Beaupuy se flattait, : la Vendée n'était pas morte,
et la guerre m'était point terminée : la République
qui le 26 décembre offrait à Nantes des couronnes civiques
aux vainqueurs de Savenay, avait encore à écraser des
débris palpitants, et à vaincre deux géants dans
toute leur force : Charette et la Chouannerie.
Suivons d'abord jusqu'à la tombe ou jusqu'à l'échafaud
les derniers chefs de la Grande-Armée.
Le prétendu évêque d'Agra fut exécuté
à Angers le 4 janvier 1794. - Desessarts père fut fusillé
à Feygréac. - Pirot eut le même sort. - Vingt
autres aussi.
Le prince de Talmont, surpris déguisé en paysan, était
traîné de prison en prison jusqu'à Laval, où
à l'âge de 28 ans il était décapité
devant le château de ses pères.
A peu de semaines de là Beysser et Westermann, deux généraux
républicains intrépides, tous deux Alsaciens et tous
deux âgés de 40 ans, étaient aussi guillotinés
comme conspirateurs, et allaient bravement au supplice bras dessus
bras dessous.
LA ROCHEJAQUELEIN ET STOFFLET, ETC.,
ERRENT SUR LA RIVE GAUCHE DE LA LOIRE
Cependant La Rochejaquelein, Stofflet, Laugerie et La VilleBaugé,
séparés de leurs soldats, comme on l'a vu, erraient
au hasard sur la rive gauche de la Loire, faisant le coup de feu contre
les patrouilles républicaines pour leur arracher un morceau
de pain Ils couchèrent une nuit sans le savoir
avec des bleus, sur la même meule de paille. Henri arriva enfin
près de sa sur à la Durbelière, et médita
dans ce court repos ses dernières batailles (1)...
Retour
haut de page
(1) Extrait de Pitre-Chevalier.
EXPLOIT DE CHARETTE NOMMÉ GÉNÉRAL
EN CHEF DE LA BASSE-VENDÉE
SA RENCONTRE AVEC HENRI DE LA ROCHEJAQUELEIN
La marche de l'armée vendéenne sur la rive droite avait
suspendu les opérations du général Haxo clans
la Basse-Vendée (1). Le 9 novembre il sort de Nantes avec 6.000
hommes, chasse les royalistes de Port-Saint-Père et de la forêt
de Princé (15 novembre), le lendemain il est à Machecoul,
où il installe des fours de campagne, donne quelques jours
de repos à ses troupes, se dirige de là sur Challans,
où, il trouve quelques détachements ennemis qui doivent
se replier sur Beauvoir. Après avoir établi à
Challans des fours de campagne comme à Machecoul et, fait remettre
les moulins à vent en état de service, il donne au général
Jordy l'ordre de s'emparer de Bouin. Le 6 décembre, à
minuit, les trois colonnes républicaines s'ébranlent,
arrivent sous les batteries de Bouin, chargent baïonnette au
canon les Vendéens, qui après avoir perdu 800 des leurs,
se sauvent avec Charette par la route de Bois-de-Céné.
A Chateauneuf ils rallient la division Pajot, tombent à l'improviste
sur l'arrière-garde d'Haxo, la mettent en déroute après
trois heures de combat et vont chanter, dans l'église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte,
un Te Deum d'action de grâces.
De Saint-Étienne-de-Mer-Morte, Charette se dirige vers le
Haut-Bocage, capture en route six pièces d'artillerie, des
vivres et des chaussures, et le 8 décembre, rejoint aux Quatre-Chemins-de-l'Oie
le général Joly, qui lui ouvre un camp républicain
de 2.000 hommes en arborant la cocarde tricolore et en égorgeant
toutes les sentinelles. Cette affaire laissait aux mains de l'armée
vendéenne d'abondantes munitions, 45 chevaux, 1.500 fusils,
avec 11 voitures chargées de vivres, etc. Le lendemain il est
aux Herbiers, où il est proclamé généralissime
de l'armée catholique et royale de la Basse-Vendée.
Investi du pouvoir suprême,. il organise ses forces, laisse
à Couëtus, à Joly et à Savin leurs divisions,
choisit Denis de Norois pour chef d'état-major, de la Roberie
pour commandant en second, et dirige au cur de la Vendée
l'armée la plus aguerrie qu'on y eût encore vue, grossie
de tous ceux qui pouvaient fuir les atrocités de Carrier à
Nantes. « Charette, écrivaient en décembre 1793
Haxo et Dutruy, nous a fait un mal horrible. Ce brigand a trouvé
le moyen de déjouer la sagacité des plus habiles manuvriers.
»
Le 15 décembre, la présence de l'ennemi aux environs
des Herbiers ayant été signalée au général
Vimeux, ordre est donné de fouiller le pays depuis le Luc jusqu'aux
Épesses. Les généraux Dufour et Guillaume sont
chargés de cette mission. Le 18, la colonne de ce dernier entre
dans Montaigu pour y prendre des vivres et, dès le matin, met
en trois endroits le feu à la ville. Charette, pressé
du côté du Grand-Luc, se porte vers la haute-Vendée
pour favoriser le passage de la Loire aux Vendéens échappés
au désastre du Mans. Il surprend, dans la nuit du 18 au 19
décembre, le poste de Cerizais, parcourt et dévaste
la Flocellière, la Pommeraye, le Boupère, Pouzauges
et Châtillon, et traverse de nouveau, le 23 décembre,
le poste des Quatre-Chemins. Le 29, le partisan devenu général
rencontre à Maulévrier La Rochejaquelein, le général
redevenu soldat. Celui-ci confirme à Charette la destruction
de la Grande-Armée, et par sa seule présence lui enlève
des milliers de soldats.
(1) Depuis le siège de Nantes, Charette avait
poursuivi la guerre à sa façon, franchissant à
la gaule les fossés des marais de Challans, de Bouin, de Machecoul,
de Saint-Jean-de-Monts, et traînant à, bras ses canons
et son matériel, empéchant les massacres lorsqu'il le
pouvait, et fermant les yeux lorsqu'ils étaient inévitables,
déployant en un mot une volonté surhumaine, dans une
guerre de détail si bien faite pour lui.
MÉSINTELLIGENCE DES CHEFS.
- NOUVEAUX COMBATS DE CHARETTE
Encore une fois il fallait s'unir : encore une fois l'intérêt
commun fut oublié !... « Suivez-moi, monsieur, dit Charette
à La Rochejaquelein. » - « Monsieur, répondit
La Rochejaquelein, je ne suis pas habitué à suivre,
mais à être suivi. » Et il lui tourna le dos.
Charette, affaibli, quitta le Bocage et regagna les Marais du Bas-Poitou.
Le 31 décembre il s'empare de Machecoul, mais Carpentier l'en
chasse après deux combats furieux, les 2 et 3 janvier 1794.
Pendant que Charette, rendu incapable de secourir Noirmoutier, retourne
à Légé, son quartier général, Carpentier
occupe Challans pour observer les mouvements de son adversaire et
l'empêcher de prendre à revers les troupes destinées
à l'attaque de Noirmoutier, « cette île qu'on doit,
», d'après l'ordre du Comité de Salut public du
21 octobre, « reprendre ou ensevelir ».
Retour
haut de page
PRISE DE NOIRMOUTIER (3 Janvier 1794).
