson. « Les négociants
des Sables-d'Olonne, dit Savary, sont de tous les Français
ceux qui donnent le plus dans la pêche et le commerce de la
morue, et qui le font avec le plus de succès, quoique leur
ville soit très petite et leur port étroit et mauvais,
y ayant eu quelquefois des années qu'on a vu jusqu'à
100 vaisseaux Olonnois embarqués ». C'est sur le grand
banc de Terre-Neuve que les équipages se rendent. Le capitaine
et les matelots de chaque vaisseau reçoivent pour salaire le
tiers de la morue qu'ils rapportent. La morue verte se sale à
bord, et après avoir été triée suivant,
la longueur, l'épaisseur et la largeur, se vend dans les ports
de La Rochelle et de Nantes (2).
De plus, tout le long du littoral, la population se
livre à la pêche du poisson frais, soit au large, soit
au moyen des bouchots, sorte de réservoirs communiquant avec
la mer et formés de bois entrelacés en forme de claies.
D'autres emploient des parcs en pierre ayant l'aspect d'un demi-cercle
de 4 pieds de haut, avec une ouverture vers la mer fermée de
grilles en bois percées de trous. C'est ce qu'on nomme des
écluses ou pêcheries. Les ordonnances de la marine de
1683 et de 1684 avaient réglementé l'usage de ces réservoirs.
Les arrêts du Conseil du 22 mai 1732 et du 2 mai 1739, pour
empêcher la destruction du frai et du poisson de premier âge,
ordonnèrent la démolition de tous les parcs situés
sur les côtes du Bas-Poitou, dont on ne pouvait représenter
les titres de propriété. Quarante et un parcs de pierre,
gords ou écluses, furent ainsi détruits en une année.
On épargna ceux de l'évêque de Luçon et
du baron de Champagné, en les soumettant à des prescriptions
minutieuses relatives à la composition, à la longueur,
largeur et hauteur des claies, et à la pose des filets (3).
Le sel, ainsi que nous l'avons déjà indiqué,
est produit dans le Bas-Poitou, dès les temps les plus reculés.
Les salines (salin) ou marais salants (terr
salsabiles), exploitées par les paludiers (marisci),
sont fréquemment indiquées dans les Cartulaires (4).
Les marais se trouvent surtout en Aunis, dans la région de
Marans et sur le littoral poitevin, autour de la baie de Bourgneuf,
dans un rayon de 12 lieues, oit sont Noirmoutier, l'île de Bouin,
Machecoul, la Barre-de-Monts et Beauvoir-sur-Mer. Mer. On estimait
qu'il, y avait là, au XVIIe siècle, 20.000 salines.
Chacune des salines se divisait en 50 aires ou illettes, c'est-à-dire
en petits bassins où l'eau de mer subissait sa dernière
évaporation.
La contenance de L'aire, d'ailleurs variable, était,
dans la région des Sables-d'Olonne, généralement
fixée à 7 m. de long sur 5 m. de large. On évaluait
la production annuelle de chaque aire à un quart de muid de
sel, mesure de Paris, c'est-à-dire à 700 livres pesant,
et celle de toute la baie de Bourgneuf à 37.000 muids, production
à peu près égale à elle des salines d'Aunis
et de Saintonge, et supérieure à celle des marais du
Croisic et de Guérande, en Bretagne.
Le sel obtenu, de couleur grisâtre, se vendait
aux greniers du Roi, aux étrangers (5) et aux habitants de
la province. L'État, au XVIIIe siècle, a le privilège
de l'acheter au prix du gros, c'est-à-dire à 20 livres
la charge de 6.720 livres pesant (6). Le transport en est fait à
l'intérieur, soit par barque, soit par charrettes attelées
de deux chevaux ou d'un seul. Le sel est contenu dans de grands pots
de terre nommés houles ou oilles, dans lesquels
il se conserve mieux (7) et d'où on l'extrait pour le vendre
au boisseau. Le Poitou est une province rédimée. De
là, pour tous les habitants de ce pays, le droit de faire librement
le commerce du sel. Tout marchand, soit domicilié, soit forain,
est admis à amener cette denrée dans les villes et bourgs,
pour la débiter publiquement (8).
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|
NOTES:
(1) Savary. - Dictionnaire du commerce,
III page 1339.
