Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XVIII
LA VENDÉE PENDANT LE CONSULAT ET L'EMPIRE
INSURRECTION OU PRISE D'ARMES DE 1814-1815

 

Départ du général Travot. - Rôle de certains royalistes et de l'Angleterre. - Tentative de débarquement. - Le voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Vendée (1808)

Combat naval des Sables d'Olonne

Les réfractaires

Ingratitude de la Restauration vis à vis des Vendéens. - Leur attachement quand même

Soulèvement du 15 Mai 1815

Débarquement de la Rochejaquelein à Saint-Gilles-sur-Vie (16 Mai 1815)

Combat de L'Aiguillon-sur-Vie (18 Mai 1815)

Louis de la Rochejaquelein nommé généralissime à Palluau (19 Mai 1815). - Combat d'Aizenay (20 Mai 1815). - Echec des Vendéens

Rôle pacificateur du curé Bruneteau

Mésintelligence entre les chefs

Combat des Mathes. - Mort de Louis de la Rochejaquelein (4 Juin 1815)

Combats sur la rive droite de la Loire. - Sapinaud généralissime. - Affaire de Vieillevigne (19 Juin)

Combat de Rocheservière. - Mort de Suzannet (21 Juin 1815). - Capitulation de Thouars (21 Juin). - Paix de la Tessoualle (24 Juin 1815)

Noble attitude des Bretons et des Vendéens en face de l'étranger

 

 

DÉPART DU GÉNÉRAL TRAVOT
ROLE DE CERTAINS ROYALISTES ET DE L'ANGLETERRE
TENTATIVE DE DÉBARQUEMENT
LE VOYAGE DE L'EMPEREUR ET DE L'IMPÉRATRICE EN VENDÉE (1808)

 

Le Concordat, signé le 15 juillet 1801, adopté par le Corps législatif le 8 avril 1802, et promulgué solennellement le 18 avril, jour de Pâques, un mois à peine après la paix d'Amiens, avait ramené le calme au sein de l'Eglise de France. - En Vendée, où la question religieuse surtout avait été en grande partie cause des douloureux événements que nous avons narrés, une ère de paix semblait s'ouvrir, et ce pays paraissait complètement pacifié lorsque Travot en fut retiré. Cependant, au moment de son départ des Sables, le 22 octobre 1802, la municipalité protestait « contre son déplacement », d'autant plus inopportun, écrivait-elle au ministre de la guerre, que la loi sur la conscription militaire allait recevoir pour la première fois son exécution dans le pays, et qu'on ne pouvait révoquer en doute que la présence de ce général fut infiniment utile à son succès, vu la confiance qu'il s'était acquise par sa réputation de bravoure et de sagesse.(1)

Au mois de juillet 1803, Merlet, préfet de la Vendée, avertit le grand juge Reignier qu'il a la certitude que l'Angleterre a introduit des émissaires pour rallumer s'il était possible le feu de l'insurrection (2).

 

« Les prétextes saisis sont la levée de la conscription et celle des compagnies de gardes-côtes, qui comprend tous les hommes de 25 à 45 ans. On cherche à persuader aux habitants « qu'une fois les batteries des côtes organisées, on les embarquera pour Saint-Domingue, ou la descente en Angleterre ». Les maires de l'arrondissement des Sables ne peuvent parvenir à faire la désignation du contingent assigné à leurs communes ; à Beauvoir-sur-Mer l'autorité même des magistrats a été méconnue et des hommes malintentionnés ou égarés se sont répandus en propos séditieux... Les ultra-révolutionnaires augmentent le mal dans leurs conversations, affectent des alarmes qu'ils n'ont point, disent aux gens de la campagne qu'il est bien injuste de les enrôler ainsi, mais que Bonaparte veut la guerre et qu'il lui faut des hommes pour la soutenir : leur langage est absolument le même que celui des quelques royalistes incorrigibles distribués çà et là sur mon territoire. »

A la fin de la même année, Mercier du Rocher, constate. (3)

« Il arrive chaque jour des conscrits de la Vendée à Fontenay. Cette nouvelle levée a occasionné quelques troubles dans différents endroits du territoire de la guerre civile. Le 17 novembre on s'est soulevé à Izernay, en Anjou (près Cholet). A Aizenay, une bande armée a fait une décharge sur les officiers municipaux et un gendarme a été tué.

« A Saint-Fulgent, un gendarme a été blessé et un membre du Conseil de préfecture, monté sur le toit de sa maison pour haranguer les rebelles, a été tué d'un coup de fusil... Il y a maintenant aux Herbiers trois cents fantassins et cent chevaux ; sans ces forces la guerre recommençait dans la Vendée. Il y a eu un combat à Montigny en Anjou, où plusieurs révoltés ont été tués ; on en a pris d'autres, les uns conduits à Angers, les autres à Niort. Déjà plus de vingt communes étaient désarmées par ces jeunes gens. On a décidé de réunir les conscrits de Montaigu à Fontenay ; ceux des Sables viennent d'arriver. Ceux qui ne veulent pas marcher se font remplacer. Le prix des remplaçants est communément de 1.000 à 1.200 francs : il y en a d'une superbe tournure qui se sont vendus au poids, comme des animaux, à 24 francs la livre !... »

 

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Au printemps de 1804, les symptômes d'agitation se multiplient et deviennent d'autant plus inquiétants que les vaisseaux britanniques reparaissent sur les côtes (4). Quelques forces sont envoyées en Vendée, et le général Paulet (5), qui a succédé à Travot, est remplacé par un disgrâcié de l'armée d'Italie, un opposant du Consulat à vie, le général Malet (6). Tandis que l'autorité militaire veillait sur les Anglais, la police recherchait les agitateurs. La découverte, au mois d'août 1804, par le sous-préfet de Montaigu, d'un dépôt de plomb, que cachait le desservant de la Guyonnière, Jagueneau, la mit sur leurs traces. Mais les explications de ce prêtre la déroutèrent quelque temps. Elle se saisit successivement en divers lieux, entre Nantes, La Rochelle et Bordeaux, du chouan soumis Turpault, devenu lieutenant des douanes, de Gogué et de Bertrand Saint-Hubert, anciens officiers vendéens ; de Daniel Danyault du Pérat, autrefois attaché à l'état-major de Lescure et de Sapinaud, qui exerçait un faux commerce de liqueurs, comme Gogué celui des plombs. Elle sut tirer de ces deux derniers, surtout de Danyault, la révélation du complot, dont la tête était à Bordeaux. Dans cette ville s'était reconstitué un « Institut philanthropique des fils légitimes (7) ». Il avait pour principaux membres les deux frères La Rochejaquelein, voyageant sans cesse entre leur château de la Gironde et leurs propriétés des Deux-Sèvres et de Vendée ; les inséparables Forestier et Céris, qui, de retour à Londres, s'y étaient fait délivrer des brevets de lieutenants-généraux et étaient rentrés en France les poches bourrées de lettres de change, fournies par le Trésor anglais. Un fonds de 12 millions avait été fait pour leur agence de Bordeaux, qui devait être subventionnée de 1.500.000 francs par mois.

