Histoire de Vendée

Histoire de la Vendée
du Bas Poitou en France

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CHAPITRE XXIX
INSURRECTION OU ÉCHAUFFOURÉE DE 1832

 

Les Vendéens éloignés du trône. - Distribution de maigres secours et de quelques épées d'honneur

Voyage de la Duchesse d'Angoulême en 1823 et de la Duchesse de Berry en 1828

Politique mesquine du gouvernement de Juillet 1830. - Les Réfractaires

Réunion des chefs vendéens à la Feletière. - Débarquement de la Duchesse de Berry à Marseille (28 Avril 1832). - Son arrivée en Vendée (Mai 1832). - Ses travestissements

Madame la Duchesse de Berry à la Preuille (1832)

Le soulèvement est contremandé (24 Mai 1832)

Affaire du Port-de-la-Claye (23 Mai 1832)

Saisie de la correspondance royaliste. - Meurtre de Cathelineau (27 Mai 1832)

Départ de Petit-Pierre de Mesliers (31 Mai)

Rassemblements divers

Engagement de la Caraterie (6 Juin 1832)

Combat du Chêne (6 Juin)

Combat de la Pénissière

Escarmouches diverses. - Arrestation de La Duchesse de Berry

 

LES VENDÉENS ÉLOIGNÉS DU TRONE
DISTRIBUTION DE MAIGRES SECOURS ET DE QUELQUES ÉPÉES D'HONNEUR

 

Le ministre Decazes, favori de Louis XVIII, s'appliqua constamment à interdire les abords du trône aux anciens Vendéens, et à tenir en suspicion ceux qui avaient versé leur sang pour la cause royale. On affectait de faire répéter partout que les guerres de Vendée n'avaient rien eu de politique (1) et n'étaient qu'un vaste brigandage organisé pour assassiner les voyageurs et les soldats isolés derrière les buissons. C'était une lourde faute, car si les princes peuvent quelquefois être impunément ingrats envers un serviteur isolé, il n'est pas permis de l'être envers un peuple entier. Les cris d'individus sont étouffés par la rapidité du mouvement politique, ceux des masses retentissent toujours. Après avoir solidairement maudit ils accusent tout haut, ils tuent ou désenchantent les fidélités naissantes (2).

Pourtant, ces injustes préventions s'apaisèrent un peu et la pitié l'emporta sur la politique, lorsque le Roi apprit que l'on comptait, en 1816, dans tout le paysinsurgé, plus de trente raille ,veuves et cent quarante mille orphelins victimes de la guerre, et dont le plus grand nombre n'avaient pour tout patrimoine que des chaumières incendiées ou de vieilles masures inhabitables.Le gouvernement eut honte de son ingratitude,et distribua quelques maigres pensions aux veuves et aux orphelins, mais ce qui charma le plus quelques vieux brigands, ce furent des épées d'honneur remises au nom du Roi.

 

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(1) Il y avait beaucoup de vrai dans cette affirmation, mais cela ne suffisait pas pour justifier l'attitude des Bourbons vis-à-vis des Vendéens.

(2) Crétineau, Tome IV, page 324.

 

VOYAGES DE LA DUCHESSE D'ANGOULÊME EN 1823 ET DE LA DUCHESSE DE BERRY EN 1828

 

Le voyage que fit, en 1823, la duchesse d'Angoulême dans le département de la Vendée, la revue de 12.000 hommes qu'elle passa le 18 septembre sur le plateau des Alouettes, où s'étaient rendus, bannières déployées, les hommes des anciens combats avec leurs armes, et surtout celui de la duchesse de Berry, qui vint en 1828, faire un véritable pèlerinage dans tous les lieux illustrés par les grands faits d'armes de nos guerres civiles, contribuèrent à resserrer les liens qui unissaient les Vendéens aux Bourbons. Le nom de la bonne Duchesse donnée à Marie-Caroline, mère du duc de Bordeaux, devint vite populaire en Vendée, et l'écho n'en était qu'affaibli lorsque le vieux roi Charles X, balayé par le mouvement révolutionnaire de 1830, prenait le chemin de l'exil.

