Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XXXIII

Le conseil supérieur siège d'abord à Saint-Laurent et ensuite à Chatillon-sur-Sèvre. - Les principaux membres

Attaque et prise de Saumur (10 Juin 1793). - Cathelineau proclamé Généralissime

Prise d'Angers. - Siège de Nantes

Les Vendéens attaquent Nantes (28-29 juin 1793). - Héroïsme des républicains et des royalistes

Cathelineau blessé à mort. - Echec des vendéens. - Joie des Nantais

Prise de Parthenay par Westermmann (24 Juin 1793). - Incendie d'Amaillou et de la Durbellière. - Abandon de Saumur. - Affaire du Moulin-aux-chèvres. - Entrée de Westermann à Chatillon

Reprise de Chatillon par les Vendéens

La Vendée attaquée sur divers points. - Ancenis, Vihiers, Chantonnay (brulé le 25 Juillet). - Bessay et Luçon (30 Juillet)

Bataille de Luçon. - Corps (14 Août 1793)

 

 

LE CONSEIL SUPÉRIEUR SIÈGE D'ABORD A SAINT-LAURENT ET ENSUITE A CHATILLON-SUR-SÈVRE. - LES PRINCIPAUX MEMBRES

Après la prise et le pillage de Fontenay, les paysans retournèrent dans leurs villages. Maîtres d'une vaste étendue de pays, qu'ils appelaient pays conquis, les chefs s'occupèrent d'un plan d'administration. On créa un Conseil supérieur, dont le siège fut fixé d'abord à St-Laurent-sur-Sèvre, puis à Châtillon : l'évêque d'Agra en fut nommé le président Parmi les principaux membres, on peut citer MM. Desessarts père, Carrière, de La Rochefoucauld, Lemaignen, Beauvolier aîné, trésorier, etc. On y remarque enfin les trois abbés Brin, Bernier et Jagault : le premier curé de Saint-Laurent-sur-Sèvre, le second curé de Saint-Laud d'Angers, et le troisième bénédictin de Marmoutier.

 

Maison du Conseil Supérieur des Vendéens à Châtillon-sur-Sèvre

 

Ces trois abbés jouèrent un très grand rôle dans l'armée vendéenne, avec trois caractères entièrement opposés. L'abbé Brin en fut le Fénelon, l'abbé Jagault le Belzunce, et l'abbé Bernier le Pierre l'Ermite. La voix de celui-ci était déjà toute puissante sur les soldats, avant qu'elle le devint sur les généraux. Malheureusement son ambition n'était rien moins qu'évangélique (1).

L'influence de l'abbé Bernier au conseil supérieur eut pour effet immédiat la rédaction d'une adresse aux Français au nom de
S. M. Louis XVII. Tandis que les généraux vendéens, exaltés par leurs succès, exhortaient par une longue, emphatique et inutile proclamation, la France entière à se ranger sous leur drapeau, les républicains, profitant de ce que l'armée vendéenne s'était dispersée selon son usage, reprenaient quelques positions. Le général Salomon était rentré à Thouars, s'était emparé de la Fougereuse, et envoyait des patrouilles jusqu'à Argenton. D'un autre côté, le général Leygonnier avait fait plusieurs sorties de Doué sur Vihiers et menaçait Cholet. Les chefs Vendéens comprirent alors qu'il était urgent de rappeler leurs troupes, et rendez-vous leur fut assigné à Châtillon.

Stofflet, de Lescure et de La Rochejaquelein repoussèrent les postes avancés des républicains et entrèrent à Vihiers, où ils furent aussitôt rejoints par la grande armée (2). Elle marcha le 7 juin sur Doué, dont elle s'empara après un combat de cinq heures. Alors les chefs vendéens résolurent l'attaque de Saumur.


« Jusque-là la Convention n'avait opposé à la Vendée que quelques détachements de lignes, avec des volontaires des départements voisins. Elle s'était flattée de renvoyer ainsi les paysans mutins à leur charrue. Mais quand elle vit ces laboureurs devenir des soldats indomptables ; quand elle vit ses généraux marcher de défaite en défaite ; quand elle vit cette insurrection qu'on lui disait morte chaque jour renaître chaque jour plus nombreuse et plus terrible, elle comprit enfin que la guerre de l'Ouest était une affaire sérieuse (3), et elle lança vers la Loire la fleur de ses clubs et de son armée. Onze mille hommes furent amenés par le brasseur Santerre dans les anciennes voitures de la cour. En même temps, les bataillons de chasseurs et de volontaires départementaux, la légion de Rosenthal, plusieurs légions de gendarmerie, des régiments de hussards, de cuirassiers et de .dragons, la garde d'honneur de la Convention, avaient été immédiatement dirigés sur la Vendée. En même temps la commune de Paris décrétait une levée extraordinaire de 12.000 hommes. En cinq jours une artillerie formidable arriva de Paris à Saumur, que 40.000 hommes aguerris occupèrent bientôt, ainsi que Montreuil, Thouars, Doué et Vihiers. Grâce à l'activité déployée, le ministre de la guerre Cambon pouvait dès la fin de mai, déclarer à la Convention que 60.000 hommes et 91 pièces de canon cernaient la Vendée (4).

