Le Concordat, signé le 15 juillet 1801, adopté par
le Corps législatif le 8 avril 1802, et promulgué solennellement
le 18 avril, jour de Pâques, un mois à peine après
la paix d'Amiens, avait ramené le calme au sein de l'Eglise
de France. - En Vendée, où la question religieuse surtout
avait été en grande partie cause des douloureux événements
que nous avons narrés, une ère de paix semblait s'ouvrir,
et ce pays paraissait complètement pacifié lorsque Travot
en fut retiré. Cependant, au moment de son départ des
Sables, le 22 octobre 1802, la municipalité protestait «
contre son déplacement », d'autant plus inopportun, écrivait-elle
au ministre de la guerre, que la loi sur la conscription militaire
allait recevoir pour la première fois son exécution
dans le pays, et qu'on ne pouvait révoquer en doute que la
présence de ce général fut infiniment utile à
son succès, vu la confiance qu'il s'était acquise par
sa réputation de bravoure et de sagesse.(1)
Au mois de juillet 1803, Merlet, préfet de la Vendée,
avertit le grand juge Reignier qu'il a la certitude que l'Angleterre
a introduit des émissaires pour rallumer s'il était
possible le feu de l'insurrection (2).
« Les prétextes saisis sont la levée de la
conscription et celle des compagnies de gardes-côtes, qui comprend
tous les hommes de 25 à 45 ans. On cherche à persuader
aux habitants « qu'une fois les batteries des côtes organisées,
on les embarquera pour Saint-Domingue, ou la descente en Angleterre
». Les maires de l'arrondissement des Sables ne peuvent parvenir
à faire la désignation du contingent assigné
à leurs communes ; à Beauvoir-sur-Mer l'autorité
même des magistrats a été méconnue et des
hommes malintentionnés ou égarés se sont répandus
en propos séditieux... Les ultra-révolutionnaires augmentent
le mal dans leurs conversations, affectent des alarmes qu'ils n'ont
point, disent aux gens de la campagne qu'il est bien injuste de les
enrôler ainsi, mais que Bonaparte veut la guerre et qu'il lui
faut des hommes pour la soutenir : leur langage est absolument le
même que celui des quelques royalistes incorrigibles distribués
çà et là sur mon territoire. »
A la fin de la même année, Mercier du Rocher, constate.
(3)
« Il arrive chaque jour des conscrits de la Vendée
à Fontenay. Cette nouvelle levée a occasionné
quelques troubles dans différents endroits du territoire de
la guerre civile. Le 17 novembre on s'est soulevé à
Izernay, en Anjou (près Cholet). A Aizenay, une bande armée
a fait une décharge sur les officiers municipaux et un gendarme
a été tué.
« A Saint-Fulgent, un gendarme a été blessé
et un membre du Conseil de préfecture, monté sur le
toit de sa maison pour haranguer les rebelles, a été
tué d'un coup de fusil... Il y a maintenant aux Herbiers trois
cents fantassins et cent chevaux ; sans ces forces la guerre recommençait
dans la Vendée. Il y a eu un combat à Montigny en Anjou,
où plusieurs révoltés ont été tués
; on en a pris d'autres, les uns conduits à Angers, les autres
à Niort. Déjà plus de vingt communes étaient
désarmées par ces jeunes gens. On a décidé
de réunir les conscrits de Montaigu à Fontenay ; ceux
des Sables viennent d'arriver. Ceux qui ne veulent pas marcher se
font remplacer. Le prix des remplaçants est communément
de 1.000 à 1.200 francs : il y en a d'une superbe tournure
qui se sont vendus au poids, comme des animaux, à 24 francs
la livre !... »
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Au printemps de 1804, les symptômes d'agitation se multiplient
et deviennent d'autant plus inquiétants que les vaisseaux britanniques
reparaissent sur les côtes (4). Quelques forces sont envoyées
en Vendée, et le général Paulet (5), qui a succédé
à Travot, est remplacé par un disgrâcié
de l'armée d'Italie, un opposant du Consulat à vie,
le général Malet (6). Tandis que l'autorité militaire
veillait sur les Anglais, la police recherchait les agitateurs. La
découverte, au mois d'août 1804, par le sous-préfet
de Montaigu, d'un dépôt de plomb, que cachait le desservant
de la Guyonnière, Jagueneau, la mit sur leurs traces. Mais
les explications de ce prêtre la déroutèrent quelque
temps. Elle se saisit successivement en divers lieux, entre Nantes,
La Rochelle et Bordeaux, du chouan soumis Turpault, devenu lieutenant
des douanes, de Gogué et de Bertrand Saint-Hubert, anciens
officiers vendéens ; de Daniel Danyault du Pérat, autrefois
attaché à l'état-major de Lescure et de Sapinaud,
qui exerçait un faux commerce de liqueurs, comme Gogué
celui des plombs. Elle sut tirer de ces deux derniers, surtout de
Danyault, la révélation du complot, dont la tête
était à Bordeaux. Dans cette ville s'était reconstitué
un « Institut philanthropique des fils légitimes
(7) ». Il avait pour principaux membres les deux frères
La Rochejaquelein, voyageant sans cesse entre leur château de
la Gironde et leurs propriétés des Deux-Sèvres
et de Vendée ; les inséparables Forestier et Céris,
qui, de retour à Londres, s'y étaient fait délivrer
des brevets de lieutenants-généraux et étaient
rentrés en France les poches bourrées de lettres de
change, fournies par le Trésor anglais. Un fonds de 12 millions
avait été fait pour leur agence de Bordeaux, qui devait
être subventionnée de 1.500.000 francs par mois.
En attendant l'heure du « grand coup », - la concentration
aux Sables-d'Olonne pour soutenir le débarquement du comte
d'Artois avec Dumouriez, d'Autichamps, et Suzannet, - ils menaient
joyeuse vie, le chevalier de Céris entretenant richement une
demoiselle « Élise » ; « l'Achille vendéen
», s'intitulant marquis de Forestier, « en liaison réglée
avec une grande darne espagnole, sur du duc d'Alcantara ».
Ils n'en conspiraient pas moins assez activement, groupaient les anciens
chefs vendéens (8) et en découvraient de nouveaux aussi
importants qu'Elie Papin, naguère officier des plus distingués
aux armées des Pyrénées, ami des généraux
Moncey, Lannes et Augereau, dont la protection lui valut une première
mise en liberté et, à la veille d'une seconde arrestation,
les moyens de gagner l'Amérique (9). Quant à Forestier,
il sut se soustraire à toutes les recherches et repasser à
Londres, où il mourut le 14 septembre 1806. Céris (10)
et un autre, l'ancien aide-de-camp de Charette, Du Chesnier du Chesne,
échappèrent également au jugement de la Commission
militaire, formée à Nantes par décret du 18 septembre
1805, et qui le 14 décembre, les avait condamnés tous
les quatre par contumace. Comme Napoléon exigeait au moins
un exemple, Gogué, malgré ses révélations,
fut exécuté. Danyault du Pérat, l'abbé
Jagueneau, Bertrand-Saint-Hubert et quelques autres, condamnés
à une détention limitée, furent gardés
comme prisonnier d'Etat leur peine expirée, ou repris comme
conspirant de nouveau (11).
Quant aux La Rochejaquelein, contre lesquels Napoléon avait
eu un moment l'idée de « faire l'exemple », le
marquis Louis, l'époux de la veuve Lescure, disparut à
l'étranger ; le comte Auguste, empêcha la confiscation
des biens de sa famille en quittant la marine anglaise pour accepter
(12) une sous-lieutenance dans un régiment de carabiniers de
la Grande Armée. L'Empereur déploya toujours une clémence
systématique à l'égard des nobles royalistes,
dont il aimait à peupler sa cour et ses états-majors,
et ce dut être pour lui une joie que de rallier ainsi à
sa couronne le nom resté le plus populaire parmi les survivants
de la « Grand'Guerre » vendéenne .