(2) Savary. - Dictionnaire du Commerce,
III, 470. - En 1789, on armait encore 18 navires par an pour cette
pêche, 4 seulement en 1804. Cavoleau. - Etat de la Vendée,
édit. la Fontenelle 1844, page 683. - Les navires pour cette
pêche étaient des bricks de 150 à 180 tonneaux
etvalaient, neufs, 30 à 36.000 francs ; les frais d'armement
s'élevaient à 8 ou 10.000 francs ; l'équipage
comprenait 20 hommes. Ibid. - Ex. d'un contrat pour un voyage
de pèche à Terre-Neuve, 22 décembre 1622, pp.
Petiteau. Société d'Emulation de la Vendée,
1882, 17. Le propriétaire du navire fournit 1.000 livres
pour frais d'armement, c'est-à-dire les vivres, il a 213 du
profit, le capitaine du navire et ses 12 hommes ont l'autre tiers.
(3) Boissonnade, page 195.
(4) Concessions de marais salants, Xe et
XIe siècles. - Arch. hist. Poitou, III, n° 520,
526, 543 ; I, n° 41 et 29 ; II, n° 13, etc. Sur le prix des
aires des marais salants, actes nombreux, Vendée B (501
et 49). Sur leur exploitation au IXe siècle, Cavoleau, page
666.
(5) Le sel, vendu 30 à 35 livres
la charge, se transportait, au XVIIe siècle, dans la Flandre,
la Zélande, la Pologne et les pays de la Baltique.
(6) Les étrangers le payaient d'ordinaire
30 à 35 livres la charge. - En 1453, le sac se vend 30 sols
à 45 sols, rendu à bord du navire (il y a 28 sacs à
la charge). - De 1745 à 1755, prix de la charge (poids 6.500
livres) 32 livres 6 sous ; de 1755 à 1765, 30 livres 16 s...
de 1785-95, 46 livres 10 sous.
(7) Tarif de la prévôté
de Poitiers.
(8) Boissonnade. Extrait, pages 211, 2,12
et 213.
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LES INDUSTRIES TEXTILES ET LE COMMERCE
DE L'HABILLEMENT EN POITOU
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En 1307, les cent livres de laine, dont on distinguait
deux variétés, bourre lanisse et bourre moleisse, se
vendent 26 sols à 16 sols. En 1422, la livre de laine commune
vaut 5 deniers; la laine fine (déliée), 12 deniers la
livre, et la grosse laine filée 18 deniers. - En 1680, les
laines du Poitou valent 10 à 12 sols la livre, en 1701, 25
à 26 sols, en 1736, à Fontenay, 22 à 23 sols,
à Montcoutant, en 1733, la laine filée et teinte se
vend 28 à 30 sols la livre. A la foire de Fontenay, en 1717,
le prix de la livre de ces mêmes laines varie de 21 à
25 sols, et en 1757, de 30 à 31 sols.
Moins productive que l'élevage des bêtes
à laines, la culture du chanvre et du lin a été
cependant très développée en Poitou.
Les cartulaires font souvent mention de chenevières
et de plantations de lin. Un règlement de 1422, montre que
le chanvre non peigné se vend à la livre 10 deniers,
que la livre de ce textile peignée vaut 15 deniers, et filée
2 sols 6 deniers. Le lin brut vendu à la poignée est
estimée 12 deniers, prêt à filer, la livre s'achète
à raison de 3 sols 4 deniers, et filée 5 sols. En 1733,
le fil de lin du pays est vendu à Moncoutant tout filé,
38 à 45 sols la livre. Plus tard, en 1775, les chanvres en
poil, valent suivant les lieux, dans la province, 45 à 90 livres
le quintal, et les lins en poil 50 à 125 livres, soit pour
les premiers 9 à 18 sols la livre, et pour les seconds 10 à
25 sols. On appréciait surtout les lins d'été
du Bocage, les chanvres du Chatelleraudais et du Marais, dont une
partie, notemment ceux de Vix, s'exportaient à Rochefort et
à Brodeaux. La majeure part s'employait dans le pays (1).