 

 

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(1) Pitre-Chevalier, pages 404 et 405.

(2) Dès les premiers jours de juin, toute l'armée angevine se retrouvait près de Cholet avec tous ses chefs, à l'exception de deux généraux blessés, Bonchamps et d'Elbée, qui s'étaient fait remplacer, le premier par Scépeaux (A) et le second par Duhoux d'Hauterive. Ils étaient tous deux soignés au château de Landebaudière, près la Gaubretière, chez M. de Boisy, où se trouvait Mme de Bonchamps. - (A) René Blachez, dans l'ouvrage Bonchamps et l'insurrection vendéenne, dit, (page 167), que Bonchamps fut remplacé dans son commandement par son lieutenant Fleuriot de la Fleuriaye.

(3) Du haut de le tribune, Barrère s'écriait : « On n'a rien vu de semblable depuis les Croisades ! - Il n'y a plus de temps à perdre, ajoutait-il, avec cette Vendée qui s'attache à nos flancs. »

(4) Pitre-Chevalier, pages 409 à 410, et René Blachez, pages 184 et 185.

 

ATTAQUE ET PRISE DE SAUMUR (10 Juin 1793)

CATHELINAEAU PROCLAMÉ GÉNÉRALISSIME

 

Le 10 juin, l'armée vendéenne, forte de 50.000 hommes, parait aux portes de Saumur défendue par une garnison de 12.000 hommes sous les ordres de Mênou, secondé par Coustard, Berthier, Santerre et le jeune Marceau, encore simple officier.

L'attaque fut admirable comme la défense. Au plus, fort de l'action, La Rochejaquelein jette son chapeau dans les retranchements ennemis, comme le grand Condé à Nordlingen, et le premier, l'épée à la main, va le reprendre. Le général Coustard, coupé du gros des troupes républicaines refoulées dans Saumur, essaie d'y pénétrer en prenant les Vendéens par derrière. Mais une batterie royaliste placée sur un pont l'arrête. Le général fait avancer une centaine de cuirassiers de la légion germanique et leur ordonne de charger sur elle. « Où nous envoyezvous ? » demande le colonel Weissen. - « A la mort, répond Coustard ; le salut de la République l'exige. » Weissen obéit; il s'élance sur la batterie avec ses cuirassiers, l'emporte, mais y laisse tous ses hommes. C'est ainsi qu'on mourait dans les deux camps.

Enfin la ville fut prise et le lendemain le château capitula. 80 canons, 100.000 fusils et 11.000 prisonniers tombèrent avec Saumur aux mains des Vendéens. Comme après la victoire de Fontenay où fut inauguré cette pratique, les prisonniers sont tondus et renvoyés sains et saufs.

Cette victoire, qui avait coûté la vie au général de cavalerie royaliste Domagné, tué dans un corps à corps par le lieutenant colonel de cavalerie républicaine Chaillou, de la Guérinière, épouvanta la Convention et confondit les Vendéens eux-mêmes. On jugea alors à propos de nommer un général en chef. Celui qu'on choisit sur les conseils de Lescure, blessé pendant l'attaque de Saumur, fut le paysan Cathelineau qui, le premier, avait entraîné les Vendéens de l'Anjou. En l'élevant au rang suprême, c'était l'âme même de la Vendée que l'on exaltait dans la personne de celui qui l'incarnait avec le plus de désintéressement et de simplicité. La politique ne fut peut-être point étrangère à cette nomination, mais ce n'en fut pas moins un spectacle admirable que cette armée de paysans conduite par une troupe de gentilshommes, et cette troupe de gentilsbommes conduite par un paysan !

En même temps que Cathelineau était proclamé généralissime (12 juin 1793), par quatorze commandants vendéens, le commandement de la cavalerie fut donné à Forestier, un jeune homme de dix-huit ans, fils d'un cordonnier de village (1).

A Saumur, les chefs, réunis en conseil, adoptèrent un plan de campagne. Après avoir établi dans cette ville un Conseil d'administration royaliste et une garnison sous les ordres de La Rochejaquelein, il fut décidé qu'on passerait la Loire, qu'on soulèverait la rive droite et qu'on étendrait ensuite le théâtre de la guerre non seulement à la Bretagne, mais au Maine et à la Normandie. Pour cela on résolut d'assiéger Nantes immédiatement, pour faire ensuite appel à la Bretagne. Pour ce coup décisif, on demanda le concours de Charette, qui opérait alors dans la région de Challans, et qui poussait ses bandes jusqu'aux portes de la capitale de la Bretagne.