Nous avons trouvé dans la collection B. Fillon, une lettre
très curieuse, émanant de la Police générale
et concernant Auguste de la Rochejaquelein. - Nous croyons devoir
la reproduire sans commentaires :
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POLICE GÉNÉRALE Paris,
le 31 octobre 1809.
1er ARRONDISSEMENT 4.806
(No 6.550 A)
« Je vous préviens, Monsieur, que Son Excellence le
Sénateur, ministre de la police générale, par
décision du 28 octobre, autorise en ce qui le concerne, le
sieur de La Rochejaquelein, sous-lieutenant de cavalerie, à
aller passer quinze jours dans le sein de sa famille à Saint-Aubin,
avant de partir pour l'armée et ainsi qu'il y était
déjà autorisé par S. E. le Ministre de la Guerre.
Il va en conséquence lui être délivré par
Monsieur le Conseiller d'Etat, Préfet de police, un passeport
pour cette destination.
Je vous invite à faire veiller, autant qu'il sera convenable,
à ce que le sieur de La Rochejaquelein suive sa destination,
au terme qui lui a été indiquée. Recevez l'assurance
de mes sentiments respectueux. »
Pour absence de M. le comte Réal,
le Conseiller d'Etat, comte de l'Empire, chargé
du 2e arrondissement,
PELÉE.
Monsieur le Préfet des Deux-Sèvres.
Et en marge, on lit cette annotation : « Le 3 novembre, écrit
au Sous-Préfet de Bressuire. - Surveillance à exercer
à l'égard. du sieur La Rochejaquelein (13). »
Dès l'origine de l'organisation des départements, avait
été sentie la nécessité de placer le chef-lieu
de la Vendée ailleurs qu'à Fontenay, trop éloigné
du centre, et, depuis Durnouriez jusqu'à Canclaux et Hoche,
tous les généraux avaient compris l'importance de la
position de La Roche-sur-Yon. Ce bourg comptait à peine 434
habitants, quand le 25 mai 1804, un décret impérial
ordonna d'y bâtir une ville de 12 à 15.000 âmes,
où devaient s'installer les autorités départementales
le 10 août et à laquelle fut donné, le 28, le
nom de Napoléon. Le préfet fut obligé de s'y
rendre avant l'édification de la préfecture et de se
loger dans le château à demi ruiné de la Brossardière,
installant ses bureaux dans des baraques provisoires (14).
Il y fut formé en 1807, le 1er anvier, un camp volant, au
commandement duquel fut appelé Travot. Eu 1808, revenant de
la frontière d'Espagne, Napoléon traversa la Vendée
avec l'impératrice Joséphine. Il y entra par Fontenay,
le dimanche 7 août, à neuf heures du soir et fut acclamé
pendant tout son voyage, par une population enthousiaste (15). Douze
années de calme et de soumission avaient singulièrement
affaibli, dans beaucoup de communes de la Vendée, cet enthousiasme
de 1793, qui seul fait les guerres civiles. C'est l'année suivante
qu'eut lieu, dans la rade des Sables-d'Olonne, un glorieux fait d'armes
que nous ne pouvons passer sous silence.
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(1) Archives administratives de la guerre, dossier de
Travot. - Le 28, le Conseil de la commune des Sables adressait â
Travot une délibération, témoignant de sa reconnaissance
pour les services importants rendus par lui au pays. Correspondance
municipale, registre II, n- 756. (Chassin. La Pacification de l'Ouest,
Tome II, page 742).
(2) Archives nationales, F 7, 36973.
(3) En son Journal personnel manuscrit, primaire an
XII, 4e cahier.
(4) Le 28 avril 1806, les Anglais tentèrent encore
vainement de descendre sur les côtes de la Tranche et de l'Aiguillon.
Ils tentèrent aussi, mais sans plus de succès, de brûler
la vigne de la Faute, sauvée par les préposés.
Ils se contentèrent de piller la maison d'un nommé Chauveau
et d'emporter de chez lui tout ce qu'ils purent trouver de comestibles.
(Louis Brochet, Descente des Anglais sur les côtes de la
Vendée 1806. Documents inédits).
(5) Inspecteur des côtes de Marans à Bourgneuf,
en l'an XII, commandant le département de la. Vendée,
du 1er février 1804 au 1er août 1805, date de sa mort
aux Sables-d'Olonne.
(6) Commanda la Vendée en 1804 et fut fusillé
le 29 octobre 1812, pour avoir ourdi un complot contre l'Empereur.
(7) Association politique, dont les membres tiraient
leur nom du serment qu'ils prêtaient « d'être fidèles
à leur roi légitime. »
(8) Notamment Danyauld du Pérat, Du Chesnier
du Chêne, Bertrand de Saint-Hubert, de Valois, de Joannis, de
Kémar, de Bruc le jeune, de Chantereau, de Béjarry Amédée,
Joussemet, Jangaret, Nicolas Caillaud, Guérin, le frère
de Guérin tué au combat de Saint-Cyr-en-Talmondais,
etc.
(9) De très curieux détails sur «
l'Agence Anglaise de Bordeaux » ont été tirés
de la série F, des Archives nationales, par M. Ernest Daudet,
pp. 141-163 de la Police et les Chouans sous le Consulat et l'Empire.
(10) Né à La Guadeloupe, le 17 avril 1773,
vint en Vendée en 1793 et s'y lia avec Forestier.
(11) Notamment Danyauld du Pérat, qui s'était
attribué la succession de Forestier, avec son grade de lieutenant-colonel,
en 1806, et resta en prison jusqu'en 1814. Malgré ses révélations,
peut-être inconnues alors, il obtint de la Restauration la croix
de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, la présidence
de la cour prévotale de Niort, et ensuite le commandement du
département de la Vendée, comme général
de brigade en activité.
(12) Il accepta, contraint et forcé. Voir dans
Profils Vendéens, page 219. (Complété
par la lettre que je possède).
(13) La même année (décembre 1809)
la police impériale empêchait la circulation d'un ouvrage
intitulé : Réfutation des calomnies publiées
contre le général Charette, commandant en chef les armées
catholiques et royales dans la Vendée. (Collection Fillon).
(14) D'après M. Eugène-Louis, Quelques
pages de l'histoire de La Roche-surYon, extraites de la Revue
du Bas-Poitou, 31° p., in-8°, 1897. - Chassin, La Pacification
de l'Ouest, pages 742-746.
(15) En 1807-1808, la police impériale se montra
néanmoins très inquiète de l'agitation répandue
dans l'Ouest « depuis que Napoléon était engagé
dans les affaires d'Espagne ». Dans les communes de Maillé
et de Vix notamment, plusieurs conscrits réfractaires se cachèrent
dans les roselières.
COMBAT NAVAL DES SABLES-D'OLONNE
Le 23 février 1809, la rade des Sables fut le théâtre
d'un glorieux combat maritime, soutenu par les trois frégates
françaises : la Calypso, capitaine Jacob; la Cybèle,
capitaine Cocault, et l'Italienne, capitaine Jurien, contre
cinq vaisseaux de ligne anglais.
La division française venant de Lorient avait rencontré
en mer la division anglaise.
Pour ne point se laisser envelopper, le commandant Jurien gagna la
rade des Sables et s'adossa à la plage ; les préparatifs
de combat furent faits avec diligence (1).
« A neuf heures et demie, les vaisseaux anglais arrivèrent.
A neuf heures trois quarts, le vaisseau de 80 (la Défiance)
mouilla par le bossoir de tribord du capitaine Jurien, à demi-portée
de pistolet, et les autres bâtiments se tinrent sous voiles
à petites portées de fusil. Le commandant Jurien fit
commencer le feu par sa frégate. Le combat alors éclata
sur toute la ligne et devint terrible. On se foudroya de part et d'autre
avec un acharnement que la colère de nos matelots d'un côté,
la confiance des Anglais de l'autre, rendaient encore plus furieux.
