Après la prise et le pillage de Fontenay, les paysans retournèrent
dans leurs villages. Maîtres d'une vaste étendue de pays,
qu'ils appelaient pays conquis, les chefs s'occupèrent
d'un plan d'administration. On créa un Conseil supérieur,
dont le siège fut fixé d'abord à St-Laurent-sur-Sèvre,
puis à Châtillon : l'évêque d'Agra en fut
nommé le président Parmi les principaux membres, on
peut citer MM. Desessarts père, Carrière, de La Rochefoucauld,
Lemaignen, Beauvolier aîné, trésorier, etc. On
y remarque enfin les trois abbés Brin, Bernier et Jagault :
le premier curé de Saint-Laurent-sur-Sèvre, le second
curé de Saint-Laud d'Angers, et le troisième bénédictin
de Marmoutier.
Maison du Conseil Supérieur des Vendéens
à Châtillon-sur-Sèvre
Ces trois abbés jouèrent un très grand rôle
dans l'armée vendéenne, avec trois caractères
entièrement opposés. L'abbé Brin en fut le Fénelon,
l'abbé Jagault le Belzunce, et l'abbé Bernier le Pierre
l'Ermite. La voix de celui-ci était déjà toute
puissante sur les soldats, avant qu'elle le devint sur les généraux.
Malheureusement son ambition n'était rien moins qu'évangélique
(1).
L'influence de l'abbé Bernier au conseil supérieur
eut pour effet immédiat la rédaction d'une adresse aux
Français au nom de
S. M. Louis XVII. Tandis que les généraux vendéens,
exaltés par leurs succès, exhortaient par une longue,
emphatique et inutile proclamation, la France entière à
se ranger sous leur drapeau, les républicains, profitant de
ce que l'armée vendéenne s'était dispersée
selon son usage, reprenaient quelques positions. Le général
Salomon était rentré à Thouars, s'était
emparé de la Fougereuse, et envoyait des patrouilles jusqu'à
Argenton. D'un autre côté, le général Leygonnier
avait fait plusieurs sorties de Doué sur Vihiers et menaçait
Cholet. Les chefs Vendéens comprirent alors qu'il était
urgent de rappeler leurs troupes, et rendez-vous leur fut assigné
à Châtillon.
Stofflet, de Lescure et de La Rochejaquelein repoussèrent
les postes avancés des républicains et entrèrent
à Vihiers, où ils furent aussitôt rejoints par
la grande armée (2). Elle marcha le 7 juin sur Doué,
dont elle s'empara après un combat de cinq heures. Alors les
chefs vendéens résolurent l'attaque de Saumur.
« Jusque-là la Convention n'avait opposé à
la Vendée que quelques détachements de lignes, avec
des volontaires des départements voisins. Elle s'était
flattée de renvoyer ainsi les paysans mutins à leur
charrue. Mais quand elle vit ces laboureurs devenir des soldats indomptables
; quand elle vit ses généraux marcher de défaite
en défaite ; quand elle vit cette insurrection qu'on lui disait
morte chaque jour renaître chaque jour plus nombreuse et plus
terrible, elle comprit enfin que la guerre de l'Ouest était
une affaire sérieuse (3), et elle lança vers la Loire
la fleur de ses clubs et de son armée. Onze mille hommes furent
amenés par le brasseur Santerre dans les anciennes voitures
de la cour. En même temps, les bataillons de chasseurs et de
volontaires départementaux, la légion de Rosenthal,
plusieurs légions de gendarmerie, des régiments de hussards,
de cuirassiers et de .dragons, la garde d'honneur de la Convention,
avaient été immédiatement dirigés sur
la Vendée. En même temps la commune de Paris décrétait
une levée extraordinaire de 12.000 hommes. En cinq jours une
artillerie formidable arriva de Paris à Saumur, que 40.000
hommes aguerris occupèrent bientôt, ainsi que Montreuil,
Thouars, Doué et Vihiers. Grâce à l'activité
déployée, le ministre de la guerre Cambon pouvait dès
la fin de mai, déclarer à la Convention que 60.000 hommes
et 91 pièces de canon cernaient la Vendée (4).
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(1) Pitre-Chevalier, pages 404 et 405.
(2) Dès les premiers jours de juin, toute l'armée
angevine se retrouvait près de Cholet avec tous ses chefs,
à l'exception de deux généraux blessés,
Bonchamps et d'Elbée, qui s'étaient fait remplacer,
le premier par Scépeaux (A) et le second par Duhoux d'Hauterive.
Ils étaient tous deux soignés au château de Landebaudière,
près la Gaubretière, chez M. de Boisy, où se
trouvait Mme de Bonchamps. - (A) René Blachez, dans l'ouvrage
Bonchamps et l'insurrection vendéenne, dit, (page 167),
que Bonchamps fut remplacé dans son commandement par son lieutenant
Fleuriot de la Fleuriaye.
