COMBATS DANS LA HAUTE ET DANS LA BASSE-VENDÉE
De Cholet (9 Avril) à Fontenay-le-Comte
(25 Mai 1793)
RENDEZ-VOUS DES VENDÉENS A
CHOLET (9 Avril)
SUCCÈS ET REVERS
LES VENDÉENS RÉFUGIÉS
A TIFFAUGES
Pendant ces incursions, la guerre avait aussi recommencé dans
la Haute-Vendée. Le lendemain de la Quasimodo (9 avril 1793),
les Vendéens, qui étaient rentrés dans leurs
foyers pour la semaine sainte, s'élancent de nouveau de leurs
hameaux à l'appel du tocsin qui sonne de clocher en clocher.
Fidèles au rendez-vous qu'ils s'étaient donné,
ils accourent se réunir le 9 avril à Cholet au nombre
de 30.000, ayant à leur tête d'Elbée, Stofflet,
Cathelineau, Bonchamps. Le 11, ils marchent sur Chemillé (1),
dont ils demeurent maîtres après une lutte désespérée
de part et d'autre (2). Mais les Vendéens manquent de munitions,
et quatre divisions républicaines, comprenant 35.000 hommes
aux ordres de Gauvilliers, Leygonnier, Berruyer et Quétineau
s'avancent sur plusieurs points pour les entourer.
Poursuivis de toutes parts et craignant d'être enveloppés,
les Vendéens rétrogradent et se concentrent à
Beaupréau. Leur position était des plus critiques, car
ils étaient plus de trente-mille enfermés dans un espace
de deux lieues ; mais Bonchamps, qui joignait à une bravoure
éprouvée de grandes connaissances militaires sauva l'armée
en ordonnant une trouée sur Tiffauges (13 avril), pendant que
Berruyer s'établissait à Cheminé le 14 et le
16 et mettait ses avant-postes en communication avec ceux de Leygonnier.
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(1) Ce fut la première grandes bataille rangée
des Vendéens et leur première grande victoire : elle
est connue sous le nom de Grand choc de Saint-Pierre ou de Chemillé.
(2) Au moment ou l'armée Vendéenne commençait
à plier, un enfant de 14 ans, impassible au milieu des balles
qui sifflent à ses oreilles, saisit la mèche enflammée
d'un maître canonnier et met le feu à une couleuvrine
abandonnée. - Le coup part et jette le désordre dans
une colonne compacte de l'ennemi.
ENTRÉE EN SCÈNE DE HENRI
DE LA ROCHEJAQUELEIN
Telle était la position critique des Vendéens, lorsqu'un
jeune homme de vingt ans apparut tout à coup au milieu d'eux.
Le jeune Henri de la Rochejaquelein (1) était jusqu'alors resté
enfermé avec sa famille au château de Clisson, près
Parthenay, chez son parent M. de Lescure. Mais l'ordre de tirer la
milice arriva et il se trouvait de la classe du tirage.
Il était résigné à se laisser mettre
à mort plutôt que de prendre les armes contre les Vendéens,
lorsqu'un jeune paysan lui inspira une résolution plus énergique
: « Monsieur, lui dit-il, on répand le bruit que vous
irez dimanche tirer la milice à Boismé c'est-il bien
possible pendant que vos paysans se battent pour ne pas tirer. Venez
avec nous ; tout le pays vous désire et vous obéira.
» Henri se leva et répondit : « Je pars ! »
M. de Lescure voulait en faire autant, mais Henri lui confia sa famille
et lui dit en l'embrassant : « Je viendrai te délivrer
si on t'arrête ! »
Marquise de la Rochejaquelein
Il prit aussitôt, dit Mme de La Rochejaquelein ( alors Mme
de Lescure), cet air fier et martial, ce regard d'aigle que depuis
il ne quitta plus. Il partit le soir, armé d'un gros bâton
et suivi de son domestique. Le dimanche suivant, des gendarmes vinrent
saisir toute la famille de La Rochejaquelein et MM. de Lescure et
de Marigny. M. de Lescure était tellement respecté que
le district lui fit des excuses et lui donna la ville pour prison.
Cependant Henri, continuant son périlleux voyage
avait joint l'armée d'Anjou. Il arriva pour assister à
la déroute du Mesnil : « Tout est perdu, lui dirent Bonchamps,
Cathelineau, Stofflet et d'Elbée, nous n'avons plus deux livres
de poudre ». Pénétré de douleur, de La
Rochejaquelein retourne seul à Saint-Aubin de Baubigné,
chez sa tante, où il arrive en même temps que le général
Quétineau aux Aubiers.