Sur toute la rade s'élevaient d'immenses tourbillons d'une
fumée noire, que sillonnaient de leurs éclats redoutables
des explosions formidables.
Toute la ville émue contemplait cet effrayant et glorieux
spectacle. Pendant les trois heures que dura la lutte inégale,
soutenue si héroïquement par nos trois frégates,
elles n'eurent pas cent hommes mis hors de combat, tandis que le vaisseau
ennemi le plus près d'elle fut horriblement maltraité.
A la fin, ne pouvant plus résister au feu meurtrier des Français,
le commandant anglais se décida à couper son câble
pour prendre le large; mais pendant cette évolution, son vaisseau
tout à coup échoua, et présentant sa poupe à
la division française, il essuya pendant plus d'un quart d'heure
le feu des frégates. Les cris de : Vive l'Empereur !
poussés par les équipages français, annoncèrent
que ce vaisseau allait succomber quand soudain, par un bonheur inconcevable,
il parvint à s'éloigner.
Toute sa poupe ne faisait qu'une embrasure. A midi un quart le combat
avait cessé et les navires ennemis avaient abandonné
le champ de bataille. Leur retraite était une fuite ! On a
appris depuis que le vaisseau. du commodore avait eu 250 hommes hors
de combat et que les deux autres vaisseaux avaient été
aussi maltraités. »
Le lendemain, le commandant Jurien-Lagravière écrivait
au ministre de la marine. « Il est impossible de voir des frégates
combattre avec tant de constance des forces si supérieures
! »
Le 24 février, la Cybèle et la Calypso
rentrèrent dans le port; le commandant Jurien reçut
les acclamations enthousiastes de toute la population.
En résumé, les chefs royalistes, comprimés par
la puissance de Bonaparte, se bornèrent à former des
associations secrètes correspondant entre elles et dirigées
par un Comité général.
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(1) Nous détachons la description que fait de
ce combat le Guide des Baigneurs et des Touristes aux Sables-d'Olonne.
LES RÉFRACTAIRES
Toutefois la conscription y entretenait toujours un germe de mécontentement,
et en 1813 et 1814, après les revers de la Grande Armée,
on résista avec plus d'audace (1). Les conscrits refusèrent
de se soumettre à la loi et se défendirent même.
les armes à la main, mais deux mille gendarmes répartis
dans les divers chefs-lieux suffirent pour réprimer ces mouvements
partiels, qui n'avaient d'autre cause et d'autre motif que la conscription.
Ce fut alors que Louis de La Rochejaquelein, impatient de marcher
sur les traces de son frère et autorisé par le roi,
projeta de soulever de nouveau le Poitou, parcourut l'Anjou et la
Touraine, et visita les anciens chefs vendéens dont nous avons
donné les noms dans un chapitre précédent. Prévenu
par M. Lynch que la police avait donné l'ordre de l'arrêter,
il alla se cacher à Bordeaux, où la protection de la
municipalité le mettait à l'abri de tout danger.
Mais bientôt l'invasion de la France par l'Europe réveilla
la Vendée (2). Quelques jours après l'entrée
à Bordeaux du duc d'Angoulême (12 mars 1814) et de lord
Wellington, on annonça que l'insurrection était prête.
La Rochejaquelein avait accompli ce que Bonchamps et Lescure s'étaient
constamment refusés à faire. Il avait sollicité
de l'étranger des subsides et des armes pour fomenter la guerre
civile dans sa patrie. Quatre-vingt mille Vendéens, après
avoir fait leurs Pâques le mercredi saint 1814, devaient, le
11 avril, lever encore une fois l'étendard de la révolte
; on avait même envoyé un aviso à Jersey pour
y prendre le duc de Berry, lorsque la nouvelle de l'occupation de
Paris rendit tout à coup ces préparatifs inutiles (3).
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(1) L'incorporation du fils de d'Elbée,
dans le régiment des gardes d'honneur de l'Empereur, avait
exaspéré les royalistes.
(2) Si (note Mercier du Rocher, à qui nous en
laissons la responsabilité) l'invasion de Paris n'eut pas eu
lieu le 31 mars, tout était à feu et à sang en
Vendée. Les ordres étaient donnés aux Vendéens
de se porter en même temps sur les Sables, Napoléon et
Fontenay, et de surprendre dans leurs lits, eux et leurs familles,
les acquéreurs de biens nationaux, une grande quantité
d'officiers publics, d'anciens administrateurs et d'aller à
Rochefort se réunir aux Anglais pour marcher sur Paris...
Les chefs étaient porteurs de commissions délivrées
par le comte d'Artois et ses fils, les ducs d'Angoulême et de
Berry. De La Rochejaquelein était lieutenant en chef ; les
autres étaient Du Chaffault, les deux jeunes Landreau des Herbiers,
Carcouet, fils d'un président de la Chambre des comptes de
Nantes, Voyneau, demeurant au Bourg-sous-la-Roche, Allard, ancien
adjudant de Charette, fermier à Brebaudet... (En son journal
personnel manuscrit, 5e cahier, Chassin, La Pacification, T.
III, page 753.)
(3) A Montaigu, il y eut pourtant des troubles. Des
insurgés s'emparèrent de la petite ville et y auraient
sans nul doute commis des actes profondément regrettables,
sans l'intervention du digne curé, M. de Buor.
INGRATITUDE DE LA RESTAURATION VIS-A-VIS
DES VENDÉENS
LEUR ATTACHEMENT QUAND MÊME
La Restauration ne répara pas, on le sait, les malheurs de
la Vendée. De glorieux sacrifices restèrent sans récompense,
malgré les promesses faites au mois de juillet 1814, par le
duc d'Angoulême lors de son voyage en Vendée, où
il visita notamment La Roche-sur-Yon, Mortagne, Les Herbiers, La Ferrière,
les Quatre-Chemins, Luçon ; et les paysans vendéens
purent à peine s'apercevoir du triomphe de cette cause qu'ils
avaient honorée de leur héroïque dévouement,
et en l'honneur de laquelle ils venaient d'entonner à nouveau
ce chant vendéen du temps passé :
« Nous, porteurs de l'écharpe blanche,
Jamais le sort ne nous abat ;
En attendant chez nous notre revanche
on boit chez nous, comme on se bat.
Pas un verre qui reste vide
Et pas un cur qui reste froid,
Cavalier, buveur intrépide,
Vendéen, debout, à la santé du Roi ! »
Cependant lorsque revinrent les jours de l'infortune, le sang français
ne coula qu'en un seul endroit pour la défense du trône
des Bourbons, et ce fut encore dans la Vendée, surtout dans
la Vendée du Bocage, car l'indifférence de Louis XVIII
et des siens pour ceux qui s'étaient montrés si fidèles
à la royauté acheva de détacher d'elle les habitants
du Marais méridional.
L'empire avec ses gloires, ses triomphes, ses abus même d'autorité,
convenait aux maraîchins du midi de la Vendée. Issus
d'aventuriers, ils aimaient cet aventurier génial qui s'appela
Napoléon, comme leurs aïeux avaient aimé Charette
chef de bande.
Pendant les Cent jours ils restèrent en grand nombre sourds
à l'appel du second La Rochejaquelein (1), tandis que les habitants
du Bocage s'étaient levés comme un seul homme, prêts
tout tenter pour sauver la monarchie. Dès que la rentrée
Bonaparte à Paris (20 mars 1815) est connue, Constant Suzannet,
aidé des neveux de Charette, et puissamment secondé
par le clergé des campagnes, tâche de reconstituer l'armée
du pays de Retz et du Bas-Poitou, le vieux Sapinaud celle du Centre,
d'Autichamps celle d'Anjou, et Auguste de La Rochjaquelein une nouvelle
armée du Haut-Poitou. Dès le 10 avril des bandes parcourent
les environs de Bressuire, faisant coup de feu avec la gendarmerie,
maltraitant les acquéreur rançonnant et désarmant
les habitants qui refusent de se joindre à eux. D'autres rassemblements
se forment à Beaupréau, aux Herbiers, quatre cents paysans
armés de bâtons ferré assaillent un détachement
d'infanterie (2).