(3) Du haut de le tribune, Barrère s'écriait
: « On n'a rien vu de semblable depuis les Croisades ! -
Il n'y a plus de temps à perdre, ajoutait-il, avec cette Vendée
qui s'attache à nos flancs. »
(4) Pitre-Chevalier, pages 409 à 410, et René
Blachez, pages 184 et 185.
ATTAQUE ET PRISE DE SAUMUR (10 Juin
1793)
CATHELINAEAU PROCLAMÉ GÉNÉRALISSIME
Le 10 juin, l'armée vendéenne, forte de 50.000 hommes,
parait aux portes de Saumur défendue par une garnison de 12.000
hommes sous les ordres de Mênou, secondé par Coustard,
Berthier, Santerre et le jeune Marceau, encore simple officier.
L'attaque fut admirable comme la défense. Au plus, fort de
l'action, La Rochejaquelein jette son chapeau dans les retranchements
ennemis, comme le grand Condé à Nordlingen, et le premier,
l'épée à la main, va le reprendre. Le général
Coustard, coupé du gros des troupes républicaines refoulées
dans Saumur, essaie d'y pénétrer en prenant les Vendéens
par derrière. Mais une batterie royaliste placée sur
un pont l'arrête. Le général fait avancer une
centaine de cuirassiers de la légion germanique et leur ordonne
de charger sur elle. « Où nous envoyezvous ? »
demande le colonel Weissen. - « A la mort, répond
Coustard ; le salut de la République l'exige. »
Weissen obéit; il s'élance sur la batterie avec ses
cuirassiers, l'emporte, mais y laisse tous ses hommes. C'est ainsi
qu'on mourait dans les deux camps.
Enfin la ville fut prise et le lendemain le château capitula.
80 canons, 100.000 fusils et 11.000 prisonniers tombèrent avec
Saumur aux mains des Vendéens. Comme après la victoire
de Fontenay où fut inauguré cette pratique, les prisonniers
sont tondus et renvoyés sains et saufs.
Cette victoire, qui avait coûté la vie au général
de cavalerie royaliste Domagné, tué dans un corps à
corps par le lieutenant colonel de cavalerie républicaine Chaillou,
de la Guérinière, épouvanta la Convention et
confondit les Vendéens eux-mêmes. On jugea alors à
propos de nommer un général en chef. Celui qu'on choisit
sur les conseils de Lescure, blessé pendant l'attaque de Saumur,
fut le paysan Cathelineau qui, le premier, avait entraîné
les Vendéens de l'Anjou. En l'élevant au rang suprême,
c'était l'âme même de la Vendée que l'on
exaltait dans la personne de celui qui l'incarnait avec le plus de
désintéressement et de simplicité. La politique
ne fut peut-être point étrangère à cette
nomination, mais ce n'en fut pas moins un spectacle admirable que
cette armée de paysans conduite par une troupe de gentilshommes,
et cette troupe de gentilsbommes conduite par un paysan !
En même temps que Cathelineau était proclamé
généralissime (12 juin 1793), par quatorze commandants
vendéens, le commandement de la cavalerie fut donné
à Forestier, un jeune homme de dix-huit ans, fils d'un cordonnier
de village (1).
A Saumur, les chefs, réunis en conseil, adoptèrent
un plan de campagne. Après avoir établi dans cette ville
un Conseil d'administration royaliste et une garnison sous les ordres
de La Rochejaquelein, il fut décidé qu'on passerait
la Loire, qu'on soulèverait la rive droite et qu'on étendrait
ensuite le théâtre de la guerre non seulement à
la Bretagne, mais au Maine et à la Normandie. Pour cela on
résolut d'assiéger Nantes immédiatement, pour
faire ensuite appel à la Bretagne. Pour ce coup décisif,
on demanda le concours de Charette, qui opérait alors dans
la région de Challans, et qui poussait ses bandes jusqu'aux
portes de la capitale de la Bretagne.
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(1) Forestier, modeste cordonnier né en 1775,
à la Pommeraye (Maine-et-Loire), mort à Londres le 14
septembre 1806, avait d'abord été destiné à
la. prêtrise. Il prit un des premiers part à la grande
insurrection de 1793 où sa jeunesse, sa beauté et son
audace le rendirent tout de suite populaire. Après la déroute
de Savenay, il passa aux Chouans, servit sous Puysaie et sous Georges
Cadoudal. Il prit encore part au mouvement de 1799. Amnistié
en 1801, il se mêla aux complots contre Bonaparte, puis des
frontières d'Espagne, essaya de susciter avec l'aide des Anglais
une nouvelle insurrection dans le Midi et dans l'Ouest.
PRISE D'ANGERS. - SIÈGE DE
NANTES
De Saumur, ce qui restait de la grande armée se mit en route
par les deux rives de la Loire, sous la conduite de Stofflet et de
d'Elbée. La terreur qu'inspiraient ses récents succès
brisait d'avance toute résistance. A son approche, la garnison
d'Angers, le Directoire, la municipalité prirent la fuite.
