Les conférences s'ouvrirent au château de la Jaunais,
à une lieue de Nantes, sur la route de Clisson. Une première
entrevue eut lieu le 12 février. Les délégués
de la République : Ruelle, Lofficial, Dornier, Chaillou,
Menuau, Morisson, Delaunay, Jarry, Bollet et Pomme arrivèrent
avec le général Canclaux, son état-major et une
imposante escorte. Les plus beaux soldats, sous les plus beaux uniformes,
saluent les guerriers en sabots, les fusils rouillés et les
cocardes en papier blanc.
Charette, avec Fleuriot, de Couëtus, Lespinay, Sapinaud,
de Bruc, de Bejarry, et 200 à 300 hommes de cavalerie,
rejoint les représentants et les généraux sous
la tente commune. Il porte fièrement son panache et son écharpe
blanche.
Au nom de son armée et de celle du centre, il remet une longue
série de propositions qu'il est impossible d'admettre sans
abandonner le territoire à la discrétion des chefs,
qui prétendent se rendre indépendants. On convient que
l'on se réunirait de nouveau avant l'expiration de la trêve
fixée au 18. Les 13, 14 et 16 février eurent lieu de
nouvelles conférences entre les représentants du peuple,
les officiers de l'armée de Charette et les soi-disant fondés
de pouvoirs des chouans, Cormartin et Solilhac.
Canclaux
Le 17 fut le jour fixé pour la dernière réunion.
Une tente avait été préparée dans la plaine,
vis-à-vis du château de la
Jaunais, où se tenaient les chefs vendéens. Les représentants
se rendirent à cette tente ; le général Canclaux,
qui les accompagnait, resta sur la route avec quelques officiers de
son état-major et quelques chasseurs d'ordonnance.
Les chefs royalistes insistèrent beaucoup sur le rappel des
émigrés sans pouvoir rien obtenir. Les représentants
n'exigèrent
des chefs vendéens qu'une déclaration de soumission
à la République, après avoir réglé
leurs droits et leurs prétentions dans cinq arrêtés
qui portaient, entre autres conditions, que les enfants des rebelles
morts ou suppliciés rentreraient dans leurs biens ; que les
réquisitionnaires des départements qui avaient été
le théâtre de la guerre ne seraient point appelés
; qu'on accorderait des secours et indemnités aux habitants
de la Vendée pour les aider à exister et relever leurs
chaumières et maisons ; qu'on retirerait les troupes de la
République de l'intérieur de la Vendée ; enfin
que l'exercice du culte serait libre, et que tous les bons signés
par les chefs dans les armées du Centre et de la BasseVendée
seraient remboursés jusqu'à concurrence de deux millions
(1).
Charette promit à son tour de faire déposer les armes
aux Vendéens, de former de tous les déserteurs et gens
sans aveu une garde territoriale dont il serait le chef, de maintenir
la tranquillité publique dans l'intérieur de son département,
avec, cette garde dont il se réservait l'organisation, d'établir
les nouvelles autorités et de surveiller l'exécution
des lois.
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(1) Beaucoup de bons historiens prétendent que
le rétablissement de la monarchie était stipulé
dans les clauses secrètes. Qu'on voie là-dedans un chef-d'uvre
de rouerie républicaine, ou un modèle de crédulité
royaliste, comme Napoléon, il n'est pas téméraire
de croire que cette promesse secrète, plus ou moins dissimulée
sous des artifices de langage, explique la presque unanimité
avec laquelle les chefs vendéens et chouans, Sapinaud, Couétus,
Cormatin, les deux Guérin, Solilhac, de Bruc, Sauvaget, etc.,
adhérèrent tout à coup au traité de la
Jaunais, et jurérent fidélité aux lois de la
République.
FUREUR DES DISSIDENTS. - REFUS DE
STOFFLET
Mais moins nombreux furent les dissidents de la Jaunais, plus ils
furent violents dans les deux partis extrêmes : les purs républicains
crièrent à la trahison, et les purs royalistes à
la lâcheté. Delaunay, Le Moëlle et Savin appelèrent
les soldats de Charette à la révolte, mais celui-ci
les retint par sa seule présence.
Le 26 du même mois, les officiers de la Vendée faisant
partie de l'armée de Stofflet signèrent la déclaration
de Charette dans l'ordre suivant : Trotouin, de la ville de Baugé,
Renou, Martin aîné, Martin jeune, Tristan Martin et Gibert.
Stofflet, entraîné, par ses amis et touché par
une lettre que le major Trotouin lui avait écrite le 18 février,
avait d'abord pris le chemin de la Jaunais, mais il arriva trop tard
(20 février). La discussion au sein du Conseil fut des plus
vives. Bernier persuada à Stofflet qu'on se moquait de lui.
Il remonte aussitôt à cheval, et, agitant son chapeau
devant ses dragons, il repart au galop en s'écriant: «
Vive le Roi ! Au diable la République et Charette. »
Furieux des défections qui se produisent et l'affaiblissent
à chaque pas, il arrête Bernard et Rostaing, poursuit
Sapinaud, pille son quartier général à Beaurepaire
et retourne à Maulévrier, où de Chantreau et
de Bois-Hardy le rejoignent et le sermonnent en vain.
Il prend le titre de général. en chef de l'armée
catholique et royale, et le 2 mars déclare traîtres à
Dieu et au Roi tous les adhérents à la pacification.
C'était peut-être montrer une bonne foi brutale et une
valeur chevaleresque, mais c'était bien peu connaître
les circonstances, le pays et les hommes. L'intelligence de cet état
de choses faisait le plus grand honneur au génie de Charette
et de ses adhérents, et on ne peut que louer le dévouement
personnel chez ceux qui ne le comprirent pas comme lui.
ENTRÉE TRIOMPHALE DE CHARETTE
DANS LA VILLE
DE NANTES (26 Février 1795)
Charette, voulant jouer son rôle jusqu'au bout, avait promis
de se rendre à Nantes. Il y entra par le pont de Pirmil, le
26 février, comme un triomphateur, au bruit du canon, monté
sur son cheval de bataille, richement caparaçonné. Il
portait un de ces costumes luxueux qui lui plaisaient tant : l'habit
bleu de roi, l'écharpe blanche aux franges et aux fleurs de
lis d'or, le large chapeau surmonté d'un panache blanc. A sa
droite et à sa gauche, en grand uniforme, marchaient le général
Beaupuy et le général Canclaux. Celui-ci lui faisait
les honneurs de la journée avec la politesse gracieuse d'un
ex-marquis. Derrière eux s'avançait Sapinaud, accompagné
de quatre officiers républicains et de quatre officiers royalistes,
suivis des états-majors des deux camps mêlés et
confondus : tout ce cortège était à cheval.
Entre deux haies de gardes nationaux, marchaient les guides de Charette
ombragés du drapeau blanc. Des cavaliers nantais escortaient
les représentants pacificateurs, montés dans deux voitures
de gala ornées du bonnet de la Liberté ; puis venait
enfin la cavalerie républicaine. Toute la garnison était
sous les armes et formait la haie pour contenir la foule, qui était
immense.
Au premier abord cette multitude parut étonnée, puis
elle se mit à battre des mains et à crier : «
Vive Charette ! » Il y eut même quelques cris de
: « Vive le Roi ! » qui allaient trouver d'imprudents
échos, lorsque les conventionnels firent crier « Vive
la paix ! » en agitant sur leur passage des drapeaux tricolores.
Après avoir traversé les ponts, le cortège se
déploie dans les rues de Nantes et fait lentement le tour des
places publiques. Tous les regards sont fixés sur le grand
capitaine qui, si longtemps, épouvanta la République.
L'impénétrable figure de Charette s'ouvrait pour sourire
et pour remercier. Tout à coup son mâle visage s'assombrit;
il fronce les sourcils. On passait devant la place du Bouffay, naguère
rougie de tant de sang ! Charette salue avec respect les ombres des
victimes. Canclaux et Beaupuy l'imitent, et les deux états-majors,
pour s'associer à la pensée de leurs chefs, se découvrent
dans un mouvement de respect unanime.
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Ainsi la Terreur n'était plus que de l'histoire ancienne !
Charente descendit et dîna chez les représentants, et
ses compagnons furent reçus en frères égarés,
par les familles notables de Nantes. La joie des uns et des autres
tenait du délire. « Tous sans doute étaient
de bonne foi ce jour-là, dit Crétineau-Jolly; un enthousiasme
pareil ne saurait être commandé ! »
Cependant derrière les amis de la paix on entendait murmurer
les derniers montagnards. Charette lui-même les reconnaissait
à leurs yeux sombres ; et le soir, à la Société
populaire, où il monta à la tribune pour protester de
la sincérité de ses engagements, il lui fallut déposer
les insignes vendéens. Il fut dédommagé au théâtre
par des acclamations flatteuses, mais rien ne put rappeler le sourire
sur ses lèvres, ni le calme dans son esprit. Un doigt fatal
comme celui de Daniel lui montrait le terme prochain de ces expansions,
et pour lui la Roche tarpéienne était près du
Capitole. On fit de vains efforts pour le retenir à Nantes.
Le lendemain il regagna son camp au galop.
SINGULIER CONTRASTE CANCLAUX MARCHE CONTRE STOFFLET
Tous les royalistes qui restèrent à Nantes n'imitèrent
pas la réserve de leurs chefs, et pendant que quelques-uns
insultaient le drapeau républicain, les familles notables ouvraient
leurs maisons aux proscrits. Ruelle leur donna publiquement l'exemple,
et l'ancien prisonnier de St-Florent, Haudaudine, s'acquitta alors
envers Madame de Bonchamps. Sa bourse, sa maison, son crédit
furent noblement ouverts à l'illustre veuve et à tous
ses amis. Pendant ce temps les chefs vendéens se calomniaient,
et le 2 mars, ainsi que nous l'avons déjà dit, un conseil
de guerre présidé à la Jallais par Stofflet,
déclara traîtres les pacificateurs de la Jaunais et appela
tous les Vendéens à détruire «cette uvre
de lâcheté. »
Désespérant de traiter avec Stofflet, Canclaux marche
contre lui (1), et le 18 mars inflige à Chalonnes une défaite
à ses lieutenants Chalon et Poirier de Beauvais. Le 22 mars,
l'ancien garde-chasse, qui a pris le titre de général
en chef de l'armée catholique et qui, malgré ses menaces
de livrer aux flammes les habitations des métayers qui ne veulent
pas marcher, n'a pu rassembler que 7 à 8.000 hommes, dont 6.000
armés, mais presque sans munitions, se précipite contre
St-Florent avec la moitié de cette levée « à
jeun et tombant de besoin » dit Lofficial. Repoussé par
les soldats de Beaupuy, de Caffin et de Bonnaire, il perd la seule
pièce de canon en bronze qui lui restait sur environ 400 prises
à l'ennemi.
Le 25 mars, Canclaux part de Nantes (2). Il fait fouiller la forêt
de Vezins en tout sens, puis dirige trois colonnes sur Cholet, Chemillé
et Maulévrier, pendant que Royrand jeune et Fleuriot, abandonnant
Beaurepaire, rejoignent Charette à Belleville (31 mars). Il
est maître de Cerizais, Bressuire, Chatillon, Maulévrier,
Cholet.
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(1) D'une lettre de Charette écrite de Chauché
i1 la date du 7 mars 1795, il résulte que ce général
devait lui-même marcher sur Stofflet. (Lofficial, journal
d'un conventionnel, page 10.)
(2) Le même jour le représentant
Gaudin protestait.
HÉROISME DES PAYSANS DE CHAMEAUX TRAITÉS DE SAINT-FLORENT OU
DE VARADES (2 Mai) ET DE LA MABILAIS (20 Avril 1795)
Malgré ces échecs répétés, les
paysans de Chanzeaux, retranchés dans le clocher de leur église,
transformé en Thermopyles, renouvellent (9 avril) les prodiges
de la Grande Armée et se font tuer sur place : mais ces dévouements
sont inutiles.
Le 24 avril, pendant que Canclaux envoie trois mille hommes pour
couvrir Angers, des détachements de Stofflet se glissent dans
l'intervalle des colonnes qu'elles harcèlent, et poussent des
avant-postes jusqu'à Parthenay. Le 26 avril, l'adjudant-général
Mathelon découvre dans la forêt de Vezins « le
dernier arsenal de l'armée angevine. » Bernier, renonçant
à l'impossible, décide enfin Stofflet à signer
à la Baronnière, près Saint-Florent (1), le traité
de la Jaunais, sauf les clauses secrètes (2 mai 1795) (2)
Douze jours auparavant, le 20 avril, les chefs de la Bretagne avaient
traité à la Mabilais, de sorte que toutes les provinces
de l'Ouest se trouvèrent pacifiées, du moins en apparence.