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(1) Pendant tout le mois d'avril on tint des conférences
au château de Saint-André de Baubigné, en présence
du comte Auguste de La Rochejaquelein et de ses deux surs, Mlles
Louise et Lucile. (Henri Houssaye, 1815, page 562).
(2) Henry Houssaye, 1815, page 563.
SOULÈVEMENT DU 15 MAI 1815
Le 11 mai 1815, d'Autichamps et de Suzannet, à la suite d'une
conférence tenue à la Chapelle-Basse-Mer, près
de Nantes ordonnent un soulèvement général pour
le 15 (1). A Fontenay on s'inquiète, le maire demande des armes
: il reçoit la peu rassurante lettre suivante :
12e DIVISION MILITAIRE
AU QUARTIER GÉNÉRAL A NAPOLÉON
le 15 Mai 1815Le Maréchal de camp, Baron Callier
de Saint Apollin, Commandant de la Légion d'Honneur, commandant
le Département de la Vendée.
Monsieur le Maire de la Ville de Fontenay,
Pour répondre à votre lettre du 13 courant, il me
serait très agréable d'avoir les moyens de mettre des
armes à votre disposition, elles ne pourraient être mieux
placées ; mais dans ce moment il y a une impossibilité
absolue de vous en envoyer, puisque nous n'en pouvons donner
à notre garde nationale qui elle même en aurait besoin.
Néanmoins, s'il m'en arrivait, de quelque côté
qu'elles me vinssent, j'aurai grand plaisir à vous donner avis.
Je vous prie d'agréer les sentiments de ma parfaite considération.
CALLIER (2)
Aux anciens chefs dont nous avons déjà donné
les noms, se joignent Ludovic de Charette, de Vaugiraud, de Mesnard,
Robert de Chataigners, etc., et comme en 1793 le tocsin sonne dans
toutes les paroisses. Le surlendemain Suzannet avait cinq mille hommes
à Légé, d'Autichamps cinq mille à Jallais,
Auguste de La Rochejaquelein deux mille aux Aubiers, et Sapinaud quatre
mille aux Herbiers. Déjà quinze cents habitants du Marais
de Challans et du pays de Retz s'étaient levés à
l'appel de Robert et du jeune Charette (3).
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(1) Des soulèvements partiels avaient eu lieu
à Pouzauges le 3 mai, Epesses le 6 et le 15 à Chantonnay.
- Montaigu était également tombé aux mains des
royalistes, commandés par de Marans : tous les matins les patriotes
étaient obligés d'aller signer un registre de présence.
(2) Original collection Fillon, - communiqué
par Mme Charier-Fillon.
(3) Henri Houssaye, 1815, page 566.
DÉBARQUEMENT DE LA ROCHEJAQUELEIN
A SAINT-GILLES-SUR-VIE (16 Mai 1815)
Le 16 mai, Louis de La Rochejaquelein, qui n'avait point rougi d'appeler
l'Angleterre à son aide (1), débarque sur la côte
de Saint-Gilles (Sion), secondé par les paysans du Marais,
qui ont dispersé un corps de deux cents douaniers et gendarmes
et repoussé une colonne mobile. L'ombre du pauvre la Rouërie
dut lui apparaître vengeresse et menaçante, lorsqu'il
fit toucher à un port vendéen l'Astrée,
amenant pour la guerre civile deux mille fusils et des munitions (2).
Le 16 mai, deux frégates anglaises ont fait un débarquement
vers Croix-deVie. Mais le 17, Travot, après avoir battu les
révoltés à l'Aiguillon, à Givrand, leur
a enlevé 6.000 fusils et 40 milliers de poudre. Il ne leur
a pas tout pris, puisqu'il lui a fallu encore les battre les 18 et
19 à Aizenay.
Saint-Gilles-sur-Vie
D'après un cliché communiqué par M. Henri Renaud
Le 17 ils étaient 5.000 aux Echaubroignes et ils ont pris
54 tirailleurs coupés de leur corps. Ils les ont conduits aux
Quatre-Chemins et en ont fusillé 26, tous vieux soldats, que
Joubert du Landreau a couverts d'outrages en leur arrachant même
leurs moustaches. Ils ont renvoyé les 28 autres presque
nus. La 26e demi-brigade, dont étaient ces braves, les a joints
à Mallièvre et en a tué un grand nombre.
On dit que le général Travot a fait cesser les massacres
de l'Aiguillon, a tué 600 révoltés et a trouvé
6.000 francs dans un caisson. De Napoléon, le 21, il a lancé
une proclamation aux habitations de la Vendée.
Le 25, le général Delaage, baron de Saint-Cyr, annonce,
par un imprimé, que 25.000 hommes arrivent contre les Vendéens.
Le 26, 17 chariots de munitions pris aux rebelles ont été
conduits à Nantes par Travot, qui a laissé une partie
de ses troupes à Machecoul... On a porté au général,
à Nantes, une lettre de La Rochejaquelein lui commandant de
mettre bas les armes. Il a demandé au courrier s'il connaissait
le contenu de la lettre ; sur sa réponse négative, il
s'est écrié : « Tant mieux ! car je vous aurais
fait fusiller sur l'heure ! »
Il est rejoint aussitôt à Soullans par son cousin de
Suzannet qui lui amène quatre mille hommes ; par Sapinaud qui
en conduisait trois mille, et par son frère Auguste de La Rochejaquelein,
qui aux Echaubrognes venait de battre le 26e régiment de ligne.
- Bressuire était pris, Ancenis, Les Sables-d'Olonne et Napoléon-Vendée
étaient menacés. Aux quatre ou cinq mille Angevins et
Bretons en armes sur la rive droite de la Loire et aux dix-sept ou
dix-huit mille insurgés de la Vendée, « le général
Delaborde peut opposer tout au plus quatre mille hommes de troupes
de ligne, la gendarmerie départementale et avec les douaniers
et forestiers, les gardes nationaux fédérés «
qui n'existent encore que sur le papier » et deux ou trois cents
volontaires organisés par Travot, sous le nom de chasseurs
de la Vendée (3). »
Pendant ce temps la flotte anglaise, commandée par sir Henry
Hotham, louvoyait en vue des côtes, et les appels désespérés
des généraux bonapartistes Delaborde, Charpentier, Bigarré,
Noireau, Dufresse et Travot s'exagérant le péril, commençaient
à émouvoir l'Empereur, qui le 15 mai encore disait:
« Toutes les troupes sont nécessaires aux frontières,
et une victoire dans le Nord fera plus pour le calme intérieur,
que des régiments laissés dans l'Ouest (4) ».
« Il prend les mesures les plus promptes et les plus énergiques
pour réduire l'insurrection. Il décide la formation
d'une armée de la Loire, que commandera le général
Lamarque, « avec de jeunes généraux sous ses ordres
» en remplacement du général Delaborde «
qui est trop mou » ; 800 gendarmes à cheval, 2.000 gendarmes
à pied, 2 régiments de la jeune garde, 25 bataillons
de ligne, 8 escadrons de cavalerie, 3 batteries seront envoyées
dans l'Ouest ; la jeune garde et les gendarmes partiront en poste.
En attendant l'arrivée de Lamarque, Corbineau, dépêché
à Angers, secondera le général Delaborde. On
exilera de la Vendée, et on placera en surveillance en Bourgogne
tous les hommes réputés dangereux. Tous les ex-nobles
qui se trouveront dans le pays sans y être domiciliés
devront le quitter sous quinze jours, à peine d'être
traités comme fauteurs de guerre civile. La tête de La
Rochejaquelein et des autres chefs de l'insurrection sera mise à
prix, et leurs maisons seront rasées : on prendra des otages
dans leur famille. Une Commission militaire sera instituée
pour juger les individus arrêtés les armes à la
main (5) ».