- EXÉCUTION DE D'ELBÉE (9 Janvier 1794). -- LE COMBAT
DE MOUCHAMPS
Le 3 janvier, pendant que Turreau, accompagné de Bouchotte
et de Prieur de la Marrie, établissait son quartier général
à
Beauvoir, puis à la Barre-de-Monts, les généraux
Haxo et Dutruy attaquèrent Noirmoutier occupé par dix-huit
cents royalistes, dont huit cents bien armés, commandés
par Pineau, de Légé, Antoine, Savin, Barreau, Noël,
l'Irlandais O'Birn, etc. René de Tinguy, ancien sous-commissaire
de la marine, était gouverneur de l'île au nom de Louis
XVII.
Les côtes et la place Saint-Pierre étaient défendues
par cinquante bouches à feu dont plusieurs de gros calibre,
et par des marais salants qui en rendaient les avenues étroites
et difficiles. Les républicains n'avaient que trois mille hommes
d'élite, avec une flottille composée d'une frégate,
La Nymphe, et de dix-neuf bâtiments de transport. Les assiégés
pointent une pièce de trente-six sur la frégate et la
font échouer ; mais tout l'équipage se sauve à
marée basse. Le général Jordy est blessé,
à la cuisse ; cent hommes sont tués sur le bâtiment
de transport monté par cet officier... Haxo, de son côté,
traverse le passage du Gua au pas de charge, s'empare de Barbâtre,
et s'avance sur Noirmoutier où la terreur est à son
comble. La ville capitule, et d'Elbée arrêté avec
trente des principaux chefs (1).
Mourant depuis la bataille de Cholet, il dut, subir un long et pénible
interrogatoire. - « Voici donc d'Elbée ? s'écria
le représentant Bourbotte en l'apercevant ». - «
Oui, reprit d'Elbée, voilà votre plus grand ennemi !
si j'avais pu me tenir debout, Noirmoutier ne serait pas en votre
pouvoir, ou du moins vous l'eussiez chèrement acheté
! »
Le 9 janvier 1794 il était fusillé dans son fauteuil
avec René de Tinguy, Duhoux d'Hauterive, de Boisy, et Wieland,
ancien chef des bataillons les chasseurs de la Manche, qui avait rendu
l'île à Charette le 12 octobre 1793.
Madame d'Elbée, qui avait noblement refusé de quitter
son mari, périt le lendemain avec Mme Maurin, qui lui avait
donné l'hospitalité dans sa maison et qui avait partagé
son dévouément. Pineau, Antoine Savin et beaucoup d'autres
eurent le même sort.
Le « rasoir national » décima enfin toute la population
(2) de l'île de Noirmoutier, qu'on appela l'île de La
Montagne.
Le 9 janvier, au moment où d'Elbée mourait à
Noirmoutier, Charette, poursuivi par le général Dutruy,
arrive aux Herbiers où 3.000 hommes l'attendent : avec ces
renforts il marche sur Saint-Fulgent. La garnison se retire à
Mouchamps, sur le Petit Lay ; son colonel, Joba, y bivouaquait avec
son régiment et deux escadrons de cavalerie. On se battit avec
acharnement, et la victoire fut si incertaine que les deux partis
se retirèrent avec des pertes égales.
Retour
haut de page
(1) Ce jour-là, l'île de Noirmoutier changea
son nom contre celui d'île de la Montagne et l'île de
Bouin s'appela l'île Marat.
(2) Des documents très curieux sur ces faits
existaient à Noirmoutier il y a quelques années encore
; ils furent brûlés, dit-on, par le maire, qui les trouvait
beaucoup trop compromettants pour certaines familles de l'île.
(Profils Vendéens, p. 151). - Voir aussi dans la
Revue du Bas-Poitou, 11° année (1898), pp : 257-267,
un remarquable article de d'Elbée, intitulé : La
mort de d'Elbée. - La commission militaire. Le fauteuil
dans lequel fut fusillé d'Elbée à figuré
à l'exposition ethnographique de Niort en 1896. - Les historiens
ne sont pas d'accord sur la date exacte de la mort de d'Elbée,
non plus que sur le rôle de Dutruy.
LES COLONNES INFERNALES
La Convention, qui a changé le nom du département de
la Vendée, en celui de Vengé, qui a supprimé
le culte religieux dans tout le pays occupé par les troupes
républicaines, qui a applaudi à l'envoi des lettres
de « déprêtrisation » de plusieurs
curés et à leur abjuration (1), organise alors, sur
la proposition de Turreau, les fameuses Colonnes infernales (2). Douze
camps retranchés, composés de soixante mille hommes
occupent les meilleurs postes du Bocage, enveloppent et affament la
Vendée entière, et lancent de toutes parts des troupes
sans artillerie ni bagage, chargées littéralement de
tout brûler et de tout massacrer.
Le général Grignon, l'ancien boucher, ouvre
la marche en disant à ses soldats : - « Je sais bien
qu'il peut y avoir des patriotes dans ce pays...! C'est égal,
nous devons tout immoler ! Les commandants, où plutôt
les bourreaux des onze autres colonnes étaient Huché,
Du four, Caffin, Amey, Charlery, Beaufranchet, Chalbos, Gramont, ancien
comédien, Cordelier, Commaire et Dalliac.
Turreau
La consigne infernale fut si bien remplie que Lequinio, qui l'avait
conseillée ; Lequinio lui-même recula devant son uvre
: mais il était trop tard (3).
Pendant un mois entier, à partir du 20 janvier 1794, la Vendée
ne fut qu'ut bûcher continuel et qu'un cimetière immense
(4).
Au premier coup de fusil annonçant la Colonne infernale -
« Entendez-vous l'horloge de mort ? » se disait-on de
porte en porte. Et saisissant les provisions dans la mette, emportant
les malades et les enfants, détachant les bestiaux de l'étable,
on s'enfuyait aux gites à travers les genêts et les chemins
creux.
Retour
haut de page
(1) Pour détails, voir La Vendée patriote,
de Chassin, tome III, chap. XLII.
(2) Pour les Colonnes infernales, voir notamment la
Revue du Bas-Poitou. (Année 1896), pages 424-432, etc.,
et la Vendée historique, 1er et 2e années.
(3) Ses révélations devant le Comité
révolutionnaire de Fontenay sont tellement épouvantables
que nous ne pouvons les reproduire ici. - Ce fut le 28 mars 1794,
que la Société populaire et républicaine de Fontenay
donna le signal d'une pro
testation généreuse contre les exactions
des généraux incendiaires.
(4) Devaient, d'après l'ordre général
donné à Doué, le 30 nivose, an II par Turreau,
être exceptés de l'incendie : Saint-Florent, Luçon,
Montaigu, La Châtaigneraie, Sainte-Hermine, Machecoul, Challans,
Chantonnay, Saint-Vincent-Sterlanges, Cholet, Bressuire, Argenton
et Fontenay-le-Peuple. (La Vendée patriote, tome IV,
page 52).
LE REFUGE DE GRALA PRÈS LES
BROUZILS
Sur quelques points touffus, des populations entières improvisèrent
des villages à l'ombre des forêts. Il y a quarante ans,
on voyait dans la forêt de Grala, près les Brouzils,
les restes d'un de ces villages, - à l'endroit qui s'appelle
toujours Le Refuge.
« De fortes branches attachées au tronc des arbres formaient
la charpente des habitations. Les murailles étaient figurées
par d'autres branches entrelacées de feuillage et tapissées
de gazon. - Ces habitations étaient alignées à
droite et à gauche d'une sorte de rue, pavée d'herbe
épaisse. Le dôme élevé de la forêt
garantissait le tout des intempéries de l'air.