Le règlement de 1698, relatif aux manufactures
du Poitou, énumère les variétés d'étoffres
fabriquées dans la province. Ce sont des tissus mi-soie, mi-laine
filée, tels que les droguets mélangés et les
tirelaines de soie ou popelines ; les pièces ont une ½
aune de large, 30 à 40 aunes de long. Puis viennent les draps
de laine de première qualité, tels que ceux de Fontenay
ou de Coulonges, les droguets croisés drapés, nommés
aussi campes, les sergettes et cadisés, les tiretaines croisées
ou à petits carreaux, fabriquées à Breuil-Barret,
La Châtaigneraie, Saint-Pierre-du-Chemin, Cheffois, Bressuire,
Moncoutant... On faisait à Bressuire des tiretaines fines,
et dans les manufactures du Bas-Poitou des tiretaines communes, ayant
½ aune de large et 40 aunes de long, et composées de
laines du pays en chaine, de pelades en trame. Certains de ces tissus
confectionnés à Moncoutant, portent le nom de breluches
; cette seule fabrique en produisait vers 1733 jusqu'à 4.300
pièces, qu'on teignait en gris ou aurore, et qui se vendait
aux foires de normandie (2).
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|
NOTES:
(1 et 2) Boissonnade, pages 267, 275 et
276.
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L'INDUSTRIE DES TRANSPORTS
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L'état des routes coupées de fondrières,
même dans les parties les plus fréquentées de
la province, rendait le transport fort onéreux, et les voyages
par terre difficiles. Aussi prèfère-t-on se servir des
voies navigables de la Sèvre et de la Vienne, pour la plupart
des expéditions de marchandises. Sur la côte, à
Maillezais et aux Sables-d'Olonne, par exemple, le travail de construction
des bateaux ou barques fait vivre un certain nombre d'industriels
(1), et une nombreuse population de mariniers est employée
au service du cabotage. A Niort, les bateliers forment un corps assez
nombreux pour être admis en 1789 à figurer parmi les
communautés qui participèrent à la rédaction
des cahiers des doléances du Tiers. Ils sont, quinze ans auparavant
au nombre de 20. Tous les dimanches au matin, ils partent pour Marans,
où ils arrivent le mardi avec des chargements de farines, de
blés, de bois et de merrain. Ils en repartent le même
jour, chargés de sel et d'autres produits, remontent la Sèvre
jusqu'à Niort, en un jour si les eaux sont abondantes, en deux
ou trois quand elles sont basses (2).
A Poitiers, de l'auberge de la Tête-Noire, près
de la place de Notre-Dame ou de la porte de Paris, les rouliers partent
pour Tours, Orléans, Niort, Fontenay, Aigre, La Rochelle et
Bordeaux. Ils ont dans les aubergistes des commissionnaires qui se
chargent de recevoir en dépôt les malles et les paquets.
Une entreprise importante, sous le nom de - roulage de France - s'est
même formée à Poitiers, rue du Grand-Eudes (3).
Le messager de Niort fournit, moyennant 36 livres 10 sols à
l'aller et 32 livres 10 sols au retour, monture et entretien à
un échevin Niortais, qui se rend à Paris à l'époque
de Louis XIII.
Par l'entremise du messager, le voyage était
lent, si bien que de Niort, on mettait 8 jours pour se rendre à
Paris en 1653 (4).
En 1789, les messagers des villes du Poitou ou maîtres
des courriers royaux établis par Louis XI, assurent au nombre
de 19, des communications hebdomadaires ou bi-hebdomadaires entre
le chef-lieu du Poitou et les villes de Châtellerault, Fontenay,
les Sables, Saintes, Niort, etc. (5).
(1) Le mémoire de l'intendant Meaupou,
compte pour les neufs ports du BasPoitou en 1698, 1.300 matelots,
30 navires et 200 barques ; les neufs ports sont : Les Sables, Beauvoir,
La Barre-de-Monts, Jard, Saint-Benoît, La Tranche, Saint-Gilles,
Noirmoutier et l'île d'Yeu.
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|
NOTES:
(2) Boissonnade, pages 398 et 399.
(3) Ibid., pages 401, 404 et 405.
(4 et 5) Boissonnade, page 405.
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L'IMPRIMERIE. - LA LIBRAIRIE
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En dehors des villes de premier ordre, le libraire est
rarement éditeur. Il se borne à acheter aux imprimeurs
des grands centres, les produits qu'il débite, et parfois à
traiter avec des industriels pour l'impression de quelque ouvrage.
Ainsi agissaient certainement les marchands libraires qu'on voit établis
jusque dans les bourgs, par exemple aux Moutiers-sur-le-Lay (1), ou
à Mortagne-sur-Sèvre (2), sans parler de ceux des petites
villes, telles que les Sables-d'Olonne et Thouars (3).