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(1) Il s'était rendu de Gand à Londres,
muni de lettres de Jaumont, etc. Voir H. Houssaye.
(2) Nous donnons ci-après, mais simplement à
titre de document, un extrait du journal manuscrit de Mercier du Rocher,
5e cahier. Chassin, La Pacification, T. III, page 68.
(3) Henri Houssaye, 1815, page 567. - Delaborde à
Davout (2 mai). Corresp. Arch. Guerre.
(4) V. page 568. Napoléon, Correspondances.
(5) Henry Houssaye, page 569. - Napoléon à
Fouché, 17 et 20 mai 1815, à Corbineau, 21 mai, à
Davout, 20-22-23 et 25 mai. Correspondances, Archives de la Guerre.
COMBAT DE L'AIGUILLON-SUR-VIE (18
Mai 1815)
Avant l'arrivée de Sapinaud et de Auguste de La Rochejaquelein,
Suzannet avait formé un convoi composé d'un grand nombre
de charrettes pleines d'armes et de munitions qui leur étaient
destinées, et en avait donné le commandement à
Desahbayes, pendant que d'Autichamps protégeait à Coëx
le passage du Jaunay. A peine arrivé le 18 mai en vue du prieuré
de Saint-Grégoire, près l'Aiguillon-sur-Vie, en un lieu
appelé Salmon, Desabbayes est attaqué par le général
Travot, accouru de la Chaize-Giraud pour intercepter le convoi.
C'était la première fois cependant que les jeunes soldats
rebelles se mesuraient avec des troupes régulières.
Assaillis par des forces deux fois supérieures aux leurs, il
se défendirent avec une audace et un courage surhumains. -
Seize fois le porte-drapeau des royalistes est tué, et
seize fois il est remplacé, sans qu'une mort certaine fasse
hésiter un seul instant les hommes. Travot est repoussé,
et Desabbayes se replie en bon ordre sur le Bocage, sans avoir perdu
une seule de ses charrettes (1).
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(1) Mercier du Rocher, lui, prétend que le 17,
Travot battit les insurgés à l'Aiguillon-sur-Vie et
à Givrand, et qu'il leur enleva 6.000 fusils et 40 milliers
de poudre. - Son récit est sur bien des points en désaccord
avec l'extrait précis du général Suzannet et
les historiens de la Vendée militaire. - Henry Houssaye,
pourtant, partage l'opinion de Mercier du Rocher (1815, page 571).
LOUIS DE LA ROCHEJAQUELEIN NOMMÉ
GÉNÉRALISSIME A PALLUAU (19 Mai 1815) COMBAT D'AIZENAY (20 Mai 1815)
ÉCHEC DES VENDÉENS
Le lendemain, 19 mai, Louis de La Rochejaquelein, de Suzannet et
Sapinaud se trouvèrent réunis à Palluau où
ils tinrent un Conseil. Le premier fut nommé à l'unanimité
généralissime de toute la Vendée et prit aussitôt
le commandement suprême.
L'année royaliste, forte de 7 à 8.000 hommes, se trouvait
le 20 mai à Aizenay, où le général en
chef l'avait rassemblée pour, aller attaquer Napoléon-Vendée.
Travot, qui savait par expérience combien peu les Vendéens
aimaient les combats de nuit, tout en se gardant avec une extrême
négligence, résolut, malgré sa très grande
infériorité numérique (il n'avait qu'un millier
d'hommes) de les surprendre au milieu des ténèbres,
bien décidé à prendre sa revanche du 18.
S'avançant à petit bruit sur le bourg d'Aizenay, il
fond tout à coup sur eux, vers les onze heures du soir, guidé
par un de ses officiers né dans le pays, et les disperse presque
sans résistance. On eut dit que ces soldats invincibles à
la clarté du jour, perdaient leur courage et leur audace dans
l'obscurité de la nuit.
Dans ce combat périt Guerry de Beauregard, beau-frère
de La Rochejaquelein. Ludovic de Charette, blessé grièvement,
resta longtemps couché sur le champ de bataille, animant les
siens du geste et de la voix, puis enfin emporté malgré
lui par les paysans à la Forestrie, près Touvois. Il
y mourut le 31 mai, à peine âgé de vingt-sept
ans. C'était le quatrième du nom de Charette tombé
en héros sur le champ de bataille (1).
(1) Voir dans la Revue du Bas-Poitou, XIIIe année,
pages 351-363, un intéressant article sur le combat d'Aizenay.
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ROLE PACIFICATEUR DU CURÉ BRUNETEAU
Dans le marais de Challans, de La Rochejaquelein était loin
de rencontrer l'enthousiasme sur lequel il avait assez légèrement
compté. Les hommes sages qui se rappelaient les cruelles et
douloureuses leçons du passé, n'encourageaient pas les
jeunes gens à la résistance. Et dans l'abbé Bruneteau
(1) curé de Saint-Jean-de-Monts, ils avaient un auxiliaire
éloquent, tout puissant sur la jeunesse masculine du pays.
Ce saint homme prêchait la soumission, et faisait un tableau
saisissant des malheurs de la guerre, non seulement au prône,
chaque dimanche, mais chaque jour, dans des entretiens familiers avec
ses paroissiens.
C'est lui encore qui, lors de l'échauffourée de 1832,
détourna ses ouailles d'une aventure qui ne pouvait que leur
être funeste. Louis-Philippe en l'apprenant, lui envoya la croix
de la Légion d'honneur, que ce digne prêtre n'osa refuser,
mais ne porta jamais.
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(1) L'abbé Bruneteau, né à Saint-Benoît-sur-Mer,
le 17 mars 1775, fut nommé vicaire de Saint-Jean-de-Monts en
1805, puis curé en 1811. Il mourut le 6 janvier 1847, laissant
dans toute la contrée la réputation d'un saint et d'un
sage.
MÉSINTELLIGENCE ENTRE LES CHEFS
Le 29 mai, toutes les forces de la Vendée militaire sont convoquées
à Soullans, mais le corps d'armée de Sapinaud et d'Auguste
de La Rochejaquelein sont les seuls qui s'y trouvent. Suzannet, en
marche pour le rejoindre, s'était arrêté à
la Mothe-Foucrant avec les quatre mille hommes qu'il commandait. Au
même moment d'Autichamps, qui bivouaquait à Tiffauges,
acceptait en principe l'armistice que venaient lui offrir les envoyés
de Fouché : de Malartic, de Flavigny de la Béraudière,
et les autres chefs, hésitants, étaient restés
à Falleron.
La Rochejaquelein, irrité de ce qu'il appelle la mollesse
des populations, s'emporte contre tout le monde, et part pour Saint-Jean-de-Monts,
d'où il envoie Robert de Chataigniers en mission à bord
de la flotte anglaise ; puis sans attendre que les autres chefs l'aient
rejoint, il se dirige sur Croix-de-Vie avec douze cents hommes et
veut seul protéger un second débarquement des Anglais.
La vérité, c'est que les Vendéens hésitaient
encore à ouvrir les portes de la France à l'étranger.
Ils étaient prêts à donner leur vie pour le roi,
mais ils se rappelaient le noble exemple de Bonchamps et de d'Elbée.