Les Vendéens entrèrent dans la ville sans coup férir,
et en prirent possession au nom du roi, le 17 juin 1793.
Mais comme c'était l'époque de la moisson, que les
paysans montraient peu d'enthousiasme pour cette opération
lointaine, et que de plus, l'absence de Lescure et celle de La Rochejaquelein
éloignaient les Poitevins du rassemblement, les Angevins seuls
répondirent à l'appel. Il fallut plus d'une semaine
pour réunir les forces suffisantes, et ce fut seulement le
25 juin que Cathelineau, qui avait été dans les Mauges
provoquer de nouveaux rassemblements, et d'Elbée, à
la tête d'environ 15.000 hommes, purent commencer leur première
étape sur la route de Nantes (1).
A cet instant, toute l'Europe eut les yeux fixés sur Nantes.
Cette ville, construite à l'extrême pointe de l'estuaire
de la Loire, au point précis où la navigation cesse
et où la batellerie commence, était, à la fin
du XVIIIe siècle, le grand entrepôt des produits du centre
de la France et des marchandises d'outre-mer. Par son activité,
son aspect, son luxe, Nantes rappelait plutôt les ports de la
Hanse et des Pays-Bas que les cités armoricaines ses voisines.
Sa population, d'origine bretonne, mais fortement mélangée
de Hollandais, d'Espagnols et de créoles, avait adopté
avec enthousiasme les idées nouvelles, et la guerre qui venait
d'éclater à ses portes exaltait encore ses sentiments
républicains. Cette ville devint donc un moment la capitale
de la Révolution. Si elle devenait la capitale de la Monarchie,
c'en était fait de la République ! « Maître
de Nantes, dit Napoléon dans ses Mémoires, Charette
et Cathelineau n'avaient qu'à réunir leurs forces pour
marcher sur Paris. Rien n'eut arrêté la marche triomphante
des armées royales : le drapeau blanc eut flotté sur
les tours de Notre-Darne avant qu'il eut été possible
aux armées du Midi d'accourir au secours de leur gouvernement
».
Et bien, tout cela serait arrivé sans l'énergie d'un
seul homme, et cet homme fut le maire Baco, dont le nom est justement
passé à la postérité.
Les généraux républicains songeaient à
capituler (2), lorsque Baco jura qu'il s'ensevelirait plutôt
sous les ruines de la ville. Cette scène fut d'une grandeur
véritablement antique.
C'était le 21 juin 1793. Tous les corps constitués
étaient réunis. On délibérait sur l'impossibilité
de défendre la ville et sur la nécessité de capituler
avec les Vendéens. Soudain, le maire Baco entre, déploie
d'une main frémissante la sommation que deux prisonniers nantais,
envoyés en parlementaires viennent de lui apporter de la part
des chefs royalistes. Cette sommation porte que le drapeau blanc doit
être arboré sans retard sur la cité, la garnison
désarmée, les caisses publiques, approvisionnements
et munitions livrés sans délai ; en outre que les députés
de la Convention en mission à Nantes soient remis comme otages.
A ces conditions, les chefs de l'armée catholique et royale
s'engagent à préserver la ville de toute invasion et
de tout dommage. En cas de refus, ils menacent de la livrer à
une exécution militaire et de passer la garnison au fil du
l'épée.
La lecture de ce manifeste est écouté dans le plus
morne silence... Se tournant alors vers ses conseillers, le maire
les interroge du regard... Personne n'ouvre la bouche.
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« Vous vous taisez, s'écrie Baco ! eh bien moi, j'ai
parlé pour vous... J'ai répondu à ces insolentes
propositions que nous péririons tous ou que la liberté
triompherait (3).
Tout le monde continue de se taire. Le colonel d'artillerie Bonvoust
se lève enfin. Il déclare loyalement que toutes les
probabilités sont pour la défaite, et il demande qui
prendra sous sa responsabilité la défense d'une ville
ouverte et presque sans garnison, contre une armée qui s'élèvera
peut-être à cent mille hommes.
« Ce sera moi, répond Baco ; nous serons tous soldats
et nous vaincrons ou nous mourrons tous au cri de : Vive la République
! » -« Oui, répète le général
Beysser, entraîné par l'exemple Vive la République
et honte aux lâches ! »
Aussitôt l'Assemblée entière se lève,
comme mue par une commotion électrique. Le cri de Baco passe
de bouche en bouche, retentit sur la place, court de rue en rue, et
devient bientôt une acclamation générale.
- « Et maintenant, continue le maire, pas une parole de plus...
Des uvres et des armes ! voilà ce qu'il nous faut. Je
propose la fermeture immédiate des clubs, et la mort à
quiconque parlera de capitulation. »
- « Oui ! oui ! répètent les assistants d'une
seule voix; mourons plutôt que de nous rendre... Et dominant
ces têtes pressées - de sa haute taille, de sa figure
colorée et de sa chevelure blanche, - le vieux Baco va porter
dans toute la ville l'exaltation de son courage républicain...