En attendant l'heure du « grand coup », - la concentration aux Sables-d'Olonne pour soutenir le débarquement du comte d'Artois avec Dumouriez, d'Autichamps, et Suzannet, - ils menaient joyeuse vie, le chevalier de Céris entretenant richement une demoiselle « Élise » ; « l'Achille vendéen », s'intitulant marquis de Forestier, « en liaison réglée avec une grande darne espagnole, sœur du duc d'Alcantara ». Ils n'en conspiraient pas moins assez activement, groupaient les anciens chefs vendéens (8) et en découvraient de nouveaux aussi importants qu'Elie Papin, naguère officier des plus distingués aux armées des Pyrénées, ami des généraux Moncey, Lannes et Augereau, dont la protection lui valut une première mise en liberté et, à la veille d'une seconde arrestation, les moyens de gagner l'Amérique (9). Quant à Forestier, il sut se soustraire à toutes les recherches et repasser à Londres, où il mourut le 14 septembre 1806. Céris (10) et un autre, l'ancien aide-de-camp de Charette, Du Chesnier du Chesne, échappèrent également au jugement de la Commission militaire, formée à Nantes par décret du 18 septembre 1805, et qui le 14 décembre, les avait condamnés tous les quatre par contumace. Comme Napoléon exigeait au moins un exemple, Gogué, malgré ses révélations, fut exécuté. Danyault du Pérat, l'abbé Jagueneau, Bertrand-Saint-Hubert et quelques autres, condamnés à une détention limitée, furent gardés comme prisonnier d'Etat leur peine expirée, ou repris comme conspirant de nouveau (11).

Quant aux La Rochejaquelein, contre lesquels Napoléon avait eu un moment l'idée de « faire l'exemple », le marquis Louis, l'époux de la veuve Lescure, disparut à l'étranger ; le comte Auguste, empêcha la confiscation des biens de sa famille en quittant la marine anglaise pour accepter (12) une sous-lieutenance dans un régiment de carabiniers de la Grande Armée. L'Empereur déploya toujours une clémence systématique à l'égard des nobles royalistes, dont il aimait à peupler sa cour et ses états-majors, et ce dut être pour lui une joie que de rallier ainsi à sa couronne le nom resté le plus populaire parmi les survivants de la « Grand'Guerre » vendéenne .

Nous avons trouvé dans la collection B. Fillon, une lettre très curieuse, émanant de la Police générale et concernant Auguste de la Rochejaquelein. - Nous croyons devoir la reproduire sans commentaires :

 

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POLICE GÉNÉRALE   Paris, le 31 octobre 1809.

1er ARRONDISSEMENT   4.806

(No 6.550 A)


« Je vous préviens, Monsieur, que Son Excellence le Sénateur, ministre de la police générale, par décision du 28 octobre, autorise en ce qui le concerne, le sieur de La Rochejaquelein, sous-lieutenant de cavalerie, à aller passer quinze jours dans le sein de sa famille à Saint-Aubin, avant de partir pour l'armée et ainsi qu'il y était déjà autorisé par S. E. le Ministre de la Guerre. Il va en conséquence lui être délivré par Monsieur le Conseiller d'Etat, Préfet de police, un passeport pour cette destination.
Je vous invite à faire veiller, autant qu'il sera convenable, à ce que le sieur de La Rochejaquelein suive sa destination, au terme qui lui a été indiquée. Recevez l'assurance de mes sentiments respectueux. »

 

Pour absence de M. le comte Réal,

le Conseiller d'Etat, comte de l'Empire, chargé du 2e arrondissement,

PELÉE.

 

Monsieur le Préfet des Deux-Sèvres.

 

 

Et en marge, on lit cette annotation : « Le 3 novembre, écrit au Sous-Préfet de Bressuire. - Surveillance à exercer à l'égard. du sieur La Rochejaquelein (13). »

Dès l'origine de l'organisation des départements, avait été sentie la nécessité de placer le chef-lieu de la Vendée ailleurs qu'à Fontenay, trop éloigné du centre, et, depuis Durnouriez jusqu'à Canclaux et Hoche, tous les généraux avaient compris l'importance de la position de La Roche-sur-Yon. Ce bourg comptait à peine 434 habitants, quand le 25 mai 1804, un décret impérial ordonna d'y bâtir une ville de 12 à 15.000 âmes, où devaient s'installer les autorités départementales le 10 août et à laquelle fut donné, le 28, le nom de Napoléon. Le préfet fut obligé de s'y rendre avant l'édification de la préfecture et de se loger dans le château à demi ruiné de la Brossardière, installant ses bureaux dans des baraques provisoires (14).

Il y fut formé en 1807, le 1er anvier, un camp volant, au commandement duquel fut appelé Travot. Eu 1808, revenant de la frontière d'Espagne, Napoléon traversa la Vendée avec l'impératrice Joséphine. Il y entra par Fontenay, le dimanche 7 août, à neuf heures du soir et fut acclamé pendant tout son voyage, par une population enthousiaste (15). Douze années de calme et de soumission avaient singulièrement affaibli, dans beaucoup de communes de la Vendée, cet enthousiasme de 1793, qui seul fait les guerres civiles. C'est l'année suivante qu'eut lieu, dans la rade des Sables-d'Olonne, un glorieux fait d'armes que nous ne pouvons passer sous silence.

 

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(1) Archives administratives de la guerre, dossier de Travot. - Le 28, le Conseil de la commune des Sables adressait â Travot une délibération, témoignant de sa reconnaissance pour les services importants rendus par lui au pays. Correspondance municipale, registre II, n- 756. (Chassin. La Pacification de l'Ouest, Tome II, page 742).

(2) Archives nationales, F 7, 36973.

(3) En son Journal personnel manuscrit, primaire an XII, 4e cahier.

(4) Le 28 avril 1806, les Anglais tentèrent encore vainement de descendre sur les côtes de la Tranche et de l'Aiguillon. Ils tentèrent aussi, mais sans plus de succès, de brûler la vigne de la Faute, sauvée par les préposés. Ils se contentèrent de piller la maison d'un nommé Chauveau et d'emporter de chez lui tout ce qu'ils purent trouver de comestibles. (Louis Brochet, Descente des Anglais sur les côtes de la Vendée 1806. Documents inédits).

(5) Inspecteur des côtes de Marans à Bourgneuf, en l'an XII, commandant le département de la. Vendée, du 1er février 1804 au 1er août 1805, date de sa mort aux Sables-d'Olonne.

(6) Commanda la Vendée en 1804 et fut fusillé le 29 octobre 1812, pour avoir ourdi un complot contre l'Empereur.

(7) Association politique, dont les membres tiraient leur nom du serment qu'ils prêtaient « d'être fidèles à leur roi légitime. »

(8) Notamment Danyauld du Pérat, Du Chesnier du Chêne, Bertrand de Saint-Hubert, de Valois, de Joannis, de Kémar, de Bruc le jeune, de Chantereau, de Béjarry Amédée, Joussemet, Jangaret, Nicolas Caillaud, Guérin, le frère de Guérin tué au combat de Saint-Cyr-en-Talmondais, etc.

(9) De très curieux détails sur « l'Agence Anglaise de Bordeaux » ont été tirés de la série F, des Archives nationales, par M. Ernest Daudet, pp. 141-163 de la Police et les Chouans sous le Consulat et l'Empire.

(10) Né à La Guadeloupe, le 17 avril 1773, vint en Vendée en 1793 et s'y lia avec Forestier.

(11) Notamment Danyauld du Pérat, qui s'était attribué la succession de Forestier, avec son grade de lieutenant-colonel, en 1806, et resta en prison jusqu'en 1814. Malgré ses révélations, peut-être inconnues alors, il obtint de la Restauration la croix de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, la présidence de la cour prévotale de Niort, et ensuite le commandement du département de la Vendée, comme général de brigade en activité.

(12) Il accepta, contraint et forcé. Voir dans Profils Vendéens, page 219. (Complété par la lettre que je possède).

(13) La même année (décembre 1809) la police impériale empêchait la circulation d'un ouvrage intitulé : Réfutation des calomnies publiées contre le général Charette, commandant en chef les armées catholiques et royales dans la Vendée. (Collection Fillon).

(14) D'après M. Eugène-Louis, Quelques pages de l'histoire de La Roche-surYon, extraites de la Revue du Bas-Poitou, 31° p., in-8°, 1897. - Chassin, La Pacification de l'Ouest, pages 742-746.

(15) En 1807-1808, la police impériale se montra néanmoins très inquiète de l'agitation répandue dans l'Ouest « depuis que Napoléon était engagé dans les affaires d'Espagne ». Dans les communes de Maillé et de Vix notamment, plusieurs conscrits réfractaires se cachèrent dans les roselières.