La surveillance de l'autorité religieuse et politique
s'appesantit lourdement sur les imprimeurs (4) et les libraires, et
la limitation légale du nombre des premiers ne fut pas sans
doute étrangère au déclin de cette industrie
en Poitou pendant les cent années qui précédèrent
la Révolution (5). Ce régime explique aussi la tardive
apparition de la presse provinciale. C'est à un Poitevin, Théophraste
Renaudot, que Paris dut son premier journal, la Gazette de France.
Longtemps cette gazette fut la seule qui, avec le Mercure,
circula dans les villes du Poitou. En 1730 le corps de ville de Niort
recevait deux fois par semaine ces feuilles publiques et presque officielles
; il ne les recevait auparavant qu'une fois (6). Le Journal de
Verdun eut aussi dans la province quelques abonnés. L'un
d'eux, Dreux du Radier, figure parmi les collaborateurs de cette publication
(7). Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la presse
profite de la tolérance administrative pour se propager, et
l'industrie du journalisme fait son apparition dans les provinces
sous la forme de feuilles périodiques appelées «
Affiches ». C'est à l'imitation d'un grand nombre
d'autres capitales provinciales que Poitiers fut enfin doté,
en 1773, de son premier journal, les Affiches du Poitou. Le
fondateur de cette feuille fut l'avocat bien connu Jouyneau-Desloges,
protégé du comte d'Artois et du duc de Chartres, et
qui devint, en 1777, inspecteur de la librairie, et en 1783, chef
de bureau à l'intendance (8). Son journal, rédigé
avec beaucoup de soin, d'un caractère assez libéral,
quoique peu dangereux pour l'autorité, contient une foule de
courts articles, de dissertations, de notices, de lettres, de renseignements
d'ordre administratif, scientifique, historique, littéraire,
économique, qui ne manquent pas de valeur. Il paraissait tous
les huit jours, le jeudi, sous le format in-4°, en deux colonnes,
en caractères petit-romain. L'abonnement coûtait 71.
10 s. pour Poitiers, où les abonnés étaient servis
gratuitement à domicile, et 9 1. pour le reste de la province
avec port à la charge de la direction. Le prix était
payable d'avance (9). Bien que le journal reçut des annonces
au bureau du directeur, rue Cloche-Perse, bien que ses rédacteurs
fussent des collaborateurs bénévoles, l'organisation
commerciale en était trop défectueuse pour que le promoteur
fit fortune. Il insérait gratuitement les lettres et avis (10).
Il se montra trop désintéressé
pour songer à faire de son entreprise une spéculation.
Il agissait, disait-il, « plutôt en ami de l'instruction
et en bon citoyen, qu'en marchand de papier (11) ». Il parvint
à réunir trois-cents abonnés, parmi lesquels
50 à Poitiers, et plus 500 à 550 souscripteurs. Son
journal tirait à 750 exemplaires environ, dont deux-cents étaient
distribués gratuitement, et il forme, de 1774 à 1781,
un recueil de 2.000 pages, en deux volumes in-4° (12). Passé
en 1782 aux mains du libraire-imprimeur Chevrier, il dégénéra
en feuilles d'annonces et de faits divers qui présentaient
un médiocre intérêt, bien que le prix d'abonnement
restât le même (13). Les Affiches de Poitou devaient
prendre en 1790 le nom de Journal de Poitou, puis de Journal
du département de la Vienne ; ce journal qui subsiste encore,
est le doyen de la presse poitevine (14). Il a eu depuis de nombreux
imitateurs. Mais son premier propriétaire et rédacteur
privilégié était loin de songer que sa modeste
initiative put donner naissance à l'industrie qui s'est formée
au XIXe siècle (15).
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|
NOTES:
(1) Clémenceau, libraire (1498-1510).
(2) Affiches du Poitou 1775, page 176.
A la fin du XVIIIe siècle, les libraires de Mortagne avaient
organisé des cercles littéraires, à l'instar
des grandes villes. Ces industriels fournissaient le local, l'éclairage,
le chauffage, les papiers publies ou recueils périodiques.
(3) Vente par Marie Boulineau, aux Sables
(févr. 1781 Vendée B. 837).
(4) L'imprimerie n'apparaît à
Fontenay qu'au début du XVIIe siècle ?.