»
Les conventionnels Merlin et Gillet déclarent alors la ville
de Nantes en état de siège, et mettent tous les pouvoirs
aux mains de Beysser, jeune général de trente ans. Celui-ci,
dans une proclamation énergique affichée immédiatement
à tous les coins de rue, rappelle aux citoyens leur serment
pour la conservation de la liberté et la détermination
qu'il a prise. Cette détermination, ce sera celle de Rostopchine
à Moscou, l'incendie de la ville en cas de revers.
« Si par l'effet de la trahison ou de la fatalité, disait-il,
Nantes tombait au pouvoir des ennemis, je jure qu'elle deviendrait
leur tombeau et le nôtre, et que nous donnerions à l'univers
un grand et terrible exemple de ce que peut inspirer à un peuple
l'amour de la liberté, la haine de la tyrannie. »
Beysser.
Les corps administratifs, la garde nationale, les sociétés
populaires se réunissent dans la cathédrale de Nantes
et prêtent le serment de s'ensevelir sous les ruines de la ville
plutôt que de la livrer aux royalistes.
Sous l'impulsion de Beysser, lieutenant en second de Canclaux, général
en chef de l'armée des côtes de Brest. et de Baco, tout
Nantais devient travailleur ou soldat. Les hommes courent aux batteries
et aux tranchées ; les enfants portent la hotte, les femmes
du peuple manient la pioche. Les églises sont transformées
en ateliers et en arsenaux. Il n'y a pas assez de plomb pour fondre
des halles. On descend dans les tombeaux des vieilles familles et
dans ceux des évêques, et l'on dépouille pour
cet usage tous les cercueils du plomb qu'ils contiennent. Tout ce
qui peut aider à la défense de la ville est improvisé
avec une ardeur et une activité prodigieuses.
Nantes ne se relie à ses deux faubourgs de la rive gauche,
Pirrnil et Saint-Jacques, que par une longue chaîne de ponts
successifs, jetés à travers cinq îles, sur les
six bras du fleuve. On coupe les dernières arches ; on garnit
de palissades les têtes de pont. On y élève des
plates-formes munies d'artillerie. On rend ainsi cette face presque
inexpugnable. Sur la rive droite, la ville même est traversée
par la tranchée profonde de l'Erdre, qui la sépare en
deux quartiers : l'un renferme le château, la cathédrale,
l'hôtel-de-ville, la place du. Bouffay ; - l'autre, des constructions
plus récentes, le théâtre, le quai de la Fosse,
les places Royale et Graslin. Des faubourgs avancés, Richebourg
et Saint-Donatien, au levant de l'Erdre ; les Marchis, la Miséricorde
et Gigan, au couchant, entouraient et abritaient le centre. On crénèle
et on perce de meurtrières les murs et les maisons du périmètre
extérieur. On retranche les usines ; on barricade les rues.
On installe des batteries aux points saillants et dominants des faubourgs,
qui se transforment en bastions, battant au loin la campagne, flanquant
l'enceinte et couvrant les corps de place. Enfin, on ferme l'accès
des trois principales routes, celle de Paris d'un côté
et celles de Rennes et, de Vannes de l'autre, par de solides redoutes,
dont les embrasures sont armées de gros canons de marine (4).
En quelques jours Canclaux concentre huit où dix mille hommes
de régiment de ligne et de bataillons de volontaire, auxquels
viennent se joindre 3.000 gardes nationaux stimulés par le
péril qui menaçait leur cité.
Pendant ce temps les armées de Cathelineau et de Charette
s'avançaient sur Nantes. Cathelineau et d'Elbée, à
la tête de 15.000 hommes se dirigeaient d'Ancenis sur le côté
Nord, tandis que d'Autichamps et Fleuriot, avec 7 ou 8.000 hommes
de la division de Bonchamps (5) s'avançaient par la route de
Paris pour attaquer à l'Est, entre la Loire et l'Indre. De
l'autre côté de la Loire, Lyrot de la Patouillère,
avec 10.000 hommes, occupait Lacroix Monceaux, et Charette, avec 20.000
hommes, campait dans les landes de Ragon et aux Cléons, en
face Pont-Rousseau, pendant que 1.000 Vendéens étaient,
10 heures durant, arrêtés devant Nort, par l'héroïsme
de 600 républicains du 3e bataillon de la Loire-Inférieure,
commandés par un ferblantier de Nantes, nommé Meuris.
L'armée royaliste se composait donc de plus de 50.000 hommes,
mais dépourvus du matériel nécessaire à
un siège. Ils n'avaient ni gabions, ni échelles, ni
outils. - L'artillerie se réduisait à 19 où 20
pièces ; une seule, la Marie-Jeanne était de
gros calibre. Il n'y avait de munitions que pour une journée.
La lutte, mal préparée, n'allait être que l'assaut
à découvert de retranchements qu'on ne pourrait ni approcher
ni renverser.