En effet, d'après les ordres successifs du Comité de
Salut public, Canclaux envoie dix mille hommes à l'armée
des côtes de Brest et dégarnit le pays de Charette. Toute
la côte reste au pouvoir des royalistes, depuis Bouin jusqu'à
Saint-Gilles, et les assassinats des républicains, auxquels
préside quelquefois La Roberie lui-même continuent. En
vain adressent-ils des plaintes à Charette ; il avoue à
ses soldats cantonnés à Belleville qu'il est toujonrs
dans les mêmes sentiments, que la disette seule des grains l'empêche
de rassembler ses forces, et les exhorte à prendre patience.
De son côté Stofflet revient à Maulévrier
pour désarmer les paysans, et sous ce vain prétexte,
il a pour sa garde un bataillon de chasseurs francs, braves, mais
indisciplinés, toujours prêts à piller, à
tuer : les mêmes qui avaient fusillé Marigny et fait
trembler les habitants des campagnes.
{1) Après la signature de la paix, les chefs
royalistes Stofflet, de Beauvais, Cesbron, Delaunay, etc., dinèrent
à Varades, en face Saint-Florent avec les représentants
Ruelle, Chaillou, Bollet, Jarry et Dernier.
(2) Le général vendéen fit
noblement les choses. Il stipula le retour en France de son ancien
maître, le comte de Colbert, et sa réintégration
dans tous ses biens.
IMPOSSIBILITÉ D'EXÉCUTER
LES TRAITÉS DE LA JAUNAIS ET DE LA MABILAIS
Ni les Vendéens, ni les Bretons, ni les Conventionnels ne
se faisaient d'illusion sur l'impossibilité d'exécuter,
les traités de La Jaunais et de La Mabilais. De son côté
l'agence royaliste de Paris, les marchands contre-révolutionnaires,
les commis-voyageurs de Gand, de Vérone, de Coblentz poussaient
les Vendéens vers une alliance honteuse avec l'Angleterre -
« acceptée » - à regret par Charette, il
faut savoir le dire, mais enfin acceptée ; l'ennemi le plus
dangereux de la pacification était toujours le ministère
britannique, présidé par Pitt.
Le 20 mai 1795, Charette s'était, à Beaurepaire, quartier
général de Sapinaud, réconcilié avec Stofflet
(1) et l'expédition de Quiberon se préparait ouvertement.
Les agents de Puysais allaient et venaient d'Angleterre en Vendée.
Stofflet et Charette, en dehors de ces intrigues que l'on ne saurait
trop flétrir, car aux bataillons de géants ont
succédé les clubs des pygmées et des exploiteurs
du sang et de la gloire des héros.
De Sapinaud
Stofflet et Charette, disons-nous, exécutaient personnellement
les traités, mais ne pouvaient empêcher les conflits
de se multiplier de jour en jour (2). La nouvelle Conférence
tenue à La Jaunais le 8 juin 1795 (le jour même où
Louis XVII mourait au Temple), entre le pacificateur Ruelle, Charette,
Stofflet, Sapinaud, Fleuriot, deBruc, Couétus et l'abbé
Bernier, avait plutôt aigri les esprits. Les assassinats continuèrent
sur différents points et terrorisèrent les populations.
Le Comité. de Salut public perdit patience et viola enfin ses
serments, - d'abord en établissant un poste à La Mothe-Achard,
puis en ordonnant l'arrestation de Charette, à laquelle
Canclaux se refusa noblement, et enfin en traitant de rebelles
les paysans qui se défendaient contre les exactions. Désirant
se rendre compte en tous cas des forces dont il pourrait disposer,
Charette avait, le 17 juin 4795, lancé sur le territoire des
armées du Bas-Poitou et du Centre un ordre de rassemblement..
Afin que cet appel ne put être entravé comme un acte
d'hostilité, il en avertit les représentants du peuple,
le déclarant « partiel » en vue de « répondre
aux plaintes sur l'inconduite de ses gens, et aux soupçons
répandus contre lui-même, ainsi que d'opérer le
recrutement de la garde territoriale. »
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(1) Les deux ennemis s'embrassèrent au cri de
« Vive le Roi ! » Chapelle, dit le Bouvier-Desmoutiers,
« oublia tout et se mit en devoir d'agir. Stofflet promit tout,
garda son fiel et ne fit rien ».
(2) A ce moment les deux armées des côtes
de Brest et de Cherbourg, commandées la première par
Hoche, la seconde par Hubert-Dubayet, comprenaient un effectif de
68.691 hommes de troupe, distribué en une infinité de
fractions sur un immense territoire composé de treize départements,
savoir : Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan,
Loire-Inférieure, Maine et-Loire, Sarthe, Mayenne, Orne, Manche,
Calvados, Eure et Seine-Inférieure, départements qui
présentaient une surface de quatre mille lieues carrées
sur un développement de côtes de prés des trois
cent-cinquante lieues. Excepté la Seine-Inférieure,
l'Eure, le Calvados, la Manche et le Finistère, tout le pays
était peuplé de Chouans, sorte de contrebandiers organisés
par les quatre frères Cottereau, des environs de Laval, qui,
ne marchant que la nuit pour tromper plus facilement les employés
de la gabelle, contrefaisaient le cri du chat-huant, pour éviter
toute surprise et se reconnaître dans les bois. De là
le nom de chouan, corruption du mot chat-huant. - Sur les 8.691 manquant
de tout, 12.000 étaient dans les hôpitaux. C'était
a ce moment quela Vendée allait encore se soulever, envoyant
à. Paris, Amédée de Béjarry et Scépeaux
avec la mission apparente de veiller à l'exécution du
traité, mais avec le but plus ou moins déguisé
de préparer les événements du 13 vendémiaire
et le retour des Bourbons.
ARRESTATION ARBITRAIRE DU GÉNÉRAL
ALLARD
Château de la Bijoire
De part et d'autre on s'observait, et la moindre étincelle
devait mettre le feu aux poudres. La réception, plus que cordiale,
faite à un capitaine déserteur du 110e régiment,
par le commandant royaliste Maubée, campée près
la Bijoire de Saint-Vincent-sur-Graon, l'attitude dans cette affaire
de Charette et du représentant Gaudin, avaient tendu à
l'extrême la situation. Bref, le 20 juin 1795, l'adjudant général
Cortez (1), accompagné d'un bataillon de chasseurs de Cassel,
vient demander à dîner au quartier d'Allard, ancien aide-de-camp
de La Rochejaquelein, à qui Charette avait confié la
division de Joly (2). Après un repas joyeux, les Bleus proposèrent
au chef vendéen de le reconduire, l'emmenèrent aux Sables,
chez le représentant Gaudin, où désarmé,
il n'échappe que par mirâcle à la, vengeance d'une
multitude irritée qui voulait le mettre en pièces. On
l'incarcère avec Guerry du Cloudy, arrêté, déguisé
en tondeur de bufs, et deux jours après, il est embarqué
pour La Rochelle, puis dirigé sur Fontenay, où il devait
être jugé par le tribunal criminel de la Vendée
(3). Charette proteste, Canclaux a les bras liés... La guerre
recommence à la suite d'une déclaration solennelle de
tous les cpefs royalistes (22 juin), protestant surtout contre la
mort de l'infortuné Louis XVII, que la Convention avait promis
de remettre aux Vendéens.
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(1) Cortez, né en 1761, à Bessay, où
il mourut en 1803, après avoir combattu les projets incendiaires
de Huché, à Luçon.
(2) Le camp du général Allard était
situé sur une hauteur entre Aizenay et Palluau, et commandait
la route de la Mothe-Achard.
(3) Allard resta jusqu'en 1800 prisonnier au château
de Saumur, prit part aux soulèvements de 1814 et de 1815 et
mourut entreposeur de tabacs à Bressuire en 1846.
REPRISE DES HOSTILITÉS (26
Juin 1795)
Charette reprend les armes le 26 juin au cri de « Vive Louis
XVIII ! » Un bataillon républicain qui venait l'arrêter
passe en masse sous ses drapeaux, et si la Vendée n'offre plus
l'ensemble de l'élan de 1793, elle tiendra encore la Convention
en échec jusqu'au jour qui la verra tomber. A l'appel de Charette,
ses lieutenants, à qui il annonce l'arrivée prochaine
des émigrés à Quiberon (1) se lèvent comme
un seul homme. Les convois de vivres et de farines, destinées
à la division des Sables sont interceptés ; 13 voitures
de blé sont enlevées entre Luçon et le Givre
et l'escorte massacrée. Le 28 juin, le camp des Essarts (2)
est forcé par 1.800 royalistes commandés par Charette
qui, en rentrant à Belleville, trouve son frère de retour
de l'émigration. Les 29 et 30, les deux Guérin et Sapinaud
battent les Bleus à Mareuil (3), à Beaulieu, à
Montaigu et à Aigrefeuille et leur enlèvent dix mille
rations de pain et d'eau-de-vie. Des officiers et des soldats bleus,
entassés dans des maisons vides sont livrés aux flammes
: la guerre était changée en boucherie. A cette nouvelle
le bataillon des chasseurs de Cassel sort du camp de Pierre-Levée,
se répand dans les campagnes voisines, pille, égorge,
incendie et ne rentre qu'après avoir tout détruit le
pays environnant.
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(1) Le débarquement eut lieu le 27 juin 1795
sur la plage de Carnac. La bataille définitive où Hoche
se couvrit de gloire eut lieu le 20 juillet. Les pertes des émigrés
et des chouans furent considérables. Nous regrettons que le
cadre que nous nous sommes tracé ne nous permette pas de raconter
les péripéties, de cette expédition fameuse,
où républicains et royalistes furent admirables de courage
et d'héroïsme.
(2) De Béjarry et de Scépeaux à
Paris. - Au moment même de la surprise du poste des Essarts
qui avait étonné Sapinaud et Stofflet, Amédée
de Béjarry avait pu se faire recevoir en pacificateur et traiter
en ami par le général Legros, au camp de l'Oie. De là
il s'était rendu auprès de Bernier et de Stofflet, puis
sur la rive droite de la Loire, au quartier général
des Chouans à Pontrou, où il avait rejoint son compagnon
de députation, le vicomte de Scépeaux. Ensemble, ils
se trouvaient le 6 juillet à Angers. Ils arrivèrent
dans la capitale « en costume vendéen, veste ronde de
drap de gris de fer ou bleu meunier, avec revers et parements noirs,
ceinture à carreaux rouges et chapeau rond pour recevoir la
cocarde ». Ils furent un moment les lions de la capitale, gratifiés
d'une tribune à la Convention, , d'une loge à l'Opéra.
Ils refusèrent d'aller à la barre de l'Assemblée
nationale « faire amende honorable » et déclarèrent
« qu'ils étaient venus ici pour défendre la
Vendée, mais non pour l'humilier ». -Chassin,
La Pacification de l'Ouest, tome I, page 431 et 432. Le 14
août, pendant que Charette luttait contre la République,
les arrêtés de La Jaunais, de La Mabilais et de Saint-Florent
étaient maintenus : ce qui n'allait pas empêcher la guerre
de gagner l'Anjou, ainsi que nous le verrons plus loin. - Chassin,
tome II, page 22.
(3) Le jour de la reprise de Mareuil (8 juillet), 200
hommes du 110° passèrent à l'ennemi avec le capitaine
Loulon.
FORMATION DES CAMPS DE PALLUAU ET
DES QUATRE-CHEMINS DÉBARQUEMENT DE MUNITIONS
ANGLAISES (10 Août 1795)
Canclaux, de son côté, forme deux camps, l'un à
Palluau, l'autre aux Quatre-Chemins de l'Oie, et fortifie le poste
de La Mothe-Achard, à quelques lieues de Belleville, où
Charette vient de recevoir de Louis XVIII le brevet de lieutenant-général
: ce qui ranime la rivalité de Stofflet, en attendant qu'il
soit fait maréchal-de-camp et chevalier de saint Louis (1).
Au même moment (10 août), l'Angleterre, dont l'escadre
croisait depuis plusieurs jours sur les côtes de Saint-Jean-de-Monts,
débarque 75 charretées d'armes et de munitions (2),
que Charette échange fièrement près de Saint-Gilles,
et sous le feu des républicains contre le blé de ses
paysans... C'était la première et la dernière
fois que l'Angleterre tenait sa promesse. L'expédition de l'île
d'Yeu allait compléter la mystification de Granville et de
Quiberon (3).
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(1) Sur ces entrefaites (4 août) se tenait au
Poiré-sur-Vie, sous la présidence de l'abbé Brumauld
de Beauregard, un synode auquel assistèrent 57 prêtres.
Il était arrivé de Londres le 11 juillet avec Kersabiec,
l'abbé de Gruchy, Bascber et Prudent de la Bassetière,
confirmer l'espérance de l'arrivée du comte d'Artois.
(2) L'envoi, d'après Charette, comprenait 40
milliers de poudre, 1.200 fusils, 300 sabres, 1.500 habits complets,
2 pièces de campagne et quelques autres engins de guerre. En
ce moment, tout faisait craindre pour Les Sables un bombardement des
vaisseaux anglais, et du côté de la terre un assaut de
Charette ravitaillé.
(3) L'expédition de Quiberon coûta 28 millions
à l'Angleterre et celle de l'île Yeu 18 millions. -
Chassin, T. II, page 72.