Le 2 juin au. matin, La Rochejaquelein surveillait à bord
du vaisseau anglais le « Superbe » le débarquement
des fusils, des munitions et de six pièces de campagnes, quand
il reçut un arrêté de ses trois lieutenants, daté
de Falleron, 31 mai. Cet arrêté portait que vu le découragement
des paysans et la prochaine arrivée de renforts aux troupes
impériales, ils renonçaient au mouvement concerté
et « engageaient M. le marquis de La Rochejaquelein à
revenir dans son pays pour y attendre que le commencement des hostilités
sur les frontières permit de déployer toutes les forces
de la Vendée ». A cette pièce officielle était
jointe une tres longue lettre de Suzannet, où il multipliait
les raisons et les excuses, et qu'il terminait en ces termes : «
Sont arrivés Malartic et la Béraudière. Ils sont
chargés comme tu l'as lu par leurs lettres, de faire connaître
que 1e gouvernement désire traiter avec nous. Nous avons répondu
que nous ne voulions traiter qu'avec tout le monde ; qu'il fallait
traiter ensemble ou périr ensemble. Mais tous les officiers
auraient envie d'accepter un accommodement... Adieu, mon cher Louis.
Tout le monde est d'avis de faire une suspension d'armes qui n'engage
à rien et qui pourrait être utile par la suite pou s'organiser
et marcher (1) ».
On ne pouvait parler plus clairement. Sans doute, comme l'écrivait
Suzannet, lui et les autres généraux vendéens
ne voulaient traiter que d'un commun accord, mais cet accord existait
entre eux. Il n'y manquait que le consentement de La Rochejaquelein.
En n'exécutant pas les ordres du général en chef
et en s'abstenant de le seconder, on se flattait de lui forcer la
main. De là, L'arrêté de Falleron (2) »
« Indigné, La Rochejaquelein y répondit par un
ordre du jour relevant de leur commandement Sapinaud, Suzannet et
d'Autichamps, « pour avoir ajouté à l'infamie
de la désobéissance celle de la plus noire trahison,
en prêtant l'oreille à un accommodement avec le tyran
dévastateur de la France (3). » Puis, bien que sa situation
fut devenue très périlleuse, il résolut de rester
à Croix-de-Vie jusqu'à l'achèvement du débarquement.
Comme il l'avait prévu, il ne tarda pas à être
attaqué. La colonne de Travot était passée au
travers de l'armée royale en retraite, et le comte de Suzannet
avait négligé de la combattre, ou même, assure
le général vendéen Du Chaffault, s'y était
refusé (4).
Le 2 juin, à trois heures de l'après-midi, l'avant-garde,
commandée par le général Grosbon, prit position
à Saint-Gilles et commença à. fusiller avec les
paysans établis sur la rive droite du Ligneron pour protéger
le débarquement.
Le lendemain, le combat des tirailleurs reprit au lever du jour.
Le général Grosbon s'était posté dans
le clocher de Saint-Gilles, d'où avec une longue-vue, il surveillait
les mouvements des royalistes. Un paysan rebelle, Debry, de Châtillon-sur-Sèvre,
le voit et parie avec son voisin qu'il va l'abattre d'un coup de sa
canardière. « Tiens, gars, dit-il, tu vois bien c'te
lunette là-bas, eh bien je te parie une bouteille de vin que
je la f... à bas d'un coup de fusil. »
Le pari est tenu, et au même instant le coup part. L'infortuné
général tombe baigné dans son sang, et promené
de village en village, il expire dans le trajet de Saint-Gilles aux
Sables d'Olonne, où reposent ses restes (5).
Le 4 juin au matin, on apprit que le général Estève,
à la tête de quinze cents hommes venant de Riez, s'avançait
sur les ordres de Travot, vers le Périer.
D'Autichamps, avec sa division, avait dû remonter vers Tiffauges,
tandis que Suzanne était, ainsi que nous l'avons déjà
dit, retenu à la Mothe-Foucrant. Fouché se surpassait
en intrigues souterraines, et les deux généraux avaient
peine à maintenir leurs soldats, plus désireux en ce
moment de rentrer chez eux que de reprendre les hostilités.
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(1) Arrêté Falleron, 31 mai. Lettre de
Suzannet, Falleron, 1er juin, cit. par Canuel, 125-132. - Henry Houssaye,
1815, pages 574-575.
(2) Suzannet (Relations, Arch. Guerre) et d'Autichamps
(Campagne de 1815 dans la Vendée), nient que les ouvertures
de Fouché aient eu la moindre influence sur leurs décisions.
(Henry Houssaye déjà cité, page 575).
(3) Ordre du 2 juin, cité par Canuel (346-349).
Relation de Suzannet (Archives Guerre, Armée de l'Ouest).
(4) Du Chaffault. - Relation des événements
(11-13). Lettre de Suzannet à d'Autichamps, citée par
d'Autichamps, 88-89, et Rapport de Lamarque à Davout (Nantes,
9 juin). Archives Guerre, Armée de l'Ouest. - Lamarque
dit que Travot perça à Légé le centre
de l'armée vendéenne. C'était une illusion de
Travot. (Henry Houssaye, page 576).
(5) Une chanson encore populaire parmi les Maraîchins,
célèbre ce coup d'adresse extraordinaire et les enfants
la chantent encore sans paraître comprendre tout ce qu'il y
a de féroce dans cette complainte, publiée par Sylvanecte,
dans ses Profils Vendéens, pages 228-229.
COMBAT DES MATHES
MORT DE LOUIS DE LA ROCHEJAQUELEIN
(4 Juin 1815)
La Rochejaquelein et son frère Auguste, surnommé le
Balafré, avec les maraîchins commandés par Robert
des Chataigners, qui la veille avait atteint Saint-Jean-de-Monts,
attendirent la colonne ennemie.
Les soldats du général Estève sont trois fois
repoussés et contraints de reculer jusque dans l'ancienne île
de Riez, qui n'est plus qu'une plaine sablonneuse de peu d'étendue
; ils se trouvent pourtant dans une meilleure situation pour combattre
: derrière eux ils ont la ferme des Mathes qui va donner son
nom à cette célèbre journée, et devant
eux, entre la route et la plaine, les deux La Rochejaquelein. Mais
Estève feint de battre en retraite afin d'attirer l'ennemi
en terrain découvert. Les paysans, électrisés,
abandonnent leurs abris et se jettent en avant dans la direction de
la ferme des Mathes, mais ils s'arrêtent bientôt à
la vue de l'infanterie, qui ayant fait volte-face, les attendait rangés
en bon ordre. Une charge à la baïonnette les balaie. Le
combat est acharné, mais un officier vendéen est tué
et ses hommes se replient en désordre dans le Marais. Ce mouvement
entraîne les autres paysans ; c'est le commencement de la déroute.
Louis de La Rochejaquelein, pour les rallier, accomplit des prodiges
de valeur. Sa taille athlétique, sa capote bleue et son chapeau
à panaches de plumes blanches le font reconnaître de
loin exaspéré de voir que son chef d'état-major
Canuel n'a pu ramener les fuyards, fou de douleur, pour se mieux placer
en face de l'ennemi, il monte sur un tertre ou bouchée de
sable, d'où, comme du haut d'un piédestal, il semble
attendre la mort.
L'ennemi le reconnaît : du milieu de ses rangs on entend crier
: « Tirez à la capote bleue ! » et le brave de
La Rochejaquelein tombe percé de vingt balles, entre les bras
d'un paysan nommé Crochet (1), qui reçoit son dernier
soupir.
Pendant ce temps, Auguste de La Rochejaquelein est lui-même
dangereusement blessé et jeté à bas de son cheval
; des hommes l'emportent loin du champ de bataille, pendant que le
gros des maraîchins, outrés de colère, repoussent
le général Estève, lui tuent quatre cents hommes
et le poursuivent jusqu'au pont, de la Bardonnerie.
Ce double malheur anéantit les dernières espérances
des royalistes. On ensevelit à la hâte Louis de La Rochejaquelein
à l'endroit même où il était tombé.
Le lendemain, Melle de La Rochejaquelein, sa sur, allait venir
à son aide avec quatre mille hommes qu'elle avait, avec une
énergie virile, rassemblés à grand'peine. En
véritable héroïne, elle allait se mettre à
la tête de ses troupes, lorsqu'elle apprit la fatale nouvelle.