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(1) Heuri du Vergier de la Rochejaquelein, le plus populaire
des chefs de la Grande-Armée, surnommé l'Achille
de la Vendée, naquit le 30 août 1772, au château
de la Durbelière, paroisse de Saint-André-de-Baubigné.
- En 1785, il sortait de l'école militaire de Sorèze
pour aller rejoindre, à Landrecy, le régiment de Royal-Pologne-cavalerie,
dont son père était colonel. Nommé officier dans
la garde constitutionnelle du roi, le 30 novembre 1791, il dut rester
à Paris jusqu'au 10 août 1792. Muni d'un passeport, il
put se réfugier avec son cousin de Lescure au château
de Clisson, près Bressuire. - Général en chef
pendant la campagne d'Outre-Loire, où il se distingua par des
traits de bravoure et de générosité admirables,
il fut, le 27 janvier 1794, tué par un grenadier répubhcain
près de la ferme de la Haie-en-Bureau, sur le bord de la route
de Cholet à Nuaillé.
VICTOIRE DES AUBIERS (13 Avril 1793)
Il n'y avait dans ce canton aucun chef ni aucun point de réunion,
et de La Rochejaquelein ne songeait à rien entreprendre lorsque
des paysans apprenant son arrivée viennent le trouver en foule
et le supplient de se mettre à leur tête ; ils lui affirment
que le lendemain même il aura dix mille hommes à ses
ordres. Il n'hésite pas ; il se proclame leur général,
et le lendemain matin il est à la tête de dix mille paysans
armés de bâtons, de faux et de broches. Ils n'avaient
que deux cents fusils de chasse et soixante livres de poudre qu'on
trouva chez un maçon. « Mes amis, leur dit La Rochejaquelein,
en se plaçant au milieu d'eux, si mon père était
ici, vous auriez confiance en lui. Pour moi, je ne suis qu'un enfant,
mais par mon courage je me montrerai digne de vous commander ; si
j'avance, suivez-moi; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi.
» On lui répondit par de grandes acclamations. Après
cette harangue célèbre, il mange avec eux un morceau
de pain bis et les conduit contre Quétineau .
Les Vendéens, marchant derrière les haies en silence
se répandent autour du village. La Rochejaquelein, avec une
douzaine de bons tireurs, se glisse dans un jardin, d'où caché
derrière une haie, il se met à tirer sur les républicains.
Les paysans lui donnaient à mesure des fusils chargés.
Impatientés de perdre ainsi du monde sans voir leurs ennemis,
les républicains font un mouvement rétrograde pour se
ranger en bataille sur une hauteur. Le général vendéen
en profite habilement : « Mes amis, s'écrie-t-il, les
voilà qui s'enfuient ! » Aussitôt les Vendéens
sautent de toutes parts par dessus les haies, s'élancent sur
les républicains en poussant, de grands cris, les dispersent
en un instant et s'emparent de deux pièces de canon, de douze
cents fusils et d'une grande quantité de munitions. Les fuyards
furent poursuivis jusqu'à Beaulieu et allèrent se renfermer
dans Bressuire, laissant sur le champ de bataille soixante-dix morts
et de nombreux blessés .
Telle fut la première victoire de Henri de la Rochejaquelein,
dont on peut dire que peu d'hommes furent doués d'une bravoure
plus brillante. Cette victoire sauva la Vendée qui allait périr
en. naissant.
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LES VENDÉENS DÉLIVRÉS
A TIFFAUGES RENTRENT A CHOLET, CHEMILLÉ, VIHIERS, BEAUPRÉAU,
ETC
« Des Aubiers Henri court aussitôt sur Tiffauges et délivre
l'armée d'Anjou. Cathelineau et Bonchamps reprennent courage.
Les Vendéens rentrent successivement à Cholet, Chemillé
et Vihiers ; ils écrasent, entre Vezins et Coron, Leygonnier,
qui laisse mille morts avec son artillerie sur le champ de bataille.
Henri et Cathelineau ne s'arrêtent pas en si beau chemin (19 avril).
Ils enlèvent le manoir de Bois-Grolleau au brave Tribert, à
qui La Rochejaquelein rend son épée en le faisant asseoir
à sa table. « Gardez, monsieur, lui dit-il, les armes
dont vous vous « servez avec tant de courage ! (1) »
Le 22 avril, les divisions d'Elbée, de Cathelineau, de Bonchamps
et de Stofflet, appelées déjà la grande armée
d'Anjou et du Haut-Poitou, battent à Beaupréau (22 avril)
les républicains commandés par Gauvilliers, leur enlèvent
cinq canons, malgré l'héroïsme déployé
par les vainqueurs de la Bastille et les canonniers d'Eure-et-Loire,
et poursuivent l'infortuné général jusqu'aux
bords de la Loire.