DÉPART DU COMTE D'ARTOIS
Toute l'Europe avait les yeux sur la flotte anglaise, qui amenait
le comte d'Artois aux Vendéens ! « Les rois vaincus avaient
partout cédé le terrain à la République.
La monarchie n'avait plus d'autre palladium que la bannière
vendéenne. » - « Et cependant la République
était ensevelie dans son triomphe ! s'écrie Napoléon,
si le comte d'Artois eut touché le sol de la patrie ! »
Mais il en était séparé par un double abîme
: la duplicité britannique et sa propre pusillanimité,
qui lui faisait oublier qu'il y a des heures où les princes
doivent jouer leur vie avec plus de témérité
que le reste des hommes. Les géants vendéens n'étaient
appelés que pour mourir comme les gladiateurs de Rome, devant
ce César Pygmée, incapable de se mettre à leur
tête (1). Et pourtant les Vendéens furent grands,
furent héroïques, par les Bourbons et malgré les
Bourbons.
Le 25 août (2) le comte d'Artois se décide pourtant
à s'embarquer à Porsmouth, sur la frégate «
le Jason. » Lord Moira dirige l'escadre, qu'accompagnent une
soixantaine de bâtiments de transport, portant les armes, les
munitions et les secours de toute nature mis à la disposition
du prince, escorté par plus de 150 gentilshommes des premières
maisons de France, principalement de la Bretagne, de l'Anjou et du
Poitou.
Le 12 septembre le convoi arrive à l'île d'Houat, où
l'évêque de Nantes, Mgr de la Laurencie, célèbre
un service en l'honneur
de Sombreuil et des autres victimes de Quiberon. A cette nouvelle,
toutes les divisions s'assemblent au cri de «Vive le Roi
! »
Douze jours se perdent en délibérations et en correspondances
pour savoir si on attaquera Noirmoutier ou l'île d'Yeu ; au
lieu de se jeter sur la côte, seul avec son épée,
comme Rivière et quelques gentilshommes, le comte d'Artois
reste à la merci du commodore Waren. « Il faut s'en rapporter
aux Anglais » répétait-il patiemment, pendant
que Charette, en essayant de gagner la côte, pour aller à
sa rencontre, se faisait battre à Saint-Cyr-en-Talmondais.
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(1) Pitre-Chevalier, page 550. - Crétineau-Jolly,
page 377.
(2) Cinq jours auparavant, la Convention avait achevé
la seconde Constitution du 5 fructidor, an III (22 août, 1795).
Comme celle du 24 juin 1793, elle fut soumise à la ratification
des assemblées primaires. - Elle fut, le 20 fructidor, an III
(4 journée complémentaire, 20 septembre) acceptée
presque à l'unanimité par les assemblées primaires
de la Vendée qui purent se réunir.
COMBAT DE SAINT-CYR-EN-TALMONDAIS
(24 Septembre 1795)
En prévision du débarquement du prince français
soit à la Tranche, soit à l'Aiguillon-sur-Mer, Charette
avait tenu, le 23 septembre 1795, un Conseil de guerre à Nesmy.
La Moëlle, nommé depuis peu au commandement de la division
de Saint-Vincent-sur-Graon, insista fortement pour que l'on attaquât
Saint-Cyr-en-Talmnondais, situé dans son voisinage, sur la
route des Sables à Luçon, et Guérin l'avant appuyé,
Charette, renforcé d'une division du Centre sous Amédée
de Béjarry, s'y décida quoique avec peine. Le 24 septembre
on vint passer la nuit dans les landes de la Belle-Etoile, situées
à la limite de la Boissière et du Champ-Saint-Père.
Malheureusement le feu du bivouac se communiqua aux bois environnants
et décela ainsi la marche de l'ennemi que l'on voulait tenir
secrète (1). Saint-Cyr, situé sur une hauteur, n'étant
occupé que par quatre ou cinq cents grenadiers, les Vendéens
ne jugèrent pas à propos d'emmener de l'artillerie avec
eux. Ce fut une faute immense les Bleus, enfermés dans l'église
qu'ils avaient percée de meurtrières, tiraient à
coups sûrs dans les rangs des Vendéens. Déjà
La Moëlle était blessé mais les royalistes ne reculaient
pas, et Guérin, qui avait eu deux chevaux tués sous
lui, voulut tenter un dernier effort. Armé d'une hache, il
se précipitait pour jeter à bas la grande porte de l'église,
lorsqu'il fut frappé de deux balles en pleine poitrine, par
le caporal Marca, et tomba mort sur le champ de bataille.
La perte d'un chef intrépide et aimé, dont Charette
suivit le cercueil en pleurant (2), l'approche de la garnison de Luçon
qui attaquait Pajot, Lecouvreur et Caillaud placés en observation
au port de la Claye, déconcertèrent les soldats de Charette,
qui fit battre la retraite et regagna le Bocage par le Champ-Saint-Père,
pendant que le comte d'Artois, après une tentative infructueuse
à Noirmoutier se décidait à débarquer
à l'île d'Yeu.
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(1) Un de ces bois-taillis a toujours été
connu depuis dans le pays sous le nom de la Gite-Brûlée.
(2) Il fut inhumé au Petit-Bourg-sous-la-Roche.
DÉBARQUEMENT A L'ILE D'YEU.
- PRISE DE MORTAGNE
PAR DE BÉJARRY ET DE SAPINAUD (3 Octobre 1795)
Le 30 septembre il met le pied à terre et s'installe au Port-Breton
avec 5.000 fantassins, 1.000 cavaliers et 600 émigrés.
Le duc de Bourbon l'y rejoint avec un brillant concours de nobles.
Stofflet lui-même sort de l'inaction, et deux officiers déguisés
en matelots viennent mettre les troupes angevines aux ordres de Monsieur,
pendant que le 3 octobre, 8.000 insurgés aux ordres de Sapinaud
et de Béjarry enlèvent Mortagne défendu par Suzan.
Soixante-dix mille combattants l'attendent sans compter la Chouannerie
bretonne : l'armée de Charette, vingt-quatre mille hommes ;
celle de Stofflet, vingt mille ; celle de Sapinaud et de Fleuriot,
quinze mille ; celle de Scepeaux, douze mille. La situation était
d'autant plus belle alors pour les Vendéens, que leurs adversaires
étaient dans le plus grand dénuement, et que les chefs
mêmes manquaient des choses les plus indispensables.
ARMÉE DE L'OUEST
LIBERTE
N°265 EGALITÉ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
ETAT-MAJOR GÉNÉRAL
A Fontenay, le 16 vendémiaire, l'an 4e de la République,
une et indivisible
(8 octobre 1795).
Le Général, chef de l'Etat-Major Général
de l'armée.
Aux citoyens administrateurs du district de Fontenay-le-Peuple.
Les circonstances où nous nous trouvons, Citoyens, me déterminent
a vous prier de vouloir, bien me faire fournir sur un récépissé,
deux douzaines d'assiettes, six plats, trois douzaines de serviettes,
trois nappes, une douzaine de couverts. Avec la meilleure volonté,
je ne puis me procurer ces objets qui sont du premier besoin.
Salut et fraternité.
E. M. GROUCHY.
Vu la présente lettre
Le Directoire, considérant qu'il n'existe dans les magasins
de l'administration, ni plats, ni assiettes, ni couverts, et que le
linge qui y est, va être incessamment vendu conformément
aux ordres de la commission des revenus nationaux, transmis par l'administration
du département au Directoire.
Le Président Syndic entendu,
Est d'avis qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Fait en directoire de district à Fontenay-le-Peuple, le 16
vendémiaire, au ï de la République, une et indivisible.
MORISSON
C le 18 vendémiaire pour le
président GUÉRIN
Vu la lettre de l'autre part du général Grouchy, en
date du 16 vendémiaire courant, ensemble, l'avis du district
de Fonténay du même jour.
Le Directoire de département ouï le Pr Gal Sindic entendu,
A confirmé et confirme l'avis du district du dit jour 16 vendémiaire,
en conséquence, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Fait en Directoire de département de La Vendée, à
Fontenay-le-Peuple, le 18 vendémiaire, an 4e de la République
française une et indivisible (1).
VINET aîné V. P.
LACOME , pour le secrétaire général.
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(1) Original, collection Fillon, communiqué par
Mme Charrier-Fillon.
ARRIVÉE DE CHARETTE A LA TRANCHE
(10 Octobre 1795)
Le 5 octobre 1795 (13 vendémiaire, an IV), le jour où
la Convention, remplacée vingt jours après par le Directoire,
faisait mitrailler les citoyens par Barras et Bonaparte, le comte
d'Artois écrit pour la troisième fois à Charette
qu'il va le trouver sur un point quelconque du rivage. Charette assemble
encore toutes ses divisions et marche bravement vers la mer avec quinze
mille hommes. Il repousse les Bleus à Nesmy ; le 10 octobre
il arrive à la Tranche. C'est là que le prince va venir...
Charette s'élance hors des rangs ; tous les chapeaux s'agitent
; mais au lieu du prince on voit arriver son aide-de-camp, le comte
de Grignon, qui annonce que le comte d'Artois ne débarquera
pas ; que tout est ajourné ! ... « Puis il remet à
Charette de la part du prince un magnifique sabre portant cette inscription
: Je ne cède jamais ! Charette rougit de honte et frémit
de rage. Il regarde en silence l'aide-de-camp, le sabre et l'horizon...
» « Monsieur, répond-il enfin d'une voix étouffée,
votre maître m'envoie mon arrêt de mort. Vous voyez autour
de moi ces quinze mille hommes ; demain, il ne m'en restera pas trois
cents ! Dites à son Altesse Royale que je n'en observerai pas
moins la devise qu'elle m'adresse : Je ne cèderai jamais. Je
n'ai plus qu'à fuir ou à mourir en brave. Je ne fuirai
pas, moi je saurai mourir ! »
« Et il tourne la tête et s'éloigne, ayant déjà
la mort dans l'âme et déchargeant sa fureur contre l'Angleterre
et les Anglais. »
LETTRES ÉNERGIQUES DE CHARETTE
A LOUIS XVIII ET A DUMOURIEZ
Le lendemain, dit le comte de Vauban, qui a eu la lettre sous les
yeux, Charette écrivait à Louis XVIII : Sire, la
lâcheté de votre frère a tout perdu ! (1)
Ainsi la Vendée, après avoir versé tout son
sang pour les Bourbons recevait le coup mortel de la main d'un Bourbon
qui, le 18 octobre, conseillé par sa maîtresse, Mme de
Polastron, quittait secrètement l'île d'Yeu.
Alors surgit le parti intermédiaire qui rêvait une monarcpie
constitutionnelle avec le jeune duc d'Orléans. Dumouriez se
fit le champion de ce parti auprès de Charette, qui, de Sainte-FIaive-des-Loups,
lui répondit ces mots pleins de laconisme et d'énergie
militaire : « Dites au fils du citoyen Égalité
qu'il aille se faire f... ! », puis il continua ses opérations
militaires (2).
Ainsi s'éclaircissaient rapidement les rangs royalistes, lorsque
pour achever la Vendée, le Directoire envoyait le général
Hoche remplacer Canclaux, malade et rappelé.
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(1) Pitre Chevalier, page 553. - L'impératrice
de Russie Catherine, qui avait fourni au comte d'Artois une si belle
épée portant l'inscription : « Donnée
pour Dieu et pour le Roi ! », 1.400.000 livres et des vaisseaux
pour le mener combattre avec les Vendéens, ne s'expliquait
guère non plus que Louis XVIII s'intitulant roi de France,
ne se rendit pas dans son royaume « malgré les autorités
constitués et non constitués » faisant dire
de lui : « Voilà un drôle qui ne se mouche pas
du pied ! » - En le voyant s'éloigner comme son frère,
elle s'écriait : « Il paraît que ces gens-là
voudraient que les alouettes toutes rôties leur tombassent
dans la bouche ! » - (Catherine Il et La Révolution
Française, par Ch. de Larrivière, in-8°. Paris 1895,
pp. 177 et 178. - Voir aussi pour quelques appréciations
La Vendée Historique, IIe année, pages 541, 542
et 543.)
(2) Sur ces entrefaites, l'Assemblée électorale
de la Vendée siégeant à Fontenay, du 20 au 29
vendémiaire, an IV, 12-21 ( octobre 1795), nommait au Conseil
des Anciens et au Conseil les Cinq-Cents, Goupilleau de Fontenay,
Maignen, Boissy d'Anglas, Cochon, Lapparent, Gaudin l'aîné,
Goussot, Chapelain et Luminais, (Chassin. - La Pacification de
la Vendée, tome II, page 133). - Les élections municipales
contestées eurent lieu quelques jours après, partout
où elles purent s'accomplir.
HOCHE EN VENDÉE
« Lazare Hoche était né le 25 juin 1768 (1),
à Montreuil, près Versailles, d'un simple palefrenier
des écuries royales. La Révolution le trouva sergent
aux gardes françaises, et devinant bientôt son génie,
le fit général en chef à vingt-cinq ans.