 

 

COMBAT NAVAL DES SABLES-D'OLONNE

 

Le 23 février 1809, la rade des Sables fut le théâtre d'un glorieux combat maritime, soutenu par les trois frégates françaises : la Calypso, capitaine Jacob; la Cybèle, capitaine Cocault, et l'Italienne, capitaine Jurien, contre cinq vaisseaux de ligne anglais.

La division française venant de Lorient avait rencontré en mer la division anglaise.

Pour ne point se laisser envelopper, le commandant Jurien gagna la rade des Sables et s'adossa à la plage ; les préparatifs de combat furent faits avec diligence (1).

« A neuf heures et demie, les vaisseaux anglais arrivèrent. A neuf heures trois quarts, le vaisseau de 80 (la Défiance) mouilla par le bossoir de tribord du capitaine Jurien, à demi-portée de pistolet, et les autres bâtiments se tinrent sous voiles à petites portées de fusil. Le commandant Jurien fit commencer le feu par sa frégate. Le combat alors éclata sur toute la ligne et devint terrible. On se foudroya de part et d'autre avec un acharnement que la colère de nos matelots d'un côté, la confiance des Anglais de l'autre, rendaient encore plus furieux. Sur toute la rade s'élevaient d'immenses tourbillons d'une fumée noire, que sillonnaient de leurs éclats redoutables des explosions formidables.

Toute la ville émue contemplait cet effrayant et glorieux spectacle. Pendant les trois heures que dura la lutte inégale, soutenue si héroïquement par nos trois frégates, elles n'eurent pas cent hommes mis hors de combat, tandis que le vaisseau ennemi le plus près d'elle fut horriblement maltraité. A la fin, ne pouvant plus résister au feu meurtrier des Français, le commandant anglais se décida à couper son câble pour prendre le large; mais pendant cette évolution, son vaisseau tout à coup échoua, et présentant sa poupe à la division française, il essuya pendant plus d'un quart d'heure le feu des frégates. Les cris de : Vive l'Empereur ! poussés par les équipages français, annoncèrent que ce vaisseau allait succomber quand soudain, par un bonheur inconcevable, il parvint à s'éloigner.

Toute sa poupe ne faisait qu'une embrasure. A midi un quart le combat avait cessé et les navires ennemis avaient abandonné le champ de bataille. Leur retraite était une fuite ! On a appris depuis que le vaisseau. du commodore avait eu 250 hommes hors de combat et que les deux autres vaisseaux avaient été aussi maltraités. »

Le lendemain, le commandant Jurien-Lagravière écrivait au ministre de la marine. « Il est impossible de voir des frégates combattre avec tant de constance des forces si supérieures ! »

Le 24 février, la Cybèle et la Calypso rentrèrent dans le port; le commandant Jurien reçut les acclamations enthousiastes de toute la population.

En résumé, les chefs royalistes, comprimés par la puissance de Bonaparte, se bornèrent à former des associations secrètes correspondant entre elles et dirigées par un Comité général.

 

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(1) Nous détachons la description que fait de ce combat le Guide des Baigneurs et des Touristes aux Sables-d'Olonne.

 

LES RÉFRACTAIRES

 

Toutefois la conscription y entretenait toujours un germe de mécontentement, et en 1813 et 1814, après les revers de la Grande Armée, on résista avec plus d'audace (1). Les conscrits refusèrent de se soumettre à la loi et se défendirent même. les armes à la main, mais deux mille gendarmes répartis dans les divers chefs-lieux suffirent pour réprimer ces mouvements partiels, qui n'avaient d'autre cause et d'autre motif que la conscription.

Ce fut alors que Louis de La Rochejaquelein, impatient de marcher sur les traces de son frère et autorisé par le roi, projeta de soulever de nouveau le Poitou, parcourut l'Anjou et la Touraine, et visita les anciens chefs vendéens dont nous avons donné les noms dans un chapitre précédent. Prévenu par M. Lynch que la police avait donné l'ordre de l'arrêter, il alla se cacher à Bordeaux, où la protection de la municipalité le mettait à l'abri de tout danger.

Mais bientôt l'invasion de la France par l'Europe réveilla la Vendée (2). Quelques jours après l'entrée à Bordeaux du duc d'Angoulême (12 mars 1814) et de lord Wellington, on annonça que l'insurrection était prête. La Rochejaquelein avait accompli ce que Bonchamps et Lescure s'étaient constamment refusés à faire. Il avait sollicité de l'étranger des subsides et des armes pour fomenter la guerre civile dans sa patrie. Quatre-vingt mille Vendéens, après avoir fait leurs Pâques le mercredi saint 1814, devaient, le 11 avril, lever encore une fois l'étendard de la révolte ; on avait même envoyé un aviso à Jersey pour y prendre le duc de Berry, lorsque la nouvelle de l'occupation de Paris rendit tout à coup ces préparatifs inutiles (3).

 

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(1) L'incorporation du fils de d'Elbée, dans le régiment des gardes d'honneur de l'Empereur, avait exaspéré les royalistes.

(2) Si (note Mercier du Rocher, à qui nous en laissons la responsabilité) l'invasion de Paris n'eut pas eu lieu le 31 mars, tout était à feu et à sang en Vendée. Les ordres étaient donnés aux Vendéens de se porter en même temps sur les Sables, Napoléon et Fontenay, et de surprendre dans leurs lits, eux et leurs familles, les acquéreurs de biens nationaux, une grande quantité d'officiers publics, d'anciens administrateurs et d'aller à Rochefort se réunir aux Anglais pour marcher sur Paris... Les chefs étaient porteurs de commissions délivrées par le comte d'Artois et ses fils, les ducs d'Angoulême et de Berry. De La Rochejaquelein était lieutenant en chef ; les autres étaient Du Chaffault, les deux jeunes Landreau des Herbiers, Carcouet, fils d'un président de la Chambre des comptes de Nantes, Voyneau, demeurant au Bourg-sous-la-Roche, Allard, ancien adjudant de Charette, fermier à Brebaudet... (En son journal personnel manuscrit, 5e cahier, Chassin, La Pacification, T. III, page 753.)

(3) A Montaigu, il y eut pourtant des troubles. Des insurgés s'emparèrent de la petite ville et y auraient sans nul doute commis des actes profondément regrettables, sans l'intervention du digne curé, M. de Buor.

 

INGRATITUDE DE LA RESTAURATION VIS-A-VIS DES VENDÉENS
LEUR ATTACHEMENT QUAND MÊME

 

La Restauration ne répara pas, on le sait, les malheurs de la Vendée. De glorieux sacrifices restèrent sans récompense, malgré les promesses faites au mois de juillet 1814, par le duc d'Angoulême lors de son voyage en Vendée, où il visita notamment La Roche-sur-Yon, Mortagne, Les Herbiers, La Ferrière, les Quatre-Chemins, Luçon ; et les paysans vendéens purent à peine s'apercevoir du triomphe de cette cause qu'ils avaient honorée de leur héroïque dévouement, et en l'honneur de laquelle ils venaient d'entonner à nouveau ce chant vendéen du temps passé :

 

« Nous, porteurs de l'écharpe blanche,

Jamais le sort ne nous abat ;

En attendant chez nous notre revanche

on boit chez nous, comme on se bat.

 

Pas un verre qui reste vide

Et pas un cœur qui reste froid,

Cavalier, buveur intrépide,

Vendéen, debout, à la santé du Roi ! »

 

Cependant lorsque revinrent les jours de l'infortune, le sang français ne coula qu'en un seul endroit pour la défense du trône des Bourbons, et ce fut encore dans la Vendée, surtout dans la Vendée du Bocage, car l'indifférence de Louis XVIII et des siens pour ceux qui s'étaient montrés si fidèles à la royauté acheva de détacher d'elle les habitants du Marais méridional.