 

 

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(1) Forestier, modeste cordonnier né en 1775, à la Pommeraye (Maine-et-Loire), mort à Londres le 14 septembre 1806, avait d'abord été destiné à la. prêtrise. Il prit un des premiers part à la grande insurrection de 1793 où sa jeunesse, sa beauté et son audace le rendirent tout de suite populaire. Après la déroute de Savenay, il passa aux Chouans, servit sous Puysaie et sous Georges Cadoudal. Il prit encore part au mouvement de 1799. Amnistié en 1801, il se mêla aux complots contre Bonaparte, puis des frontières d'Espagne, essaya de susciter avec l'aide des Anglais une nouvelle insurrection dans le Midi et dans l'Ouest.

 

PRISE D'ANGERS. - SIÈGE DE NANTES

 

De Saumur, ce qui restait de la grande armée se mit en route par les deux rives de la Loire, sous la conduite de Stofflet et de d'Elbée. La terreur qu'inspiraient ses récents succès brisait d'avance toute résistance. A son approche, la garnison d'Angers, le Directoire, la municipalité prirent la fuite. Les Vendéens entrèrent dans la ville sans coup férir, et en prirent possession au nom du roi, le 17 juin 1793.

Mais comme c'était l'époque de la moisson, que les paysans montraient peu d'enthousiasme pour cette opération lointaine, et que de plus, l'absence de Lescure et celle de La Rochejaquelein éloignaient les Poitevins du rassemblement, les Angevins seuls répondirent à l'appel. Il fallut plus d'une semaine pour réunir les forces suffisantes, et ce fut seulement le 25 juin que Cathelineau, qui avait été dans les Mauges provoquer de nouveaux rassemblements, et d'Elbée, à la tête d'environ 15.000 hommes, purent commencer leur première étape sur la route de Nantes (1).

A cet instant, toute l'Europe eut les yeux fixés sur Nantes. Cette ville, construite à l'extrême pointe de l'estuaire de la Loire, au point précis où la navigation cesse et où la batellerie commence, était, à la fin du XVIIIe siècle, le grand entrepôt des produits du centre de la France et des marchandises d'outre-mer. Par son activité, son aspect, son luxe, Nantes rappelait plutôt les ports de la Hanse et des Pays-Bas que les cités armoricaines ses voisines.

Sa population, d'origine bretonne, mais fortement mélangée de Hollandais, d'Espagnols et de créoles, avait adopté avec enthousiasme les idées nouvelles, et la guerre qui venait d'éclater à ses portes exaltait encore ses sentiments républicains. Cette ville devint donc un moment la capitale de la Révolution. Si elle devenait la capitale de la Monarchie, c'en était fait de la République ! « Maître de Nantes, dit Napoléon dans ses Mémoires, Charette et Cathelineau n'avaient qu'à réunir leurs forces pour marcher sur Paris. Rien n'eut arrêté la marche triomphante des armées royales : le drapeau blanc eut flotté sur les tours de Notre-Darne avant qu'il eut été possible aux armées du Midi d'accourir au secours de leur gouvernement ».

Et bien, tout cela serait arrivé sans l'énergie d'un seul homme, et cet homme fut le maire Baco, dont le nom est justement passé à la postérité.

Les généraux républicains songeaient à capituler (2), lorsque Baco jura qu'il s'ensevelirait plutôt sous les ruines de la ville. Cette scène fut d'une grandeur véritablement antique.

C'était le 21 juin 1793. Tous les corps constitués étaient réunis. On délibérait sur l'impossibilité de défendre la ville et sur la nécessité de capituler avec les Vendéens. Soudain, le maire Baco entre, déploie d'une main frémissante la sommation que deux prisonniers nantais, envoyés en parlementaires viennent de lui apporter de la part des chefs royalistes. Cette sommation porte que le drapeau blanc doit être arboré sans retard sur la cité, la garnison désarmée, les caisses publiques, approvisionnements et munitions livrés sans délai ; en outre que les députés de la Convention en mission à Nantes soient remis comme otages. A ces conditions, les chefs de l'armée catholique et royale s'engagent à préserver la ville de toute invasion et de tout dommage. En cas de refus, ils menacent de la livrer à une exécution militaire et de passer la garnison au fil du l'épée.

La lecture de ce manifeste est écouté dans le plus morne silence... Se tournant alors vers ses conseillers, le maire les interroge du regard... Personne n'ouvre la bouche.

 

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« Vous vous taisez, s'écrie Baco ! eh bien moi, j'ai parlé pour vous... J'ai répondu à ces insolentes propositions que nous péririons tous ou que la liberté triompherait (3).

Tout le monde continue de se taire. Le colonel d'artillerie Bonvoust se lève enfin. Il déclare loyalement que toutes les probabilités sont pour la défaite, et il demande qui prendra sous sa responsabilité la défense d'une ville ouverte et presque sans garnison, contre une armée qui s'élèvera peut-être à cent mille hommes.