(5) Boissonnade, page 467.
(6) H. Proust. Intermédiaire
de l'Ouest, N° 1, 1892, page 91.
(7) Voir la table du Journal de Verdun,
publiée en 1775.
(8) Dugast-Matifeux. - Notice sur Jouyneau-Des
loges. Revue des Provinces de l'Ouest, 1855, page 65.
(9) Prospectus des Affiches du Poitou,
1773, pp. 1 à 19, - 1779, p. 189, - 1783 même prix.
(10) Ibid.
(11) A. Richard, page 429.
(12) Ibid.
(13) Archives du Poitou, collection
1782-1790.
(14) A. Richard.
(15) Boissonnade, pages 467-469.
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LA MEDECINE, LA CHIRURGIE, LA PHARMACIE
ET LES INDUSTRIES ANNEXES
|
Les médecins forment en Poitou, sous l'ancien
régime, une corporation encore peu nombreuse. Au moyen âge,
ce sont des moines ou des prêtes qui exercent l'art médical,
comme le prouvent les brèves mentions des cartulaires (1).
L'art médical se laïcise ensuite, mais timidement. Au
XVe siècle, les premiers régents de la faculté
de médecine de Poitiers sont encore des clercs. L'un des plus
célèbres docteurs de l'Université de Paris, Robert
Poitevin, médecin de Charles VII et de Louis XI, était
trésorier de Saint-Hilaire ; et vers la fin du XVe siècle,
Michel de Bohain, qui pratiqua la médecine avec éclat,
appartenait au même chapitre. L'Institution de l'Université
de Poitiers, en 1431-1432, favorise la diffusion de l'art médical.
Des médecins commencent à s'établir dans les
villes importantes. On en comptait huit dans la capitale du Poitou
en 1533, parmi lesquels un Jacobin de Damas, deux Italiens, un Bourguignon,
un Périgourdin,et un Dauphinois... Les autres villes ou gros
bourgs du Poitou eurent aussi leurs docteurs-médecins, formés
soit à l'Université de Paris, soit à l'Université
de Montpellier, les deux centres les plus renommés des études
médicales, soit encore à celle de Poitiers, dont le
renom décline depuis le XVIIe siècle. Châtellerault
par exemple, avait en 1738, trois lnédecins, en 1770, huit
- Niort, Parthenay, Lusignan, Bressuire, Les Sables-d'Olonne, Luçon,
Saint-Maixent, et même des bourgs tels que Airvault, la Pommeraye,
Les Essarts, Soullans, ont leurs médecins (2).
Toutefois, le nombre en est relativement restreint. Ainsi, à
la fin du XVIIIe siècle, le département des Deux-Sèvres
ne possède que 20 docteurs-médecins (3).
Les médecins ont pour concurrents les chirurgiens, dont le
nombre, dans les Deux-Sèvres, était par exemple, à
la fin du XVIIIe siècle, quatre fois plus considérable
que celui des médecins. A Poitiers, leur communauté
se compose de 14 maîtres. Les chirurgiens se retrouvent à
cette époque dans la plupart des bourgs, où ils exercent
souvent avec leur métier spécial, ceux de médecin
et d'apothicaire (4). La profession a dès lors commencé
à se morceler en spécialités, et on distingue
déjà les chirurgiens oculistes, les chirurgiens dentistes
et les chirurgiens herniaires (5).
Mais les médecins, chirurgiens, apothicaires,
ont une foule de concurrents dangereux parmi les empiriques de toute
espèce, qui pullulent à la ville comme aux champs. Parmi
ceux-ci les plus vénérés ou les plus redoutés
des paysans, sont les sorciers ou devins, qui jettent des sorts sur
les hommes et sur le bétail, et qui seuls connaissent les secrets
des attouchements. Ils inspirent une sorte de terreur, rançonnent
la population des campagnes sur laquelle ils prélèvent
en guise de tributs, du pain, du vin, de la volaille, séduisent
parfois les femmes (6), et leur prestige est encore vivace à
la fin du XVIIIe siècle (7)... Il n'est pas jusqu'au bourreau
qui n'ait son cabinet médical ou chirurgical. Celui de Fontenay-le-Comte
est un rhabilleur incomparable, qui se flatte de remettre les os disloqués
et les membres rompus aussi bien que les chirurgiens (8).