 

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POLITIQUE MESQUINE DU GOUVERNEMENT DE JUILLET (1830)
LES RÉFRACTAIRES

 

Alors de sourdes, mesquines et petites vengeances personnelles, des bris de croix sur les chemins exaspérèrent les populations. Des attroupements royalistes se formèrent au cri de vive Henri V, à Pouzauges, à La Châtaigneraie, Les Herbiers. L'instabilité était dans toutes les volontés, dans les actes, dans les événements mêmes, et à ce moment encore, comme en 1815, les étrangers ne parlaient rien moins que de faire à la France le sort de la Pologne. - Néanmoins, au milieu des divergences d'opinion que provoquait l'instabilité politique, une idée pleine de nationalité dominait tous les esprits et toutes les les intelligences. La Vendée ne voulait pas contribuer au triomphe des puissances et assister l'arme au bras à ce partage de provinces françaises dont on s'entretenait déjà. Mais malgré tout, on put s'apercevoir que le feu couvait encore sous la cendre.

Le général Lamarque, qui, en 1815, avait loyalement combattu les Vendéens, fut envoyé dans notre pays pour examiner l'état des esprits et en rendre compte au gouvernement.

Dans son rapport, il conseilla fortement de ménager la Vendée et de lui éviter d'inutiles et indignes tracasseries mais ces sages conseils ne furent point suivis, et bientôt des visites domiciliaires, des arrestations préventives, obligèrent un grand nombre de royalistes à se cacher au fond des bois. Les réfractaires reparurent et se réunirent en bandes, abattant les drapeaux tricolores, résistant aux gendarmes et se défendant jusqu'à la mort.

Le gouvernement dut intervenir, et des soldats furent envoyés sur différents points de la Vendée, avec mission de poursuivre les insoumis et de se livrer aussi à des visites domiciliaires continuelles qui finirent par exaspérer les campagnards. L'assassinat de plusieurs paysans inoffensifs, la mutilation des statues de Charette à Légé, et de Cathelineau en Anjou, celle du cippe funéraire de Torfou, et de presque tous les monuments élevés aux gloires vendéennes, le désarmement des campagnes, l'établissement de garnisaires, proposé le 21 mars 1832 par le député Luneau, et surtout la confiscation des armes d'honneur accordées par la Restauration aux plus vaillants, indignèrent les anciens combattants de 1793 et de 1815. Plusieurs défendirent, le fusil à la main, contre les gendarmes, les armes sur lesquelles étaient gravés leurs noms.

Les gars de Maulévrier se rassemblèrent sous la conduite de Delaunay, un Vendéen de 1793, de Caqueray, et de Diot, ancien sous-officier de gendarmerie. Pouzauges et La Châtaigneraie s'agitèrent, la Bretagne, le Maine et l'Anjou montrèrent aussi des dispositions menaçantes, et tout faisait prévoir un soulèvement général des provinces de l'Ouest.

 

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RÉUNION DES CHEFS VENDÉENS A LA FETELIÉRE
DÉBARQUEMENT DE LA DUCHESSE DE BERRY A MARSEILLE (28 Avril 1832)

SON ARRIVÉE EN VENDÉE (Mai 1832)
SES TRAVESTISSEMENTS

 

Tel était l'état d'esprit dans les anciennes provinces insurgées lorsque Athanase de Charette, neveu du général fusillé à Nantes et frère de Ludovic tué en 1815, arriva secrètement dans la Vendée, et convoqua les principaux chefs royalistes à la Fetelière, près de Remouillé. Là il leur fit part des ordres envoyés par la duchesse de Berry. D'après son plan, la Vendée ne devait se soulever qu'après l'annonce des premiers succès qu'on escomptait dans le Midi, surtout par suite de la détresse dans laquelle se trouvaient les ouvriers lyonnais. En conséquence de cette détermination, on ajourna la prise d'armes et on attendit les événements.

A ces événements, qui sont les derniers de la Vendée militaire, allait présider une femme de sang royal, une émule de Jeanne d'Albret et de Marie-Thérèse, en un mot la mère de l'Enfant du Miracle, Marie-Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry.