« Ce sera moi, répond Baco ; nous serons tous soldats et nous vaincrons ou nous mourrons tous au cri de : Vive la République ! » -« Oui, répète le général Beysser, entraîné par l'exemple Vive la République et honte aux lâches ! »

Aussitôt l'Assemblée entière se lève, comme mue par une commotion électrique. Le cri de Baco passe de bouche en bouche, retentit sur la place, court de rue en rue, et devient bientôt une acclamation générale.

- « Et maintenant, continue le maire, pas une parole de plus... Des œuvres et des armes ! voilà ce qu'il nous faut. Je propose la fermeture immédiate des clubs, et la mort à quiconque parlera de capitulation. »

- « Oui ! oui ! répètent les assistants d'une seule voix; mourons plutôt que de nous rendre... Et dominant ces têtes pressées - de sa haute taille, de sa figure colorée et de sa chevelure blanche, - le vieux Baco va porter dans toute la ville l'exaltation de son courage républicain... »

Les conventionnels Merlin et Gillet déclarent alors la ville de Nantes en état de siège, et mettent tous les pouvoirs aux mains de Beysser, jeune général de trente ans. Celui-ci, dans une proclamation énergique affichée immédiatement à tous les coins de rue, rappelle aux citoyens leur serment pour la conservation de la liberté et la détermination qu'il a prise. Cette détermination, ce sera celle de Rostopchine à Moscou, l'incendie de la ville en cas de revers.

« Si par l'effet de la trahison ou de la fatalité, disait-il, Nantes tombait au pouvoir des ennemis, je jure qu'elle deviendrait leur tombeau et le nôtre, et que nous donnerions à l'univers un grand et terrible exemple de ce que peut inspirer à un peuple l'amour de la liberté, la haine de la tyrannie. »

 

Beysser.

 

Les corps administratifs, la garde nationale, les sociétés populaires se réunissent dans la cathédrale de Nantes et prêtent le serment de s'ensevelir sous les ruines de la ville plutôt que de la livrer aux royalistes.

Sous l'impulsion de Beysser, lieutenant en second de Canclaux, général en chef de l'armée des côtes de Brest. et de Baco, tout Nantais devient travailleur ou soldat. Les hommes courent aux batteries et aux tranchées ; les enfants portent la hotte, les femmes du peuple manient la pioche. Les églises sont transformées en ateliers et en arsenaux. Il n'y a pas assez de plomb pour fondre des halles. On descend dans les tombeaux des vieilles familles et dans ceux des évêques, et l'on dépouille pour cet usage tous les cercueils du plomb qu'ils contiennent. Tout ce qui peut aider à la défense de la ville est improvisé avec une ardeur et une activité prodigieuses.

Nantes ne se relie à ses deux faubourgs de la rive gauche, Pirrnil et Saint-Jacques, que par une longue chaîne de ponts successifs, jetés à travers cinq îles, sur les six bras du fleuve. On coupe les dernières arches ; on garnit de palissades les têtes de pont. On y élève des plates-formes munies d'artillerie. On rend ainsi cette face presque inexpugnable. Sur la rive droite, la ville même est traversée par la tranchée profonde de l'Erdre, qui la sépare en deux quartiers : l'un renferme le château, la cathédrale, l'hôtel-de-ville, la place du. Bouffay ; - l'autre, des constructions plus récentes, le théâtre, le quai de la Fosse, les places Royale et Graslin. Des faubourgs avancés, Richebourg et Saint-Donatien, au levant de l'Erdre ; les Marchis, la Miséricorde et Gigan, au couchant, entouraient et abritaient le centre. On crénèle et on perce de meurtrières les murs et les maisons du périmètre extérieur. On retranche les usines ; on barricade les rues. On installe des batteries aux points saillants et dominants des faubourgs, qui se transforment en bastions, battant au loin la campagne, flanquant l'enceinte et couvrant les corps de place. Enfin, on ferme l'accès des trois principales routes, celle de Paris d'un côté et celles de Rennes et, de Vannes de l'autre, par de solides redoutes, dont les embrasures sont armées de gros canons de marine (4).

En quelques jours Canclaux concentre huit où dix mille hommes de régiment de ligne et de bataillons de volontaire, auxquels viennent se joindre 3.000 gardes nationaux stimulés par le péril qui menaçait leur cité.

Pendant ce temps les armées de Cathelineau et de Charette s'avançaient sur Nantes. Cathelineau et d'Elbée, à la tête de 15.000 hommes se dirigeaient d'Ancenis sur le côté Nord, tandis que d'Autichamps et Fleuriot, avec 7 ou 8.000 hommes de la division de Bonchamps (5) s'avançaient par la route de Paris pour attaquer à l'Est, entre la Loire et l'Indre. De l'autre côté de la Loire, Lyrot de la Patouillère, avec 10.000 hommes, occupait Lacroix Monceaux, et Charette, avec 20.000 hommes, campait dans les landes de Ragon et aux Cléons, en face Pont-Rousseau, pendant que 1.000 Vendéens étaient, 10 heures durant, arrêtés devant Nort, par l'héroïsme de 600 républicains du 3e bataillon de la Loire-Inférieure, commandés par un ferblantier de Nantes, nommé Meuris.