L'empire avec ses gloires, ses triomphes, ses abus même d'autorité, convenait aux maraîchins du midi de la Vendée. Issus d'aventuriers, ils aimaient cet aventurier génial qui s'appela Napoléon, comme leurs aïeux avaient aimé Charette chef de bande.

Pendant les Cent jours ils restèrent en grand nombre sourds à l'appel du second La Rochejaquelein (1), tandis que les habitants du Bocage s'étaient levés comme un seul homme, prêts tout tenter pour sauver la monarchie. Dès que la rentrée Bonaparte à Paris (20 mars 1815) est connue, Constant Suzannet, aidé des neveux de Charette, et puissamment secondé par le clergé des campagnes, tâche de reconstituer l'armée du pays de Retz et du Bas-Poitou, le vieux Sapinaud celle du Centre, d'Autichamps celle d'Anjou, et Auguste de La Rochjaquelein une nouvelle armée du Haut-Poitou. Dès le 10 avril des bandes parcourent les environs de Bressuire, faisant coup de feu avec la gendarmerie, maltraitant les acquéreur rançonnant et désarmant les habitants qui refusent de se joindre à eux. D'autres rassemblements se forment à Beaupréau, aux Herbiers, quatre cents paysans armés de bâtons ferré assaillent un détachement d'infanterie (2).

 

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(1) Pendant tout le mois d'avril on tint des conférences au château de Saint-André de Baubigné, en présence du comte Auguste de La Rochejaquelein et de ses deux sœurs, Mlles Louise et Lucile. (Henri Houssaye, 1815, page 562).

(2) Henry Houssaye, 1815, page 563.


SOULÈVEMENT DU 15 MAI 1815

 

Le 11 mai 1815, d'Autichamps et de Suzannet, à la suite d'une conférence tenue à la Chapelle-Basse-Mer, près de Nantes ordonnent un soulèvement général pour le 15 (1). A Fontenay on s'inquiète, le maire demande des armes : il reçoit la peu rassurante lettre suivante :

 

12e DIVISION  MILITAIRE

AU QUARTIER GÉNÉRAL A NAPOLÉON

le 15 Mai 1815Le Maréchal de camp, Baron Callier de Saint Apollin, Commandant de la Légion d'Honneur, commandant le Département de la Vendée.

Monsieur le Maire de la Ville de Fontenay,

 

Pour répondre à votre lettre du 13 courant, il me serait très agréable d'avoir les moyens de mettre des armes à votre disposition, elles ne pourraient être mieux placées ; mais dans ce moment il y a une impossibilité absolue de vous en envoyer, puisque nous n'en pouvons donner à notre garde nationale qui elle même en aurait besoin.

Néanmoins, s'il m'en arrivait, de quelque côté qu'elles me vinssent, j'aurai grand plaisir à vous donner avis.

Je vous prie d'agréer les sentiments de ma parfaite considération.

CALLIER (2)

 

Aux anciens chefs dont nous avons déjà donné les noms, se joignent Ludovic de Charette, de Vaugiraud, de Mesnard, Robert de Chataigners, etc., et comme en 1793 le tocsin sonne dans toutes les paroisses. Le surlendemain Suzannet avait cinq mille hommes à Légé, d'Autichamps cinq mille à Jallais, Auguste de La Rochejaquelein deux mille aux Aubiers, et Sapinaud quatre mille aux Herbiers. Déjà quinze cents habitants du Marais de Challans et du pays de Retz s'étaient levés à l'appel de Robert et du jeune Charette (3).

 

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(1) Des soulèvements partiels avaient eu lieu à Pouzauges le 3 mai, Epesses le 6 et le 15 à Chantonnay. - Montaigu était également tombé aux mains des royalistes, commandés par de Marans : tous les matins les patriotes étaient obligés d'aller signer un registre de présence.

(2) Original collection Fillon, - communiqué par Mme Charier-Fillon.

(3) Henri Houssaye, 1815, page 566.

 

DÉBARQUEMENT DE LA ROCHEJAQUELEIN A SAINT-GILLES-SUR-VIE (16 Mai 1815)

 

Le 16 mai, Louis de La Rochejaquelein, qui n'avait point rougi d'appeler l'Angleterre à son aide (1), débarque sur la côte de Saint-Gilles (Sion), secondé par les paysans du Marais, qui ont dispersé un corps de deux cents douaniers et gendarmes et repoussé une colonne mobile. L'ombre du pauvre la Rouërie dut lui apparaître vengeresse et menaçante, lorsqu'il fit toucher à un port vendéen l'Astrée, amenant pour la guerre civile deux mille fusils et des munitions (2).

Le 16 mai, deux frégates anglaises ont fait un débarquement vers Croix-deVie. Mais le 17, Travot, après avoir battu les révoltés à l'Aiguillon, à Givrand, leur a enlevé 6.000 fusils et 40 milliers de poudre. Il ne leur a pas tout pris, puisqu'il lui a fallu encore les battre les 18 et 19 à Aizenay.

 

Saint-Gilles-sur-Vie
D'après un cliché communiqué par M. Henri Renaud

 

Le 17 ils étaient 5.000 aux Echaubroignes et ils ont pris 54 tirailleurs coupés de leur corps. Ils les ont conduits aux Quatre-Chemins et en ont fusillé 26, tous vieux soldats, que Joubert du Landreau a couverts d'outrages en leur arrachant même leurs moustaches. Ils ont renvoyé les 28 autres presque nus. La 26e demi-brigade, dont étaient ces braves, les a joints à Mallièvre et en a tué un grand nombre.

On dit que le général Travot a fait cesser les massacres de l'Aiguillon, a tué 600 révoltés et a trouvé 6.000 francs dans un caisson. De Napoléon, le 21, il a lancé une proclamation aux habitations de la Vendée.

Le 25, le général Delaage, baron de Saint-Cyr, annonce, par un imprimé, que 25.000 hommes arrivent contre les Vendéens.

Le 26, 17 chariots de munitions pris aux rebelles ont été conduits à Nantes par Travot, qui a laissé une partie de ses troupes à Machecoul... On a porté au général, à Nantes, une lettre de La Rochejaquelein lui commandant de mettre bas les armes. Il a demandé au courrier s'il connaissait le contenu de la lettre ; sur sa réponse négative, il s'est écrié : « Tant mieux ! car je vous aurais fait fusiller sur l'heure ! »

Il est rejoint aussitôt à Soullans par son cousin de Suzannet qui lui amène quatre mille hommes ; par Sapinaud qui en conduisait trois mille, et par son frère Auguste de La Rochejaquelein, qui aux Echaubrognes venait de battre le 26e régiment de ligne. - Bressuire était pris, Ancenis, Les Sables-d'Olonne et Napoléon-Vendée étaient menacés. Aux quatre ou cinq mille Angevins et Bretons en armes sur la rive droite de la Loire et aux dix-sept ou dix-huit mille insurgés de la Vendée, « le général Delaborde peut opposer tout au plus quatre mille hommes de troupes de ligne, la gendarmerie départementale et avec les douaniers et forestiers, les gardes nationaux fédérés « qui n'existent encore que sur le papier » et deux ou trois cents volontaires organisés par Travot, sous le nom de chasseurs de la Vendée (3). »

Pendant ce temps la flotte anglaise, commandée par sir Henry Hotham, louvoyait en vue des côtes, et les appels désespérés des généraux bonapartistes Delaborde, Charpentier, Bigarré, Noireau, Dufresse et Travot s'exagérant le péril, commençaient à émouvoir l'Empereur, qui le 15 mai encore disait: « Toutes les troupes sont nécessaires aux frontières, et une victoire dans le Nord fera plus pour le calme intérieur, que des régiments laissés dans l'Ouest (4) ». « Il prend les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour réduire l'insurrection. Il décide la formation d'une armée de la Loire, que commandera le général Lamarque, « avec de jeunes généraux sous ses ordres » en remplacement du général Delaborde « qui est trop mou » ; 800 gendarmes à cheval, 2.000 gendarmes à pied, 2 régiments de la jeune garde, 25 bataillons de ligne, 8 escadrons de cavalerie, 3 batteries seront envoyées dans l'Ouest ; la jeune garde et les gendarmes partiront en poste. En attendant l'arrivée de Lamarque, Corbineau, dépêché à Angers, secondera le général Delaborde. On exilera de la Vendée, et on placera en surveillance en Bourgogne tous les hommes réputés dangereux. Tous les ex-nobles qui se trouveront dans le pays sans y être domiciliés devront le quitter sous quinze jours, à peine d'être traités comme fauteurs de guerre civile. La tête de La Rochejaquelein et des autres chefs de l'insurrection sera mise à prix, et leurs maisons seront rasées : on prendra des otages dans leur famille. Une Commission militaire sera instituée pour juger les individus arrêtés les armes à la main (5) ».