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(1) Les renseignements qui précèdent,
touchant la Rochejaquelein, sont extraits presque littéralement
de Bretagne et Vendée, par Pitre-Chevalier, pages 389,
390 et suivantes.
TROIS NOUVEAUX GÉNÉRAUX
: DONISSAN, LESCURE ET MARIGNY
Huit jours après, Henri tenait sa promesse en retournant délivrer
à Clisson, Donissan, Lescure et Marigny, dans lesquels la Vendée
trouva trois généraux de plus (1 - 2 - 3).
Quétineau partagea bientôt, sans le mériter,
le malheur de Gauvilliers. Repoussé de Bressuire sur Thouars
(3 mai) (1) par vingt-cinq mille paysans, il recueillit péniblement
les débris des Marseillais qui venaient d'expier leurs sanglants
débuts dans la province.
(1) De Lescure, le Tancrède de l'époque
révolutionnaire, né à Paris le 15 octobre 1766.
La Révolution l'avait trouvé, à 18 ans, capitaine
à la suite dans le régiment de Royal-Piémont
: mourut à Fougères, le 4 novembre 1793, des blessures
reçues sur la rive gauche de la Loire, au combat de la Tremblaye.
Marié à Mlle de Donissan de la Boulaye, il fut le modèle
des chefs vendéens par sa douceur, sa modestie et sa piété.
Sa veuve se remaria au jeune frère de Henri de la Rochejaquelein.
(2) Donissan, beau-père de Lescure, fusillé
à Angers le 8 janvier 1794, était originaire du Médoc.
Il avait fait la guerre de Sept ans, et avait longtemps vécu
dans les magnificences de la cour de Versailles, en qualité
de maréchal de camp et d'écuyer d'honneur de Monsieur.
Il refusa de commander en Vendée comme étranger au pays,
mais devint gouverneur des conquêtes faites par les armées
royales. C'était un sage et prudent esprit.
(3) De Marigny Bernard faisait l'admiration des Blancs
et la terreur des Bleus par sa haute taille et sa figure martiale.
C'était un véritable soldat, amoureux de la guerre pour
elle-même. Né à Luçon le 2 novembre 1753,
il avait été officier supérieur dans la marine
royale. Il devint commandant de l'artillerie vendéenne, et
fut condamné à mort au conseil de guerre tenu par Charette,
Stofflet et l'abbé Bernier, comme ayant manqué aux conventions
passées entre eux. Surpris à la Girardière près
Cerizay, il tomba le 14 juillet 1794 sous les balles des exécutions
royalistes (voir tome IV, Vendée Patriote, page 511).
(4) La veille, la garnison d'Argenton-le-Château,
composée de cinq cents gardes nationaux, ayant refusé
de capituler, fut massacrée par les vendéens. Sur ces
entrefaites dés atrocités avaient été
également commises à Légé, à Montaigu,
aux portes de Paimbuf et surtout à Pornic, envahi par
les bandes de La Roche-Saint-André. Cette malheureuse ville
nageait encore dans le sang versé par les rebelles, lorsqu'elle
se vit reprise et saccagée de nouveau par les Bleus, sous les
ordres d'un prêtre marié, nommé Abline, puis reprise
encore et incendiée par les insurgés de la Garnache.
- Pitre-Chevalier, page 392.
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RAPPEL DE BERRUYER (30 Avril 1793)
A la fin du mois d'avril, les colonnes républicaines étaient
rentrées dans leurs premières positions, après
avoir éprouvé des pertes considérables. Le 30
avril, le Comité de salut public rappelait Berruyer qui, avec
quinze ou seize mille hommes de troupes plus ou moins disciplinées
et mal armées, ne pouvait occuper une ligne de cinquante à
soixante lieues. Dès cette première expédition,
il fut facile de s'apercevoir qu'on ne parviendrait à vaincre
les Vendéens qu'avec des troupes de ligne ou des bataillons
d'ancienne formation.
Les volontaires se dégoûtaient bientôt d'un pareil
genre de guerre, et presque tous se hâtaient de demander leur
congé. En touchant le sol de la Vendée, on eût
dit qu'ils perdaient cette ardeur patriotique qui enflammait alors
nos armées de l'extérieur.
SITUATION DES ARMÉES RÉPUBLICAINES
Après le rappel de Berruyer (30 avril 1793), les trois armées
républicaines qui avaient pour mission de rétablir,
l'ordre dans les départements de l'Ouest, étaient dans
un état complet de délabrement et de désorganisation.