Frêle et petite, mais d'une endurance étonnante, au moment où on la croit toute entière au plaisir, elle rassemble en sa petite main tous les fils d'une vaste conspiration. Passionnée comme les femmes de sa race, dupe de son imagination et de ses désirs, tour à tour irritable et douce, énergique et enjoleuse, elle captive le cœur des marins génois qui l'admirent comme une madone ; et après avoir traversé la Hollande, l'Allemagne, le Tyrol, Milan, Gênes, Rome, où le pape la fait complimenter, elle s'arrête quelques instants à Naples, à Modène et Massa. Le 24 avril 1832, à onze heures du soir, elle se rend sur la plage, où l'attend un petit vapeur, le Carlo-Alberto, et dort sur le sable, enveloppée dans son manteau, à la façon de Condé, à la veille de Rocroy. Le lendemain elle s'embarquait.

Le 28, elle débarque clandestinement près de Marseille. Dès ses premiers pas on la poursuit : alors, avec un élan généreux, elle va frapper à la porte d'un modeste garde-chasse, d'un républicain, et lui disant qui elle est, se fie à sa foi. Elle avait bien jugé ; on ne peut être un vrai républicain sans chevaleresques sentiments ; il s'incline et lui fait place à son foyer. Là, elle apprend que le soulèvement du Midi n'a été qu'une manifestation ridicule, et que le mouvement tenté en sa faveur dans la ville de Marseille a échoué. Malgré les conseils de ses amis qui l'engagent à quitter la France, cette femme, cette mère, cette héroïne d'autrefois, repousse ces avis et s'écrie : « Non, non ! j'ai promis à la Vendée qu'elle pouvait compter sur moi : elle m'attend et j'y vole. » Arrivée dans le château de M. de Bonrecueil, elle se sépare du. maréchal de Bourmont qui l'accompagnait, et chacun d'eux se dirige de son côté pour ne pas éveiller les soupçons de l'autorité. Après avoir passé quelques jours au château de Plassac, en Saintonge, chez M. et Mme de Plassac ; elle part en poste avec eux, traverse une partie des Deux-Sèvres et arrive nuitamment à Mareuil-sur-le-Lay, où l'attendaient quelques amis armés jusqu'aux dents, et bien décidés à pénétrer dans la petite ville, si la moindre difficulté se fut élevée sur son passage. La duchesse put traverser Mareuil sans encombre, et gravir au pas de ses chevaux la côte de Saint-André, gardée par des Vendéens qui, une fois ce passage franchi, rentrèrent chez eux, sans avoir été troublés dans leur expédition nocturne.

 

 

Mareuil-sur-le-Lay. - Le Pont, l'Eglise et le Château.

Cliché Jules Robuchon.

 

Après avoir évité avec le même bonheur tous les périls de la route qui renaissaient à chaque village occupé par les troupes, elle arrive dans la matinée du. 17 mai, au château de Preuilly, près Montaigu.

 

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MADAME LA DUCHESSE DE BERRY A LA PREUILLE (1832)

 

C'était le 17 mai 1832, dans la matinée ; le colonel de Nacquart était à, déjeuner avec quelques officiers vendéens. M. de Charette survint : on ne l'attendait pas. Quelques mots adressés à voix basse à M. de Nacquart le font tressaillir ; mais à peine a-t-il eu le temps de se remettre de son émotion, qu'une chaise de poste se fait entendre dans la cour. M. de Nacquart se précipite sur le perron, et il offre son bras pour descendre de voiture à Mme la Duchesse de Berry, qu'accompagnent le marquis et la marquise de Dampierre et le comte de Mesnard. On traverse à la hâte la salle à manger, on se retire loin des regards curieux. Cependant M. de Nacquart remercie Madame d'avoir daigné se confier à son honneur vendéen ; puis il semble attendre de la princesse l'explication de cette soudaine apparition ; elle n'était pas difficile à donner.

Pleine d'espoir dans le succès d'une conspiration habilement préparée à Marseille, Madame, partie de Massa le 24 avril, sur le Carlo-Alberto, n'était arrivée sur les côtes de France que pour appréndre l'avortement de l'entreprise. Découragés, tous ses entours l'engagent à se rembarquer immédiatement ; seule elle résiste, le sol de la France lui coûte trop à quitter !...et, se souvenant de l'accueil que lui fit la Vendée en des jours meilleurs, elle se résout à. venir lui demander de risquer, pour son fils, les chances d'une nouvelle guerre ; il lui faudra traverser toute la France, n'importe, et se faisant une prudence de son audace même, son voyage s'opère heureusement, au grand. jour et presque sans déguisement. La fidélité de M. de Nacquart lui est connue ; elle l'a décidée à venir lui demander son premier abri dans la Vendée.