Là, chacun avait transporté son ménage, son
trésor, ses bestiaux et ses amours.. Les hommes y étaient
rares et travaillaient pour les femmes ; les mères mettaient
au monde et élevaient leurs enfants. Un prêtre réfractaire
baptisait les nouveau-nés, bénissait les mariages, assistait
les mourants et enterrait les morts. - Tels sont la vie et le cur
humain : les plaisirs même, les jeux et parfois les danses du
pays revivaient dans cette colonie proscrite. Mais surtout on y priait
pour les braves qui défendaient encore la Vendée...
car à chaque coup de canon tiré dans le lointain, que
de femmes et d'enfants tremblaient pour leurs époux, leurs
fils et leurs pères ! On avait des courriers adroits et intrépides,
des vieilles mendiantes ou des petits gars, qui, leurs sahots à
la main, courbés dans les chemins creux, filant comme des lièvres
dans les genêts, allaient savoir des nouvelles de l'armée
et du village... Ils ramenaient souvent un soldat paysan fugitif ou
blessé... Alors que de questions et de soins, et que de terreurs
ou d'espérances dans tout le refuge !
Telle était la vie de ceux qu'épargnait la mort...
Cependant les Colonnes infernales achèvent leur mission. Huché
a tout brûlé et tout tué du Port-la-Claye à
Sainte-Hermine. - Dufour au district de Montaigu (1). - Cordelier,
de l'est à l'ouest. - Grignon, dans le sens contraire, d'Argenton-le-Château
aux Herbiers... Il n'y a plus qu'un désert fumant de Clisson
au Loroux, de Tiffauges à Vezins, dans tout le Haut-Poitou
et dans une partie de l'Anjou. Plus d'un quart de la population est
mort ; le reste est disparu. Deux cent mille bestiaux ont péri
avec leurs maîtres. Ce qu'on a brûlé de fourrages,
de bois et de blé est incalculable. Les chiens de fermes hurlent
sur les décombres, attendant un Vendéen pour le caresser
ou un Bleu pour lui sauter à la gorge.
Faut-il blâmer après cela les paysans qui se vengèrent
sur les patriotes ? Mais il avait été donné à
un seul homme, à Carrier, dont nous ne raconterons point les
sinistres exploits, de dépasser les abominations commises par
les Colonnes infernales (2).
Retour
haut de page
(1) Dans la commune de Chavagnes, dont l'église,
le château de l'Ulière et une partie du bourg avaient
été incendiés dans le mois d'octobre 1793, plus
de cent personnes de tout âge et de tout sexe furent massacrées
le dimanche 23 février 1794, après des atrocités
sans nom. Ce lugubre événement est connu dans le pays
sous le nom de « jour du grand massacre ». (Echos du
Bocage Vendéen, IIIe année, pages 346 et 347.
(2) PitreChevalier, pages 508 et 509.
BEAU TRAIT DE DAVID D'ANGERS
Partout, il faut le dire, ces bourreaux de la Terreur trouvèrent
des hommes assez généreux pour leur disputer des victimes
; partout les crimes et les dévouements se multiplièrent
les uns par les autres. Nous citerons entre mille, un trait fort touchant
de David, le père de Maxime David, l'excellent peintre en miniature.
Louis David, alors âgé dé vingt-trois ans, avait
quitté le service militaire par un honorable scrupule. Il fut
envoyé comme contremaître à l'arsenal d'Angers.
Mieux valait encore, à ce temps-là, forger les armes
que les manier. David recevait de la République un maigre salaire,
à peine suffisant à sa laborieuse existence. Il logeait
dans une toute petite chambre, au dernier étage d'une de ces
vieilles maisons d'Angers, dont les portes sont si étroites
et les couloirs si sombres. Un soir il rentrait chez lui : une charrette
longeait la rue, portant des Brigands à la guillotine.... David
s'arrête frappé de terreur et de pitié... Toup
à coup un corps rapide le heurte, le pousse dans le corridor
et y disparaît en le devançant.... David monte à
sa suite jusqu'au dernier étage et trouve à la porte
de sa chambre une jeune fille éperdue, les cheveux épars
et les vêtements en désordre : - « Sauvez-moi,
monsieur, lui dit-elle, au nom du Ciel, sauvez-moi ! ... » David
avait déjà ouvert son modeste logement et mis en sûreté
celle qui l'implorait. Elle lui dit alors : « Je suis mademoiselle
de l'Epine. Cette charrette conduit toute ma famille à l'échafaud
; j'en suis tombée par miracle.... Un autre miracle m'a jeté
chez un homme de cur.... Partagez avec Dieu ma reconnaissance
». David s'enferme avec la victime, et attend en frissonnant
pour elle et pour lui-même. Personne ne monte, et l'espérance
succède à l'effroi.... Mais ces angoisses devaient se
renouveler chaque jour.... Qu'un des mille Argus de Francastel eût
le moindre soupçon, et c'en était fait de la vile Brigande
et de son sauveur.... David garda ainsi mademoiselle de l'Épine
pendant six semaines. Il la quittait le matin pour aller à
l'arsenal, et revenait après son travail en partager le fruit
avec elle.... Nous avons dit qu'il avait à peine de quoi vivre....
Quand le dîner ne suffisait pas pour deux, s'était lui
qui s'imposait les privations. Le sacrifice qui lui coûta le
plus fut celui de son lit. Huit jours durant, toutefois, il le céda
à la jeune fille, et non moins respectueux que dévoué,
il dormait près d'elle sur une chaise. Mais un tel repos, après
les fatigues du jour, altéra sa santé.... Or, s'il fût
tombé malade, lui et sa compagne étaient perdus !...
« Mademoiselle, lui dit-il un soir, vous avez assez éprouvé
ma discrétion ; accordez-moi une grâce d'où dépend
notre salut commun. Permettez-moi de réparer ma force épuisée
en reprenant la moitié de mon lit. »
Et désormais, le jeune homme et la jeune fille, sans reproche
comme sans défiance, dormirent côte à côte
et tout habillés sur
le même matelas.... Un jour enfin, ils sortirent ensemble :
Mademoiselle de l'Epine, qui avait son projet, entraîna David
dans la campagne, et se fit reconnaître d'une troupe de Vendéens.
- « Voilà mon libérateur, leur dit-elle, il est
digne de marcher sous votre drapeau ». Et elle supplia David
de la suivre à l'armée royale... Mais le modeste employé
de la République fut incorruptile. Il dit adieu à la
jeune fille et regagna l'arsenal d'Angers.
Quand la paix ferma les plaies de la France, David, élevé
en grade par une conduite exemplaire était à l'arsenal
de Châlons-sur-Marne. Il y reçut une lettre dont voici
la teneur: « Je n'ai point oublié que je vous dois l'honneur
et la vie. Je viens m'acquitter en vous offrant ma fortune et ma main.
Signé : Mademoiselle de l'Epine. »
David fut touché jusqu'aux larmes et vivement tenté
; mais Républicain jusqu'au bout il refusa discrètement.
Le dénoûment n'est-il pas digne de l'aventure ? (1)
Retour
haut de page
(1) Pitre-Chevalier; pages 524-525.