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(1) Deux nouveaux officiers de marque, le prince de
Talmont et Charles d'Autichamps, cousin de Bonchamps, avaient pris
place dans les rangs vendéens.
(2) Pour défendre une ville aussi étendue
que Nantes, ils ne disposaient alors que de la garde nationale sédentaire
et d'environ 5.300 hommes ; c'étaient des détachements
des 34e, 39e, 109e de ligne et de la garde nationale de la Guerche
; les 3e et 4e' bataillons de l'Orne, le 8e de la Seine-Inférieure
; ceux de Seine-et-Oise et des Côtes-du Nord ; les chasseurs
de la Charente ; les grenadiers de Seine-etMarne et les canonniers
de Paris. (Darmaing, page 148, René Blachez.)
(3) Pitre-Chevalier, page 419.
(4) René Blachez, pages 200, 201 et 202.
(5) Bonchamps, bien qu'il ne fut pas guéri de
sa blessure, avait quitté Landebaudière et était
venu le 28 juin, rejoindre ses troupes à La Maison-Blanche,
entre Ancenis et Oudon.
LES VENDÉENS ATTAQUENT NANTES
(28-29 Juin 4793)
HÉROISME DES RÉPUBLICAINS ET DES ROYALISTES
Le 28, au soir, Nantes se vit entouré d'un cercle de feux
et entendit comme un concert de mugissements. C'étaient les
feux de bivouac des Vendéens et les sons de leurs cornes de
pasteurs, qui leur tenaient alors lieu de tambour.
Le 29, jour de la Saint-Pierre, à deux heures du matin, la
canonade s'engage du côté de Pont-Rousseau. C'était
Charette, qui avait réclamé l'honneur de donner le signal
du combat. A ce premier coup de canon, les Nantais répondent
par le chant de la Marseillaise. Persuadés que le plus
rude assaut serait celui des ponts, Beysser et Baco s'y précipitent
avec toutes leurs forces. Mais soudain, la vigie de la Tour Saint-Pierre
annonce au général Canclaux deux immenses colonnes qui
s'avancent sur les routes de Paris et de Rennes. Aussitôt Canclaux
monte à cheval et court arrêter Beysser et Baco : «
Mes amis, ce n'est pas aux ponts qu'est le danger. Quelques hommes
suffiront pour les défendre. N'entendez-vous pas le canon sur
la route de Rennes ! Là est la véritable attaque ! là
est Cathelineau ! Suivez-moi ! »
Le maire et les deux généraux font aussitôt volte-face,
et en arrivant aux barrières de Paris, de Rennes et de Vannes,
il se trouvent à une demi-portée de canon de la grande
armée. Il était sept heures du matin.
Le combat s'engage alors sur tous les points à la fois, et
un double cercle de fumée tonnante enveloppe la cité
entière. - Chaque fois qu'une trainée d'éclairs
déchire les flancs de ce nuage, le cri de Vive le Roi !
répond d'un côté à l'artillerie républicaine,
tandis que le refrain de la Marseillaise répond de l'autre
à l'artillerie royaliste. « Les femmes, dit un des acteurs
de ce drame formidable, se battent contre les hommes, les vieillards
comme les jeunes gens, les prêtres comme les soldats. Au milieu
de cette effroyable mêlée, les plus beaux actes d'héroïsme
s'accomplissent sans effort : les artilleurs font le service de leur
pièce, froids comme à la parade. On se bat de et d'autre
avec l'emportement de l'enthousiasme et le calme de la volonté
».
Au plus fort du danger on entend la voix de Baco ; on le voit, avec
sa haute taille, donner l'exemple aux uns et ranimer les autres. -
Une balle vendéenne lui fracasse la cuisse. Il se fait porter
de rang en rang dans un tombereau : « C'est un-char de triomphe,
dit-il à ceux qui le plaignent : Enviez-moi tous ! ne me plaignez
pas ! ».
Canclaux, effleuré aussi par une balle, reste calme au milieu
des cris d'enthousiasme. Un canonnier lui demande la permission de
viser la Marie-Jeanne des Blancs qui fait un horrible ravage
parmi les Bleus. Il obtient cette grâce, et, au second coup,
il démonte la pièce merveilleuse.
Les Vendéens, de leur côté, ne se battent pas
avec moins d'énergie. Mais Cathelineau surpasse tout le monde
et se surpasse lui-même. « Cette épée de
généralissime, qu'on lui a conférée quelques
jours auparavant et qu'il ne croit pas avoir méritée,
il veut la gagner ce jour-là par des prodiges. Malheureusement
il oublie les devoirs de prudence qu'elle lui impose. Au lieu de surveiller
et de diriger l'ensemble de son armée, à l'exemple de
Canclaux, il s'élance comme un simple capitaine et joue sa
vie à la tête des plus braves. Le paysan vendéen
se trahit sous le général en chef. »
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CATHELINEAU BLESSÉ A MORT.