C'était un amas de fonds de dépôts, de détachements
de plus de soixante corps différents de volontaires et de pères
de famille requis dans les sept départements voisins.
Pour organiser ce chaos, la Convention avait envoyé commissaires
sur commissaires ; il y en avait à Tours, à Saumur,
à Niort, à Fontenay, à La Rochelle, à
Nantes. Ils se contrariaient entre eux et contrariaient les généraux.
Le Conseil exécutif avait aussi ses agents, tous choisis par
le ministre Bouchotte parmi les Jacobins et les Cordeliers. De ce
conflit d'autorité résultait dans le commandement un
désordre continuel dont allaient savoir profiter les Vendéens,
pleins de foi et d'ardeur. L'armée d'Anjou s'avançait
en grossissant comme une marée montante et le 5 mai, le jour
même de la victoire remportée par Charette à Saint-Colombin,
elle assiégeait Thouars.
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SIEGE ET PRISE DE THOUARS (5 Mai 1793)
Le 5 mai, à cinq heures du matin, l'armée vendéenne
parut devant Thouars, poste avantageux, situé sur une éminence
entourée de trois côtés par le Thouet et fameux
par la défense qu'il opposa à Duguesclin. Avant d'arriver
sous ses murs, il fallait traverser le Thouet : le passage pouvait
être tenté sur quatre points qui furent successivement
attaqués. Une colonne de dix mille hommes, commandée
par de Lescure et de La Rochejaquelein déboucha du village
du Ligron et, au chant du Vexilla, s'avança vers le
pont de Vrine, que défendaient les bataillons de la
Nièvre et du Var, postés derrière une barricade
formée avec du fumier et une charrette. On s'y canonna pendant
six heures. « Tout à coup la poudre manqua aux assiégeants
; Henri de la Rochejaquelein, pour aller en chercher, confie ses Hommes
à Lescure qui, n'ayant rejoint les insurgés qu'à
Bressuire, voyait le feu pour la première fois. » Ce
gentilhomme voulut débuter par un coup d'éclat. Saisissant
un fusil à baïonnette, il crie aux soldats de le suivre,
descend rapidement la hauteur et arrive jusque sur le pont , au milieu
des balles et de la mitraille. Les paysans restaient immobiles ; il
retourne à eux, les appelle, les exhorte et se précipite
de nouveau vers le pont. Héroïsme inutile !... Il allait
mourir seul, lorsque trois braves accourent à lui... C'est
La Rochejaquelein, Forêt et un volontaire. Les voilà
tous les quatre dans les retranchements. « A cette vue, les
paysans s'ébranlent, l'armée entière passe le
Thouet, et ces moutons qui tremblaient tout à l'heure deviennent
des lions acharnés » (1).
Donissan et Marigny font diversion et canonnent le Pont-Neuf. «
Je n'ai plus que trois gargousses, dit le maître-artilleur à
La Bouère. - Eh bien, répond celui-ci, feu tout de même
! Nous trouverons des munitions dans la ville ! » A la première
décharge, en effet, le Pont-Neuf est enlevé. De leur
côté, Stofflet, d'Elbée et Cathelineau gagnent
la porte de Saumur ; Bonchamps et sa cavalerie, qui ont traversé
le Gué-aux-Biches à la nage, luttent corps
à corps avec les volontaires de la Vienne (garde nationale
d'Airvaux), qui refusèrent de se rendre et moururent tous à
leur poste. Il sont remplacés par les chasseurs du Midi qui
se jettent dans les rangs vendéens et s'y engloutissent. Il
n'en reste plus que six debout. Quétineau lance alors sa réserve
contre les assiégeants !... Mais elle ne peut tenir et rentre
dans la ville.
« A l'assaut ! crie aussitôt La Rochejaquelein »...
Et ses soldats commencent à ouvrir la brèche à
coups de pique. Henri s'impatiente d'attendre et demande une échelle.
Il n'en trouve point, mais il croise un grand garçon de la
paroisse de Courlay nommé Texier. Il monte sur ses épaules,
il arrive au parapet garni de soldats républicains... Il les
écarte à coups de fusil. Il échappe par miracle
à une grêle de balles. Il se cramponne aux pierres croulantes,
aux baïonnettes ennemies, à tout ce qui se trouve sous
sa main, gagne bientôt la porte de la citadelle et entraîne
ses compagnons vainqueurs dans la place (2). Le drapeau blanc fut
arboré et le juge de paix de Thouars, Redon Puy-Jourdain, d'accord
avec les administrateurs du district, signa une capitulation par laquelle
toute la garnison se rendait prisonnière. La prise d'une ville
importante et d'une division tout entière, avec son général,
sept ou huit mille fusils, douze pièces de canon et vingt caissons,
tels furent les résultats de cette victoire remportée
par vingt-cinq mille paysans vendéens contre trois mille cinq
cents républicains.