RETOUR DE LA ROCHEJAQUELEIN DANS LE
BOCAGE
SA MORT (29 Janvier 1794)
Turreau et les représentants avaient appris à Noirmoutier
que La Rochejaquelein, de concert avec Stoffet et Bernard de Marigny,
occupait le territoire de Châtillon, d'Airvault, de Thouars
et de Cholet, et qu'il n'attendait que le retour du printemps pour
attaquer les postes disséminés dans le centre de la
Vendée. Le jour où ils avaient passé la Loire,
Henri de la Rochejaquelein et ses compagnons, séparés
de leurs troupes errèrent toute la journée, sur la rive
droite sans avoir pu trouver un asile. Quelques jours après
ils arrivèrent à Châtillon et de Châtillon
à Saint-Aubin-de-Baubigné, où Mlle de la Rochejaquelein
s'était réfugiée. Après avoir pris des
informations sur l'état du pays et rassemblé les débris
de l'ancienne armée, ils se rendirent à Maulévrier,
auprès de Charette, qui fit au jeune généralissime
de la Grande Armée l'accueil que l'on sait. Avec les
soldats dont il dispose il se rend à Néry, où
il opère un nouveau rassemblement, marche toute la nuit pour
enlever un poste républicain, et les nuits suivantes pour faire
des expéditions semblables, mais à de grandes distances,
pour jeter l'incertitude sur sa marche et faire croire à l'ennemi
qu'il y avait différentes troupes. Le 24 janvier il lance mille
hommes sur Amey et Cordelier, emporte Chemillé, s'empare des
subsistances amassées par la colonne républicaine qui
venait de fuir, pille tous les fourgons de l'état-major, fait
fuir Turreau, s'établit avec Stofflet dans la forêt de
Vezins, et fait chaque nuit une sortie sur les Bleus. Jamais le héros
n'avait joué sa vie avec une telle audace. Il la rencontra
le 28 janvier 1794.
Henri était convenu avec MM. de Bruc, de Livernière
et du Cléré de les joindre en Vallet pour arrêter
les incendiaires de Turreau. Il s'élance chemin faisant sur
une colonne qui brûlait Nouaillé. Il remporte sa dernière
victoire et fait sa dernière .bonne action. Ses soldats allaient
tuer deux gendarmes bleus surpris dans un champ. « Arrêtez
! leur crie-t-il, je veux interroger ces hommes ». Et il va
droit à eux malgré Stofflet et Beaugé. «
Rendez-vous, leur dit-il, je vous fais grâce ». Mais un
de ces forcenés a entendu prononcer son nom ; il le couche
en joue et le tue à dix pas. La balle avait frappé au
front.
Stofflet reçoit au cur le contre-coup ; il s'élance
les yeux en larmes, - lui qui n'avait jamais pleuré ! - «
Qui de vous, misérables, a tué notre général
? - Moi, répond le meurtrier. Et Stofflet lui ouvre le crâne
d'un coup de sabre. Puis s'adressant, à son compagnon : «
Toi, tu es libre ; M. Henri t'a fait grâce ». Avertis
de l'approche d'une colonne ennemie, les compagnons de la Rochejaquelein
lui creusent à la hâte une fosse et l'ensevelissent avec
son meurtrier. - Les restes du héros furent exhumés
en 1816, et le 7 mars 1817, transportés dans le caveau de famille
à St-Aubin-de-Baubigné.
Ainsi mourut l'un des plus nobles et des plus dignes enfants de la
Vendée. Sa carrière fut courte mais elle fut brillante,
et aucune ombre ne ternit jamais l'auréole si radieuse et si
pure de cet enfant de vingt ans.
« Ce héros ! le plus jeune et le plus brillant général
qu'ait eu la Vendée, n'avait que vingt et un an, s'écrie
Napoléon, qui sait ce qu'il fut devenu ? »
Retour
haut de page
PRISE ET REPRISE DE CHOLET (19 Février
1791)
SUCCÈS ET REVERS DE STOFFLET
IL SE RÉFUGIE DANS LA FORÊT
DE VEZINS
Stofflet résolut de venger la mort de La Rochejaquelein. Dans
la même journée il bat les Bleus à Gesté
et à la Regrippière. Secondé par Pierre Cathelineau
et Beauregard, il promène ses bandes à.Beaupréau,
Chemillé, Vezins, Coron, enlève les. hauteurs du Coudray-Monbault
à la brigade Carpentier, pousse jusqu'à Vihiers, d'où
il revient dans la forêt du Vezins, qu'il quitte de nouveau
le lendemain, 7 février, marchant sur Maulévrier, où
il décide de faire le siège de Cholet. Le 9 février
1791, il attaque vigoureusement cette ville à la tête
de cinq mille hommes et s'en empare. Le général Moulin,
qui portait des culottes faites de la peau des Vendéens qu'il
avait tués, est blessé et se brûle la cervelle
de rage d'avoir été vaincu par ces paysans. Mais Cafin
prend sa place et commence à rallier les fuyards. La division
Cordelier arrive, et devant ces nouvelles forces les Vendéens
reculent jusqu'à Chemillé (1).
Stofflet attaque le 11 février, avec sept mille hommes, la
division de ce général, forte des héroïques
débris de l'armée de Mayence, mais Cordelier le bat
par son propre système à Beaupréau et à
la Regrippière en égaillant aussi ses soldats. Puis
il court arrêter le succès de Charette dans le Bas-Poitou.
Stofflet se retranche dans la forêt de Vezins, d'où il
repousse Huché et Grignon. Le 22 février (2), les royalistes
de la Haute-Vendée s'emparent de Cerizay, le 21 de Bressuire,
où ils trouvent des vivres en abondance ; le 26 d'Argenton-le-Château.
Dans le Bas-Poitou, Charette, traqué sans cesse par les Colonnes
infernales, errant au milieu de l'hiver rigoureux de 1794, dans les
bois et sur les landes couvertes de neige des paroisses des Lucs,
de Saligny, de Saint-Sulpice et de la Copechagnière, échappe
à force d'adresse et d'audace aux divisions républicaines
qui sillonnent le pays. Souvent même, de peur d'être trahi
par la fumée, il ne peut allumer de feu de bivouac pour se
dégeler les membres.
Renseigné et secondé par des enfants et des femmes
qui courent nu-pieds dans la boue et dans la neige, il. tient tête,
pendant cette campagne admirée comme un chef-d'uvre de
tactique militaire, aux vainqueurs de l'Europe coalisée. Le
27 janvier il attaque avec Sapinaud Saint-Fulgent, et y bat les Bleus
occupés à relever l'arbre de la liberté. Battu
le lendemain aux Quatre-Chemins, il rentre dans la forêt de
Grala et en sort le 31 janvier pour défendre les Brouzils contre
la colonne du général Dufour. Il a le bras fracassé
par une balle, mais n'en continue pas moins de se battre jusqu'à
ce qu'il tombe évanoui. Le lendemain, il s'empare de Maché,
où il trouve un convoi de vivres, et peut à peine se
reposer quelques heures au Val de Morière, près Touvois.
Le jour de la Chandeleur (2 février), il met en fuite le général
Joba, tue six cents hommes à Grignon, près de Saint-Fulgent
et culbute le général La Chenaie près de Chauché(3),
remportant ainsi trois victoires coup sur coup avec des troupes peu
nombreuses et exténuées de fatigue, et qui se vengent
par la mort des prisonniers, des incendies allumés sur leur
route. - Le 8 février on se bat à Saint-Colombin, où
La Roberie blesse ou tue de sa main trois dragons acharnés
contre lui ; puis Charette apprenant que les Bleus mettaient tout
à feu et à sang du côté de Légé,
il s'avance avec Joly et Couëtus pour délivrer ce malheureux
pays. Il bat Cordelier dans le bourg, puis au bord d'un torrent, où
celui-ci laisse huit cents morts et toutes ses munitions.