« Mais il faut se hâter; un trop long arrêt pourrait donner quelques soupçons au postillon. Au reste il n'est plus à redouter ; jouant mille rôles divers avec un imperturbable sang-froid, M. le duc de Lorges avait accompagné Madame dans son périlleux voyage à travers la France; il était arrivé au château de Preuille déguisé en domestique ; comme tel, il avait été conduit à l'offce, où il n'avait pas épargné les rasades à son camarade le postillon, qui plus que gai remonte en selle, et ne s'aperçoit pas qu'on lui a changé deux de ses voyageurs : Mme la Duchesse de Berry et M. de Mesnard.

« Cependant il faut chercher un lieu plus convenable aux grands projets qu'on médite. Un guide sûr est trouvé ; c'est M. Guignard ; et sous sa conduite, la princesse, travestie en paysan, se rend d'abord aux Mortiers, près de Remouillé, à quelques kilomètres de la Preuille. Son costume est changé, son nom doit l'être aussi : désormais ce ne sera plus Mme la Duchesse de Berry, ce sera Petit-Pierre. Petit-Pierre prend un repos de quelques heures, mais le sommeil d'un proscrit est compté ; Mesnard et Charette, aussi déguisés, sont venus rejoindre la princesse, et, sur les neuf heures on part pour gagner un nouvel asile. La route est longue, mais un gué dangereux peut la raccourcir. On se hasarde à le traverser : au milieu des ombres d'une nuit sans étoiles, le paysan qui donne la main à Madame glisse sur les pierres mal assurées, et entraîne la princesse, qui disparaît dans les eaux de la Maine. M. de Charette parvient avec peine à la retirer. Entièrement glacée sous ses habits imbihés d'eau, Madame ne pouvait continuer la route en cet état. Elle retourne aux Mortiers, y change de vêtements, et une demi-heure après, repart à cheval et dans d'affreux chemins.... (1) ».

Arrivée au château de Bellecour, en la paroisse de Montbert, elle y passa pour se reposer de ses fatigues et correspondre avec les chefs les plus influents de la Vendée, les 18, 19, 20 et 21 mai. Elle y reçut plusieurs visites, gardant toujours son costume, qui se composait d'une perruque en cheveux châtains plats, recouverte d'un petit bonnet de laine noire, d'une veste verte avec des boutons d'un métal terne, d'un gilet jaune sale et d'un pantalon bleu eu coutil ayant un large bouton au milieu.

 

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(1) Extrait des Echos du Bocage Vendéen, année 1885, No II, pages 57-58.

 

LE SOULÈVEMENT EST CONTREMANDÉ (24 Mai 1832)

 

De Montbert la duchesse se rendit dans une maison près de Saint-Etienne-du-Bois, et de là aux Mesliers, où se tint un conciliabule avec le propriétaire, M. de la Roche-Saint-André, et MM. de Goulaine et de Goyer, qui ne lui dissimulèrent point que le soulèvement fixé au 24 mai n'avait aucune chance d'aboutir, puisqu'on attendait toujours l'effet des promesses du Midi. La princesse, très perplexe sur le parti à prendre, se décida enfin à faire donner contre-ordre aux commandants de division, après avoir pris l'avis de Berryer, qui était arrivé le 23 mai, à onze heures du matin, au château de la Grange, chez M. de Goulaine.

Tous ces ordres et contre-ordres firent manquer le mouvement. D'ailleurs pour tout observateur impartial, il n'y avait plus, en 1832, ce calme plein de force des soulèvements de 1793, cet amour du foyer domestique poussant à la mort ou à la victoire, cette sombre énergie du désespoir qui, en un seul jour, de cent mille paysans inoffensifs créait autant de héros. Le but de la, guerre s'était identifié dans une mère qui, au nom de son fils orphelin, faisait appel à tous les sentiments de gloire et de famille des royalistes. Quelques-uns parmi les chefs, avertis à temps ne bougèrent pas, tandis que d'autres, instruits trop tard ou doutant de la vérité, entrèrent quand même en campagne, mais ne firent que des tentatives partielles qui ne pouvaient aboutir, car rien n'était prévu.