Par ses soins, une pierre surmontée d'une croix fut élevée
à la place où avait été déposé
provisoirement, le corps du général vendéen.
Melle de La Rochejaqnelein y fit graver cette inscription que l'on
y voit encore :
Sous ce tertre fut ici
Couvert de terre
Louis de la Rochejaquelein.
Derrière, à quelques pas plus loin, une pierre surmontée
d'une fleur de lys marque l'endroit où il fut, loin de Suzannet,
de Sapinaud et d'Autichamps, blessé à mort et soutenu
par le vieux Crochet, dont il convient ici de dire quelques mots.
Crochet, après la défaite, regagna son foyer : ce fut
un des derniers témoins, au Marais, de ces temps troublés.
Sa femme, du même âge que lui, était morte onze
jours plus tôt ; ils avaient cinquante-neuf ans de mariage.
Tous deux, sentant leur fin prochaine, reçurent en même
temps les derniers sacrements ; mais la femme, moins robuste, devait
partir la première. Ce fut pour le mourant un coup terrible,
qui cependant n'abattit pas son courage. Avec une incroyable liberté
d'esprit, il dicta ses dernières volontés à ceux
qui l'entouraient. Il fit apporter son cercueil et ordonna qu'on mit
avec lui son fusil, sa poire à poudre et ses halles. Puis il
attendit la Mort, et sa vie s'exhala dans ce dernier cri :
Y va-t-au bon Dieu !
Vive le Roi !
Avec le vieux chouan s'éteignit la vieille Vendée,
fidèle jusqu'à la mort (2).
Sur la colonne quadrangulaire qui surmonte la tombe du vieux vendéen
et que nous avons visitée au mois d'août 1896, on lit
;
François Crochet, 9 décembre 1880,
âgé de 85 ans.
Au combat des Mathes, le 4 juin 1815, il releva
son général Louis de La Rochejaquelein, frappé
mortellement (3).
Ses amis de la Vendée ont élevé ce monument
à sa mémoire et à celle de ses compagnons d'armes.
« La mort de La Rochejaquelein acheva de désorganiser
l'insurrection. Les gars du Marais et les paysans des environs de
Bressuire, qui venaient de combattre sous les ordres immédiats
du marquis, brûlaient de le venger, mais les Vendéens
ne demandaient pour la plupart qu'à rentrer chez eux. Cette
guerre les laissait indifférents (4), car ils ne confondaient
pas avec la sanglante dictature de la Convention le gouvernement impérial,
qui avait rétabli le culte catholique et qui, pendant douze
ans, leur avait donné la paix intérieure. Ils s'étaient
levés, entraînés par les paroles, les menaces,
les promesses des nobles, les uns pour obéir à une sorte
de point d'honneur, les autres dans la crainte d'être chassés
des fermes, ou dans l'espoir d'une haute solde et du pillage. Or ils
n'avaient reçu ni solde ni vivres ; les armes mêmes et
les munitions promises manquaient ; on les fatiguait par des marches
et des contre-marches inexplicables ; dans presque toutes les rencontres
ils avaient été battus. Ils étaient découragés.
Les chefs ne l'étaient guère moins, bien qu'ils s'efforçassent
de cacher leurs sentiments (5). »
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(1) Il fut tué, dit-on, suries indications du
lieutenant Lupin, des gendarmes de Paris, qui le reconnut et dirigea
sur lui le feu de ses hommes. Quand ils eurent vu tomber La Rochejaquelein,
les gendarmes s'avancèrend, prirent les papiers qui étaient
sur lui et l'enterrèrent. - Le lendemain, Canuel retrouva le
cadavre d'après les indications d'un paysan, et le fit inhumer
dans le cimetière du Périer, (H. Houssaye, p. 577).
(2) Profils Vendéens, par Sylvanecte, page 232.
(3) Au-dessous de cette inscription, un bas-relief représente
les derniers instants de La Rochejaquelein, qui eut le temps de s'agenouiller
et, de faire le signe de la croix avant de retomber la face contre
terre (Henry Houssaye, 1815, page 577).
(4) Nous estimons qu'Henry Houssaye, à qui nous
empruntons ces lignes, exagère un peu en disant que cette guerre
laissait les Vendéens indifférents. Pour quelques-uns
l'affirmation est juste, mais elle ne saurait s'étendre à
la généralité.
(5) Henry Houssaye, 1815, page 378.
COMBATS SUR LA RIVE DROITE DE LA LOIRE
SAPINAUD GÉNÉRALISSIME
AFFAIRE DE VIEILLEVIGNE (19 Juin)
Les Royalistes s'entendaient mieux sur la rive droite. D'Andigné
y tenait tête à Lamarque ; et à Muzilla, dans
le Morbihan, Sol de Grisolles, le comte de Francheville, Joseph Cadoudal
et les collégiens de Vannes rappelaient les plus beaux jours
de la Grand'Guerre.
Alors piqués d'émulation, les chefs vendéens,
après s'être associés par une réparation
tardive au deuil glorieux des funérailles de La Rochejaquelein
et avoir exprimé sincèrement leurs regrets du «
malentendu » qui les avait empêchés de se porter
dans le Marais, se déclarèrent prêts à
continuer la guerre.
« Pour se disculper de tout soupçon d'avoir écouté
les émissaires de Fouché, ils rudoyèrent l'envoyé
du général Lamarque qui leur apportait l'acceptation
des conditions qu'eux-mêmes avaient posées » (1).
Ils nomment Sapinaud généralissime et Auguste de La
Rochejaquelein major-général. C'était rapprocher
le Nestor et l'Achille de l'insurrection. Mais les mêmes sentiments,
les mêmes mauvais vouloirs se reproduisirent. Au fond, sauf
Auguste de La Rochejaquelein, les commandants de l'armée royale
voulaient attendre le résultat de la première bataille
sur la frontière pour rendre leur épée ou la
tirer une seconde fois du fourreau. Au fait, jusqu'au 16 juin, il
y eut une sorte de trêve imposée autant par l'apathie
des chefs que par la lassitude de leurs hommes (2).
Pendant ce temps Travot ne demeurait pas inactif. Le 9 juin, il enlève
aux environs de Saint-Gilles des canons, des fusils et des munitions
qu'une troupe de rebelles essayait de faire passer dans le Bocage.
Le 19 il arrive à la Grolle, près Vieillevigne, et attaque
les divisions angevines de Caqueray, de la Sorinière et du
Doré. Après un combat sanglant, les impérialistes,
repoussés de toutes parts, sont enfoncés et poursuivis
jusqu'à Rocheservière.
Le lendemain le général bonapartiste Lamarque, attaqué
par Saint-Hubert, le rejette au loin et s'avance au-devant de Suzannet,
qui arrivait au secours des royalistes.
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(1) Lettre de Lamarque aux généraux vendéens.
Nantes, 9 juin. Rapport de Larnarque à Davout. Nantes. 11 juin.
(Arch. Guerre, Armée de l'Ouest). Canuel Mémoire
sur la guerre de Vendée, 207-209. - Henry Houssaye,
1815, p. 579.
(2) Henry Houssaye, 1815, page 379.
COMBAT DE ROCHESERVIERE
MORT DE SUZANNET (21 Juin 1815)
CAPITULATION DE THOUARS (21 Juin)
PAIX DE LA TESSOUALLE (21 Juin 1815)
Le 21 juin, les deux partis engagent un combat décisif. Suzannet,
toujours poursuivi par le souvenir de la mort de Louis de La Rochejaquelein,
s'élance bravement au plus fort de la mêlée, comme
un homme qui cherche la mort. Au moment où il monte un second
cheval pour remplacer le sien qui venait d'être tué sous
lui, il est renversé d'un coup de feu et transporté
à la ferme de la Haute Rivière, où il mourût
(1).