Retour
haut de page
(1) Le lendemain, 22 pluviose, an II , le Comité
de Salut public prescrivit de désarmer sur-le-champ toutes
les communes vendéennes comprises dans le cercle forméé
par les places de Saint-Gilles, Les Sables, Luçon, Niort, Airvault,
Thouars, Saumur, et depuis Saumur jusqu'à Nantes, toute la
rive gauche de la Loire, et depuis Nantes jusqu'à Saint-Gilles,
tous les points de la circonférence exceptés. Dans toute
l'étendue du pays soumis, il ne devait rester d'armes qu'aux
soldats de la République (La Vendée patriote)
T. II, page 255.
(2) NOUVEAUX NOMS DES COMMUNES DE LAVENDÉE
Les noms anciens des communes sont, croyons-nous, désignés
officiellement pour la dernière fois durant la période
révolutionnaire, dans une délibération du district
des Sables, portant la date du 4 ventôse, an II (22 février
1794).
Le changement des noms, qui rappelaient « des
idées de fanatisme et de féodalité », s'opéra
successivement â dater du 24 pluviôse, an II (14 février
1794), où, sur le registre des délibérations
municipales de Saint-Gilles, on trouva pour la première fois
la désignation de Port-Fidèle. Le même mois, l'lle
d'Yeu se dénommait île de la Réunion, Croix-de-Vie
s'intitula Havre-de-Vie. Le 14 prairial (5 juin) ; furent reconnus
par le district des Sables, en outre des précédents,
les changements de noms suivants :
Château-d'Olonne, Beauséjour; Saint-Martin-de-Brem,
Havre-Fidèle ; Saint-Nicolas-de-Brem, Bellevue ; Saint-Julien-des-Landes,
Landes ; Chapelle-Achard, Belle-Chasse ; Sainte-Flaive, Louvetière
; Sainte-Foy, Le Désert ; Saint-Georges-dePointindoux, Carrière-Grison
; Le Bernard, Bonfond ; Longeville, Salerne ; SaintBenoît, Bon-Marais
; Chapelle-Hermier, Josnay ; Landeronde, Bonne-Lande ; Les Moutiers-les-Mauxfaits,
Les Moutiers-les-Fidèles, Champ-Saint-Père, Champ-Perdu
; Saint-Avaugour, Les Palières ; Saint-Cyr, Haute-Plaine ;
Saint-Sornin, le Bois ; Saint-Hilaire-de-Talmont. Le Tanès
; Saint-Hilaire-la-Forêt, La Vineuse-en-Plaine ; Saint-Vincent-sur-Jard,
Le Goulet.
Chassin, T. IV. La Vendée patriote (1793-1800).
Voir aussi La Vendée historique, IIIe année,
559-60 et 61.
(3) Dans les premiers jours de mars de cette année
1794, une partie de la commune de Chauché fut brûlée
par les Colonnes infernales, notamment le village de la Brejonnière
; une seule maison fut épargnée : celle d'un nommé
Mandin, qui, le 2 février précédent, avait donné
l'hospitalité au chef qui commandait la colonne incendiaire.
(Alexis des Nouhes, Échos du Bocage) année 1885,
n° III.
FÉROCITÉ DE JOLY, dit
le « BRUTUS VENDÉEN »
Le féroce Joly vit tomber là deux de ses fils, dont
l'un mortellement. Il pleurait comme une mère sur le corps
de l'aîné, lorsqu'on amène les prisonniers bleus.
Un d'eux se jette aux pieds du vieillard en criant : « Grâce,
mon père ! Vous savez que je n'ai fait que céder à
la force ! » - C'était en effet le troisième fils
de Joly qui servait la République.... Le Brutus vendéen
le repousse et le fait fusiller avec tous ses compagnons. Les Vendéens
ne pardonnèrent jamais cette barbarie au général.
ARRIVÉE DU GÉNÉRAL
HAXO (1)
Encore une fois Charette était maître du pays, mais
il ne put rester, à Légé, infecté par
les retranchements de cadavres. Haxo fut alors lancé contre
lui. Le 28 février il est à Machecoul, le 1er mars à
Légé, le 2 à La Mothe-Achard. - « Dans
six semaines, écrivait-il au Comité de Salut public,
j'aurai la tête de ce brigand ou il aura la mienne ! »
Cette parole superbe était connue dans la Vendée :
partout on ne parlait que du général Haxo. Alsacien
comme tant d'illustres généraux de la République,
faisant la guerre en soldat, mais non pas en bourreau : ce qui le
rendait d'autant plus redoutable. Tout le monde s'entretenait de la
lutte qui allait s'ouvrir entre ces deux hommes.
Charette, cantonné dans la forêt de Rocheservière,
ne fut point épouvanté de l'orage qui l'allait menacer.
Avec des soldats manquant de tout, il laisse la forêt, s'ouvre
un passage à travers les Bleus, les culbute près Saint-André-Treize-Voies
; le 5 mars, secondé par Guérin, son intrépide
lieutenant (2), il bat Haxo à la Vivantière, mais bientôt
Haxo triomphe à son tour à Saint-Sulpice (7 mars), et
enfonce les Blancs dans la forêt de Touvois.
Retour
haut de page
(1) Haxo, né à Étival (Vosges)
le 7 juin 1749, avait servi dans le régiment de Touraine, infanterie,
de 1768 à 1777 ; il en avait été congédié
fourrier. Conseiller au bailliage de Saint-Dié en 1789, puis
administrateur du département des Vosges et major-général
des gardes nationales en 1790, il avait répondu à l'appel
des volontaires en 1791, et avait été élu lieutenant-colonel
du troisième bataillon de son département le 29 août.
Promu chef de brigade pendant le siège de Mayence, il obtint
le grade de général de brigade le 17 août 1793.
Il prit une belle part aux deux campagnes des Mayençais en
Vendée, et fut gardé sur la rive gauche de la Loire
pour combattre Charette pendant l'expédition d'Outre-Loire,
puis dirigea ensuite les opérations qui aboutirent le 3 janvier
1794 à la reprise de Noirmoutier, et se fit tuer bravement
au combat des Clouzeaux (20 mars). La Convention décréta
le 28 avril 1794 que son nom serait inscrit sur une colonne de marbre
au Panthéon. La ville de La Roche-sur-Yon a donné le
nom de ce vaillant général à une de ses principales
rues. - Disons aussi que par ordre de Haxo, et malgré des injonctions
réitérées, la Contrie, maison de Charette, près
la Garnache, resta debout.
(2) Guérin commandait les Paydrets, c'est-à-dire
les habitants des paroisses situées entre Nantes et Machecoul,
pays de Retz ! Il avait remplacé La Cathelinière, fusillé
à Nantes.
COMBAT DES CLOUZEAUX. - MORT DE HAXO
(21 Mars 1794)
Après avoir séjourné pendant quelques jours
au milieu des bois et rallié les fameux gâs du
pays de Retz, les Paydretz, Charette, avec Joly, qui est venu
à son secours, s'avance sur Chauché pour surprendre
La Roche-sur-Yon par un mouvement tournant et attirer l'ennemi dans
un piège. Les Vendéens étaient aux Clouzeaux
(1) se dirigeant sur La Molhe-Achard, lorsqu'on vint leur annoncer
l'approche du général Haxo. Charette donne aussitôt
le commandement de la gauche à Joly, celui du centre à
Guérin et garde l'aile droite pour lui : La cavalerie, placée
sur les coteaux environnants devait protéger la retraite en
cas de revers.