 

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(1) Il s'était rendu de Gand à Londres, muni de lettres de Jaumont, etc. Voir H. Houssaye. 

(2) Nous donnons ci-après, mais simplement à titre de document, un extrait du journal manuscrit de Mercier du Rocher, 5e cahier. Chassin, La Pacification, T. III, page 68.

(3) Henri Houssaye, 1815, page 567. - Delaborde à Davout (2 mai). Corresp. Arch. Guerre.

(4) V. page 568. Napoléon, Correspondances.

(5) Henry Houssaye, page 569. - Napoléon à Fouché, 17 et 20 mai 1815, à Corbineau, 21 mai, à Davout, 20-22-23 et 25 mai. Correspondances, Archives de la Guerre.

 

COMBAT DE L'AIGUILLON-SUR-VIE (18 Mai 1815)

 

Avant l'arrivée de Sapinaud et de Auguste de La Rochejaquelein, Suzannet avait formé un convoi composé d'un grand nombre de charrettes pleines d'armes et de munitions qui leur étaient destinées, et en avait donné le commandement à Desahbayes, pendant que d'Autichamps protégeait à Coëx le passage du Jaunay. A peine arrivé le 18 mai en vue du prieuré de Saint-Grégoire, près l'Aiguillon-sur-Vie, en un lieu appelé Salmon, Desabbayes est attaqué par le général Travot, accouru de la Chaize-Giraud pour intercepter le convoi.

C'était la première fois cependant que les jeunes soldats rebelles se mesuraient avec des troupes régulières. Assaillis par des forces deux fois supérieures aux leurs, il se défendirent avec une audace et un courage surhumains. - Seize fois le porte-drapeau des royalistes est tué, et seize fois il est remplacé, sans qu'une mort certaine fasse hésiter un seul instant les hommes. Travot est repoussé, et Desabbayes se replie en bon ordre sur le Bocage, sans avoir perdu une seule de ses charrettes (1).

 

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(1) Mercier du Rocher, lui, prétend que le 17, Travot battit les insurgés à l'Aiguillon-sur-Vie et à Givrand, et qu'il leur enleva 6.000 fusils et 40 milliers de poudre. - Son récit est sur bien des points en désaccord avec l'extrait précis du général Suzannet et les historiens de la Vendée militaire. - Henry Houssaye, pourtant, partage l'opinion de Mercier du Rocher (1815, page 571).

 

LOUIS DE LA ROCHEJAQUELEIN NOMMÉ GÉNÉRALISSIME A PALLUAU (19 Mai 1815) COMBAT D'AIZENAY (20 Mai 1815)
ÉCHEC DES VENDÉENS

 

Le lendemain, 19 mai, Louis de La Rochejaquelein, de Suzannet et Sapinaud se trouvèrent réunis à Palluau où ils tinrent un Conseil. Le premier fut nommé à l'unanimité généralissime de toute la Vendée et prit aussitôt le commandement suprême.

L'année royaliste, forte de 7 à 8.000 hommes, se trouvait le 20 mai à Aizenay, où le général en chef l'avait rassemblée pour, aller attaquer Napoléon-Vendée. Travot, qui savait par expérience combien peu les Vendéens aimaient les combats de nuit, tout en se gardant avec une extrême négligence, résolut, malgré sa très grande infériorité numérique (il n'avait qu'un millier d'hommes) de les surprendre au milieu des ténèbres, bien décidé à prendre sa revanche du 18.

S'avançant à petit bruit sur le bourg d'Aizenay, il fond tout à coup sur eux, vers les onze heures du soir, guidé par un de ses officiers né dans le pays, et les disperse presque sans résistance. On eut dit que ces soldats invincibles à la clarté du jour, perdaient leur courage et leur audace dans l'obscurité de la nuit.

Dans ce combat périt Guerry de Beauregard, beau-frère de La Rochejaquelein. Ludovic de Charette, blessé grièvement, resta longtemps couché sur le champ de bataille, animant les siens du geste et de la voix, puis enfin emporté malgré lui par les paysans à la Forestrie, près Touvois. Il y mourut le 31 mai, à peine âgé de vingt-sept ans. C'était le quatrième du nom de Charette tombé en héros sur le champ de bataille (1).

 

(1) Voir dans la Revue du Bas-Poitou, XIIIe année, pages 351-363, un intéressant article sur le combat d'Aizenay.

 

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ROLE PACIFICATEUR DU CURÉ BRUNETEAU

 

Dans le marais de Challans, de La Rochejaquelein était loin de rencontrer l'enthousiasme sur lequel il avait assez légèrement compté. Les hommes sages qui se rappelaient les cruelles et douloureuses leçons du passé, n'encourageaient pas les jeunes gens à la résistance. Et dans l'abbé Bruneteau (1) curé de Saint-Jean-de-Monts, ils avaient un auxiliaire éloquent, tout puissant sur la jeunesse masculine du pays. Ce saint homme prêchait la soumission, et faisait un tableau saisissant des malheurs de la guerre, non seulement au prône, chaque dimanche, mais chaque jour, dans des entretiens familiers avec ses paroissiens.

C'est lui encore qui, lors de l'échauffourée de 1832, détourna ses ouailles d'une aventure qui ne pouvait que leur être funeste. Louis-Philippe en l'apprenant, lui envoya la croix de la Légion d'honneur, que ce digne prêtre n'osa refuser, mais ne porta jamais.

 

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(1) L'abbé Bruneteau, né à Saint-Benoît-sur-Mer, le 17 mars 1775, fut nommé vicaire de Saint-Jean-de-Monts en 1805, puis curé en 1811. Il mourut le 6 janvier 1847, laissant dans toute la contrée la réputation d'un saint et d'un sage.


MÉSINTELLIGENCE ENTRE LES CHEFS

 

Le 29 mai, toutes les forces de la Vendée militaire sont convoquées à Soullans, mais le corps d'armée de Sapinaud et d'Auguste de La Rochejaquelein sont les seuls qui s'y trouvent. Suzannet, en marche pour le rejoindre, s'était arrêté à la Mothe-Foucrant avec les quatre mille hommes qu'il commandait. Au même moment d'Autichamps, qui bivouaquait à Tiffauges, acceptait en principe l'armistice que venaient lui offrir les envoyés de Fouché : de Malartic, de Flavigny de la Béraudière, et les autres chefs, hésitants, étaient restés à Falleron.

La Rochejaquelein, irrité de ce qu'il appelle la mollesse des populations, s'emporte contre tout le monde, et part pour Saint-Jean-de-Monts, d'où il envoie Robert de Chataigniers en mission à bord de la flotte anglaise ; puis sans attendre que les autres chefs l'aient rejoint, il se dirige sur Croix-de-Vie avec douze cents hommes et veut seul protéger un second débarquement des Anglais.