L'armée royaliste se composait donc de plus de 50.000 hommes, mais dépourvus du matériel nécessaire à un siège. Ils n'avaient ni gabions, ni échelles, ni outils. - L'artillerie se réduisait à 19 où 20 pièces ; une seule, la Marie-Jeanne était de gros calibre. Il n'y avait de munitions que pour une journée. La lutte, mal préparée, n'allait être que l'assaut à découvert de retranchements qu'on ne pourrait ni approcher ni renverser.

 

 

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(1) Deux nouveaux officiers de marque, le prince de Talmont et Charles d'Autichamps, cousin de Bonchamps, avaient pris place dans les rangs vendéens.

(2) Pour défendre une ville aussi étendue que Nantes, ils ne disposaient alors que de la garde nationale sédentaire et d'environ 5.300 hommes ; c'étaient des détachements des 34e, 39e, 109e de ligne et de la garde nationale de la Guerche ; les 3e et 4e' bataillons de l'Orne, le 8e de la Seine-Inférieure ; ceux de Seine-et-Oise et des Côtes-du Nord ; les chasseurs de la Charente ; les grenadiers de Seine-etMarne et les canonniers de Paris. (Darmaing, page 148, René Blachez.)

(3) Pitre-Chevalier, page 419.

(4) René Blachez, pages 200, 201 et 202.

(5) Bonchamps, bien qu'il ne fut pas guéri de sa blessure, avait quitté Landebaudière et était venu le 28 juin, rejoindre ses troupes à La Maison-Blanche, entre Ancenis et Oudon.

 

LES VENDÉENS ATTAQUENT NANTES (28-29 Juin 4793)
HÉROISME DES RÉPUBLICAINS ET DES ROYALISTES

 

Le 28, au soir, Nantes se vit entouré d'un cercle de feux et entendit comme un concert de mugissements. C'étaient les feux de bivouac des Vendéens et les sons de leurs cornes de pasteurs, qui leur tenaient alors lieu de tambour.

Le 29, jour de la Saint-Pierre, à deux heures du matin, la canonade s'engage du côté de Pont-Rousseau. C'était Charette, qui avait réclamé l'honneur de donner le signal du combat. A ce premier coup de canon, les Nantais répondent par le chant de la Marseillaise. Persuadés que le plus rude assaut serait celui des ponts, Beysser et Baco s'y précipitent avec toutes leurs forces. Mais soudain, la vigie de la Tour Saint-Pierre annonce au général Canclaux deux immenses colonnes qui s'avancent sur les routes de Paris et de Rennes. Aussitôt Canclaux monte à cheval et court arrêter Beysser et Baco : « Mes amis, ce n'est pas aux ponts qu'est le danger. Quelques hommes suffiront pour les défendre. N'entendez-vous pas le canon sur la route de Rennes ! Là est la véritable attaque ! là est Cathelineau ! Suivez-moi ! »

Le maire et les deux généraux font aussitôt volte-face, et en arrivant aux barrières de Paris, de Rennes et de Vannes, il se trouvent à une demi-portée de canon de la grande armée. Il était sept heures du matin.

Le combat s'engage alors sur tous les points à la fois, et un double cercle de fumée tonnante enveloppe la cité entière. - Chaque fois qu'une trainée d'éclairs déchire les flancs de ce nuage, le cri de Vive le Roi ! répond d'un côté à l'artillerie républicaine, tandis que le refrain de la Marseillaise répond de l'autre à l'artillerie royaliste. « Les femmes, dit un des acteurs de ce drame formidable, se battent contre les hommes, les vieillards comme les jeunes gens, les prêtres comme les soldats. Au milieu de cette effroyable mêlée, les plus beaux actes d'héroïsme s'accomplissent sans effort : les artilleurs font le service de leur pièce, froids comme à la parade. On se bat de et d'autre avec l'emportement de l'enthousiasme et le calme de la volonté ».

Au plus fort du danger on entend la voix de Baco ; on le voit, avec sa haute taille, donner l'exemple aux uns et ranimer les autres. - Une balle vendéenne lui fracasse la cuisse. Il se fait porter de rang en rang dans un tombereau : « C'est un-char de triomphe, dit-il à ceux qui le plaignent : Enviez-moi tous ! ne me plaignez pas ! ».

Canclaux, effleuré aussi par une balle, reste calme au milieu des cris d'enthousiasme. Un canonnier lui demande la permission de viser la Marie-Jeanne des Blancs qui fait un horrible ravage parmi les Bleus. Il obtient cette grâce, et, au second coup, il démonte la pièce merveilleuse.