Haxo, impatient d'en finir, et se figurant qu'il ne va faire qu'unebouchée
des Vendéens, se précipite à la baïonnette
sur l'avant-garde de Joly qui soutient bravement le choc : au même
moment, la cavalerie accourt aux cris de : Mort aux Bleus ! et la
mêlée devient affreuse.
En vain Haxo, toujours repoussé, revient six fois à
la charge, il ne peut entamer les Vendéens et il tombe bientôt
de cheval (2) atteint d'une balle à la cuisse. Alors il s'adosse
à un arbre, donne ses derniers ordres, et, le sabre en main,
brave toute l'armée Vendéenne ! - « Rendez-vous
! » lui crie un paysan ; et pour toute réponse il l'étend
à ses pieds. Il pare de même les coups d'un autre, et
cinq hommes reculent devant cette tête blanche inondée
de sang, cette taille gigantesque et ce sabre « inévitable.
» - Enfin Arnaud de la Mouzinière de Mormaison, blessé
par le général, l'achève de trois balles presque
à bout portant. Charette, triomphant sur tous les points, accourait
pour lui sauver la vie.
Retour
haut de page
(1) Lire dans La Revue du Bas-Poitou (5e année,
pages 128 à 139), un article fort intéressant intitulé
: La mort du général Haxo et le combat des Clouzeaux.
(2) Son cheval fut saisi par des Tesson de Belleville,
qui s'emparèrent de sa valise contenant, disait-on, une forte
somme d'argent; en tout cas ce n'était un mystère pour
personne après 1814, que l'aisance de ces métayers misérables,
lors de l'affaire des Clouzeaux, avait eu ce point de départ.
(Rouillé. Le Messager de la Vendée 13-27 mars
et 17 avril 1892). - Chassin. La Vendée patriote. Tome
IV, page 381.
Haxo, d'après Aubertin, aimait à citer
cette maxime de la Pharsale : « Unica belli proemia
civilis, victis donare salutem ». Dans une guerre civile,
le seul gain de la victoire, c'est de sauver les vaincus.
RÉORGANISATION DE NOUVELLES BANDES ROYALISTES
PRISE DE MORTAGNE-SUR-SÈVRE
PAR MARIGNY (25 Mars 1794)
Tandis que Charette, pendant une admirable campagne d'hiver de trois
mois, reprend son ancien territoire, Marigny, après avoir,
déguisé en marchand de volailles, bravé Carrier
jusqu'au cur de Nantes, se met à la tête des gars
de Bressuire, de Mortagne et des environs, et la Vendée a désormais
trois généraux : Charette, Stofflet et Marigny.
D'un autre côté, Sapinaud de la Rairie, aussi revenu
d'Outre-Loire, avait réorganisé une armée dans
la Vendée centrale, et Fleuriot, nommé généralissime
à Savenay, tenait toujours à la tête de sa division.
Marigny débute par un grand coup. Vêtu de l'habit de
paysan, comme ses soldats, sans autre distinction que sa croix de
Saint-Louis, il s'empare de Mortagne le 25 mars, à la tête
de 5.000 rebelles et établit son quartier général
à Cerizay, pendant que la garnison de Mortagne, forte d'environ
mille hommes, s'enfuit à Tiffauges, Clisson, Le Pallet et Nantes,
où elle arrive après 26 heures de marche forcée.
Cet événement eut une portée immense. Le Normand,
accusé d'avoir rendu la ville, éclaira la Convention
sur ses maladresses. Dès lors elle changea diamétralement
de système, déclara les femmes, les vieillards, les
enfants inviolables, et rendit à la guerre le caractère
qu'elle n'eût jamais dû perdre. Mais les soldats de Charette,
de Stofflet et de Marigny, se défiant des promesses de la Convention,
poursuivirent encore avec acharnement la guerre des broussailles.
Retour
haut de page
ÉVACUATION DE CHOLET, LES HERBIERS,
CHANTONNAY,
LA ROCHE-SUR-YON. - MONTAIGU, QUARTIER
GÉNÉRAL.
SITUATION CRITIQUE DES TROUPES
Pour conjurer le défaut d'ensemble entre les chefs qui prennent
le commandement de la division après la mort de Haxo, la Convention
ordonne que Cholet sera évacué et que tous les habitants
quitteront le pays sous peine d'être traités comme rebelles.
Le général Turreau évacue les Herbiers, Chantonnay,
La Roche-sur-Yon et, se fixe à Montaigu, où il établit
son quartier général (2 avril) ; dès le lendemain
le pain manque pour nourrir ses troupes et deux mille réfugiés.
Les troupes étaient réduites à un quart de ration
de pain dans les districts de Challans et de Machecoul, bien que le
général Haxo eût donné l'ordre d'excepter
provisoirement de l'incendie Challans, la Garnache, Sallertaine et
Soullans, comme postes militaires. Elles n'avaient qu'un pas à
faire pour se procurer des vivres en abondance : c'était de
pénétrer dans le marais, que le sanguinaire lieutenant
de Charette, Pajot, occupait avec quinze cents hommes.
AFFAIRES DE CHALLANS ET DES ENVIRONS.
- CAMPS DE FRELIGNÉ ET SAINT- CHRISTOPHE . - MAULÉVRIER,
LES MOUTIERS-LES-MAUXFAITS REPRIS, ETC
Instruit des desseins de Turreau, Charette essaie de s'ouvrir un
passage à travers les bataillons républicains et de
réunir ses forces à celles de Pajot. Le 8 avril il attaque
avec huit mille hommes Challans, défendu par puits cents hommes
aux ordres de Boussard. Malgré la disproportion du nombre et
l'héroïsme de Charette, qui combattit le dernier avec
une poignée de braves, les républicains repoussèrent
trois fois l'ennemi et le mirent en déroute. Dutruy poursuit
Charette et Savin jusqu'au-près d'Aizenay, brûlant tout
sur son passage ; le 23 et le 26 avril il fouille les forêts
de Princé, de Touvois et de Grand'Lande ; le 4 mai il s'empare
du Périer « affreux et superbe repaire au milieu d'une
nappe d'eau. » Le marais fut cerné par des colonnes volantes,
qui ne purent néanmoins empêcher Pajot d'aller rejoindre
Charette dans le Bocage, en emmenant dans sa fuite un grand nombre
de chevaux et de bêtes à cornes ; mais cette expédition
longue et pénible procura d'immenses ressources aux troupes
de la République. Le 17 juin Boussard annonçait qu'il
avait emporté les quatre moulins autour desquels se tenaient
les débris de l'armée de Pajot ; qu'il s'était
emparé d'au moins 30.000 sacs de farine et d'un très
grand nombre de bufs et de chevaux. Le 23 juin, il formait à
Fréligné et à Saint-Christophe du-Ligneron deux
camps de 5.000 hommes pour assurer la pacification du marais.
Sur ces entrefaites, Stofflet et Marigny avaient dirigé une
expédition infructueuse sur La Châtaigneraie, défendue
par l'adjudant-général Lapierre, mais ils allaient bientôt
venger cet échec. Le vendredi saint, 18 avril, Marigny attaque
les républicains dans les allées du château de
Clisson et les met en fuite. Ils évacuent Bressuire et se renferment
dans le camp de Chiché. Stofflet de son côté se
fortifie à Maulévrier, dont il fait un camp, un refuge
et une imprimerie.