Quoique la ville eût été prise d'assaut, les
vainqueurs ne commirent ni meurtre ni pillage. Il coururent d'abord
aux églises pour y sonner les cloches, chanter un Te Deum
et dire leurr chapelet. Puis ils s'amusèrent à brûler
les papiers du district, l'arbre de la liberté, les écharpes
tricolores et les habits bleus. On renvoya la plupart des prisonniers
après leur avoir coupé les cheveux et leur avoir fait
prêter serment d'être fidèles à Louis XVII.
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(1) Pitre-Chevalier, page 399.
(2) Pitre-Chevalier, page 400.
NOBLE ATTITUDE DU GÉNÉRAL
RÉPUBLICAIN QUÉTINEAU
Le général Quétineau, grossièrement insulté
d'abord par Stofflet, fut accueilli avec beaucoup d'égards
par M. de Lescure, auquel il avait sauvé la vie, à Bressuire,
en feignant d'ignorer sa présence et en négligeant de
le faire arrêter. Lescure prévit le sort du brave général,
et lui proposa de rester près de lui sur parole et sans changer
de parti. Quétineau, fort de sa conscience, aima mieux subir
les fers de la Convention. Muni d'un passeport, signé en tête
de Stofflet et ensuite de Bonchamps, Donissan, d'Elbée, de
la Rochejaquelein, Cathelineau et Lescure (8 mai 1793) il se rendit
à Doué, où le général Leygonnier
le fit mettre aux arrêts, puis ensuite à Saumur et à
Tours. Lorsqu'un mois plus tard (10 juin), les royalistes s'emparèrent
de Saumur, ils y retrouvèrent Quétineau. Lescure l'engageait
de nouveau à rester au milieu des défenseurs de l'autel
et du trône il répondit : « Monsieur, si vous me
laissez en liberté, je retournerai me consigner en prison.
Je me suis conduis en brave homme, je veux être jugé.
Si je m'enfuyais on croirait que je suis un traître et je ne
puis supporter cette idée. D'ailleurs en vous suivant, j'abandonnerais
ma femme et mes enfants et on les ferait périr. Tenez, monsieur,
voilà mon mémoire justificatif. Vous savez la vérité,
voyez si je ne l'ai pas dite. »
Lescure approuva et Quétineau reprit tristement :
« Monsieur, voilà les Autrichiens maîtres de la
Flandre, vous êtes aussi victorieux ; la contre-révolution
va se faire, la France sera démembrée par les étrangers.
»
De Lescure lui dit que jamais les royalistes ne le souffriraient
et qu'ils lutteraient pour défendre le territoire français.
« Ah ! monsieur, répliqua Quétineau, c'est alors
que je veux servir avec vous ; j'aime la gloire de ma patrie ! Voilà
comme je suis patriote. »
On criait : « Vive le Roi ! » dans la rue, Quétineau
s'avança vers la fenêtre : « Coquins, qui l'autre
jour m'accusiez d'avoir trahi la République, aujourd'hui vous
criez : « Vive le Roi ! » Je prends à témoins
les Vendéens que je ne l'ai jamais crié. » {Darmaing,
page 118 et 440 (1)}.
Moins scrupuleux que Quétineau, MM. de la Ville-Beaugé,
de la Marsonnière, Piet de Beaurepaire, de Sanglier, Renou
Herbold, Daniaud du Pérat, Herbault du Chilleau, Lemeignan
de Thouars, etc., passèrent sous les drapeaux blancs, ainsi
que l'abbé Jagault, ancien bénédictin. Les Vendéens
recrutèrent aussi les jeunes de Mondyon et de Langerie, âgés
l'un de quatorze ans, l'autre de treize,et qui se battirent en héros
dès le lendemain.
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(1) Le 26 ventôse an II, 16 mars 1793, Quétineau
fut condamné à la peine de mort. Sa femme, qui a l'audience
avait crié : « Vive le roi » fut condamné
à mort le 24, mais non exécutée, s'étant
déclarée enceinte.