- ECHEC DES VENDÉENS. - JOIE DES NANTAIS
Il était quatre heures de l'après-midi, et il y en
avait treize d'écoulées depuis qu'avait commencé
cette lutte acharnée. Etonné d'une si opiniâtre
résistance, Cathelineau décide alors de tenter un effort
décisif. « Mes enfants, dit-il à ses soldats,
nous mourrons dans la ville plus utilement qu'ici ». Il met
aussitôt pied à terre, rassemble autour de lui trois
cent gars du Pin-en-Mauges - tous ses parents ou ses amis - fait le
signe de la croix et se rue avec eux sur le poste de Vannes à
travers les balles et les boulets.
« Plus de coups de fusils, mes gars ! s'écrie-t-il :
c'est à la baïonnette qu'il faut enlever cette batterie
: Égaillez-vous et rembarrez ! » Les Vendéens
obéissent ; ils enveloppent les républicains et les
attaquent de toutes parts. Quelques-uns, au milieu d'une charge furieuse,
ont déjà pénétré jusqu'à
la place Viarmes. Leurs frères vont les suivre et c'en est
fait de Nantes... lorsqu'un cordonnier qui tiraillait d'une fenêtre
reconnaît Cathelineau à son commandement. Il l'ajuste
avec sang-froid et fait feu. La balle atteint le général
au coude, lui fracasse le bras et va se perdre dans la poitrine (1)...
« C'était frapper au cur la Vendée elle-même.
Une fois Cathelineau tombé, le torrent qu'il entraînait
s'arrête... Ses parents et ses amis l'entourent pour
lui faire de leurs corps une puissante cuirasse.
En vain il leur fait signe de poursuivre, en vain il leur montre
la route ouverte sous leurs pas. Tous n'ont plus qu'une pensée
; le sauver de la mêlée. Leur foi elle-même s'ébranle
comme leur courage, car ils croyaient Cathelineau invulnérable.
« La fatale nouvelle vole de rang en rang et sème partout
le désespoir et le découragement, en même temps
qu'elle rend aux républicains toutes leurs espérances.
Ni d'Elhée, ni Bonchamps, ni Stofflet, ni d'Autichamps ne parviennent
à raminer les Vendéens... Ils ne peuvent que protéger
leur déroute qui devient bientôt générale.
La joie des Nantais fut si inconcevable qu'on vit des blessés
se relever de leur lit de douleur pour s'élancer après
les vendéens. D'autres expirèrent de joie et de délire
en apprenant la victoire de la République.
Le fait est que la République avait été sauvée
ce jour-là... Aussi la Convention décréta-t-elle
que « Nantes avait bien mérité de la patrie (2)
».
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(1) Cathelineau mourut le 14 juillet suivant, des suites
de ses blessures.
(2) Voir pour plus de détails, Pitre-Chevalier,
Bretagne et Vendée, chapitreXVIe, où nous avons
puisé une grande partie des éléments de notre
travail sur le siège de Nantes.
PRISE DE PARTHENAY PAR WESTERMANN
(24 Juin 1793). - INCENDIE D'AMAILLOU ET DE LA DURBELLIÈRE.
- ABANDON DE SAUMUR. - AFFAIRE DU MOULIN-AUX-CHÈVRES. - ENTRÉE
DE WESTERMANN A CHATILLON
Westermann et Biron n'avaient pas attendu la déroute de Nantes
pour faire une diversion dans le Bocage. Toutes les forces royalistes
étant concentrées sur la Loire, ils marchèrent
sans obstacle de Niort sur Saint-Maixent et sur Parthenay. Cette ville,
défendue par une poignée d'hommes courageux commandés
par de Lescure encore souffrant et le bras en écharpe, fut
prise par Westermann, qui égorgea les sentinelles, s'empara
de la ville, retomba sur Amaillou, livra ce bourg aux flammes (1er
juillet) et envoya une partie du butin aux habitants de Parthenay
pour les dédommager des rigueurs exercées contre eux
par de Lescure. Cet incendie fut le signal de l'embrasement de la
Vendée (1).
Saumur avait dû être abandonné par de La Rochejaquelein
qui se rend au conseil supérieur de Châtillon, où
il apprend que Westermann vient de brûler encore le château
de Lescure Clisson, qu'il menace Bressuire et aussi Châtillon.
La position était des plus critiques. C'était le lendemain
de la déroute de Nantes. Il n'y avait plus d'armée royale...
Henri joint aussitôt de Lescure. Tous deux sillonnent le pays
de courriers et rappellent les Vendéens aux armes.
Trois mille hommes seulement arrivent sous les drapeaux, Lescure
et Henri se battent en désespérés, reprennent
Parthenay où ils ne peuvent se maintenir, pendant que les Vendéens
son battus à Luçon (28 juin).