Ls 19 avril, Charette s'empare des Moutiers-les-Mauxfaits, où
il trouve des vivres et des munitions en abondance et vole au secours
de Sapinaud, qui avait formé une nouvelle armée avec
les anciens soldats de Royrand et de Beaurepaire. L'arrivée
de Charette et de Guérin sauve Sapinaud, qui se trouvait cerné
vers Pouzauges par des forces supérieures (28 avril 1794) (1).
Retour
haut de page
(1) Tous les hommes valides de la Gaubretière
avaient suivi Sapinaud.
MÉSINTELLIGENCE ENTRE LES CHEFS.
- ENTREVUE DE LA BOULAYE. - EXÉCUTION DE
MARIGNY (10 Juillet 1794)
Les succès de Marigny avaient porté ombrage à
Stofflet et à Charette. Ils lui firent proposer une entrevue
pour règler de
concert un plan de campagne. Sapinaud, Marigny, Stofflet et Charette
se réunirent à La Boulaye, près Mallièvre.
Ils avaient entre eux quarante mille hommes, dont il s'agissait de
faire une puissante armée. L'abbé Bernier arrive et
brouille les rivaux, déjà aigris. Ne pouvant dominer
Charette, il l'empêche de dominer les autres en fascinant Stofflet.
On ne nomme donc point de généralissime; mais on signe
une confédération vendéenne, et l'on convient
d'agir de concert, sous peine de mort (toujours l'impossible) (1).
Marigny doit ouvrir la campagne et attaquer des postes républicains
sur la rive gauche de la Loire. Il se présente au jour convenu,
mais il n'obtient pas assez de vivres pour ses troupes qui l'abandonnent...
Il manque alors forcément à sa promesse et échoue
le 25 avril et le 2 mai devant La Châtaigneraie. Jaloux de lui
depuis longtemps, Charette et Stofflet l'accusent d'avoir poussé
ses soldats à la révolte, et le traduisent le 29 avril,
à la Jallais (2), devant un conseil composé de vingt-trois
généraux et officiers. Charette fait le rapport et conclut
à la peine capitale. Il vote en conséquence avec Stofflet
qui se charge de l'exécution. En vain Sapinaud, La Bouère
et Beaurepaire, etc., refusent de signer : l'arrêt fatal est
rendu par 18 voix sur 20. Marigny l'apprend et ne veut pas le croire «
C'est pour m'effrayer », dit-il en souriant.
Charette se repentit, assure-t-on, et voulut sauver sa victime ;
mais excité par l'abbé Bernier, Stofflet arrêta
Marigny, malade à la Girardière, et le fit fusiller,
le 10 juillet 1794, par des soldats allemands. On refusa un prêtre
au condamné, qui commanda le feu avec un héroïque
courage. - « De tous les chefs de la Vendée militaire,
dit Mme de la Rochejaquelein, aucun n'a péri d'une mort plus
déplorable et plus révoltante. »
Marigny
Charette et Stofflet, qui s'étaient entendus pour le mal,
ne purent s'accorder pour la bonne direction de leurs opérations,
et cependant la République, triomphante naguère, se
résignait à la défense, et les Bleus, que le
nom seul des Brigands terrifiait, s'abritaient derrière neuf
camps retranchés placés sous le commandement supérieur
du général Vineux (3).
Stofflet, de son côté, partage son théâtre
militaire en huit divisions. Charette en crée onze, et de plus
organise des tribunaux. Des mesures imitées de la Convention
fournissent des munitions, des vivres et de l'argent, pendant que
la Convention, pressentant Bonaparte, tremblait de voir un dictateur
surgir de l'armée.
Une chance inattendue s'offrait en même temps aux généraux
vendéens. La Convention retournait une partie de ses troupes
vers les frontières du Nord. Charrette convoque aussitôt
ses collègues le 1er juin, à son camp de la Bézelière.
Après un combat acharné et malgré l'énergique
résistance des troupes régulières, aux ordres
du général Brière, il écrase deux mille
républicains dans les landes de Bois-Jarry, et couvre la route
de leur sang jusqu'à Moutaigu. Il était irrévocablement
convenu qu'on ne ferait plus de prisonniers.
Retour
haut de page
(1) Voir pour détails, Chassin. - La Vendée
patriote. T. IV, pages 492-93 et 94.
(2) Chassin dit que c'est à Belleville que fut
rendu l'arrêt de mort.
(3) Ces camps étaient ainsi disposés :
Le général Ferrand à Fontenay, siège de
l'état-major, avec 3.500 hommes. - Grignon à Thouars,
avec 3.600 hommes. - Dutruy en avant des Sables-d'Olonne, avec 3.000
hommes. - Travot à Courson, avec 4.291 hommes. - Crouzat et
bientôt le général Jacob à la Houillère,
avec 4.500 hommes. -- Bonnaire à La Châtaigneraie, avec
5.000 hommes. - Guillaume entre la Vie et le Lay, avec 3.600 hommes.
- Legros à Chauché, avec 1.960 hommes, et Dusirat à
Montaigu (A), avec 1.400 hommes, soit 30.850 hommes.
(A) Dusirat avait momentanément établi
son camp entre les Quatre-Chemins et Saint-Vincent-Sterlanges, puis
à la Chardière et .à Saint-Georges-de-Montaigu.
INSUCCÈS DES VENDÉENS
DEVANT CHALLANS
(6 Juin 1791)
Le 6 juin, Charette, avec dix mille fantassins et neuf cents cavaliers,
suivi de Stofflet, qui dispose de quatre à cinq mille hommes,
attaque Challans (1). Louis Guérin, toujours à l'avant-garde
avec ses Paydrets, enlève les premiers postes, et Charette
survenant avec Sapinaud, l'affaire s'engage sérieusement et
devient des plus chaudes. Tour à tour vainqueurs et repoussés
sur quelques points, les Bas-Poitevins, mal secondés par Stofflet
qui reste l'arme au bras au plus fort de la bataille, font des efforts
inouïs pour enfoncer les Bleus, commandés par Dutruy.
En vain le drapeau blanc est planté deux fois sur les retranchements,
il est abattu deux fois ; en vain Joly, grièvement blessé,
combat toujours et fait des prodiges de valeur avec Guérin,
il fallut céder et abandonner l'entreprise. Stofflet se décida
enfin à se mettre en ligne, mais il ne put que couvrir la retraite
avec la cavalerie de Rostaing.
Cet insuccès mit le comble à la mésintelligence
qui existait toujours entre Charette et Stofflet, et chefs et soldats
se séparèrent vivement irrités. Charette se retira
à Belleville avec 1.500 hommes, et Stofflet se dirigea vers
le Haut-Bocage par les Quatre-Chemins et les Herbiers.
Charette alla se consoler avec son sérail à Belleville,
et Stofflet, reprit, à La Marozière, le joug sacré
de l'abbé Bernier, ce génie ambitieux qui s'employait
encore à raviver la guerre, en attendant qu'il entreprît
de l'éteindre avec tant d'habileté.
Retour
haut de page
(1) La veille l'armée avait campé à
St-Christophe-du-Ligneron.
REPRISE DES HOSTILITÉS
NOUVELLE ATTAQUE DE LA CHÂTAIGNERAIE
(12 Juillet 1791)
AFFAIRES DE LEGÉ (17), CHATEAU
DE BOULOGNE, PALLUAU (20 Juillet)
En ce moment Robespierre allait de l'autel de l'Être suprême
à la guillotine, et si quelques généraux républicains,
comme Vimeux, Beaupuy et Dumas, se montraient pleins d'humanité,
d'autres, tels que l'ignoble Huché, continuaient à promener
la mort et l'incendie sur la malheureuse Vendée qui, malgré
ses revers, était toujours frémissante.