La vérité, c'est que les Vendéens hésitaient encore à ouvrir les portes de la France à l'étranger. Ils étaient prêts à donner leur vie pour le roi, mais ils se rappelaient le noble exemple de Bonchamps et de d'Elbée.

Le 2 juin au. matin, La Rochejaquelein surveillait à bord du vaisseau anglais le « Superbe » le débarquement des fusils, des munitions et de six pièces de campagnes, quand il reçut un arrêté de ses trois lieutenants, daté de Falleron, 31 mai. Cet arrêté portait que vu le découragement des paysans et la prochaine arrivée de renforts aux troupes impériales, ils renonçaient au mouvement concerté et « engageaient M. le marquis de La Rochejaquelein à revenir dans son pays pour y attendre que le commencement des hostilités sur les frontières permit de déployer toutes les forces de la Vendée ». A cette pièce officielle était jointe une tres longue lettre de Suzannet, où il multipliait les raisons et les excuses, et qu'il terminait en ces termes : « Sont arrivés Malartic et la Béraudière. Ils sont chargés comme tu l'as lu par leurs lettres, de faire connaître que 1e gouvernement désire traiter avec nous. Nous avons répondu que nous ne voulions traiter qu'avec tout le monde ; qu'il fallait traiter ensemble ou périr ensemble. Mais tous les officiers auraient envie d'accepter un accommodement... Adieu, mon cher Louis. Tout le monde est d'avis de faire une suspension d'armes qui n'engage à rien et qui pourrait être utile par la suite pou s'organiser et marcher (1) ».

On ne pouvait parler plus clairement. Sans doute, comme l'écrivait Suzannet, lui et les autres généraux vendéens ne voulaient traiter que d'un commun accord, mais cet accord existait entre eux. Il n'y manquait que le consentement de La Rochejaquelein. En n'exécutant pas les ordres du général en chef et en s'abstenant de le seconder, on se flattait de lui forcer la main. De là, L'arrêté de Falleron (2) »

« Indigné, La Rochejaquelein y répondit par un ordre du jour relevant de leur commandement Sapinaud, Suzannet et d'Autichamps, « pour avoir ajouté à l'infamie de la désobéissance celle de la plus noire trahison, en prêtant l'oreille à un accommodement avec le tyran dévastateur de la France (3). » Puis, bien que sa situation fut devenue très périlleuse, il résolut de rester à Croix-de-Vie jusqu'à l'achèvement du débarquement. Comme il l'avait prévu, il ne tarda pas à être attaqué. La colonne de Travot était passée au travers de l'armée royale en retraite, et le comte de Suzannet avait négligé de la combattre, ou même, assure le général vendéen Du Chaffault, s'y était refusé (4).

Le 2 juin, à trois heures de l'après-midi, l'avant-garde, commandée par le général Grosbon, prit position à Saint-Gilles et commença à. fusiller avec les paysans établis sur la rive droite du Ligneron pour protéger le débarquement.

Le lendemain, le combat des tirailleurs reprit au lever du jour. Le général Grosbon s'était posté dans le clocher de Saint-Gilles, d'où avec une longue-vue, il surveillait les mouvements des royalistes. Un paysan rebelle, Debry, de Châtillon-sur-Sèvre, le voit et parie avec son voisin qu'il va l'abattre d'un coup de sa canardière. « Tiens, gars, dit-il, tu vois bien c'te lunette là-bas, eh bien je te parie une bouteille de vin que je la f... à bas d'un coup de fusil. »

Le pari est tenu, et au même instant le coup part. L'infortuné général tombe baigné dans son sang, et promené de village en village, il expire dans le trajet de Saint-Gilles aux Sables d'Olonne, où reposent ses restes (5).

Le 4 juin au matin, on apprit que le général Estève, à la tête de quinze cents hommes venant de Riez, s'avançait sur les ordres de Travot, vers le Périer.

D'Autichamps, avec sa division, avait dû remonter vers Tiffauges, tandis que Suzanne était, ainsi que nous l'avons déjà dit, retenu à la Mothe-Foucrant. Fouché se surpassait en intrigues souterraines, et les deux généraux avaient peine à maintenir leurs soldats, plus désireux en ce moment de rentrer chez eux que de reprendre les hostilités.

 

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(1) Arrêté Falleron, 31 mai. Lettre de Suzannet, Falleron, 1er juin, cit. par Canuel, 125-132. - Henry Houssaye, 1815, pages 574-575.

(2) Suzannet (Relations, Arch. Guerre) et d'Autichamps (Campagne de 1815 dans la Vendée), nient que les ouvertures de Fouché aient eu la moindre influence sur leurs décisions. (Henry Houssaye déjà cité, page 575).

(3) Ordre du 2 juin, cité par Canuel (346-349). Relation de Suzannet (Archives Guerre, Armée de l'Ouest).

(4) Du Chaffault. - Relation des événements (11-13). Lettre de Suzannet à d'Autichamps, citée par d'Autichamps, 88-89, et Rapport de Lamarque à Davout (Nantes, 9 juin). Archives Guerre, Armée de l'Ouest. - Lamarque dit que Travot perça à Légé le centre de l'armée vendéenne. C'était une illusion de Travot. (Henry Houssaye, page 576).

(5) Une chanson encore populaire parmi les Maraîchins, célèbre ce coup d'adresse extraordinaire et les enfants la chantent encore sans paraître comprendre tout ce qu'il y a de féroce dans cette complainte, publiée par Sylvanecte, dans ses Profils Vendéens, pages 228-229.

 

COMBAT DES MATHES
MORT DE LOUIS DE LA ROCHEJAQUELEIN (4 Juin 1815)

 

La Rochejaquelein et son frère Auguste, surnommé le Balafré, avec les maraîchins commandés par Robert des Chataigners, qui la veille avait atteint Saint-Jean-de-Monts, attendirent la colonne ennemie.

Les soldats du général Estève sont trois fois repoussés et contraints de reculer jusque dans l'ancienne île de Riez, qui n'est plus qu'une plaine sablonneuse de peu d'étendue ; ils se trouvent pourtant dans une meilleure situation pour combattre : derrière eux ils ont la ferme des Mathes qui va donner son nom à cette célèbre journée, et devant eux, entre la route et la plaine, les deux La Rochejaquelein. Mais Estève feint de battre en retraite afin d'attirer l'ennemi en terrain découvert. Les paysans, électrisés, abandonnent leurs abris et se jettent en avant dans la direction de la ferme des Mathes, mais ils s'arrêtent bientôt à la vue de l'infanterie, qui ayant fait volte-face, les attendait rangés en bon ordre. Une charge à la baïonnette les balaie. Le combat est acharné, mais un officier vendéen est tué et ses hommes se replient en désordre dans le Marais. Ce mouvement entraîne les autres paysans ; c'est le commencement de la déroute.

Louis de La Rochejaquelein, pour les rallier, accomplit des prodiges de valeur. Sa taille athlétique, sa capote bleue et son chapeau à panaches de plumes blanches le font reconnaître de loin exaspéré de voir que son chef d'état-major Canuel n'a pu ramener les fuyards, fou de douleur, pour se mieux placer en face de l'ennemi, il monte sur un tertre ou bouchée de sable, d'où, comme du haut d'un piédestal, il semble attendre la mort.

L'ennemi le reconnaît : du milieu de ses rangs on entend crier : « Tirez à la capote bleue ! » et le brave de La Rochejaquelein tombe percé de vingt balles, entre les bras d'un paysan nommé Crochet (1), qui reçoit son dernier soupir.

Pendant ce temps, Auguste de La Rochejaquelein est lui-même dangereusement blessé et jeté à bas de son cheval ; des hommes l'emportent loin du champ de bataille, pendant que le gros des maraîchins, outrés de colère, repoussent le général Estève, lui tuent quatre cents hommes et le poursuivent jusqu'au pont, de la Bardonnerie.