Hoche
Déjà illustre par son courage, Hoche mit le comble
à sa gloire par son habileté. Au premier aspect du grand
homme, la Vendée reconnut le digne rival de ses géants,
le seul capable de la vaincre et de la pacifier (2). Ce n'était
plus l'incapacité fanfaronne, ni la cruauté sanglante
de plusieurs généraux conventionnels : c'était
la probité irréprochable, la supériorité
modeste, la bravoure sérieuse, la fermeté modérée,
la science infaillible du plus grand capitaine de l'époque
après Bonaparte.
Ses premières proclamations annoncèrent à la
Vendée comme à la République que, devant son
glaive de pacificateur, toute la guerre allait changer de face.
Tel était le nouvel ennemi que Charette, épuisé,
allait attaquer dans toute sa force. C'en fut encore un véritable
combat de géants.
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(1) Hoche, mort au camp de Wetzlas, le 18 novembre
1797, s'était marié le 21 ventose, an II (11 mars 1794),
avec Adélaïde Deschaux, âgée de 16 ans, fille
du directeur des vivres. Inhumée à Paris, le 13 mai
1859, après un veuvage de plus de soixante ans, elle avait
eu une fille de Hoche. Ce fut la femme forte qui n'eut qu'un époux
comme la Romaine.
(2) Voir dans Chassin, La Pacification, tome
II, pages 162 et 163, le résumé des mesures proposées
par Hoche pour terminer la guerre de Vendée. (Voir aussi à
propos de Hoche, quelques curieuses lignes ayant trait à l'amour
de Joséphine pour lui (page 244).
NOUVEAUX EXPLOITS DE CHARETTE ABANDON DU CAMP DE BELLEVILLE
(26 Novembre 1795)
Tandis que Hoche s'avance avec 15.000 hommes pour cerner le général
poitevin dans son camp de Belleville, celui-ci réunit ses divisions
et leur donne le mot d'ordre. Il veut renouveler sa grande campagne
de l'hiver précédent, et par des harcèlements
quotidiens couper à propos les colonnes républicaines.
Ses soldats sont peu nombreux et la défection ou le découragement
les décime d'heure en heure ; mais il a encore autour de lui
ses intrépides divisionnaires : les deux La Roberie, Couétus,
Lucas-Championnière, Caillaud, Guérin jeune, Savin,
Pajot, Fougaret qui vient, succéder à Guérin
l'aîné, etc. Charette abandonne avec eux son quartier
de Belleville (26 novembre 1795), s'ouvre à Saint-Denis-la-Chevasse
un passage à travers un corps d'armée et les égaille
en tirailleurs dans les bois des Gâts, non loin de Dompierre.
De là il fait sa jonction avec le général Sapinaud
pour marcher sur Mortagne. Après avoir battu les Bleus au village
de la Châtaigneraie, non loin de la Gaubretière, il retourne
dans la forêt de Grala.
Moins heureux que lui, son lieutenant Caillaud n'avait pu arrêter
dans les landes de Saint-Sulpice-le-Verdon une colonne républicaine,
allant de Montaigu sur Belleville, et le lendemain même Chalbos
en informait l'Administration du district des Sables par le laconique
billet dont l'original est entre nos mains :
Citoys,
Les armes de la République ont triomphé ; j'en ai reçu
la nouvelle cette nuit et je me hâte de vous la transmettre
à votre lever.
Salut et fraternité. CHALBOS.
Pendant ce temps Hoche poursuit en administrateur et en général
son admirable stratégie... Impitoyable justicier des capitaines,
il reçoit à merci les soldats qui se rendent, donne
aux paysans de quoi rebâtir leurs chaumières, accorde
aux propriétaires toutes les sauvegardes et aux prêtres
toutes les garanties qu'ils peuvent désirer, fait enlever les
bestiaux, les femmes, les enfants de ceux qui résistent, et
les leur restitue, avec indemnité lorsqu'ils déposent
les armes. Il agit moins noblement quelquefois ; il paye les délateurs
et les espions, conformément à la politique honteuse
du Directoire. Puis il enserre dans une ligne de postes rapprochés
Charette, qui, le jour en bataille dans les landes découvertes,
où sa troupe ne peut être surprise, s'échappe
la nuit à travers les colonnes ; mais il est de plus en plus
resserré.
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REPRISE DE MORTAGNE PAR LES VENDÉENS
Au moment d'être enveloppé, Charette engage Sapinaud
à reprendre les armes avec l'insurrection du Centre. L'adjudant-général
Boussard, qui commande à Mortagne, veut faire une reconnaissance
générale, et sort de la place avec la plus grande partie
de la garnison ; il ne voit sur sa route que des hommes paisibles
occupés aux travaux de l'agriculture. A peine a-t-il fait quelques
lieues que les Vendéens réunis surprennent la ville
et massacrent le reste de la garnison. Boussard accourt, il reçoit
deux coups de feu et sa troupe est taillée en pièces.
Hoche envoie aussitôt au général Willot, qui arrive
de l'armée des Pyrénées-Occidentales, l'ordre
de rassembler deux mille hommes, de parcourir le territoire de Sapinaud
et de faire placarder l'ordre du jour suivant dans tous les villages
: « La République enlève vos grains et vos bestiaux
pour vous punir de votre perfidie dans l'affaire de Mortagne, rendez
vos armes et vous aurez vos bufs. » .
Hoche, de son quartier général de Montaigu (1), traque
de son côté Charette dans les landes et les bois de La
Roche-sur-Yon. Pendant un mois, celui-ci, enfermé entre La
Roche-sur-Yon, Bournezeau et Saint-Hilaire-le-Vouhis, lui échappe
en le harcelant, disparaissant tous les soirs et reparaissant tous
les matins, enlevant les convois à l'improviste, se retranchant
de taillis en taillis et de buisson en buisson, toujours insaisissable.
Hoche désespère un moment de vaincre un pareil homme
Quatre mille de ses soldats sont blessés ou malades... Les
autres sont harassés ou découragés.
APERÇU DES RESSOURCES LOCALES
QU'OFFRENT LES COMMUNES CI-APRÈS :
NOMS
DES COMMUNES
|
ATTELAGES
|
QUANTITÉ
DE BESTIAUX EXCEDANT LES ATTELAGES
|
Voitures
|
Bufs
|
Jeunes
bufs
|
Vaches
|
Moutons
|
Chevaux
|
Mortmaison
|
30
|
60
|
15
|
50
|
20
|
3
|
Bouay
|
80
|
180
|
60
|
150
|
50
|
6
|
Saint-Hilaire-du-Bois
|
30
|
60
|
30
|
50
|
-
|
-
|
Saint-André-Treize-Voies
|
40
|
90
|
50
|
80
|
30
|
4
|
Vieillevigne
|
200
|
500
|
50
|
500
|
80
|
20
|
La
Grolle
|
40
|
80
|
15
|
50
|
10
|
3
|
Montbert
|
50
|
100
|
50
|
100
|
20
|
4
|
La
Boissière
|
40
|
120
|
30
|
100
|
50
|
5
|
Saint-Fulgent
|
10
|
20
|
40
|
10
|
25
|
4
|
Charognes
|
30
|
60
|
60
|
60
|
30
|
12
|
St-André-Goule-d'Oie
|
7
|
14
|
20
|
80
|
20
|
8
|
Treize-Septiers
|
20
|
50
|
20
|
40
|
15
|
2
|
La
Bruflière
|
50
|
109
|
50
|
150
|
30
|
2
|
Saint-Denis-la-Chevasse
|
50
|
100
|
80
|
300
|
10
|
15
|
L'Herbergement
|
5
|
20
|
44
|
30
|
20
|
3
|
La
Bernardière
|
30
|
60
|
20
|
40
|
30
|
-
|
La
Copechagnière
|
10
|
20
|
20
|
30
|
10
|
4
|
Totaux
|
722
|
1.684
|
614
|
1.830
|
450
|
95
|
Certifié véritable d'après la
déclaration des commissaires des dites communes.
Montaigu, 7 ventôse, an IV (26 février
1796)..
Le Commissaire des guerres, MONGENOT.
Le Général en chef, HOCHE.
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(1) Nous croyons étre agréable à,
nos lecteurs en publiant ci-dessus un tableau trouvé aux Archives
de Fontenay.
LA TÊTE DE CHARETTE MISE A PRIX LETTRE DE SOUVAROW
Hoche fait, alors une chose indigne de son caractère : il
met à prix la tête de Charette. - « Charette a
six mille louis en or, écrit-il à Delaage, promettez-les
à quiconque l'amènera mort ou vif. » Honneur à
la Vendée ! Elle n'aspirait qu'à voir finir cette guerre
et elle n'eut pas un traître pour vendre son général
!
Cependant Charette sent que l'heure fatale approche. Il assemble
ses derniers braves et leur dit : « Je vous rends vos serments,
messieurs, cherchez à vous sauver, je l'approuve ; quant à
moi, j'ai juré de mourir les armes à la main, je tiendrai
ma parole... »
Une seule voix répond à ce discours : « Nous
mourrons tous ensemble ! Au même instant, un courrier pénètre
dans la forêt de Grala, où cette scène avait lieu,
et remet à Charette une lettre de Souvarow, l'illustre général
russe : « Héros de la Vendée, glorieux défenseur
de la foi de tes pères et du trône de tes rois, salut
! Que le Dieu des armées veille à jamais sur toi ! Et
vous, immortels Vendéens, dignes compagnons d'un grand homme,
relevez le temple du Seigneur.... Brave Charette, honneur des chevaliers
français, l'Europe étonnée te contemple, et moi
je t'admire et te félicite... Gloire à toi !
Ce 1er octobre à Varsovie.
Signé : Souvarow. »
Cette lettre, venue d'un pays si lointain, et adressée par
un des hommes les plus compétent sen fait de bravoure et de
gloire, dut être sensible à Charette ; mais les derniers
jours du héros approchaient, et la modération de Hoche
prenait le dessus. Il va partout répétant : «
Respectez le culte et les prêtres. »
« Allez à la messe, s'il le faut», écrit-il
à ses lieutenants. Il rallie ainsi un grand nombre d'anciens
curés qui, ne voyant plus de dangers pour la foi dans la pacification,
s'en font les missionnaires au nom de l'évangile du pardon...
Les officiers de Charette, ceux qui naguère s'obstinaient encore
à mourir avec lui, comprenant la nécessité de
faire la paix, invitent par un Mémoire (1) les populations
à déposer les armes.
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(1) Rédigé au château de la Grange,
près de Rocheservière.
MORT DE LA ROBERIE ET DE PAJOT
Charette s'indigne d'un tel revirement et le reproche aux signataires,
surtout à Prudent de La Roberie, qu'il aimait comme un fils.
Les officiers se repentent et battent dès le lendemain les
Bleus à la Thébaudière, où Prudent se
justifie par un trépas héroïque, en se lançant
presque seul sur le bataillon ennemi, au passage de la Boulogne, non
loin de Mormaison.
Le succès de ce combat ne put consoler Charette qui s'écria
en le voyant étendu sous ses yeux . « Pauvre Prudent,
mort aujourd'hui comme nous mourrons peut-être demain ! »
Le jour même des funérailles de La Roberie à
Saligny, les Bleus, revenus à la Thébaudière,
furent encore battus par Charette. Le 24 décembre, Lucas Championnière,
l'un de ses meilleurs officiers, envoyé pour intercepter un
convoi près du chateau de Chatenay, commune de Saint-Denis-la-Chevasse,
ne put atteindre que l'arrière-garde, et l'armée perdit,
dans une embuscade, l'intrépide Pajot, commandant de la division
de Bouin, un des plus terribles paysans et des caractères les
plus originaux du Bas-Poitou. Au même moment, Savin et de Béjarry
aîné faisaient leur soumission.
ARMÉE DE L'OUEST 30 B. - F. 84 - N. 1 LIBERTE EGALITE
DIVISION
Au Quartier général à Fontenay le 8 nivôse,
an quatrième de la République française une et
indivisible (29 décembre 1795).
Willot, général de division, commandant l'armée.
Aux administrateurs du Département de la Vendée :
Citoyens administrateurs, je vous remercie de votre attention ; J'étais
instruit de la soumission de Savin dont j'avais reçu
une lettre. J'ai transmis au gouvernement les plaintes malheureusement
trop fondées de l'administration municipale de Saint-Gilles,
j'en ai envoyé copie au gouvernement à qui je ne tairai
jamais la vérité ; j'ai pris de mon côté
tous les moyens qui dépendent de moy pour rappeler les troupes
qui sont dans ce canton à la discipline, j'en fait sortir la
6e ½ Brigade que l'on m'avait notté pour s'être
mal conduite ; la tettre que. vous m'avez fait l'honneur de m'adresser
le 3 ne m'a été remise qu'aujourd'huy. Encore quelques
jours et je ferai occuper la Cayère. J'espère que toute
la partie à la droite de la route de Nantes sera sous peu paisible.