 

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AFFAIRE DU PORT-DE-LA-CLAYE (23 Mai 1832)

 

C'est ainsi qu'une vingtaine d'hommes attaquèrent, le 23 mai, le poste du Port-de-La-Claye, où ils perdirent un des leurs. Le lendemain, le jeune de Marcé avant appris le contre-ordre, revenait du Champ-Saint-Père chez lui, accompagné de M. de Trié, ancien officier, lorsqu'au lieu même où avait eu lieu le combat de la veille, il est rencontré par un nommé Fréron, accompagné d'un bourgeois du pays.

Attaqué par eux à l'improviste, il est désarmé et reçoit en s'éloignant une balle dans la cuisse.

Réfugié dans une maison du village et étendu sur un coffre, il se croyait en sûreté, lorsque le sergent, qui l'avait suivi de près, entra tout à coup dans la maison, et lâchement tira à bout portant sur un ennemi désarmé. La croix de la Légion d'honneur fut la triste récompense de cette mauvaise et criminelle action.

 

SAISIE DE LA CORRESPONDANCE ROYALISTE
MEURTRE DE CATHELINEAU (27 Mai 1832)

 

Le 26 mai, à la suite d'une alerte, Madame ne se croyant plus en sûreté aux Mesliers, se dirigea, accompagnée par Mlle Eulalie de Kersabiec, surnommée Petit-Paul, vers une ferme voisine pour y passer la nuit. Mais tout danger ayant disparu momentanément, et après avoir caché divers effets laissés au hasard dans sa maison, M. de la Roche-Saint-André engagea la princesse à revenir chez lui.

Mais la saisie des correspondances royalistes, faite le 28 mai, au château de la Charlière, près Nantes, chez M. de l'Aubépine par le général Dermoncourt, avait mis les émissaires de Louis Philippe au courant de toutes les affaires du parti, et allait achever d'entraver les efforts de ceux qui avaient pris les armes.

Ce jour même on apprenait, que Jacques Cathelineau, le fils de l'ancien généralissime, venait d'être tué au château de la Chaperonnière, près Baupréau, où il s'était réfugié avec MM. Moricet et de Civrac. Caché derrière une trappe, Cathelineau entendait les malédictions et les menaces proférées surtout par l'officier de gendarmerie Mazion contre le fermier Guinehut, qu'il voulait forcer à découvrir le lieu de la retraite. Craignant qu'ils ne se portassent contre lui aux dernières extrémités, il parut tout à coup à l'entrée de sa cachette et s'écria : « Ne tirez pas, nous sommes sans armes, et je me rends ». Ces paroles étaient à peine prononcées qu'un coup de feu tiré par le lieutenant Régnier, du 29° de ligne, atteignit à bout portant le malheureux Cathelineau. Il tomba mort au pied de l'échelle ; ses deux amis, couverts de son sang, furent faits prisonniers ainsi que Guinehut. Le lieutenant Régnier osa dire pour excuse qu'il avait ses ordres ; cela est probahle, car un mois après, il recevait; comme le sergent Fréron, la croix de la Légion d'honneur, trop souvent indignement prostituée.

 

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DÉPART DE PETIT-PIERRE DE MESLIERS (31 Mai)

 

Dans la nuit du 31 mai, Petit-Pierre, monté en trousse derrière M. de La Roche-Saint-André, et Petit-Paul derrière M. de Mesnard, quittèrent les Mesliers, et se dirigèrent, après mille péripéties, d'abord vers Saint-Etienne-de-Corcoué, ensuite vers Saint-Colombin , d'où la princesse fut conduite à La Moucheterie, chez le vieux La Roberie, dans une maison qui lui était destinée et où elle arriva vers trois heures du matin. Le vieux lieutenant de Charette, après avoir fait effacer par ses fidèles paysans l'empreinte des pas de Madame sur la poussière des chemins, voulut lui-même la conduire plus loin avant d'aller mourir pour son service.