LE SOI-DISANT ÉVÊQUE
D'AGRA
La prise de Thouars fut encore marquée par la singulière
apparition de l'évêque d'Agra. Ce prétendu évêque
n'était autre que l'abbé Guyot de Folleville, docteur
en théologie, prêtre de Dol, qui, ayant fait d'abord
le serment constitutionnel, avait eu pour hôte dans son presbytère
de Notre-Darne, l'évêque constitutionnel de Rennes, Claude
Le Coz, et avait présidé à la réception
patriotique de ce métropolitain du Sud-Ouest. Puis en 1792,
il avait quitté sa paroisse et s'était retiré
à Poitiers, chez les Surs de la Sagesse, qu'il trompa
par son air doucereux. Il persuada à ces bonnes dames et aux
fidèles de Poitiers que le pape l'avait nommé évêque
d'Agra et chargé de tous les diocèses de France. Requis
par la République, de marcher au secours de Thouars, il prit
l'habit de volontaire, se cacha pendant la bataille, et après
la victoire se présenta vêtu de l'uniforme de volontaire
à M. de Villeneuve du Cazeau, son camarade de collège,
qui le conduisit aux généraux vendéens. Fit-il
croire ses mensonges aux chefs, ou ceux-ci en profitèrent-ils
pour agir sur les paysans ? Le fait est qu'il officia solennellement
comme évêque, et s'attribua dès lors un rôle
au-dessus de ses talents comme au-dessus de ses droits. Mais ce rôle
eût des effets prestigieux sur l'esprit des Vendéens
qui, pensant avoir un véritable prélat sous leurs drapeaux,
se crurent désormais conduits par Dieu lui-même à
la bataille (1).
(1) Pitre-Chevalier, page 401 et, Darmaing, page 119.
- Chassin, T.III, page 563, René Blachez, page 154, Prunier,
page 67.
PRISE DE PARTHENAY (9 Mai 1793)
ET DE LA CHATAIGNERAIE (13 Mai 1793)
Après avoir passé deux jours à Thouars, les
Vendéens marchèrent sur Parthenay, qu'ils occupèrent
le 9. Les généraux y publièrent une proclamation
dans laquelle ils déclaraient qu'ils avaient pris les armes
pour soutenir la religion de leurs pères, pour rendre à
Louis XVII l'éclat et la solidité de son trône
et de sa couronne, et menaçaient MM. les clubistes et
tous les autres perturbateurs des plus sévères châtiments,
s'ils combattaient de nouveau la plus sainte et la plus juste des
causes (1).
Le 13, au nombre de 15.000, ils attaquèrent la Châtaigneraie,
dont ils s'emparèrent après une heure de résistance
(2) : Chalbos, qui n'avait que 3.000 hommes et 3 pièces de
canons, évacua en bon ordre cette petite ville qui fut mise
au pillage. « Un certain nombre de volontaires, dit Crétineau-Jolly,
se livrèrent dans cette ville à des actes d'insubordination
et se permirent le pillage cbez des personnes qu'on leur avait signalées
comme coupables d'attachement aux principes républicains ».
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(1) Beauchamp, Darmaing, Pitre-Chevalier.
(2) Leur premier soin en entrant à La Châtaigneraie
fut de démolir et brûler la guillotine, encore teinte
du sang des malheureuses victimes qu'on venait d'égorger, et
sans la magnanimité de La Rochejaquelein, les Vendéens
se seraient livrés à de terribles représailles
sur les prisonniers républicains.
BATAILLES DE FONTENAY (16 et 25 Mai
1793)
DÉFAITE DES VENDÉENS
(16 Mai 1793)
Les paysans, chargés de butin après le pillage de la
Châtaigneraie, se montraient impatients de retourner chez eux.
On ne pouvait plus les retenir. Le 16, il n'en restait plus que quinze
mille à peine, qui furent dirigés contre Fontenay. Ils
s'arrêtèrent à Vouvent, où les caves furent
dévastées par les soldats, tandis que les officiers
frappaient des réquisitions sur des bons royaux payables à
la paix. Le 16 au matin, les prêtres, jusqu'alors travestis,
revêtirent leurs habits sacerdotaux et officièrent pontificalement
en demandant à Dieu pour les Vendéens la grâce
d'entrer, le soir, triomphants à Fontenay.
A deux heures de l'après-midi, l'armée républicaine,
forte de 10.000 hommes aux ordres de Chalbos qui, la veille, avait
abandonné la Châtaigneraie, engagea l'action dans la
plaine de Pissotte, aux Gourfailles et à Grange, soutenue par
l'artillerie des redoutes établies aux Moriennes, à
Gaillardon et à Mérité. Malgré une très
vive canonnade qui dura deux heures, de Lescure et de La Rochejaquelein,
commandant l'aile gauche, pénétrèrent. dans la
ville. Mais au même instant le général Chalbos
et le chef d'état-major Nouvion, à la tête de
la cavalerie, secondés par les chasseurs de la Gironde, chargèrent
et culbutèrent l'aile droite et le centre. Les Vendéens
furent poursuivis jusqu'à Baguenard, perdant 600 hommes et
abandonnant aux mains de l'ennemi 80 prisonniers, 25 canons, parmi
lesquels Marie-Jeanne, leurs munitions d'artillerie, leurs
vivres, quarante charrettes chargées d'effets et bagages, des
bufs et les chevaux de leur artillerie.