Les Vendéens, de leur côté, ne se battent pas avec moins d'énergie. Mais Cathelineau surpasse tout le monde et se surpasse lui-même. « Cette épée de généralissime, qu'on lui a conférée quelques jours auparavant et qu'il ne croit pas avoir méritée, il veut la gagner ce jour-là par des prodiges. Malheureusement il oublie les devoirs de prudence qu'elle lui impose. Au lieu de surveiller et de diriger l'ensemble de son armée, à l'exemple de Canclaux, il s'élance comme un simple capitaine et joue sa vie à la tête des plus braves. Le paysan vendéen se trahit sous le général en chef. »

 

 

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CATHELINEAU BLESSÉ A MORT. - ECHEC DES VENDÉENS. - JOIE DES NANTAIS

 

Il était quatre heures de l'après-midi, et il y en avait treize d'écoulées depuis qu'avait commencé cette lutte acharnée. Etonné d'une si opiniâtre résistance, Cathelineau décide alors de tenter un effort décisif. « Mes enfants, dit-il à ses soldats, nous mourrons dans la ville plus utilement qu'ici ». Il met aussitôt pied à terre, rassemble autour de lui trois cent gars du Pin-en-Mauges - tous ses parents ou ses amis - fait le signe de la croix et se rue avec eux sur le poste de Vannes à travers les balles et les boulets.

« Plus de coups de fusils, mes gars ! s'écrie-t-il : c'est à la baïonnette qu'il faut enlever cette batterie : Égaillez-vous et rembarrez ! » Les Vendéens obéissent ; ils enveloppent les républicains et les attaquent de toutes parts. Quelques-uns, au milieu d'une charge furieuse, ont déjà pénétré jusqu'à la place Viarmes. Leurs frères vont les suivre et c'en est fait de Nantes... lorsqu'un cordonnier qui tiraillait d'une fenêtre reconnaît Cathelineau à son commandement. Il l'ajuste avec sang-froid et fait feu. La balle atteint le général au coude, lui fracasse le bras et va se perdre dans la poitrine (1)...

« C'était frapper au cœur la Vendée elle-même. Une fois Cathelineau tombé, le torrent qu'il entraînait s'arrête...  Ses parents et ses amis l'entourent pour lui faire de leurs corps une puissante cuirasse.

En vain il leur fait signe de poursuivre, en vain il leur montre la route ouverte sous leurs pas. Tous n'ont plus qu'une pensée ; le sauver de la mêlée. Leur foi elle-même s'ébranle comme leur courage, car ils croyaient Cathelineau invulnérable.

« La fatale nouvelle vole de rang en rang et sème partout le désespoir et le découragement, en même temps qu'elle rend aux républicains toutes leurs espérances. Ni d'Elhée, ni Bonchamps, ni Stofflet, ni d'Autichamps ne parviennent à raminer les Vendéens... Ils ne peuvent que protéger leur déroute qui devient bientôt générale.

La joie des Nantais fut si inconcevable qu'on vit des blessés se relever de leur lit de douleur pour s'élancer après les vendéens. D'autres expirèrent de joie et de délire en apprenant la victoire de la République.

Le fait est que la République avait été sauvée ce jour-là... Aussi la Convention décréta-t-elle que « Nantes avait bien mérité de la patrie (2) ».

 

 

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(1) Cathelineau mourut le 14 juillet suivant, des suites de ses blessures.

(2) Voir pour plus de détails, Pitre-Chevalier, Bretagne et Vendée, chapitreXVIe, où nous avons puisé une grande partie des éléments de notre travail sur le siège de Nantes.

 

PRISE DE PARTHENAY PAR WESTERMANN (24 Juin 1793). - INCENDIE D'AMAILLOU ET DE LA DURBELLIÈRE. - ABANDON DE SAUMUR. - AFFAIRE DU MOULIN-AUX-CHÈVRES. - ENTRÉE DE WESTERMANN A CHATILLON

 

Westermann et Biron n'avaient pas attendu la déroute de Nantes pour faire une diversion dans le Bocage. Toutes les forces royalistes étant concentrées sur la Loire, ils marchèrent sans obstacle de Niort sur Saint-Maixent et sur Parthenay. Cette ville, défendue par une poignée d'hommes courageux commandés par de Lescure encore souffrant et le bras en écharpe, fut prise par Westermann, qui égorgea les sentinelles, s'empara de la ville, retomba sur Amaillou, livra ce bourg aux flammes (1er juillet) et envoya une partie du butin aux habitants de Parthenay pour les dédommager des rigueurs exercées contre eux par de Lescure. Cet incendie fut le signal de l'embrasement de la Vendée (1).

Saumur avait dû être abandonné par de La Rochejaquelein qui se rend au conseil supérieur de Châtillon, où il apprend que Westermann vient de brûler encore le château de Lescure Clisson, qu'il menace Bressuire et aussi Châtillon. La position était des plus critiques. C'était le lendemain de la déroute de Nantes. Il n'y avait plus d'armée royale... Henri joint aussitôt de Lescure. Tous deux sillonnent le pays de courriers et rappellent les Vendéens aux armes.

Trois mille hommes seulement arrivent sous les drapeaux, Lescure et Henri se battent en désespérés, reprennent Parthenay où ils ne peuvent se maintenir, pendant que les Vendéens son battus à Luçon (28 juin).