Ce double malheur anéantit les dernières espérances des royalistes. On ensevelit à la hâte Louis de La Rochejaquelein à l'endroit même où il était tombé. Le lendemain, Melle de La Rochejaquelein, sa sœur, allait venir à son aide avec quatre mille hommes qu'elle avait, avec une énergie virile, rassemblés à grand'peine. En véritable héroïne, elle allait se mettre à la tête de ses troupes, lorsqu'elle apprit la fatale nouvelle.

Par ses soins, une pierre surmontée d'une croix fut élevée à la place où avait été déposé provisoirement, le corps du général vendéen. Melle de La Rochejaqnelein y fit graver cette inscription que l'on y voit encore :

 

Sous ce tertre fut ici

Couvert de terre

Louis de la Rochejaquelein.

 

Derrière, à quelques pas plus loin, une pierre surmontée d'une fleur de lys marque l'endroit où il fut, loin de Suzannet, de Sapinaud et d'Autichamps, blessé à mort et soutenu par le vieux Crochet, dont il convient ici de dire quelques mots.

Crochet, après la défaite, regagna son foyer : ce fut un des derniers témoins, au Marais, de ces temps troublés. Sa femme, du même âge que lui, était morte onze jours plus tôt ; ils avaient cinquante-neuf ans de mariage. Tous deux, sentant leur fin prochaine, reçurent en même temps les derniers sacrements ; mais la femme, moins robuste, devait partir la première. Ce fut pour le mourant un coup terrible, qui cependant n'abattit pas son courage. Avec une incroyable liberté d'esprit, il dicta ses dernières volontés à ceux qui l'entouraient. Il fit apporter son cercueil et ordonna qu'on mit avec lui son fusil, sa poire à poudre et ses halles. Puis il attendit la Mort, et sa vie s'exhala dans ce dernier cri :

 

Y va-t-au bon Dieu !

Vive le Roi !

 

Avec le vieux chouan s'éteignit la vieille Vendée, fidèle jusqu'à la mort (2).

Sur la colonne quadrangulaire qui surmonte la tombe du vieux vendéen et que nous avons visitée au mois d'août 1896, on lit ;

 

François Crochet, 9 décembre 1880, âgé de 85 ans.

 

Au combat des Mathes, le 4 juin 1815, il releva son général Louis de La Rochejaquelein, frappé mortellement (3).

 

Ses amis de la Vendée ont élevé ce monument à sa mémoire et à celle de ses compagnons d'armes.

« La mort de La Rochejaquelein acheva de désorganiser l'insurrection. Les gars du Marais et les paysans des environs de Bressuire, qui venaient de combattre sous les ordres immédiats du marquis, brûlaient de le venger, mais les Vendéens ne demandaient pour la plupart qu'à rentrer chez eux. Cette guerre les laissait indifférents (4), car ils ne confondaient pas avec la sanglante dictature de la Convention le gouvernement impérial, qui avait rétabli le culte catholique et qui, pendant douze ans, leur avait donné la paix intérieure. Ils s'étaient levés, entraînés par les paroles, les menaces, les promesses des nobles, les uns pour obéir à une sorte de point d'honneur, les autres dans la crainte d'être chassés des fermes, ou dans l'espoir d'une haute solde et du pillage. Or ils n'avaient reçu ni solde ni vivres ; les armes mêmes et les munitions promises manquaient ; on les fatiguait par des marches et des contre-marches inexplicables ; dans presque toutes les rencontres ils avaient été battus. Ils étaient découragés.

Les chefs ne l'étaient guère moins, bien qu'ils s'efforçassent de cacher leurs sentiments (5). »

 

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(1) Il fut tué, dit-on, suries indications du lieutenant Lupin, des gendarmes de Paris, qui le reconnut et dirigea sur lui le feu de ses hommes. Quand ils eurent vu tomber La Rochejaquelein, les gendarmes s'avancèrend, prirent les papiers qui étaient sur lui et l'enterrèrent. - Le lendemain, Canuel retrouva le cadavre d'après les indications d'un paysan, et le fit inhumer dans le cimetière du Périer, (H. Houssaye, p. 577).

(2) Profils Vendéens, par Sylvanecte, page 232.

(3) Au-dessous de cette inscription, un bas-relief représente les derniers instants de La Rochejaquelein, qui eut le temps de s'agenouiller et, de faire le signe de la croix avant de retomber la face contre terre (Henry Houssaye, 1815, page 577).

(4) Nous estimons qu'Henry Houssaye, à qui nous empruntons ces lignes, exagère un peu en disant que cette guerre laissait les Vendéens indifférents. Pour quelques-uns l'affirmation est juste, mais elle ne saurait s'étendre à la généralité.

(5) Henry Houssaye, 1815, page 378.

 

COMBATS SUR LA RIVE DROITE DE LA LOIRE
SAPINAUD GÉNÉRALISSIME
AFFAIRE DE VIEILLEVIGNE (19 Juin)

 

Les Royalistes s'entendaient mieux sur la rive droite. D'Andigné y tenait tête à Lamarque ; et à Muzilla, dans le Morbihan, Sol de Grisolles, le comte de Francheville, Joseph Cadoudal et les collégiens de Vannes rappelaient les plus beaux jours de la Grand'Guerre.

Alors piqués d'émulation, les chefs vendéens, après s'être associés par une réparation tardive au deuil glorieux des funérailles de La Rochejaquelein et avoir exprimé sincèrement leurs regrets du « malentendu » qui les avait empêchés de se porter dans le Marais, se déclarèrent prêts à continuer la guerre.

« Pour se disculper de tout soupçon d'avoir écouté les émissaires de Fouché, ils rudoyèrent l'envoyé du général Lamarque qui leur apportait l'acceptation des conditions qu'eux-mêmes avaient posées » (1). Ils nomment Sapinaud généralissime et Auguste de La Rochejaquelein major-général. C'était rapprocher le Nestor et l'Achille de l'insurrection. Mais les mêmes sentiments, les mêmes mauvais vouloirs se reproduisirent. Au fond, sauf Auguste de La Rochejaquelein, les commandants de l'armée royale voulaient attendre le résultat de la première bataille sur la frontière pour rendre leur épée ou la tirer une seconde fois du fourreau. Au fait, jusqu'au 16 juin, il y eut une sorte de trêve imposée autant par l'apathie des chefs que par la lassitude de leurs hommes (2).

Pendant ce temps Travot ne demeurait pas inactif. Le 9 juin, il enlève aux environs de Saint-Gilles des canons, des fusils et des munitions qu'une troupe de rebelles essayait de faire passer dans le Bocage. Le 19 il arrive à la Grolle, près Vieillevigne, et attaque les divisions angevines de Caqueray, de la Sorinière et du Doré. Après un combat sanglant, les impérialistes, repoussés de toutes parts, sont enfoncés et poursuivis jusqu'à Rocheservière.

Le lendemain le général bonapartiste Lamarque, attaqué par Saint-Hubert, le rejette au loin et s'avance au-devant de Suzannet, qui arrivait au secours des royalistes.

 

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(1) Lettre de Lamarque aux généraux vendéens. Nantes, 9 juin. Rapport de Larnarque à Davout. Nantes. 11 juin. (Arch. Guerre, Armée de l'Ouest). Canuel Mémoire sur la guerre de Vendée, 207-209. - Henry Houssaye, 1815, p. 579.

(2) Henry Houssaye, 1815, page 379.

 

COMBAT DE ROCHESERVIERE
MORT DE SUZANNET (21 Juin 1815)
CAPITULATION DE THOUARS (21 Juin)
PAIX DE LA TESSOUALLE (21 Juin 1815)

 

Le 21 juin, les deux partis engagent un combat décisif. Suzannet, toujours poursuivi par le souvenir de la mort de Louis de La Rochejaquelein, s'élance bravement au plus fort de la mêlée, comme un homme qui cherche la mort. Au moment où il monte un second cheval pour remplacer le sien qui venait d'être tué sous lui, il est renversé d'un coup de feu et transporté à la ferme de la Haute Rivière, où il mourût (1).