Les soins de toilette et de propreté sont dévolus
en Poitou, comme dans le reste de la France, à un corps d'industriels
très ancien, celui des barbiers, que des liens étroits
rattachent à l'art médical. Pendant longtemps, ils possédèrent
entre autres privilèges, celui d'ouvrir les établissements
de bains publics, car depuis le XIIe siècle, l'usage des ablutions
s'était en effet très répandue, mais par suite
d'abus commis dans certaines étuves entretenues par des barbiers,
ces établissements disparurent peu à peu. Le peuple
continua à user des bains de rivières, mais les autres
classes se déshabituèrent de ces soins de propreté.
On ne connaissait guère non plus l'emploi des
bains de mer. Tout au plus en usait-on pour la guérison de
la rage. On connaît à cet égard l'anecdote relative
à Mme de Ludreque, racontée par Mme de Sévigné.
Au XVIIe siècle, il est question dans la baronnie de Saint-Michel-en-l'Herm,
d'un baigneur juré qui est chargé, pour toute
l'étendue de ce territoire, de baigner toutes personnes et
toutes sortes d'animaux « mordus de chiens » ou autres
bêtes « enragées ou gastées » (9).
Il ne semble pas que cet emploi ait été réservé
aux barbiers. Ces derniers industriels se trouvaient donc, au XVIIIe
siècle, à peu près réduits à accommoder
la barbe, les cheveux et les perruques, et à pratiquer accessoirement
le commerce de parfumerie (10).
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|
NOTES:
(1) Mandeguerre, médecin, Charte
de Talmont, 1140, pp. Marchegay, Société d'émulation
de la Vendée, 1858, p. 189.
(2) Docteur Gallot, lettre aux Affiches
du Poitou, 1776, page 9.
(3) Boissonnade, pages 470-471.
(4) Barillon, maitre-chirurgien et apothicaire
à Challans, acte de 1716, Vendée B, 332.
(5) Les deux chirurgiens de la Châtaigneraie
sont aussi apothicaires. Affiches du Poitou, 1776, page 144.
(6) Acte de rémission pour le meurtre
d'un sorcier en Poitou, 1377.
(7) Boissonnade, page 507.
(8) Arrêt du Parlement de Paris contre
le bourreau de Fontenay-le-Comte. - mars 1775.
(9) Réceptions de Blaise Ridaud
et de Jacques Rutaud, pêcheurs, comme baigneurs jurés
de Saint-Michel-en-l'Herm, 1667-1697. - Vendée, 1140-1145.
(10) Boissonnade, page 518.
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ORGANISATION DE L'INDUSTRIE
CARACTÈRE DE LA CORPORATION.
- LES MAITRISES, LES RÈGLEMENTS
|
La corporation fut à l'origine une protection,
une garantie, une force. Elle défendait les artisans, non seulement
contre le seigneur, mais contre les ouvriers étrangers. Elle
en limitait le nombre, leur assurait un monopole et leur permettait
de s'enrichir plus vite. Dans l'enfance de l'industrie et le désordre
de la société, cette protection était ce que
fut plus tard, pour le commerce, la prohibition des marchandises étrangères,
un précieux appui. De plus, la corporation reposait sur un
principe excellent, que nous cherchons à faire revivre dans
notre industrie trop divisée : l'association. Mais cette association
devint étroite, égoïste, tyrannique, hostile à
tous progrès, attachée à ses privilèges
jusqu'au fanatisme, à ses règlements jusqu'à
l'absurdité, à sa routine jusqu'à sa propre ruine.
La corporation ne pouvait s'étendre, le nombre des apprentis
de chaque maître était fixé.
L'apprentissage, pour lequel on devait payer, durait
huit ou dix ans dans certains métiers. Les apprentis devenaient
valets ou ouvriers. Ils restaient simples ouvriers jusqu'à
ce qu'ils pussent obtenir la maîtrise, et pendant ce temps il
était défendu aux compagnons de se marier. Souvent cette
maîtrise était la terre de Chanaan qu'il leur était
permis de voir, mais rarement d'aborder. Aussi que de désespoirs
ont dû agiter l'âme des travailleurs pendant cette longue
période d'oppression ? Tout leur était interdit, jusqu'à
la faculté de disposer d'eux-mêmes, comme si la liberté
de travailler n'était pas la plus sacrée de toutes les
propriétés
Reçus maîtres par ceux qui avaient intérêt
à les écarter, il fallait encore attendre la vacance
d'une maîtrise, il fallait la payer : droit au seigneur, car
les métiers ne s'appartenaient pas, c'était le roi ou
un seigneur qui donnait le droit de les exercer (1), droit à
la corporation, droit à chaque maître de la corporation.