 

RASSEMBLEMENTS DIVERS

 

Le 3 juin, un rassemblement provisoire eut lieu dans la lande des Urgeries, et le lendemain, lundi 4, il s'effectua à Maisdon, où il s'empara de la cure, dont il fit son quartier général. En même temps Pont-James était emporté par La Roberie. Les cantons de Loroux, Vallet, Clisson, Vieillevigne, etc.., se mettaient en mouvement, tandis que le général Dermoncourt averti, se portait rapidement vers Aigrefeuille pour prêter main-forte à la garde nationale.

Henri de Puyssay à la tête de cent hommes seulement, livrait, de son coté, près de Maisdon, un combat où il fut blessé, et Charles de Bascher, ancien colonel de la division de Charette, vieillard de soixante-douze ans, qui avait voulu, malgré son âge, prendre part à la guerre, tombait entre les mains des soldats qui le blessèrent d'ahord, puis l'achevèrent à coups de baïonnette, sans vouloir lui accorder un quart d'heure qu'il implorait pour recommander son âme à Dieu.

 

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ENGAGEMENT DE LA CARATERIE (6 Juin 1832)

 

De pareils excès, que la victoire ne devrait jamais autoriser, portaient l'effroi dans les âmes : ils n'empêchèrent cependant pas Louis de Cornulier de tenir la promesse qu'il avait faite à Madarne et lui qui, à la Fetelière, avait été l'un des plus opposants, attaqua le 6 juin, près du château de la Caraterie, un bataillon de ligne, ayant à sa tête le colonel Phelipeaux; tout à coup ce bataillon est renforcé par deux compagnies de grenadiers et par la garde nationale de Machecoul. Cornulier, avec quatre cents hommes, ne perd pas courage et tient tête aux assaillants, mais un nouveau hataillon accourt, et les Vendéens ne pouvant plus lutter contre des forces quatre fois supérieures, se retirent dans un petit bois et s'égaillent.


COMBAT DU CHÊNE (6 Juin)

 

Le jour même où avait lieu l'engagement de la Caraterie, Charette, La Roberie et Aimé du Temple, commandant la division de Légé, avaient opéré leur jonction et s'étaient portés au village du Chêne, près de Saint-Philhert-de-Bouaine (1), où ils ne tardèrent pas à se trouver en face de l'ennemi. La troupe de Charette se composait en ce moment d'à peu près six cents paysans et de la compagnie nantaise, troupe royaliste d'élite dont le chef était Frédéric La Roche, et où l'on comptait Couétus, le duc de Lorges, les deux Monti de Rezé (2), Emerand de la Rochelle, Adolphe de Biré, Bruneau de la Souchais, père de onze enfants et ancien juge au tribunal de Nantes, etc.

Les Vendéens, après avoir traversé le ruisseau de l'Issoire, engagèrent vivement l'action, mais leurs balles ne frappaient que sur les murailles des maisons dans lesquelles s'était embusqué l'ennemi. Déjà plusieurs sont tombés sous le feu, lorsque Charette, qui les a rangés en balaille s'écrie : « Laissez-les approcher et en avant ! »

La fusillade redouble, les soldats tirent sans cesser, cachés qu'ils sont par les fenêtres ou derrière les angles des murs. Le pont construit sur le ruisseau qui les sépare du village ayant été détruit par Aimé du Temple avant le combat, et quelques insurgés hésitant à franchir le cours d'eau, Edouard de Kersabiec, de la Souchais, Edouard et Pascal du Temple et Edouard Monti de Rezé, aide-de-camp du général, s'élancent sous le feu de l'ennemi et traversent l'Issoire. La Souchais reçoit une halle dans le bras droit ; Monti voit son espingole brisée dans ses mains. Encouragés par l'exemple de leurs chefs, les Vendéens se jettent à l'eau, et la baïonnette au canon ils poursuivent, l'épée dans les reins, l'ennemi qui recule et se retire de village en village sur la trace de la garde nationale de Vieillevigne, qui lui donne l'exemple de la fuite.