Westermann, au Moulin-aux-Chèvres, culbute le 3 juillet 8 ou 10.000 paysans de la Haute-Vendée, commandés par Lescure et de La Rochejaquelein, entre dans Châtillon, détruit les papiers et les presses du Conseil supérieur, délivre 600 prisonniers, envoie six compagnies brûler la Durbellière, château de La Rochejaquelein, et peut dater de la capitale des insurgés, la lettre où il annoçait ses rapides succès.

 

La Durbellière

 

 

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(1) Pitre-Chevalier, page 427 et Darmaux page 157.

 

REPRISE DE CHATILLON PAR LES VENDÉENS (5 Juillet 1793)

 

Ces incendies mettent la rage au cœur des paysans, car les excès révolutionnaires étaient les meilleurs auxiliaires pour le recrutement des bandes royalistes. A l'appel foudroyant de Marie-Jeanne et du tocsin sonnant dans les clochers du Bocage, les débris de la Grande-Armée se réunissent en quelques jours à Cholet. Stofflet, d'Elbée et Bonchamps viennent au secours de Lescure et de La Rochejaquelein. Le 5 juillet, les Vendéens passent la Sèvre à Mallièvre, culbutent les postes républicains qui gardent les hauteurs, tuent les canonniers sur leurs pièces, enlèvent les positions, et quand Westermann célébrait sa victoire par un Te Deum constitutionnel, il se voit entouré de bataillons qui semblent sortir de terre. Le général républicain était à table; il n'eût le temps ni de ranger, ni même de rassembler ses troupes. Il saute sur un cheval et gagne la route de Bressuire.

En deux heures il perd son artillerie, ses bagages, ses munitions. Près de trois mille républicains restèrent sur le champ de bataille ou mirent bas les armes. Châtillon et tout le Bocage demeuraient encore une fois aux mains des insurgés.

Les incendies, ainsi que nous l'avons dit, avaient exaspéré les paysans ; leur vengeance fut terrible, et rien ne put la modérer. En vain Lescure promet la vie sauve aux prisonniers bleus et les enferme sous l'abri de sa clémence. « Point de quartier aux incendiaires, s'écrie le farouche Marigny », et il donne de sa main le signal du massacre. - « Marigny, tu es trop cruel, lui dit Lescure : tu périras par l'épée ». Ce chef, d'Elbée et d'autres qui voulurent s'opposer à cette boucherie furent mis en joue par leurs soldats (1).

La reprise de Châtillon fit passer Westermann devant un conseil de guerre. Il frisa de près la guillotine ; mais il fut acquitté et reprit son commandement.

 

 

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(1) Pitre-Chevalier, pages 428 et 429. - Darmaing, pages 159 et 160.

 

LA VENDÉE ATTAQUÉE SUR DIVERS POINTS. - ANCENIS, VIHIERS, CHANTONNAY (brûlé le 25 Juillet). - BESSAY ET LUÇON (30 Juillet)

 

Alors, selon le vœu des représentants, on résolut d'attaquer sur divers points, non seulement la Vendée Angevine, mais la Vendée du Bocage. Canclaux occupa Ancenis le 7 juillet, et rétablit ainsi les communications entre Angers et Nantes. Laborelière laisse 1.400 hommes à Saumur, 1.500 au Pont-de-Cé, et va camper à Flines, près Martigné-Briant.

Pendant que Vihiers était le 18 juillet (1) abandonné par les Bleus qui, en se retirant sur Saumur y mettent le feu, Tuncq commandant à Luçon, réussit à surprendre au Pont-Charron l'armée du Centre. Sapinaud blessé, tombe avec Joffrion de Bazoges entre les mains des Bleus qui les tuent à coups de sabre (2), et Chantonnay est brûlé (25 juillet 1793), ainsi que les environs de la Réorthe et de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault.

Bientôt la grande armée arrive, repousse Tuncq et le bat dans la plaine de Corps-Bessay (3).

Malheureusement une terreur panique s'empare tout à coup des Vendéens. Ils fuient devant les Bleus qui, étonnés d'un retour de fortune si inattendu, reprennent l'offensive, et le 30 juillet forcent, dans les plaines de Luçon et de Corps, les Vendéens commandés par Royrand à battre en retraite, protégés par la cavalerie du prince de Talmont (4).

Le Bocage n'était pourtant pas entamé. Les Vendéens prirent alors quelques jours de repos pour faire la moisson, et dès le 12 août ils se rassemblaient de nouveau pour essayer encore une attaque sur Luçon.

 

 

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(1) C'est quelques jours après la victoire de Vihiers, c'est-à-dire vers le 20 juillet que d'Elbée aurait été à Châtillon nommé généralissime. Revue du Bas-Poitou, VIe année, pages 137-138. Nous croyons que ce fut le 19, c'est-à-dire quatre jour après l'attaque du camp des Flines, où Bonchamps fut grièvement blessé au coude par un hussard. Bonchamps, Lescure, Donissan et Rogrand gardèrent leur divisions. Lescure s'adjoignit La Rochejaquelein et Donissan réclama Charette. Stofflet resta major général, Talmont, chef de la cavalerie et Marigny, chef d l'artillerie.