Cette victoire fut annoncée avec tant d'emphase, que l'on
crut la guerre presque terminée. L'armée vendéenne
avait fait, il est vrai, de grandes pertes ; il ne lui restait que
six pièces de canon : Marie-Jeanne lui était
enlevée ; elle n'avait plus de poudre ; d'Elbée était
blessé, et au lieu de se rallier, les paysans, ainsi qu'il
leur arrivait toujours après une déroute comme après
une victoire, venaient de retourner dans leurs chaumières.
Mais les prêtres, et surtout l'évêque d'Agra,
relevèrent bientôt le courage des insurgés. Encouragés
par Cathelineau, ils leur déclarèrent que Dieu avait
permis ce malheur en punition du pillage de la Châtaigneraie.
Ils leur promirent de nouvelles victoires et des récompenses
célestes. Le jour même de la défaite, l'évêque
d'Agra était entré à Châtillon au son de
toutes les cloches et au milieu d'une foule immense ; il distribua
des bénédictions, officia pontificalement, et les paysans,
transportés de joie, ne songèrent plus à leurs
revers.
PRISE DE FONTENAY PAR LES VENDÉENS
(25 Mai 1793)
L'armée, rassemblée le 24, marcha de nouveau contre
Fontenay en récitant des litanies et en chantant des hymnes
et des cantiques. Elle s'arrêta à la Châtaigneraie,
et le lendemain, à midi, elle occupait sensiblement les mêmes
positions où elle avait été battue le 16 (1).
L'armée républicaine s'étendait depuis la rive
droite de la Vendée jusqu'aux Gourfailles, et depuis la rive
gauche jusqu'à Charzay. La colonne du centre était en
face Pissotte, derrière les redoutes des Moriennes et de Gaillardon,
et l'on peut dire que presque tous les citoyens de Fontenay en état
de porter les armes assistaient au combat.
Avant l'attaque, les prêtres donnent l'absolution aux soldats,
et les généraux excitent leur courage, ébranlé
par le défaut d'artillerie et de munitions. « Allons,
mes enfants, leur disaient-ils, il n'y a pas de poudre ; il faut encore
prendre les canons avec des bâtons ; il faut ravoir Marie-Jeanne
: c'est à qui courra le mieux. »
Les soldats de Lescure paraissaient hésiter ; il s'avance
seul à trente pas devant eux, et s'arrête en criant :
Vive le Roi ! Une batterie de six pièces fait feu sur
lui, sans le blesser. « Mes amis, s'écrie-t-il, les bleus
ne savent pas tirer ! » Les paysans prennent aussitôt
la course ; mais tout à coup, apercevant devant eux une grande
croix de mission (2), ils tombent tous à genoux en présence
de l'ennemi et à portée de canon. M. de Beaugé
veut les faire marcher. « Non, lui dit M. de Lescure, qui donne
l'exemple, laissez-les prier, ils ne s'en battront que mieux ! »
De Lescure
Ils se relèvent et courent de nouveau sur les républicains.
En même temps, quelques Bretons de la division de Bonchamps,
après avoir renversé les affûts des canons avec
leurs bâtons, s'emparent des pièces, et l'aile gauche
est enfoncée par Domagné et l'ardent de La Rochejaquelein,
qu'on distinguait de loin, aux mouchoirs rouges qu'il portait sur
la tête, autour du cou et de la ceinture (3) .
Les chasseurs de la Gironde, commandés par le général
Dayat et les volontaires de Toulouse et de l'Hérault, sous
les ordres de Chalbos, résistent vaillamment contre un ennemi
six fois plus nombreux. Mais cette même cavalerie, qui avait
si puissamment contribué à la victoire du 16 refusa
de charger. Vingt cavaliers seulement obéirent ; le reste prit
la fuite et porta le trouble dans les rangs de l'ennemi. Elle se précipita
en désordre sur la route de Niort. Les généraux
Dayat et Nouvion, à la tête de plusieurs gendarmes y
chargèrent la cavalerie royale et protégèrent
ainsi la retraite.