Plus tard même, on obligea les ouvriers à faire, pour
mériter la maîtrise, un travail long et coûteux,
le chef-d'uvre qui ruinait l'ouvrier ou tout au moins l'endettait.
A Fontenay, pour être reçu, notamment maître
orfèvre, il fallait présenter un chef-d'uvre,
donner au syndic de la communauté un demi-marc d'argent, remettre
au même dix marcs de caution, choisir un poinçon particulier.
Le nouveau maître devait, ainsi que ses confrères, employer
de bon or et argent, excepté pour les ornements d'église.
Quant aux autres statuts, ils étaient les mêmes que ceux
de Poitiers.
Le métier avait des chefs nommés par les
maîtres ou par les seigneurs, c'étaient les prud'hommes
ou les jurés chargés de la police du métier
et de l'exécution des règlements. Plus tard, ces fonctions
devinrent des offices payés fort chers et sources de profits
(les jurandes).
Les jurés surveillaient le travail. Dans la bonne
intention de prévenir les fraudes et de sauvegarder l'honneur
de la corporation, on multiplia les règlements au point qu'ils
devinrent non seulement une gêne, mais encore un obstacle à
tout perfectionnement, à toute amélioration.
Des siècles furent nécessaires pour qu'on
adoptât une innovation. On fixait aux artisans le poids, la
longueur, la largeur des objets qu'ils devaient fabriquer; on déterminait
la qualité de la matière première, la manière
de l'employer. Toute étoffe tissée, tout objet fabriqué
en dehors des règles ordinaires était détruit.
Défense pour certains métiers de travailler la nuit,
parce qu'ils ne feraient point de bonne besogne. Le maître lui-même
n'avait pas le droit de travailler seul à l'écart :
il fallait qu'il exerçât son métier au grand jour,
à la vue du public, pour lequel il ne devait pas avoir de secrets.
L'orfèvre et le serrurier étaient obligés d'avoir
leur forge dans leur boutique ; le tailleur ne pouvait pas coudre,
le fabricant de boucles ne pouvait, sous prétexte de former
un apprenti, tourner ou limer son cuivre ailleurs que sur son établi
dressé près de sa fenêtre du rez-de-chaussée.
Cette loi imposée au travail est devenue un usage
qu'ont conservé jusqu'à nos jours certains artisans,
sans en connaître le sens, notamment les orfèvres, les
serrruriers, etc.
(1) Un petit nombre ne purent être
exercés qu'avec privilège du souverain. Telles étaient
àFontenay (qui le croirait ?) la profession de savetier et
et celle de marchand d'oignons et d'échalottes.
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CONCLUSIONS
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De nos jours, où la liberté commerciale
et industrielle la plus grande existe, on se fait quelquefois une
idée bien fausse des restrictions de toute sorte et de la réglementation
excessive dont était entouré l'exercice d'une profession
quelconque.
A peine élevés à la dignité
d'hommes libres par les affranchissements nombreux qui eurent lieu
pendant les XIe, XVIIe et XVIIIe siècles, surtout dans les
villes qui, comme Fontenay, pouvaient le mieux acheter cette faveur,
les artisans se réunirent pour se défendre contre les
exactions dont l'affranchissement ne les sauvait pas ; des corporations
se formèrent, les artisans du même métier firent
entre eux des règlements, élirent des chefs, proposèrent
même au seigneur de confirmer les statuts de cette association
qui limitait ses droits. Alors la tyrannie du seigneur, au lieu de
frapper quelques individus, s'appesantit sur les corporations, celles-ci
éprouvèrent le besoin de se prêter un mutuel appui,
elles s'entendirent, et bientôt elles protestèrent au
nom de l'égalité fraternelle et de la personnalité
indépendante, contre la fatalité héréditaire
et contre la tradition hébraïque du droit d'aînesse
adopté par l'Église et par la féodalité.
Leur protestation devait être un jour relevée par «
l'établissement de la Commune jurée par la France
de la Révolution » dont nous parlerons plus loin.
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