Le citoyen Bejarry l'aîné est venu lui-même
à la tête de différentes communes, me remettre
ses armes. Il y a quelques jours, 25 déserteurs de nos troupes
ont été pris par le cantonnement des Herbiers, ils
nous ont fait trouver 26 barils de poudre : parmi eux sont plusieurs
chefs ci-devant officiers de nos troupes, je les fait conduire à
Fontenay (1).
Salut et fraternité.
WILLOT.
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(1) Original : collection Fillon, communiqué
par Mme Charier-Fillon.
ATTAQUE DU CAMP DES QUATRE-CHEMINS
(28 Décembre 1795)
Ainsi Charette voyait tomber autour de lui tous ses lieutenants.
Impassible comme la mort, il continue d'aller au-devant d'elle.
Instruit que la division Caillaud se trouvait vivement pressée
par l'ennemi vers les Ceriziers, dans la forêt de La Chaize,
Charette se porte de ce côté, et après l'avoir
ralliée, il court attaquer le camp des Quatre-Chemins de l'Oie.
Secondé énergiquement par Championnière, Collin,
Beaumelle et Couétus, il remporte là sa dernière
victoire malgré une énergique résistance des
Bleus (28 décembre 1795).
Deux jours après, il fait célébrer une messe
solennelle à la Roulière, de la paroisse du Poiré
: l'abbé Remeau absout les soldats et bénit leurs armes.
« Et maintenant, où allons-nous, demande Championnière.
» - «Droit aux Bleus », répond Charette.
Mais écrasé aux Trois-Moulins par le général
Travot qui lui prend son drapeau et toutes ses munitions, il est entraîné
dans la déroute des siens qui se dispersent de tous côtés.
COMBAT D'AIGREFEUILLE, 1-2 JANVIER
1796
RETRAITE SUR LA BRUFFIÈRE
Poursuivi par trente mille hommes, entouré d'une poignée
de soldats, sans vivres, sans munitions et blessés pour la
plupart, le héros du Bas-Poitou ne cède pas encore à
la fortune, et il songe à gagner le pays de Stofflet, pour
engager le général à lui porter secours. Dans
la nuit du 1er au 2 janvier 1796, il attaque et repousse une colonne
ennemie près d'Aigrefeuille ; mais atteint bientôt par
de nouveaux renforts, il se replie sur la Bruffière, où
il comptait trouver quelques instants de repos : pour la première
fois il y rencontre la trahison. « Elle avait revêtu la
forme charmante de Mademoiselle de Grégo, fille de la marquise
de ce nom. Confidente de tous les chefs royalistes, cette dame s'éprend
de Hoche et lui livre les secrets de ses ennemis. Des prêtres
et des paysans l'imitent, séduits par l'or du Directoire. »
A peine Charette était-il installé à la Bruffière,
que Travot y arrive et tombe à l'improviste sur les Vendéens
harassés. C'en était fait de l'armée, si Charette,
par un dernier effort, ne se fut fait jour à travers les colonnes
de Travot, et n'eut réussi à gagner les Landes-Genusson.
Là il rencontre quatre bataillons qu'il culbute pour arriver
à Chavagnes, et ensuite à Belleville avec les débris
de sa troupe.
Il n'avait plus ni poudre ni pain, et. les désertions éclaircissaient
les rangs de Charette. Les chasseurs volontaires bretons venaient
de l'abandonner, et les officiers du pays de Retz qui n'osaient demander
la paix, licencièrent leurs troupes à Saint-Marc-de-Couté.
Pressé par des forces supérieures, le chef de la Vendée
envoie le comte de Suzannet et d'Argens informer les princes de sa
situation ; mais déjà de nouveaux partisans l'abandonnent.
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GUET-APENS CONTRE COUÉTUS
Le fidèle Couétus lui-même, ce Lescure du Bas-Poitou,
obtient un armistice du général Gratien, moine et prêtre
apostat, et se charge d'amener Charette à la paix. Charette
lui donne en effet son assentiment quoique avec défiance. Couétus,
avec MM. Thouzeau, Dubois et Lapierre, se rend au château de
l'Epinay sur la parole de Gratien. Des avis secrets lui annoncent
une perfidie !... Il refuse de les croire et se voit arrêté
au milieu de la nuit, avec deux de ses compagnons, jugé par
une Commission militaire et fusillé contre toutes les lois
de l'honneur. On le somme de racheter sa vie par un mensonge, en déclarant
qu'il n'avait pas commandé l'avant-garde aux Quatre-Chemins.
- « Le fait est vrai, répondit-il noblement, comment
voulez-vous que je le nie ! »
Et pourtant il faut savoir le reconnaître, les instructions
données par le ministère à ses représentants
et aux généraux avaient toutes pour but ; de maintenir
la discipline, d'assurer le respect des propriétés et
des personnes, et d'arriver ainsi à une ère d'apaisement.
Paris, le 27 pluviôse, an IV (16 février
1796) Le Ministre de l'Intérieur
Au commissaire du pouvoir exécutif près
l'administration centrale du Département de La Vendée,
A Fontenay-le-Peuple,
Citoyens, j'ai reçu les différentes lettres par lesquelles
vous me peignez les excès auxquels se livrent les soldats dans
le département de La Vendée, les réquisitions
de grains et de bestiaux qui s'y font arbitrairement, et l'effroi
que cause la mise en état de siège de la commune de
Fontenay-le-Peuple.
J'ai écrit au général Hoche relativement aux
deux premiers objets. J'appelle toute son attention pour réprimer
la licence du soldat, empêcher les réquisitions arbitraires,
et mettre un frein à la cupidité des entrepreneurs de
vivres.
J'écris au ministre de la guerre pour m'assurer de la mise
en état de siège de la commune de Fontenay-le-Peuple
et des motifs qu'auraient pu nécessiter cette mesure extrême.
J'applaudis au zèle de l'administration du département
et à celui qui vous anime dans l'exercice de vos fonctions.
Je vous invite, ainsi que l'administration àcontinuer de donner
tous vos soins pour maintenir le respect dû aux personnes et
aux propriétés, à rappeler avec courage le militaire
à son devoir, enfin à vous concerter avec les généraux
pour retenir les troupes dans la discipline la plus sévère
et les faire punir toutes les fois qu'elles s'en écarteront.
En mettant la justice et la raison de votre côté, vous
serez toujours supérieur aux petits désagréments
que voudrait vous causer l'amour-propre de quelques individus que
vous auriez heurtés de front. Vous devez attacher toute votre
gloire à consolider la pacification, à ramener l'ordre
et la paix dans La Vendée, et avec elle le bonheur dont les
habitants de ces contrées sont privés depuis si longtemps.
J'aime à me persuader que vous pouvez par vos soins assidus,
accélérer la guérison de ce chancre politique
qui la dévore. Personne n'éprouvera plus de satisfaction
que moi, en applaudissant à vos heureux travaux.
Salut et fraternité,
Signé: BENEZECH
Le chef de la Ire Division,
Signé: CHAMPAGNEUX
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STOFFLET REPREND LES ARMES. - SA MORT
(25 Février 1796)
Le lâche assassinat de Couétus exaspéra les derniers
survivants de la. Grand'Guerre, qui se resserrèrent autour
de Charette avec le courage du désespoir.
De son côté, Stofflet, cédant aux sollicitations
des agents de Puisaye, de Scépaux, de Charette et du comte
d'Artois, profite de l'occasion pour s'élancer hors de ses
cantonnements (1) et en faire aviser à Edimbourg le comte d'Artois
par le chevalier de Colbert de Maulévrier : « Nous marchons
tous à l'échafaud, dit-il à ses officiers, mais
tout le monde pousse à la guerre, faisons-là donc jusqu'à
la fin ! » Il se rue le 20 janvier 1796 sur Argenton-le-Château
avec trois cents hommes, en chasse les républicains et s'empare
de toutes leurs armes. Ce fut le dernier exploit du chef angevin.
Le 29 du même mois un de ses lieutenants, Vasselot, essayait
d'enlever Fontenay. Mais Hoche avait trouvé le mot d'ordre
qui devait, compléter son triomphe : - « Mort aux officiers
vendéens ! Grâce aux soldats ! ... » Tous les soldats
se rendirent et, les officiers restèrent seuls. Déjà
Sapinaud est paralysé et, Stofflet va être pris. Hoche
arrive à Chemillé le 28 janvier 1796 avec trois régiments.
Les partisans Guichard et Nicolas, les plus anciens chefs de division
de l'Anjou, sont pris les armes à la main et fusillés
à l'instant (14 février). - Le 23 février, Bernier
attire de la forêt de Maulévrier Stofflet et son Conseil
à la Saugrenière. Le garde-chasse y paye sa dernière
dette à ses maîtres en nommant le comte Colbert de Maulévrier
agent général auprès de Louis XVIII. Au milieu
de la nuit le Conseil se sépare. Bernier disparaît...
« que devint-il et que fit-il ? dit Crétineau-Joly. C'est
le secret de Dieu qui l'a jugé ! » A quatre heures
du matin Stofflet dormait avec Lichteningen, son aide-de-camp, Coulon,
son secrétaire, Eroudelles, député des Chouans,
envoyé par Scépeaux et trois domestiques, lorsqu'un
détachement bleu conduit par Lourtil (2) cerne la métairie,
force la porte et assiège le lit du général.
Il se lève à demi nu, sans arme, terrasse trois républicains
et allait peut-être échapper (3), lorsque des sahres
et des baïonnettes lui percent le corps et les bras, et lui abattent
le front sur les yeux.
Il chancelle alors, aveuglé par son sang, et les Bleus le
garottent en criait : « Vive la République ! »
(4).
Stofflet
On lui enlève aussitôt le reste de ses vêtements
ensanglantés ; on lui jette sur le dos une méchante
blouse bleue et on le traîne pieds nus jusqu'à Angers,
où il comparaît devant la Commission militaire. Là,
toute la fermeté de ce caractère indomptable se résume
dans le silence du mépris. Il refuse même de prononcer
son nom, écoute sans sourciller son arrêt de mort et
marche au supplice (5) avec Lichteningen et Moreau, ses aides
de camp, Joseph Devarannes et Pierre Pinot.
Le général Thorigny veut lui faire bander les yeux.
- « Arrière ! dit-il en repoussant l'exécuteur
de sa main sanglante : les généraux vendéens
n'ont pas peur des balles ! »
Il regarde avec calme charger les fusils, joint les mains, lève
les yeux au ciel et expire sous les balles républicaines en
criant : « Vive la Religion ! Vive le Roi ! »
Ainsi périt à quarante-trois ans (25 février
1796), à neuf heures du matin, le chef des royalistes de l'Anjou.
Simple soldat, il avait levé le premier, le 10 mars 1793, l'étendard
de l'insurrection, et avait eu ensuite l'honneur de commander une
armée de soixante mille hommes (6).
Charette voyait tomher avec Stofflet sa dernière espérance.
Le jour même de sa mort, Bernier lui donnait pour successeur
d'Autichamps.
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(1) Une entrevue qu'il avait eue au May, près
Cholet, avec Hoche, le 12 décembre, n'avait donné aucun
résultat, grâce aux intrigues de l'abbé Bernier.
(2) Edmond Stofflet. - (Stofflet et la Vendée,
page 407), prétend qu'un Vendéen du nom de Guichard,
s'offrit pour conduire à la cachette de son général,
et qu'il fut fusillé comme ayant égaré la troupe
répubhcaine.
(3) Il fut appréhendé par le grenadier
Audious. - Il fut conduit à Chemillé et de là
traîné à Angers.
(4) Bretagne et Vendée. - Darmaing.
{5) Il fut exécuté au Champ de Mars.
(6) Avant de recevoir la décharge mortelle, Stofflet,
reportant alors sa pensée vers la Lorraine, berceau de son
enfance, demanda s'il se trouverait un Lorrain parmi les militaires
qui formaient le funèbre cortége. Un soldat sortit des
rangs et le général lui fit cadeau de sa montre, le
seul objet dont il put disposer.
NOBLE ATTITUDE DE CHARETTE EN FACE
DES PROPOSITIONS DE HOCHE
Cependant Hoche, poursuivant Charette de gîte en gîte,
achevait de le mettre au ban des villageois et du clergé, et
ce fut par l'abbé Guesdon (1), curé de la Rabastelière,
qu'il lui fit proposer au nom du général Gratien, de
le laisser sortir de France avec tous ceux qui voudraient l'accompagner;
de lui restituer tous ses revenus et de lui faire verser un million
aussitôt son arrivée en pays étranger.
« Moi fuir ! répondit Charette ; abandonner les braves
que je commande ! Jamais ! Tous les vaisseaux de votre République
ne suffiraient pas pour les transporter en Angleterre, ni ses armées
pour leur servir d'escorte ! Loin de craindre vos menaces, j'irai
vous attaquer dans votre camp!