Westermann, au Moulin-aux-Chèvres, culbute le 3 juillet 8
ou 10.000 paysans de la Haute-Vendée, commandés par
Lescure et de La Rochejaquelein, entre dans Châtillon, détruit
les papiers et les presses du Conseil supérieur, délivre
600 prisonniers, envoie six compagnies brûler la Durbellière,
château de La Rochejaquelein, et peut dater de la capitale des
insurgés, la lettre où il annoçait ses rapides
succès.
La Durbellière
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(1) Pitre-Chevalier, page 427 et Darmaux page 157.
REPRISE DE CHATILLON PAR LES VENDÉENS
(5 Juillet 1793)
Ces incendies mettent la rage au cur des paysans, car les excès
révolutionnaires étaient les meilleurs auxiliaires pour
le recrutement des bandes royalistes. A l'appel foudroyant de Marie-Jeanne
et du tocsin sonnant dans les clochers du Bocage, les débris
de la Grande-Armée se réunissent en quelques jours à
Cholet. Stofflet, d'Elbée et Bonchamps viennent au secours
de Lescure et de La Rochejaquelein. Le 5 juillet, les Vendéens
passent la Sèvre à Mallièvre, culbutent les postes
républicains qui gardent les hauteurs, tuent les canonniers
sur leurs pièces, enlèvent les positions, et quand Westermann
célébrait sa victoire par un Te Deum constitutionnel,
il se voit entouré de bataillons qui semblent sortir de terre.
Le général républicain était à
table; il n'eût le temps ni de ranger, ni même de rassembler
ses troupes. Il saute sur un cheval et gagne la route de Bressuire.
En deux heures il perd son artillerie, ses bagages, ses munitions.
Près de trois mille républicains restèrent sur
le champ de bataille ou mirent bas les armes. Châtillon et tout
le Bocage demeuraient encore une fois aux mains des insurgés.
Les incendies, ainsi que nous l'avons dit, avaient exaspéré
les paysans ; leur vengeance fut terrible, et rien ne put la modérer.
En vain Lescure promet la vie sauve aux prisonniers bleus et les enferme
sous l'abri de sa clémence. « Point de quartier aux incendiaires,
s'écrie le farouche Marigny », et il donne de sa main
le signal du massacre. - « Marigny, tu es trop cruel, lui dit
Lescure : tu périras par l'épée ». Ce chef,
d'Elbée et d'autres qui voulurent s'opposer à cette
boucherie furent mis en joue par leurs soldats (1).
La reprise de Châtillon fit passer Westermann devant un conseil
de guerre. Il frisa de près la guillotine ; mais il fut acquitté
et reprit son commandement.
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(1) Pitre-Chevalier, pages 428 et 429. - Darmaing, pages
159 et 160.
LA VENDÉE ATTAQUÉE SUR
DIVERS POINTS. - ANCENIS, VIHIERS, CHANTONNAY (brûlé
le 25 Juillet). - BESSAY ET LUÇON (30 Juillet)
Alors, selon le vu des représentants, on résolut
d'attaquer sur divers points, non seulement la Vendée Angevine,
mais la Vendée du Bocage. Canclaux occupa Ancenis le 7 juillet,
et rétablit ainsi les communications entre Angers et Nantes.
Laborelière laisse 1.400 hommes à Saumur, 1.500 au Pont-de-Cé,
et va camper à Flines, près Martigné-Briant.
Pendant que Vihiers était le 18 juillet (1) abandonné
par les Bleus qui, en se retirant sur Saumur y mettent le feu, Tuncq
commandant à Luçon, réussit à surprendre
au Pont-Charron l'armée du Centre. Sapinaud blessé,
tombe avec Joffrion de Bazoges entre les mains des Bleus qui les tuent
à coups de sabre (2), et Chantonnay est brûlé
(25 juillet 1793), ainsi que les environs de la Réorthe et
de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault.
Bientôt la grande armée arrive, repousse Tuncq et le
bat dans la plaine de Corps-Bessay (3).
Malheureusement une terreur panique s'empare tout à coup des
Vendéens. Ils fuient devant les Bleus qui, étonnés
d'un retour de fortune si inattendu, reprennent l'offensive, et le
30 juillet forcent, dans les plaines de Luçon et de Corps,
les Vendéens commandés par Royrand à battre en
retraite, protégés par la cavalerie du prince de Talmont
(4).
Le Bocage n'était pourtant pas entamé. Les Vendéens
prirent alors quelques jours de repos pour faire la moisson, et dès
le 12 août ils se rassemblaient de nouveau pour essayer encore
une attaque sur Luçon.
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(1) C'est quelques jours après la victoire de
Vihiers, c'est-à-dire vers le 20 juillet que d'Elbée
aurait été à Châtillon nommé généralissime.
Revue du Bas-Poitou, VIe année, pages 137-138. Nous
croyons que ce fut le 19, c'est-à-dire quatre jour après
l'attaque du camp des Flines, où Bonchamps fut grièvement
blessé au coude par un hussard. Bonchamps, Lescure, Donissan
et Rogrand gardèrent leur divisions. Lescure s'adjoignit La
Rochejaquelein et Donissan réclama Charette. Stofflet resta
major général, Talmont, chef de la cavalerie et Marigny,
chef d l'artillerie.