(2) D'après certains historiens, Sapinaud de la Verie, l'un des lieutenants de Royrand aurait été sabré sur une pièce de canon enlevée par les Républicains.

(3) Le 28 juin, la veille du siège de Nantes, Royrand avait été battu par Sandoz dans la plaine de Luçon, qui fut constamment funeste aux armes vendéennes.

(4) Les forces de Tuncq étaient les suivantes : Infanterie, 5.371 hommes, cavalerie, 414, canonniers 203, soit 5.988 hommes, 13 pièces de canon de quatre avec leurs caissons et une pièce de huit, le tout abondamment pourvu de gargousses et de boites a mitrailles (Revue du Bas-Poitou, IVe année, page 429).

 

BATAILLE DE LUÇON. - CORPS (14 Août 1793)

 

Le 14 août, les armées poitevines et angevines, réunies comme à Nantes, sous les ordres de leurs plus illustres chefs (1), Charette, Lescure, d'Elbée, La Rochejaquelein, Marigny, etc., venaient se déployer dans cette même plaine. L'armée républicaine, commandée par Tuncq, est rangée sur les hauteurs qui .protègent les passages de Mareuil et de Sainte-Hermine. Sa droite est appuyée au bourg de Sainte-Gemme, sa réserve à la forêt, sa gauche est parallèle à Corps, faisant face au gros de ]'armée vendéenne. L'avant-garde des royalistes est confiée à Charette ; qui a demandé à occuper le poste le plus rapproché de l'ennemi. Plus de 50.000 hommes occupent cette vaste plaine, le coup d'œil est imposant. Les Vendéens auxquels on vient d'annoncer la nouvelle (fausse alors), de l'exécution de Marie-Antoinette, versent des larmes abondantes, se jettent à genoux dans la poussière, et après avoir prié avec l'abbé Bernier, s'élancent courageusement sur les vaillants soldats de Tuncq.

Il fait un temps magnifique, le soleil resplendit dans un ciel sans nuages, soleil chaud, éclatant et fort : il semble qu'il s'est fait beau pour assister à la lutte de deux grandes armées. Le moment est solennel. Soudain le bronze retentit de toutes parts.

Charette et Lescure, exposés au feu de plusieurs batteries ennemies s'avancent seuls à la charge, enlèvent deux de ces batteries qu'ils tournent immédiatement contre les Bleus, balayent devant eux les régiments ennemis et refoulent la cavalerie hors de la portée du canon. Mais d'Elbée qui commande le centre est en retard. Tuncq ordonne un roulement de tambour c'est le signal convenu pour faire lever les soldats qu'il a eu l'art de cacher dans les sillons. Ses feux de file, son artillerie volante doublent leur nombre aux yeux des paysans surpris de cette subite apparition.

Dans cette plaine, l'artillerie légère fait merveille et sème le désordre dans les rangs des Vendéens. D'Elbée accourt, mais ses efforts sont trop tardifs, et Marigny, emporté par son impétuosité, a égaré une partie de l'aile droite. Charette et Lescure, avec leurs héroïques soldats, sont le dernier espoir de l'armée.

Mais il n'est plus possible de tenir contre des forces habilement combinées. La retraite sonne ; mais quelle retraite ! Six mille morts jonchent le champ de bataille. Charette a perdu l'élite de sa division et d'Elbée son artillerie, que le brave Pérault est obligé d'enclouer. Ils reculent, poursuivis en queue et en flanc par la cavalerie républicaine. De temps en temps ils s'arrêtent, font volte-face, d'un roulement de feu arrêtent l'ennemi et le font momentanément reculer, puis ils continuent leur route perdant des hommes à chaque pas.

Pourtant ils sont débordés : les Vendéens n'avaient pour s'échapper qu'une seule route, un pont, le pont de Mainclaye, sur la Semagne, dont le passage est barré par deux canons démontés. La Rochejaquelein se dévoue au salut de tous. Nouvel Horatius Coclès, il se place à la tête du pont, repousse l'ennemi avec son audace habituelle et ne quitte la place que lorsqu'il n'a plus un paysan à sauver. D'un autre côté, Charette et Lescure en font autant au Port-de-la-Claye. Un Vendéen blessé dans les reins et à la poitrine aperçoit Charette. « Mon général, lui crie-t-il, sauvez-moi ». « Oui, mon ami ! » répond ce dernier, mettant pied à terre sous le sabre des Bleus : il ne sera pas dit que j'aie abandonné un royaliste ! Inutile dévouement ! de nouveaux bataillons poursuivent les fuyards et leurs corps jonchent de nouveau le sol.

 

 

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(1) Bonchamps, retenu par sa blessure, ne put y assister.

 

 

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