Cependant, ses derniers lieutenants mouraient ou se rendaient. Amédée
de Béjarry, Ussault et Pranger étaient arrêtés
et Sapinaud placé en surveillance. Le Moëlle, commandant
la division de Saint-Vincent-sur-Graon, s'étant rendu dans
une ferme pour y faire un rassemblement, y est surpris par les Bleus,
et moins heureux que ses compagnons, Caillaud, Beaumel, Desabbayes
et, de La Voirie, il tombe percé de quinze balles... «
Moi seul, disait-il, comme La Médée antique, moi seul
et c'est assez ! » Le 20 février 1796, à la tête
de deux cents cavaliers et de quatre-vingts fantassins, il livre à
la colonne Travot, près de la Bégaudière de Saint-Denis-laChevasse
(2), son cent-septième combat. Il voit périr
autour de lui son cousin, Charette de la Colinière, Beaumel,
presque tous ses amis. Il continue de se battre au milieu de leurs
cadavres, et va passer la nuit dans les bois de Grammont, au milieu
de leurs fantômes.
Le lendemain, Lecouvreur, commandant de Légé, Hyacinthe
la Roberie et Guérin jeune font leur soumission, et Charette,
malgré sa proclamation du 21 février, portant peine
de mort contre ceux qui ne le suivraient pas, reste seul avec trente-deux
hommes déterminés, mais harassés, épuisés
et mourant de faim comme lui-même.
Le 4 mars, Travot ne sait plus ce qu'est devenu Charette. Le 8, il
le retrouve au château de la Grossetière, territoire
de Froidfond, au milieu de 30 rebelles à pied.
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(1) Quelques jours après, le curé Guesdon,
soupçonné de dénonciation, fut enlevé
nuitamment de son domicile et fusillé dans une lande avec ses
deux domestiques. Travot accuse formellement Marelle de cette exécution,
mais le fait n'est rien moins que prouvé.
Pour l'exécution de l'abbé Guesdon, voir
la Revue du Bas-Poitou, 5e année, pages 332, 333, 334.
(2) Ce fut notamment ce jour-la (20 février 1796),
que quelques officiers supplièrent Charette d'accepter les
offres de la Convention et de quitter la France. Revue du Bas-Poitou,
Ve année, page 333.
CHARETTE PRIS A LA CHABOTERIE (23
Mars 1796)
Travot l'atteint enfin au village de la Chauvière, mais il
résiste encore. Dans ce combat, il voit tomber près
de lui le chevalierde la Jaille et le brave Caillaud. Il échappe
pourtant, mais il n'a plus d'asile : une fièvre ardente le
dévore ; il est pressé par le besoin et n'ose réclamer
aux fermes sur sa route ni un peu de pain ni un peu de repos. Toutes
les fermes sont occupées par des soldats acharnés à
sa poursuite. Le 23 mars, son armée était réduite
à trente-deux hommes. Lui-même n'avait plus de
cheval et courait à pied nuit et jour, lorsque quatre colonnes
le cernent à la Prélinière, dans la paroisse
de Saint-Sulpice-le-Verdon (1). - C'est ici, s'écrie-t-il,
qu'il s'agit de lutter jusqu'à la mort et de vendre chèrement
sa vie ! Seul avec ses trente-deux compagnons, il soutient pendant
trois heures la charge de deux cents grenadiers et chasseurs. Douze
cadavres lui servent de retranchement. - Il reçoit un coup
de feu à la tête ; un coup de sabre lui coupe trois doigts,
mais il résiste encore... Un dévouement sublime prolonge
alors ses jours... Un déserteur alsacien, Peffer, qui a pour
lui une espèce de culte « poussé jusqu'à
la férocité la plus sanguinaire envers ses ennemis »,
lui donne son chapeau et prend le sien où flotte le panache
blanc. « Mon général, s'écrie-t-il alors,
sauvez-vous ! A l'aide de votre panache je les attirerai tous sur
moi, et ils me tueront ». Peffer avait dit vrai. Cinq grenadiers
de Valentin le massacrèrent, tandis que Charette gagnait le
bois de l'Essart, près la Chaboterie. Là, paraît
la colonne Travot. Un nouveau et suprèrne combat s'engage.
Haletant, épuisé, perdant son sang par trois blessures,
le général chancelle. Le vendéen Bossard, domestique
de Charette, le charge sur ses épaules. Bossard est frappé
à mort. Le jeune Laroche-Davo s'approche pour saisir ce glorieux
fardeau ; comme Bossard, il meurt sous les balles républicaines.
Un troisième, dont le nom est malheureusement ignoré,
se dévoue encore (2).Charette, sans connaissance, est déposé
dans un bois, près de la Chaboterie. Travot, cinq minutes après,
y pénètre avec ses voltigeurs (3). Le chef royaliste
est fait prisonnier, mais en rendant son épée il a retrouvé
son énergie...
Dernier combat de Charette
Travot et ses officiers le traitent avec le respect que mérite
un héros... On le conduit de suite au Pont-de-Vie, commune
du Poiré, à Montaigu et de là à Angers,
pour le diriger sur Paris, où la nouvelle de la prise de Charette,
arrivée à huit heures du soir, est accueillie par des
acclamations enthousiastes.
« Charette est pris ! Charette est pris ! » cette conquête
électrise toute l'armée républicaine ! et les
membres du Directoire le font annoncer sur tous les théâtres,
- comme ils eussent fait de la prise d'une capitale et d'un royaume...
Mais la population, refusant de croire une nouvelle si souvent publiée
et si souvent démentie, Hoche estime qu'il doit faire juger
Charette à Nantes, et que le théâtre de sa gloire
doit être celui de sa mort.
Traduit devant la Commission militaire, il est condamné à
mort, et après avoir été promené (chose
épouvantable et atroce à l'actif de Dutilh, comme un
trophée vivant à travers la ville), Charette écoute
son arrêt de mort avec un sang-froid imperturbable. Après
s'être entretenu une heure avec les généraux républicains
qu'il étonne par son sang-froid, il se confesse à l'abbé
Guibert, et c'est en écoutant les suprêmes exhortations
du vénerable prêtre qu'il arrive jusqu'à la place
Viarmes. Il demande à parler à Travot. Puis après
une conférence à voix basse de deux minutes à
peine, il se rend d'un pas ferme au milieu de la place, où
sont rangés cinq mille hommes. Il jette un coup d'il
froid sur le cercueil prêt à recevoir son cadavre, repousse
doucement le bandeau qu'on voulait poser sur ses yeux, et présentant
sa poitrine au piquet chargé de l'exécution, il place
la main sur son cur en disant : « Frappez-là !
C'est là qu'on doit frapper un brave! » Le signal est
immédiatement donné par un officier : Charette incline
la tête, les soldats tirent et il meurt en criant : «
Vive le Roi ! »
Telle fut, à l'âge de trente-trois ans (29 mars 1796),
la fin de cet homme extraordinaire, qui lutta pendant trois ans contre
les forces de la République, avec une multitude sans ordre
et sans discipline qu'il faisait trembler. Arrogant dans la prospérité,
ombrageux et souvent sanguinaire dans l'infortune, toujours plein
d'une insouciance soldatesque pour les souffrances des autres comme
pour les siennes, il ne sut point profiter de l'armistice pour se
ménager des intelligences dans la Bretagne et la Normandie,
et pour se faire un grand parti dans la capitale, quand la faiblesse
du gouvernement lui permettait de tout oser. Mais il fut admirable
dans ses revers et surtout dans ses derniers jours. On le voyait,
le sourire sur les lèvres, inspirer sa patience à ses
soldats, et leur faire supporter gaiement les privations auxquelles
ils s'était le premier accoutumé. « Jamais capitaine,
depuis Mithridate, dit Chateaubriand, n'avait montré plus de
ressources et de génie militaire (4). »
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(1) D'après le récit du garçon
meunier Jaunâtre, qui demeura auprès du chef vendéen
jusqu'au bout, Charette s'était, la veille, dans la nuit, présenté
mouillé jusqu'aux os, dans une maison des Lucs. Il se sécha
auprès du feu sur un banc de bois et fit son dernier repas
d'un uf. Jaunâtre, un des rares survivants des derniers
combats de Charette, se fit maçon après la paix, vint
s'établir dans le canton de Chantonnay, et travaillait souvent
pour Amédée de Béjarry ; grand-père du
sénateur actuel. C'est lui qui fit la maçonnerie du
bâtiment où était l'ancienne chapelle du château
de La Roche-Louherie, dans la commune de Saint-Vincent-Puymaufrais.
Il y eut un doigt écrasé par la chute d'une pierre.
Jaunâtre contait volontiers l'histoire de la Grand'Guerre et
l'accident de son doigt ; il doit être mort en 1847. (De Béjarry.
Souvenirs vendéens, page 211).
(2) Jaunâtre, garçon meunier des Lucs,
dont nous avons parlé plus haut, a donné de ce combat
un curieux récit. D'après lui, Charette, après
avoir tenté de s'échapper par l'Herbergemént,
dans la direction de Saint-Fulgent, avait perdu les 2.000 hommes qui
lui restaient: il n'en avait plus que 39 quand il revint du côté
où l'attendait Travot.
Charette, la nuit, se présente, mouillé
jusqu'aux os, dans une maison des Lucs. Il se sèche auprès
du feu, sur un banc de bois, et fait son dernier repas d'un uf.
La petite troupe, grossie du fils de la maison, se glisse jusque dans
le petit bois de la Chaboterie. Elle y est depuis peu, quand on signale
les Bleus.
Les 40 hommes se précipitent avec l'énergie
du désespoir : 8 traversent les républicains et s'échappent.
Mais Charette, atteint d'une balle qui lui a labouré le front
et couvert le visage de sang, se jette dans un fossé, s'y blottit
avec l'un de ses fidèles... Quelques grenadiers, restés
en arrière, se présentent pour passer le fossé
juste à l'endroit où il était resté caché.
Se voyant découvert, le général se lève
et se nomme. Son compagnon, debout en même temps, ne veut pas
être pris vivant. D'un coup de fusil il abat le soldat qui met
la main sur Charette et tombe aussitôt percé de coups.
(De Béjarry. - Souvenirs Vendéens).
(3) Jeannet Bauduère, l'un des deux chasseurs
de Vendée qui contribuèrent à capturer Charette
dans le bois de l'Essart, près la Chaboterie, le 3 germinal,
an IV (23 mars 1796), était fils d'un huissier du cabinet du
duc d'Orléans, alors qualifié duc de Chartres, comme
gouverneur du Poitou. Il avait succédé dans cette charge,
qui consistait principalement en fonctions d'appariteur, à
Jean Veillon seigneur de Boismartin. L'autre chasseur, le citoyen
Colombière, était frère du citoyen Mercier Vergerie,
qui, après avoir été commissaire du Directoire
près le tribunal civil et criminel de la Vendée, devint
député du département au corps législatif
de l'Empire.
Dugast-Matifeux, Echos du Bocage vendéen,
année 1884, pages 135 et 136.
(4) Darmaing, 476.
CONTINUATION DE LA GUERRE. - MORT
DE VASSELOT HÉROIQUE DÉFENSE DU
CHÂTEAU DE SAINT-MESMIN
Néanmoins sur divers points de la Vendée on luttait
encore désespérément. D'Autichamps, le nouveau
généralissime, rallie quelques soldats de Stofflet.
Vasselot et Grignon, voulant tenter une diversion avec une troupe
de neuf cents hommes, battent les Bleus à Saint-Michel-Mont-Mercure,
aux Epesses et à Saint-Laurent-sur-Sèvre et essayent
de surprendre Fontenay ; mais le 30 mars, atteints par des forces
supérieures aux environs de Chantonnay, ils sont dispersés
après six heures de combat et écrasés de nouveau
le lendemain, près de Saint-Vincent-Sterlanges. Quelques jours
après, Vasselot, errant sous un habit de paysan, est arrêté
dans une de ses fermes près de Saint-Amand, conduit aux Herbiers
(avril 1796) et condamné à mort par une Commission militaire
présidée par les généraux Beauregard et
Monet. Il est, par un raffinement de barbarie, fusillé dans
la cour du château de Mesnard-la-Barotière, sous les
yeux de sa fiancée, Mlle de Mesnard (4 mai 1796).
Tour de Saint-Mesmin
Quelques jours après, Forestier, à la tête de
cent-trente fantassins et de vingt cavaliers se précipite en
aveugle sur le bourg de Cirières, défendu par quatre
cents républicains. Il y est blessé et ses soldats se
dispersent. - Vers la fin d'août quarante jeunes gens des environs
de Cerizay, repoussés par des forces supérieures, se
jettent dans le vieux château de Saint-Mesmin, et là,
pendant trois jours, manquant de pain et d'eau, ils luttent héroïquement
contre plus de quatre mille hommes pourvus de deux pièces de
canon, et ne capitulent qu'avec les honneurs de la guerre. Quand les
Bleus virent sortir, ayant à leur tête le garde-chasse
Péault, de Saint-Mesmin, une garnison de quarante jeunes paysans,
noirs de poudre, harassés de fatigue, mais fiers encore de
la lutte qu'ils venaient de soutenir, ils ne purent retenir leur admiration,
car ils s'étaient figurés avoir affaire au moins à
un millier d'hommes.
C'était toujours de l'héroïsme, mais de l'héroïsme
perdu (1).