De Suzannet
Lamarque, profitant du trouble que cette mort a causé parmi
les royalistes, avance toujours et attaque enfin le bourg de Rocheservière.
La Bretesche et Lhuillier défendent avec énergie le
pont de la Boulogne, et bientôt d'Autichamps arrive de Vieillevigne
avec son corps d'armée pour les soutenir. Le combat devient
plus acharné à la tête du pont. Là périssent
Dureau, de Cambourg, Poirier du Lavoir, de Villiers ; et L'Huillier
est frappé d'une balle ; mais les Vendéens ne reculent
pas ; et Lamarque était sur le point d'abandonner l'entreprise
lorsque l'idée lui vint de faire passer la rivière par
deux de ses colonnes, de chaque côté de Rocheservière.
Malheureusement pour les Vendéens, les gués n'étaient
pas gardés et son plan lui réussit. Les royalistes tournés,
battent en retraite, protégés par la division de La
Bretesche et de L'Huillier, et se retirent du côté de
Clisson.
Le jour même de ce combat, Auguste de La Rochejaquelein, qui
n'avait pas été prévenu à temps pour s'y
trouver, occupait par capitulation la ville de Thouars ; mais cerné
pendant la nuit par le général Delaage avec plus de
5.000 hommes, il fut obligé de se faire jour, l'épée
à la main, à la tête des paroisses de Trémentines
et de Courlay, et de rentrer dans le Bocage malgré lui la paix
était signée à la Tessoualle, près de
Cholet, le 24 juin 1815.
Le lendemain de la prise de la Tessoualle, la Vendée apprenait
le désastre de Waterloo et la nouvelle chute de Napoléon.
Elle avait désespéré vingt-quatre heures trop
tôt ! Mais la Bretagne était toujours en armes et mieux
organisée que jamais...
Les Chouans eussent détrôné l'Empereur si l'Europe
leur en eut donné le temps. A Auray, le jour même de
la bataille de Rocheserviére, Sol de Grisolles, Francheville,
LeThies, etc., avaient si rudement mené le général
Bigarré, qu'on leur avait proposé de dicter les conditions
de la paix. Leur cri unanime fut : « Le roi ou la mort !
»
Quinze jours après, Fouché avait trahi Napoléon,
et Louis XVIII rentrait à Paris... avec les étrangers
!
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(1) Il fut enterré provisoirement dans un petit
bois, voisin de la ferme où il avait été transporté
mourant. Ses restes reposent maintenant sous un mausolée, élevé
dans l'église de Moisdon par les soins de ses compagnons d'armes.
- Son oraison funèbre fut prononcé par M. le curé
de Saint-Pierre de Nantes.
NOBLE ATTITUDE DES BRETONS ET DES
VENDÉENS EN FACE DE L'ÉTRANGER
Loin d'appeler l'invasion en France, les Bretons et la plupart des
chefs Vendéens (c'est là leur dernière gloire),
l'avaient repoussée de toutes leurs forces. Ils voulaient bien
combattre jusqu'à la mort pour le soutien de la monarchie,
mais il auraient rougi de se prêter au démembrement de
la France. Pontbriand avait dit aux Prussiens au nom des Bretons :
« Vous n'irez pas plus loin ou vous nous passerez sur le corps
! » Au nom des Vendéens, du Boberil, aide-de-camp de
d'Andigné, provoqua et tua en duel un officier de Blücher,
pendant que les chef royalistes faisaient proposer aux débris
de l'armée de Bonaparte, retirés sur les bords de la
Loire, de se joindre à eux dans le cas où les alliés
voudraient se partager nos provinces. Cette offre fut acceptée
comme elle devait l'être par le maréchal Davoust, et
il fallut contenir toute la Bretagne et toute la Vendée pour
les empêcher de se jeter en masse sur les troupes étrangères.
On sait l'attitude impolitique et ingrate de la Restauration envers
les Bretons et les Vendéens. Nous la résumerons par
deux faits qui disent tout. La veuve de Robespierre reçut un
pension de six mille livres et les enfants de Cathelineau resterent
dans l'indigence !
Faut-il s'étonner, après cela, que la Bretagne et la
Vendée, aient laissé s'accomplir la Révolution
de juillet 1830 ?
Mais n'anticipons pas sur les événements et faisons
seulement remarquer ici, par la pubhcation du document ci-aprés
que même battu et enchaîné par la perfide Albion,
Napoléon était toujours demeuré un épouvantail
pour les royalistes.
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NOMINATION DE BOSCAL DE MORNAC COMME GÉNÉRAL
EN CHEF PROVISOIRE DE L'ARMÉE VENDÉENNE
Aujourd'hui 3 juillet 1815, MM. les chefs de division du troisième
corps d'armée, assemblés à la maison de Richebourg,
paroisse de Remouillé, d'après la circulaire de M. le
chef d'état-major général du dit corps, en date
du 1er juillet 1815, sous la présidence de M. de Bruc de Livernière,
général de division, pour procéder à la
nomination d'un général en chef provisoire remplaçant
M. le comte de Suzannet, mort par suite de blessures reçues
à l'affaire de Rocheservière ; considérant que
l'avis unanime est que le commandement en chef de l'armée soit
déféré provisoirement à M. de Mornac,
en sa qualité de chef de l'état-major général
de la dite année, pour exercer le dit commandement de l'armée,
qu'il a accepté à la condition qu'il lui sera accordé
un Conseil.
MM. les chefs de division arrêtent à l'unanimité
que M. de Mornac est nommé provisoirement commandant provisoire
en chef de la dite armée, sous le titre de général
en chef d'état-major général.
Qu'un Conseil de guerre lui est accordé, que MM. de la Vigille,
sous-chef actuel de l'état-major ; Bascher, faisant fonction
d'ordonnateur en chef du dit corps ; Siochan de Kersabiec composeront
ce Conseil, et que M. de Mornac, en cas d'égalité dans
les voix, aura une voix de plus, que dans le cas d'absence des membres
du Conseil, les ordres donnés par M. de Mornac seront également
exécutoires dans toutes les divisions. M. de Mornac est autorisé
par le présent arrêté à nommer à
toutes les places dans les divisions, conformément à
l'usage établi.
Fait et arrêté par nous, chefs de division soussignés,
les jours, mois et an que dessus.
Vicomte Siochan de Kersabiec, général
commandant la cavalerie.
Le Juste.
Le Maignan.
Le ch. Morisson de la Bassetière, chef de division.
Nicollon des Abbayes, chef de division.
Le chev de Bruc, général de division.
H. de la Roberie.
Auguste de Chabot..
Le colonel Bascher, Chev. de Saint-Louis
De Goulaine, chef de division.
De Cornulier, chef de division.
Nous soussignés, membres du Conseil administratif des armées
de la Vendée et de la Bretagne réunies, créé
par le Roi, à Gand, le 11 juin 1815, connaissant le désir
de tous les officiers du troisième corps de l'armée
royale de la Vendée de voir à leur tête M. le
comte de Mornac (1), chef d'état-major, l'avons nommé
commandant du dit troisième, et enjoignons indistinctement
à tous commandants particuliers, officiers et soldats, de le
reconnattre en la dite qualité, de lui obéir en tout
ce qu'il leur ordonnera pour le service du Roi.
Fait à Nantes, le 6 août 1815.
Le Comte de Floirac, maréchal de camp.
H. DR LA ROCHE-SAINT-ANDRÉ.
Extrait des Echos du Bocage Vendéen, cinquième
année, n° 1.
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(1) François-Léon Boscal de Réatls,
comte de Mornac, né dans ce lieu, département de Charente-Inférieure,
en 1784, et mort à La Roche-sur-Yon le 31 janvier 1858. Il
avait eu de son mariage (1813) avec dame Zoé Barbeyrac de Saint-Maurice,
dix-sept enfants, dont trois garçons et quatorze filles.
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