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La ville où s'étaient renfermés quelques fuyards
fut en un clin d'il envahie par plusieurs colonnes de l'armée
ennemie, qui s'emparèrent de tous les passages. L'une descendait
des hauteurs de Saint-Lazare (aujourd'hui Terre-Neuve), pour
intercepter le port du Gros-Noyer ; l'autre arrivait par la Balingue
et fit son entrée par la barrière de Saumur, au lieu
de la faire par celle de Niort trompée par son guide (4) :
quatre mille hommes furent faits prisonniers, un très grand
nombre de citoyens furent tués dans la déroute. Une
partie des administrateurs, qui étaient au combat à
pied, se sauvèrent au milieu des coups de fusils, en passant
l'eau jusqu'à la ceinture. Trois d'entre eux furent faits prisonniers.
La déroute fut affreuse. Les chemins de Niort furent couverts
de cadavres, et l'effroi était tel, dit un contemporain (5),
que deux cavaliers brigands, mal montés, mal armés,
faisaient mettre bas les armes à 12 ou 15 volontaires. La nuit
seule mit fin au carnage (6). Bonchamps fut blessé au bras
et à la poitrine par le concierge de la mairie, un nommé
Staub, qui, après avoir obtenu la vie sauve du général
vendéen, reprit son fusil et tira sur lui.
Cependant Marie-Jeanne, ce palladium des insurgés,
n'était pas encore en leur pouvoir. Des gendarmes l'emmenaient
sur la route de Niort. L'intrépide Forêt, suivi bientôt
d'une trentaine de Vendéens, se précipite sur l'escorte,
la disperse et prend Maris-Jeanne (7). Les paysans, à
genoux devant cette pièce, l'embrasse avec respect, la couvrent
de feuillage, et se mettent à la place des chevaux, la remènent
en triomphe dans la ville. Les femmes accouraient à leur rencontre
et décoraient le canon de fleurs et de turbans. Telle fut l'importante
journée de Fontenay, dans laquelle 6.500 républicains,
secondés par la garde nationale de Fontenay et les hommes valides,
furent vaincus ou plutôt écrasés par tente mille
Vendéens mal armés.
Elle leur valut quarante pièces de canon, beaucoup de fusils
et une grande quantité de poudre et de munitions, ainsi que
vivres en abondance. Ils prirent aussi deux caisses remplies s'assignats.
La première fut pillée par les soldats, qui brûlèrent
ces assignats, les déchirèrent ou s'en firent des papillotes.
La seconde, contenant neuf cent mille francs environ, fut préservée
par les généraux, qui écrivirent au revers de
ce papier monnaie : Bon au nom du roi.
M. le marquis de Donissan harangua les prisonniers pour les décider
à prendre du service dans l'armée vendéenne.
Ils restèrent fidèles à la république
: 500 demeurèrent comme otages, les autres furent renvoyés
après qu'on leur eut coupé les cheveux.
On convoqua les habitants sur le champ de foire actuel pour leur
faire prêter serment à la religion et à la royauté.
Quelques-uns seulement s'y rendirent (8).
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(1) Cathelineau s'avançait en tête, tenant
à la main la belle croix à plaque d'argent ciselé
qu'il portait naguère aux pèlerinages de Saint-Jean
de la Plaine et de Belle-Fontaine. Cette croix, remarquable par ses
ciselures et ses reliefs, orne maintenant la chapelle de Mme Théodore
de Quatre-Barbes, à Chanzeaux (L'abbé Prunier. La
Vendée Militaire, Portraits, page 69).
(2) L'emplacement de cette croix s'appelle aujourd'hui
La Croix du Camp. Il est situé presque aux portes de Fontenay,
sur la route de Sérigné.
(3) Un de ces mouchoirs a figuré en 1896 à
l'exposition ethnographique de Niort.
(4) Le premier soin de Lescure et de La Rochejaquelein
fut de courir aux prisons et de délivrer les prêtres
qui s'y trouvaient détenus, avec 200 soldats vendéens,
parmi lesquels on remarquait La Marsonnière et Pierre Bibard
de la Tessoualle. Tous ces malheureux captifs devaient étre
fusillés le lendemain.
(5) Mercier du Rocher
(6) Deux heures après le combat, un autre corps
de 10.000 brigands arriva de l'Hermenault.
(7) Parmi ceux qui s'en emparèrent, il convient
de citer Picherit, de Chanzeaux, dont le petit-fils, horticulteur
pépinièriste, habite Fontenay-le-Comte ; Loyseau Rochard,
meunier de Chanzeaux, taillé en hercule et Delaunay, également
de Chanzeaux ; Jacques Vendangeon, d'Uzernay et Biot, de Mouchamps.
(8) Darmaing, Chassin, l'abbé Prunier.
Archives de Fontenay.
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