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(1) Certains historiens, notamment MM. L. Audé
et Bourgeois, Henri, placent cet événement à
la date du 23 février 1896. M. Bourgeois en a publié
un récit fort intéressant dans La Vendée Historique
du 5 août 1901.
ÉTAT DES ESPRITS A LA FIN DE MAI 1796
LETTRE DE HOCHE
TOURNÉE DE LE TELLIER
ORGANISATION DES CANTONS
La mort de Charette et de Stofflet avait consommé la ruine
du parti royaliste en Vendée. - D'Autichainps fait sa soumission,
et l'abbé Bernier songe à exploiter la sienne. N'ayant
plus autant d'influence sur les Blancs, il en prend sur les Bleus,
à qui il persuade que lui seul peut compléter l'uvre
de Hoche. Mais ne jugeant pas l'heure arrivée encore, il feint
de gagner la frontière, et il reste caché dans l'Anjou,
pendant que Hoche poursuit de plus en plus l'uvre de pacification.
ARMÉE DES COTES DE L'OCÉAN
Res, non verba,
Au quartier général de Rennes, le 21
prairial, 4e année républicaine (9 juin 1796).
Le général en Chef,
A l'Administration départementale de Fontenay-le-Peuple.
Citoyens administrateurs,
En accordant aux chefs des rebelles, connus sous le nom de Chouans
et de brigands, le pardon de leurs fautes et l'oubli de leurs erreurs
criminelles, le Directoire a aussi entendu qu'ils rentreraient en
possession de leurs biens, meubles et immeubles, et qu'enfin les séquestre
et scellés apposés sur iceux, devraient être levés.
Je dois donc, citoyens, vous engager à prendre cette mesure,
tant pour voir les instructions du gouvernement remplies, que pour
prouver aux amnistiés que la République forte de ses
propres moyens, peut se passer des secours que lui procureraient leurs
biens, et qu'elle les admet au nombre de ses enfants.
Mais, dans aucun cas, ces mesures paternelles ne peuvent être
ni appliquées, ni applicables aux Emigrés : quiconque
a quitté illégalement le territoire de la République,
en est banni pour jamais, aucun espoir ne doit lui rester, il ne peut
attendre que la mort. Tel est l'esprit des lois dont vous êtes
les organes ; je me plairai toujours à les exécuter
strictement.
Signé : L. HOCHE (1).
Pour copie conforme, Le Gal de division,
chef de l'état-major de l'armée
T. HÉDOUVILLE.
C'est au milieu de cette accalmie dans les esprits que le A. F. Le
Tellier adresse des « Instructions préliminaires aux
habitants de La Vendée, pour l'organisation républicaine
de cette contrée. »
Le Tellier commence sa première tournée le 15 juin,
et réussit à organiser les administrations municipales
des cantons de la Caillère, Mouilleron, Pouzauges et La
Flocellière. Dans une seconde tournée du mois de
juillet, il en organise trois autres aux Moutiers-les-Mauxfaits,
au Tablier, à La Mothe-Achard, et dans une troisième
tournée, au commencement du mois d'août, quatre encore
à La Roche-sur-Yon, La Chaize, Beaulieu et Landevieille.
Caillaud, un des lieutenants de Charette, évadé des
prisons de Saumur vers la fin de décembre 1796 (2), demande
au général Travot et obtient l'autorisation de rentrer
auprès de sa famille en s'engageant à respecter les
lois de la République. Malgré l'opinion de l'abbé
Brurnauld de Beauregard, ex-vicaire général de Mgr de
Mercy, la présence des prêtres réfractaires était
tolérée dans le département, et au cours de l'année
1797 jusqu'au 4 septembre (18 fructidor), un seul prêtre, l'abbé
Clion, desservant de la Gaubretière, fut emprisonné
« pour avoir répandu des bruits alarmants ». Il
comparut devant le tribunal de Montaigu qui l'acquitta.
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(1) Original, collection Fillon, communiqué par
Mme Charier-Fillon.
(2) Le 31 de ce mois, le général de Grigny,
qui commandait à Montaigu, écrivait à l'administration
départementale de la Vendée en vue d'obtenir son concours
pour la création de six compagnies de vétérans
nationaux qui auraient élé cantonnées à
Challans, Les Sables, La Roche-sur-Yon, Montaigu, Les Herbiers et
La Chataigneraie, mais ce projet ne put aboutir (Collection Fillon).
LOI DU 14 BRUMAIRE AN V (4 Novembre
1796) ÉLECTIONS DE L'AN V
Aux termes de l'art. 4 de la loi du 14 brumaire an V, tous les chefs
rebelles de la Vendée étaient déclarés
incapables d'exercer aucune fonction publique élective ou à
la nomination du pouvoir exécutif. Cette mesure était
d'une grande importance pour éviter de nouveaux soulèvements,
car le feu couvait toujours sous la cendre ; mais la situation morale
et intellectuelle du pays était telle que la loi ne put être
appliquée, et que les choses demeurèrent en l'état
jusqu'à la réunion des assemblées primaires,
L'assemblée électorale du département de la
Vendée ouvrit ses séances dans l'église N.-D.
de Fontenay, le 20 avril 1797, et les continua jusqu'au 25, sous la
présidence de Ambroise Rodrigue, ancien évêque
constitutionnel. Les cantons de Bouin, de Poiroux, du. Poiré
et de Beaulieu, foyers ardents de l'insurrection, n'envoyèrent
pas d'électeurs. Ceux de l'île d'Yeu ne purent arriver
à temps à cause de l'état de la mer. Maignen,
ex-conventionnel, fut élu membre du Conseil des Anciens, et
Chevallereau, Jacques, président de l'administration
municipale du canton de Luçon, fut envoyé au. Conseil
des Cinq-Cents.
Pendant la même session furent élus les six juges au
tribunal civil du département : Rodrigue, le ci-devant
évêque de Luçon ; Esgonnière, déjà
juge ; Rouvière, Menanleau, d'Olonne ; Rouillé
et Fidèle Le Mercier, avec les juges suppléants
: Beurrey-Chateauroux, Henry père. Dubois, Bichon et Cavoleau
(1).
(1) Chassin. - La Pacification, T. III, page 41.
NOUVELLES DÉPORTATIONS DE PRÊTRES
ARRESTATION D'ANCIENS CHEFS
Les élus dont on vient de voir les noms étaient pour
la plupart des modérés, désireux avant tout de
ramener la paix dans leur pays ; mais à Paris, on s'inquiétait
fort du rôle prêté à certains prêtres
réfractaires qui, rentrés en Vendée, y exerçaient
le culte sans avoir fait les déclarations prescrites par la
loi du 7 vendémiaire an VI (28 septembre 1797), à l'époque
où la loi du 18 fructidor avait été promulguée
dans le département.
Sur les instructions du ministre de la police générale,
Sotin, 14 prêtres sont, par arrêtés directoriaux,
désignés pour être déportés, et,
comme des indices semblent annoncer un mouvement insurrectionnel dans
la partie de Châtillon et de Montagne, le 25 mars 1798, la police
reçoit l'ordre d'arrêter seize individus plus ou moins
compromis dans les troubles extérieurs. Dans ce nombre figurent
Forestier, ex-commissaire général de l'armée
du Centre à la Gaubretière, Saint-Pal au Tablier, Caillaud
ex-chef, les frères Savin, Dabbaye, etc.
C'est au milieu de cette agitation qu'eurent lieu à Fontenay,
le 9 avril 1798, les élections des nouveaux membres au Conseil
des Cinq-Cents, Gaudin, Loyau, Gilaizeau, Chaigneau et Goupilleau.
Moins de vingt jours après (28 avril 1798), Coyaud, commissaire,
adressait au ministre de la police générale l'état
nominatif des individus arrêtés et détenus à
Fontenay-le-Peuple par mesure de sûreté générale.
Sur les 21, huit furent le 14 mai remis en liberté ; c'étaient
Saint-Pal, Davy, Rabillier, Buor, Guyet, Savin, Barbot et Caillaud.
Et comme si la paix fut revenue complètement dans le pays,
les fêtes recommencèrent à Fontenay.
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SOULÈVEMENT DE 1799
Hélas ! ce n'était qu'une éclaircie dans un
ciel chargé d'orages. Le Directoire avait l'esprit trop étroit
pour comprendre la grandeur et l'habileté du plan de Hoche
qui voulait pour la Vendée une administration spéciale
- mi-partie de réfugiés patriotes et d'habitants indigènes.
- Il prolongea les troubles fomentés par les émigrés
en abandonnant la Vendée aux tracasseries de patriotes exaltés.
En 1799, le marquis de la Boëssière conçoit un
plan formé sur celui de Hoche et qui eût gravement compromis
la pacification, s'il eût été appuyé par
les monarchies étrangères. Au même moment une
simple menace de conscription allait rallumer la guerre dans quelques
paroisses, où le choix fait par les électeurs de la
Vendée (9 avril 1799) de Dillon, ancien prêtre renégat,
avait irrité beaucoup de bons esprits, et donné une
sorte d'organisation aux soulèvements, que dès le mois
de février on annonçait dans les régions de Montaigu,
les Herbiers, l'île d'Yeu et Saint-Hilaire-de-Riez.
Vers la fin de juin, Forestier, Renou des Aubiers, Grignon et Beauvolliers,
à. la tête de huit cents Vendéens, attaquent et
mettent en déroute à Morveau le général
Delaage. Le 4 juillet Forestier s'empare des Herbiers. La ville est
livrée au pillage et plusieurs gendarmes assassinés
près du Boistissandeau. Le 5 Tiffauges a le même sort,
puis quelques jours plus tard la Bruffière. Les régions
de Saint-Michel-Mont-Mercure et de la Flocellière sont terrorisées
pendant que la flotte anglaise est en vue des côtes de St-Gilles-sur-Vie.
Le 28 septembre, d'Autichamps dans l'Anjou et le Haut-Poitou, Grignon
dans le pays de Sapinaud, et Suzannet (1) dans celui de Charette,
instruits des succès remportés sur la rive droite de
la Loire par Georges Cadoudal, Frotté, Bourmont, Chatillon
et d'Andigné, lèvent définitivement l'étendard
de la révolte, et se voient, bientôt à la tête
de quinze mille hommes.
Le 20 octobre, les Brigands entrent dans Nantes d'où ils sont
chassés, il est vrai, mais la capitale de la Bretagne, qui
n'a que sa garde nationale pour la défendre, demande des secours
à Travot, obligé au même moment de diriger des
troupes sur Machecoul et Port-Saint-Père (2). Des rassemblements
sont signalés à Saint-Laurent-sur-Sèvre, à
Rocheservière, a Saint-André-Goule-d'Oie, à Chantonnay,
où l'ex-député Girard Villars, après avoir
été malmené, voit sa maison livrée au
pillage. Caillaud sort de sa retraite et forme des attroupements dans
les cantons de Mareuil, Bournezeau, La Chaize. D'autres chefs prêchent
la révolte dans les régions du Poiré, Palluau,
les Essarts, les Herbiers, Pouzauges, La Flocellière. Pendant
quelques jours tout fait craindre une nouvelle insurrection générale,
mais grâce aux mesures prises, tout se borne à quelques
échauffourées sans grande, importance.
Dans les premiers jours de novembre, la division de d'Autichamps
est battue aux Aubiers pendant que Suzannet, qui avait rallié
les cantons de Légé, Palluau, Belleville, etc., s'emparait
des Lucs et marchait sur Montaigu avec neuf cents hommes, mais il
fut battu et, blessé devant cette petite ville, défendue
par une forte garnison et plusieurs pièces d'artillerie.
Ces deux combats furent les dernières lueurs du vaste embrasement,
qui, depuis bientôt huit ans, dévorait la malheureuse
Vendée. Grignon, campé à Chambretaud, avait été
surpris et tué par les Bleus (18 novembre 1799), Gogué,
battu près de Clisson.- Suzannet était hors de combat,
et Lecouvreur, écrasé entre le Poiré et Palluau,
avec les restes de la bande à Grelier, n'avait plus avec lui
que des malades et des blessés (3). La police du Directoire
(4) et Madame de Turpin-Crissé allaient achever l'ouvrage des
successeurs de Hoche, lorsque le 18 brumaire changea la face des choses,
en élevant Bonaparte sur le pavois.
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(1) De Suzannet Constant, né en 1772, au château
de la Chardière, près Chavagnes-en-Paillers, cousin
de La Rtochejaquelein, avait été à l'école
militaire de Sorrèze puis officier aux gardes françaises.
Emigré, il avait fait la campagne de 1792 à l'armée
des princes, et était du régiment d'Hervilly à
Quiberon, Echappé au désastre, il gagna le pays de Charette,
et prit part à la fin de la deuxième guerre. S'étant
soumis, il fut expatrié en Suisse, d'où il rentra à
Paris peu avant le 18 fructidor, an V. Après le coup d'État,
il fut arrété deux fois avec d'Andigné, mais
il put s'échapper de sa prison, d'où il gagna l'Angleterre,
où il continua les agissements qui amenèrent la 3e guerre
de l'Ouest en 1799-1800. Il fut blessé dans un combat près
de Montaigu, puis emprisonné. Relâché de nouveau,
il entra dans la conspiration de Georges Cadoudal, mais put s'enfuir
en Allemagne. L'un des principaux chefs de l'insurrection de 1814-1815,
il l'ut tué le 20 juin à l'affaire de Rocheservière.