Le 12 juillet, Stofflet, Bérard et la Bouère battent
les Bleus à La Châtaigneraie, qu'ils ne peuvent conserver;
mais le 17, Legé tombe entre les mains de l'ennemi, malgré
Lecouvreur, commandant de la division qui, avec les quinze cents hommes
qu'il avait avec lui, se défendit vaillamment. - Le 19, les
républicains s'emparent du château de Boulogne, dans
la forêt de Dompierre, où l'on trouve des provisions
considérables, de l'eau-de-vie et du vin en barriques, 1.500
bouteilles de vin de Bordeaux et d'Espagne, des vêtements, matelas,
etc. Le 20, nouveau succès, où la colonne du hideux
Huché se livre encore à des massacres épouvantables.
Battu à l'attaque du camp de Millé, en Anjou, Stofflet,
qui faillit être fait prisonnier, est vengé par Cadi
qui, an bourg de Faye, détruit complètement deux bataillons
qui y étaient campés.
Après le 9 thermidor (27 juillet 1794), la Convention, bien
décidée pourtant à recourir aux voies de la douceur,
rappelait tous les représentants et tous les généraux
impitoyables. Elle engageait en même temps, sous mains, les
Vendéens à livrer leurs chefs ; mais ces trahisons furent
rares.
INCURSIONS DES GÉNÉRAUX
ROYALISTES. - ENLÈVEMENT, PAR CHARETTE, DES CAMPS RETRANCHÉS
DE LA ROULLIÈRE, DE FRÉLIGNÉ ET DES MOUTIERS-LES-MAUXFAITS.
Sûrs encore de leurs soldats, Charette et Stofflet appelèrent
au contraire les Républicains sous le drapeau blanc, et poursuivirent
chacun sa pointe d'accord avec leurs collègues. Stofflet à
Maulévrier, Richard. à Cerizay, Sapinaud à Beaurepaire
ou à Saint-Paul-en-Pareds, Charette dans les environs de Legé
et de Challans, ne cessent d'inquiéter les moissonneurs pendant
les mois de juillet et d'août, et il fallut l'intervention vers
Pouzauges, du chef d'état-major républicain Beaupuy,
pour arrêter vers ce côté l'offensive de Stofflet,
de Richard et de Sapinaud, qui perdirent 1.500 hommes.
Plus heureux que ses collègues, Charette, après une
tentative infructueuse le 2 septembre, enlève, le 6 septembre,
le camp retranché de la Roullière (1) au général
Jacob qui, en compagnie de charmantes dames fuit jusqu'à Nantes.
Château de Bois-Lambert
Le 14 du même mois, il enlève au général
Guillaume celui de Fréligné, établi par le général
Boussard, pour couvrir les marais reconquis. Les républicains
se défendirent vaillamment, se replièrent d'abord sur
le camp de Saint-Christophe-du-Ligneron qu'ils durent évacuer,
et enfin se concentrèrent à Challans.
Les moulins à poudre de Cparente ayant été détruits
dans la forêt de Princé et dans le marais de Périer,
le chef royaliste se rue, le 24 septembre, sur les républicains,
près de Bois-Lambert, commune du Bernard, et de là sur
le camp retranché des Moutiers-les-Mauxfaits, s'en empare de
nouveau, et menace Luçon et les Sables-d'Olonne.
C'est pendant l'affaire de Fréligné que le jeune bleu
Mermet se fit tuer sur le corps de son père.
De son côté Stofflet gagnait du terrain et empiétait
sur l'autorité du chef du Poitou qui, le 6 décembre,
â Beaurepaire, quartier général de Sapinaud, faisait
prendre par le Conseil un arrêté annulant la Conférence
de la Jallais. En même temps le vieux Joly, devenu odieux aux
soldats de Charette par ses rigueurs, et traqué dans les bois
comme un sanglier, perissait sous les coups des gars de M. de la Barbinière
de Saint-Laurent-sur-Sèvre, qui un dimanche, â l'issue
de la grand'messe, le prirent pour un espion, dirent-ils, et ne le
reconnurent qu'après sa mort.
Retour
haut de page
(1) Situé dans les landes de Saint-Philbert-de-Bouaine,
prés le village de la Sauvagére.
PRÉLIMINAIRES DE LA PACIFICATION
La discorde régnait parmi les chefs des armées vendéennes,
lorsque la République résolut de donner à la
Vendée un nouveau gage de paix : c'était l'amnistie
du 2 décembre 1794, - la tête de Carrier, son infâme
persécuteur (16 décembre 1794), et la mise en jugeaient
des principaux généraux incendiaires. - Pour garantie
de leur bonne foi, les républicains, sur les conseils du général
Canclaux, ouvrirent partout les portes des prisons aux royalistes,
et les proscrits cachés en Bretagne, après la défaite
de Savenay, purent rentrer librement dans la Vendée.
Une jolie femme de Nantes, Mme Garnier-Chambon créole née
à Saint-Domingue, célèbre par son dévouement
aux proscrits, donne le coup de grâce au parti guerroyant, en
se faisant le ministre pacifique de Ruelle, successeur de Carrier
(1). Elle se rend auprès de Mademoiselle de Charette et près
de Charette lui-même, avec M. Bureau de la Batardière
et Bertrand-Geslin, aide-de-camp du général Canclaux.
Ils portent un décret de la Convention qui donne aux représentants
carte blanche pour pacifier la Vendée.
Grâce à Mlle de Charette, l'ambassade parvient jusqu'au
général, au château de La Roche-Boulogne. Le 28
décembre, pendant que de Bruc et Amédée de Béjarry
avaient à Nantes une entrevue avec les onze représentants
en mission près l'armée de l'Ouest, Madame Garnier-Chambon
l'aborde la première en lui rendant sa sur. Les grâces
et la bonté de cette femme le touchent tellement, qu'il accepte
une entrevue, sur un terrain neutre, avec Canclaux et Ruelle. Disposé
à la paix, faute de pouvoir continuer la guerre, il consulte
ses officiers à Vieillevigne. Tous opinent pour un traité
honorable, excepté Savin, Le Moëlle et Delaunay. Le comte
de Bruc du Cléré et Amédée de Béjarry,
deux hommes d'esprit et de cur, sont envoyés aux Conventionnels
; Bertrand-Geslin répond de leurs têtes sur la sienne.
Ils s'abouchent avec les représentants, traitent avec eux de
puissance à puissance.
Le 6 janvier 1796, des patriotes célèbrent la fète
des Rois avec les Vendéens. Le 16 janvier, Ruelle déclare
à la tribune de la Convention que le décret d'amnistie
a été accueilli avec transport par les rebelles, qui
ont rendu les prisonniers faits depuis le 2 novembre. Deux jours après,
le jugement de la Commission militaire qui condamnait la veuve de
Bonchamps à
mort était annulé par un décret de la Convention.
Le vent était à la paix.
En vain Stofflet et Bernier s'unirent de nouveau pour arrêter
l'élan pacifique donné par Charette ; en vain à
toutes les propositions de la Convention ils répondirent énergiquement
:. « Un roi ou la mort ! » Il fallait répondre
aussi par des victoires, et ils ne trouvèrent que des soldats
découragés (2).
Retour
haut de page
(1) Elle se mit en rapport avec Prieur de la Marne par
l'entremise du cuisinier de ce dernier, un de ses obligés de
St-Domingue.
(2) Pitre-Chevalier.
|