(2) D'après certains historiens, Sapinaud de
la Verie, l'un des lieutenants de Royrand aurait été
sabré sur une pièce de canon enlevée par les
Républicains.
(3) Le 28 juin, la veille du siège de Nantes,
Royrand avait été battu par Sandoz dans la plaine de
Luçon, qui fut constamment funeste aux armes vendéennes.
(4) Les forces de Tuncq étaient les suivantes
: Infanterie, 5.371 hommes, cavalerie, 414, canonniers 203, soit 5.988
hommes, 13 pièces de canon de quatre avec leurs caissons et
une pièce de huit, le tout abondamment pourvu de gargousses
et de boites a mitrailles (Revue du Bas-Poitou, IVe année,
page 429).
BATAILLE DE LUÇON. - CORPS
(14 Août 1793)
Le 14 août, les armées poitevines et angevines, réunies
comme à Nantes, sous les ordres de leurs plus illustres chefs
(1), Charette, Lescure, d'Elbée, La Rochejaquelein, Marigny,
etc., venaient se déployer dans cette même plaine. L'armée
républicaine, commandée par Tuncq, est rangée
sur les hauteurs qui .protègent les passages de Mareuil et
de Sainte-Hermine. Sa droite est appuyée au bourg de Sainte-Gemme,
sa réserve à la forêt, sa gauche est parallèle
à Corps, faisant face au gros de ]'armée vendéenne.
L'avant-garde des royalistes est confiée à Charette
; qui a demandé à occuper le poste le plus rapproché
de l'ennemi. Plus de 50.000 hommes occupent cette vaste plaine, le
coup d'il est imposant. Les Vendéens auxquels on vient
d'annoncer la nouvelle (fausse alors), de l'exécution de Marie-Antoinette,
versent des larmes abondantes, se jettent à genoux dans la
poussière, et après avoir prié avec l'abbé
Bernier, s'élancent courageusement sur les vaillants soldats
de Tuncq.
Il fait un temps magnifique, le soleil resplendit dans un ciel sans
nuages, soleil chaud, éclatant et fort : il semble qu'il s'est
fait beau pour assister à la lutte de deux grandes armées.
Le moment est solennel. Soudain le bronze retentit de toutes parts.
Charette et Lescure, exposés au feu de plusieurs batteries
ennemies s'avancent seuls à la charge, enlèvent deux
de ces batteries qu'ils tournent immédiatement contre les Bleus,
balayent devant eux les régiments ennemis et refoulent la cavalerie
hors de la portée du canon. Mais d'Elbée qui commande
le centre est en retard. Tuncq ordonne un roulement de tambour c'est
le signal convenu pour faire lever les soldats qu'il a eu l'art de
cacher dans les sillons. Ses feux de file, son artillerie volante
doublent leur nombre aux yeux des paysans surpris de cette subite
apparition.
Dans cette plaine, l'artillerie légère fait merveille
et sème le désordre dans les rangs des Vendéens.
D'Elbée accourt, mais ses efforts sont trop tardifs, et Marigny,
emporté par son impétuosité, a égaré
une partie de l'aile droite. Charette et Lescure, avec leurs héroïques
soldats, sont le dernier espoir de l'armée.
Mais il n'est plus possible de tenir contre des forces habilement
combinées. La retraite sonne ; mais quelle retraite ! Six mille
morts jonchent le champ de bataille. Charette a perdu l'élite
de sa division et d'Elbée son artillerie, que le brave Pérault
est obligé d'enclouer. Ils reculent, poursuivis en queue et
en flanc par la cavalerie républicaine. De temps en temps ils
s'arrêtent, font volte-face, d'un roulement de feu arrêtent
l'ennemi et le font momentanément reculer, puis ils continuent
leur route perdant des hommes à chaque pas.
Pourtant ils sont débordés : les Vendéens n'avaient
pour s'échapper qu'une seule route, un pont, le pont de Mainclaye,
sur la Semagne, dont le passage est barré par deux canons démontés.
La Rochejaquelein se dévoue au salut de tous. Nouvel Horatius
Coclès, il se place à la tête du pont, repousse
l'ennemi avec son audace habituelle et ne quitte la place que lorsqu'il
n'a plus un paysan à sauver. D'un autre côté,
Charette et Lescure en font autant au Port-de-la-Claye. Un Vendéen
blessé dans les reins et à la poitrine aperçoit
Charette. « Mon général, lui crie-t-il, sauvez-moi
». « Oui, mon ami ! » répond ce dernier,
mettant pied à terre sous le sabre des Bleus : il ne sera pas
dit que j'aie abandonné un royaliste ! Inutile dévouement
! de nouveaux bataillons poursuivent les fuyards et leurs corps jonchent
de nouveau le sol.
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(1) Bonchamps, retenu par sa blessure, ne put y assister.
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