(2) En rendant compte de la prise de Nantes, Travot
réclame instamment de l'adininistration centrale de la Vendée
des souliers dont il e le plus grand besoin. (Lettre-collection Fillon.)
(3) Il y eut bien encore quelques tentatives de soulèvements
partiels, notamment à Sallertaine, où le 11 janvier
1800, 600 rebelles furent battus par Travot mais ils furent sans importance.
(4) Une lettre des Herbiers, datée du 19 vendémiaire,
an VIII (11 décem bre 1799), signée Oudard, donne de
curieux renseignements à Fouché, ministre de la police,
sur les excès commis par des émissaires du Directoire,
transformés en faux émigrés (Crétineau-Joly,
tome I).
LE 18 BRUMAIRE, AN VIII (9 Novembre
1800)
ROLE DE L'ABBÉ BERNIER
ADMIRATION DU PREMIER CONSUL POUR
LES VENDÉENS
A l'instant, tous les yeux se tournèrent vers cet homme providentiel.
Les royalistes rêvèrent un nouveau Monk, et les républicains
un nouveau Washington. Ils se trompaient les uns et les autres. C'était
un nouvel Octave-Auguste qui allait dominer le monde.
L'abbé Bernier
L'abbé Bernier fut des premiers à deviner « Napoléon
sous Bonaparte », et il jugea le moment venu pour le rôle
qu'il méditait depuis si longtemps. Bonaparte, de son côté,
sut apprécier le talent et l'ambition du curé de Saint-Laud,
qui l'éclaira sur les plaies les plus tristes, comme sur les
plaies les plus glorieuses de la Vendée. L'héroïsme
des géants et la faiblesse des pygmées furent également
révélés par cet homme qui savait tout, et grâce
à l'intervention duquel un armistice fut bientôt conclu.
L'assassinat du comte de Grignon, suivi du meurtre de quatre Bleus,
entrava un instant les négociations, mais elles furent reprises
le 12 décembre, à Pouancé, et le 26 du même
mois, d'Andigné était reçu au Luxembourg par
le premier Consul, qu'il étonna par son courage et sa grandeur
d'âme. Cadoudal et Frotté, qui triomphaient encore en
Bretagne, jettent en vain leur épée dans la balance,
Bonaparte y jette aussi la sienne, dont il menace d'écraser
la Vendée... La paix est enfin signée par tous les chefs
de la rive gauche, à Montfaucon, le 18 janvier 1800, et l'abbé
Bernier la fait aussitôt annoncer au prône par tous les
curés. Il se laisse lui-même enlever de l'Anjou par le
général Bédouville et Barré, et il s'installe
magnifiquement près de Bonaparte, en pacificateur et représentant
naturel de la Vendée et des Vendéens.
Quelques mois après Bonaparte ramenait toute la France aux
idées de foi et de monarchie. Il sentit que s'il avait pu réveiller
ce double sentiment, il le devait à l'insurrection de la Vendée
qui l'avait défendu avec le courage de la Vestale antique.
Il proclama dès lors ce peuple un peuple de géants,
déclarant maintes fois qu'il serait fier d'être Vendéen.
- Une attaque des Anglais contre Noirmoutier offrit au premier Consul
l'occasion depuis longtemps cherchée de dire toute son admiration
pour les héros d'une cause qui n'était pas la sienne,
mais dont il respectait la grandeur.
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ATTAQUE DE NOIRMOUTIER PAR LES ANGLAIS
Le 28 juin 1800, raconte Piet dans ses Recherches sur Noirmoutier,
une division anglaise de quatre vaisseaux, une frégate et un
cutter, apparaît devant Noirmoutier et tente de s'emparer de
quarante bâtiments chargés de grains pour Bordeaux...
Le 30, la tentative se renouvelle. On peut craindre un débarquement.
Le commandant d'armes, Solin-Latour, ancien capitaine d'infanterie
aux colonies, s'adresse au maire Piet, pour combiner la défense
de l'ile. La force armée consistait en une compagnie franche,
formée d'une soixantaine de jeunes gens des Sables et de Noirmoutier
et en quelques canonniers, que
cornmandait Julien-Aimé Viaud... Vers six heures du soir, quinze
à vingt chaloupes se détachent des vaisseaux anglais,
et la nuit, à la marée montante, entrent dans le Gois...
Le brick stationnaire répond bravement à l'attaque,
mais trop faible, est pris. Les Anglais se rapprochent du convoi de
grains et en peuvent incendier la majeure partie. Comme la marée
baissait, ils devaient hâter leur retour. Leurs embarcations,
étant venues s'échouer, à la portée des
batteries de Barbâtre, sont canonnées. Le bouillant Solin-Latour
se précipite dans le Gois avec sa petite troupe et l'artillerie.
Il force les Anglais à abandonner leurs péniches et
leur fait quarante-deux prisonniers. Cinquante autres, craignant de
se perdre sur le sable mouvant, se rendent un peu plus loin aux douaniers.
La rentrée de la troupe avec les prisonniers et les armes
saisies sur les péniches transporte d'enthousiasme les habitants
de Noirmoutier. Les blessés ennemis sont déposés
à l'hospice civil, les prisonniers valides dans la salle du
château ; tous traités avec la plus grande humanité.
Le soir même, un des officiers de la frégate anglaise
vient proposer, au nom de sir Warren, l'échange des prisonniers
contre un nombre égal de marins de l'île, détenus
en Angleterre. Solin veut refuser ; Pieu accepte et règle les
conditions, sauf ratification par le général commandant
la division... La convention devant suivre ; la filière administrative,
il fallut quatre mois pour opérer l'échange.
Ce petit fait d'armes, auquel prirent une certaine part, de l'autre
côté du Gois, quelques habitants de Beauvoir, ayant à
leur tête le lieutenant de gendarmerie Mourain, donna lieu à
plusieurs rapports qui furent mis sous les yeux du premier Consul.
Bonaparte, ainsi que nous l'avons déjà dit, saisit
cette occasion « de détacher les Vendéens du parti
royaliste. » Il chargea le préfet Lefaucheux de féliciter
les braves habitants qui avaient repoussé les Anglais et d'en
envoyer douze à Paris.
« Si, disait-il, parmi ceux qui se sont distingués,
il y a des prêtres, envoyez-les de préférence
; car j'estime et j'aime les prêtres qui sont bons Français,
et qui savent défendre la patrie contre les éternels
ennemis du nom français, ces méchants hérétiques
d'Anglais ! »
Les douze Vendéens furent présentés le 16 fructidor,
an VIII (3 septembre) aux consuls, aux ministres et conseillers d'État
assemblés, par le ministre de l'Intérieur et le général
Hédouville. L'un de ces braves remit au secrétaire la
lettre d'un des prêtres du pays qui avait contribué avec
eux au succès de l'action et assura le premier Consul de la
bonne conduile de ce prêtre et de ses confrères. Bonaparte,
d'après l'avis de l'assemblée, donna ordre que l'on
admit de suite au Prytanée un enfant de chacun de ceux qui,
parmi ces défenseurs de la patrie, se trouvèrent être
père de famille (1).
Ces Vendéens furent logés à Paris, dans un hôtel
magnifique, et après l'audience des Tuileries, on les envoya
à l'Opéra. Tous, avant de partir, reçurent une
carabine d'honneur, outre des frais de voyage magnifiques. Rentrés
chez eux, ces braves gens croyaient avoir rêvé : croyant
être le jouet d'une hallucination, uvre du démon,
ils se signaient, terrifiés au nom seul de celui
qui fut plus tard l'Empereur (2).
On sait aussi tous les efforts que fit Napoléon pour emprunter
à la Vendée ses généraux royalistes. Pas
un ne se rendit alors à ses séductions : - il faut le
dire à l'honneur de leur fidélité, le curé
de Saint-Laud les en sollicita en vain (3).
En 1801, vint le Concordat, chef-d'uvre de pacification, dans
lequel la Vendée eut sa grande part. Bonaparte, du reste, le
reconnut publiquement en faisant représenter la France catholique
par ce même abbé Bernier qui avait soulevé les
premiers Vendéens autour de la croix (4).
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(1) Chassin. - La Pacification de la Vendée,
page 650.
(2) Une vieille estampe du temps (Basset, rue Saint-Jacques,
Paris), retrace cette entrevue du puissant Consul avec les Vendéens,
dont six de Noirmoutier, qui avaient noms Julien-André Lassourd,
Sébastien Palvadeau, Jean Pénisson, François
Boulet, Isidore Milsent et Mathurin Porchais. - (Viaud-Grand-Marais,
Guide du Voyageur â Noirmoutier, page 59).
(3) En 1805, l'Empereur offrait au paysan Forestier,
le premier promoteur de la révolte de Saint-Florent-le-Vieil,
toutes ses faveurs ; le jeune Vendéen les refusa comme une
offense. Il mourut en 1808, âgé de 34 ans. - La même
année, on vint offrir à. Louis de la Rochejaquelein,
frère de Henri, une place à la cour, en lui disant de
se mettre à prix. - En 1809, on voulut le forcer à entrer
dans l'armée avec le grade de colonel. - La même année,
son frère était incorporé de force dans l'armée
impériale. A la bataille de la Moskowa, il fut couvert de blessures,
fait prisonnier et conduit à Saratow.
Ils étaient encore nombreux à cette époque
mémorable, les chefs royalistes, et nous les verrons bientôt
reparaître dans la campagne de 1815. - Dans l'armée du
Centre il restait le général de Sapinaud, Auguste de
Béjarry et son frère Amédée, négociateur
du traité de La Jaunais Ussault, de Braucourt, et parmi les
chefs secondaires de la Grande Armée l'abbé Jagault
et MM. d'Autichamps, les trois Soyer, de Beauvolliers, Allard, le
chevalier de Chantreau, de la Voyrie, Texier de Courlay, etc. Dans
l'armée du Marais, il ne restait que MM. de Bruc, Hyacinthe
de La Roberie, qui avait été l'aide-de-camp de Charette,
Caillaud, Desabbayes, Lecouvreur, Desnorois et Gatet, officier de
cavalerie.
(4) Cette grande affaire s'engagea le 9 novembre 1800,
par la présentation aux Tuileries de l'envoyé du Pape.
Les termes en furent définitivement arrètés à
Paris, le 26 messidor, an X (15 juillet 1801) et acceptés par
le Pape, à Rome, le 15 août. Les ratifications furent
échangées le 11 septembre suivant, sous les signatures
suivantes : les Conseillers d'Etat, Joseph-Bonaparte et Emmanuel Cretet,
et le curé de Saint-Laud d'Angers, Etienne Bernier, pour la
France ; le cardinal-secrétaire Consalvi, l'archevêque
de Corinthe, Spina et le Père Casselli, général
de l'Ordre des Servants de Marie, pour le Saint-Siège.
LE CONCORDAT ET LA PETITE ÉGLISE
Le Concordat engendra toutefois en Vendée un schisme, dont
la trace n'est pas encore complètement disparue aujourd'hui.
Parmi les évêques émigrés dont le Pape
réclama la démission, trente-huit la refusèrent
et quelques Vendéens doutèrent de l'infaillibilité
du pape Pie VII.
Ceux qui refusèrent le Concordat formèrent la communion
appelée La Petite Eglise (1). En vain, sur les trente-huit
évêques dissidents, trente-six se soumirent aux prières
du Saint Père : MM. le Coucy et de Thémines, évêques
déchus de La Rochelle et de Blois, restèrent les seuls
et vrais pasteurs des adversaires du Concordat.
L'abbé Bernier lui-même, devenu évêque
d'Orléans, se flatta de rallier ces derniers par sa présence.
Il fut reçu en triomphe dans tout le Bocage, mais il se vit
insulté publiquement et secrètement à Angers.
Des lettres, pleines d'injures, des bouteilles pleines de sang lui
furent adressées de toutes parts, et il fallut écarter
de son passage la population furibonde. Désolé, il regagna
son diocèse et y chercha, dans l'accomplissement de ses devoirs
sacerdotaux, l'oubli de ses douleurs et peut-être de ses remords,
reçut un coup fatal en 1803, en apprenant qu'on l'avait oublié
dans la promotion des cardinaux et mourut enfin en 1806, à
quarante-deux ans, d'un accès de fièvre et d'ambition,
- après une entrevue fâcheuse avec l'Empereur.
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(1) Le chef-lieu de la Petite Eglise est actuellement
à La Pennelière de Courlay (Deux-Sèvres), où
existe un temple pouvant contenir huit cents personnes. On y montre
avec vénération divers objets fabriqués par un
ancien menuisier de Fontenay, du nom d'Aubin, ou lui ayant appartenu.
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