 

De Suzannet

 

Lamarque, profitant du trouble que cette mort a causé parmi les royalistes, avance toujours et attaque enfin le bourg de Rocheservière. La Bretesche et Lhuillier défendent avec énergie le pont de la Boulogne, et bientôt d'Autichamps arrive de Vieillevigne avec son corps d'armée pour les soutenir. Le combat devient plus acharné à la tête du pont. Là périssent Dureau, de Cambourg, Poirier du Lavoir, de Villiers ; et L'Huillier est frappé d'une balle ; mais les Vendéens ne reculent pas ; et Lamarque était sur le point d'abandonner l'entreprise lorsque l'idée lui vint de faire passer la rivière par deux de ses colonnes, de chaque côté de Rocheservière. Malheureusement pour les Vendéens, les gués n'étaient pas gardés et son plan lui réussit. Les royalistes tournés, battent en retraite, protégés par la division de La Bretesche et de L'Huillier, et se retirent du côté de Clisson.

Le jour même de ce combat, Auguste de La Rochejaquelein, qui n'avait pas été prévenu à temps pour s'y trouver, occupait par capitulation la ville de Thouars ; mais cerné pendant la nuit par le général Delaage avec plus de 5.000 hommes, il fut obligé de se faire jour, l'épée à la main, à la tête des paroisses de Trémentines et de Courlay, et de rentrer dans le Bocage malgré lui la paix était signée à la Tessoualle, près de Cholet, le 24 juin 1815.

Le lendemain de la prise de la Tessoualle, la Vendée apprenait le désastre de Waterloo et la nouvelle chute de Napoléon. Elle avait désespéré vingt-quatre heures trop tôt ! Mais la Bretagne était toujours en armes et mieux organisée que jamais...

Les Chouans eussent détrôné l'Empereur si l'Europe leur en eut donné le temps. A Auray, le jour même de la bataille de Rocheserviére, Sol de Grisolles, Francheville, LeThies, etc., avaient si rudement mené le général Bigarré, qu'on leur avait proposé de dicter les conditions de la paix. Leur cri unanime fut : « Le roi ou la mort ! »

Quinze jours après, Fouché avait trahi Napoléon, et Louis XVIII rentrait à Paris... avec les étrangers !

 

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(1) Il fut enterré provisoirement dans un petit bois, voisin de la ferme où il avait été transporté mourant. Ses restes reposent maintenant sous un mausolée, élevé dans l'église de Moisdon par les soins de ses compagnons d'armes. - Son oraison funèbre fut prononcé par M. le curé de Saint-Pierre de Nantes.

 

NOBLE ATTITUDE DES BRETONS ET DES VENDÉENS EN FACE DE L'ÉTRANGER

 

Loin d'appeler l'invasion en France, les Bretons et la plupart des chefs Vendéens (c'est là leur dernière gloire), l'avaient repoussée de toutes leurs forces. Ils voulaient bien combattre jusqu'à la mort pour le soutien de la monarchie, mais il auraient rougi de se prêter au démembrement de la France. Pontbriand avait dit aux Prussiens au nom des Bretons : « Vous n'irez pas plus loin ou vous nous passerez sur le corps ! » Au nom des Vendéens, du Boberil, aide-de-camp de d'Andigné, provoqua et tua en duel un officier de Blücher, pendant que les chef royalistes faisaient proposer aux débris de l'armée de Bonaparte, retirés sur les bords de la Loire, de se joindre à eux dans le cas où les alliés voudraient se partager nos provinces. Cette offre fut acceptée comme elle devait l'être par le maréchal Davoust, et il fallut contenir toute la Bretagne et toute la Vendée pour les empêcher de se jeter en masse sur les troupes étrangères.

On sait l'attitude impolitique et ingrate de la Restauration envers les Bretons et les Vendéens. Nous la résumerons par deux faits qui disent tout. La veuve de Robespierre reçut un pension de six mille livres et les enfants de Cathelineau resterent dans l'indigence !

Faut-il s'étonner, après cela, que la Bretagne et la Vendée, aient laissé s'accomplir la Révolution de juillet 1830 ?

Mais n'anticipons pas sur les événements et faisons seulement remarquer ici, par la pubhcation du document ci-aprés que même battu et enchaîné par la perfide Albion, Napoléon était toujours demeuré un épouvantail pour les royalistes.

 

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NOMINATION DE BOSCAL DE MORNAC COMME GÉNÉRAL EN CHEF PROVISOIRE DE L'ARMÉE VENDÉENNE

 

Aujourd'hui 3 juillet 1815, MM. les chefs de division du troisième corps d'armée, assemblés à la maison de Richebourg, paroisse de Remouillé, d'après la circulaire de M. le chef d'état-major général du dit corps, en date du 1er juillet 1815, sous la présidence de M. de Bruc de Livernière, général de division, pour procéder à la nomination d'un général en chef provisoire remplaçant M. le comte de Suzannet, mort par suite de blessures reçues à l'affaire de Rocheservière ; considérant que l'avis unanime est que le commandement en chef de l'armée soit déféré provisoirement à M. de Mornac, en sa qualité de chef de l'état-major général de la dite année, pour exercer le dit commandement de l'armée, qu'il a accepté à la condition qu'il lui sera accordé un Conseil.

MM. les chefs de division arrêtent à l'unanimité que M. de Mornac est nommé provisoirement commandant provisoire en chef de la dite armée, sous le titre de général en chef d'état-major général.

Qu'un Conseil de guerre lui est accordé, que MM. de la Vigille, sous-chef actuel de l'état-major ; Bascher, faisant fonction d'ordonnateur en chef du dit corps ; Siochan de Kersabiec composeront ce Conseil, et que M. de Mornac, en cas d'égalité dans les voix, aura une voix de plus, que dans le cas d'absence des membres du Conseil, les ordres donnés par M. de Mornac seront également exécutoires dans toutes les divisions. M. de Mornac est autorisé par le présent arrêté à nommer à toutes les places dans les divisions, conformément à l'usage établi.

Fait et arrêté par nous, chefs de division soussignés, les jours, mois et an que dessus.

 

Vicomte Siochan de Kersabiec, général commandant la cavalerie. 

  Le Juste.

Le Maignan.

Le ch. Morisson de la Bassetière, chef de division. 

Nicollon des Abbayes, chef de division.  

Le chev de Bruc, général de division.

H. de la Roberie.

   Auguste de Chabot..

Le colonel Bascher, Chev. de Saint-Louis

  De Goulaine, chef de division.

 De Cornulier, chef de division.

 

Nous soussignés, membres du Conseil administratif des armées de la Vendée et de la Bretagne réunies, créé par le Roi, à Gand, le 11 juin 1815, connaissant le désir de tous les officiers du troisième corps de l'armée royale de la Vendée de voir à leur tête M. le comte de Mornac (1), chef d'état-major, l'avons nommé commandant du dit troisième, et enjoignons indistinctement à tous commandants particuliers, officiers et soldats, de le reconnattre en la dite qualité, de lui obéir en tout ce qu'il leur ordonnera pour le service du Roi.

 

Fait à Nantes, le 6 août 1815.

Le Comte de Floirac, maréchal de camp.

H. DR LA ROCHE-SAINT-ANDRÉ.

 

Extrait des Echos du Bocage Vendéen, cinquième année, n° 1.

 

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(1) François-Léon Boscal de Réatls, comte de Mornac, né dans ce lieu, département de Charente-Inférieure, en 1784, et mort à La Roche-sur-Yon le 31 janvier 1858. Il avait eu de son mariage (1813) avec dame Zoé Barbeyrac de Saint-Maurice, dix-sept enfants, dont trois garçons et quatorze filles.

 

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