Cependant un bataillon du 44° est rangé en bataille hors du village. Sur les pas de leur général les royalistes se jettent à sa rencontre ; les uns se déploient en tirailleurs, d'autres, pendant deux heures comhattent en face et succombent, comme Bonrecueil (3) et de Trégonnain. Après une lutte acharnée de deux heures, les Vendéens demeuraient maîtres du champ de bataille mais tandis que Charette faisait distribuer des soins aux blessés et du pain à ses Chouans, ces derniers s'aperçurent qu'ils allaient être cernés. Malgré les ordres du général, qui se précipitait pour les rallier, ils se débandèrent et purent, sans trop de perte, arriver au Claudi, où Charette les licencia en les ajournant à des temps meilleurs... Pendant ce temps, quelques habitants de la contrée recueillaient sur le terrain de la lutte des valises bondées d'or qu'avaient abandonnées les fugitifs, et avec ce produit, achetaient quelque temps après des propriétés. Il y a même des paysans qui, dit-on, ne craignirent pas d'arracher à des mourants leurs montres et leurs bijoux (4)

Retirée dans la paroisse de Saint-Colombin, la duchesse de Berry n'avait pu prendre part au combat du Chêne, car Charette avait enjoint à Libaut de la Chevasserie de veiller sur elle, et à tout prix de retenir son courage, Mais traquée par la police qui fouille toutes les maisons, elle est contrainte avec sa suite de se cacher dans un fossé rempli d'herbes. Pendant six heures consécutives, les soldats qui avaient été signalés se dirigeant vers la ferme se livrèrent aux plus minutieuses recherches, mais en vain, et le danger passé, la duchesse de Berry, qui avait pansé avec les soins d'une mère Bruneau de la Souchais, blessé au combat du Chêne, put gagner un nouvel asile.

 

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(1) Dans la nuit il avait fait cuire plusieurs fournées de pain au village de La Laudonnière.

(2) Un d'entre eux, Edouard, avait, quelque temps auparavant, aperçu dans la forêt de Machecoul le général Dermoncourt, escorté de son aide-de-camp et de trois gendarmes.

(3) M. Bosc de Bonrecueil, 34 ans, capitaine en demi-solde, marié, était des Bouches-du-Rhônes, il avait eu les deux jambes fracassées. A la suite de sa blessure, il se traina sur les genoux jusqu'au village de la Couëratière. Là un misérable chez qui il entra pour se reposer, après l'avoir dépouillé de son or, le jeta brutalement à la porte. Après bien des traverses, il fut recueilli par la troupe à Saint-Philbert et transporté à Rocheservière, où il subit l'amputation des deux jambes sans aucun succès. Il mourut le 17 ,juin....

Son épitaphe se lit encore au cimetière de Rocheservière,

(4) Ainsi la montre du comte d'Huache tomha entre les mains d'un individu de Landefrère.

(Échos du Bocage, cinquième année, n° III, page 83).

A 120 mètres du ruisseau de l'Issoire et près du village du Chêne, limite de Vieillevigne et de Saint-Philbert-de-Bouaine, sur un tumulus ou ossuaire, s'élève, une croix avec l'inscription suivante :

1864
BARON DE LA BROUSSE,

La croix fut élevée

en ce lieu en 1834

par le baron de la Brousse.

 

COMBAT DE LA PÉNISSIÈRE

 

Tandis que du côté de Vieillevigne Charette combattait au Chêne, et que La Roberie à ses côtés, cherchait les armes à la main à venger la mort de sa fille Céline, tuée à 15 ans par un coup de feu, au moment où elle s'enfuyait du château de son père, quarante-cinq royalistes du corps de La Rochejaquelein venaient, le 5 juin, s'abriter contre l'orage au manoir de la Pénissière de la Court, commune de la Bernardière. C'est là que devait s'accomplir un des plus beaux faits d'armes de l'histoire ancienne et de l'histoire moderne, un de ces sublimes épisodes de nos guerres civiles, où courage, héroïsme, dévouement, furent prodigués, comme on les prodigue à chaque pas dans notre histoire, et qui, à soixante-dix ans de distance, est toujours demeuré vivant dans la mémoire des vieillards du pays.

« La Patrie blessée condamne ces cruels héros, mais de même qu'une mère, fière de ses fils ingrats, elle relève la tête quand elle entend louer par d'autres « leurs luttes terribles dont elle a saigné ».

Au mois de juin 1832, Clisson, qui avait pour garnison un bataillon du 29e de ligne, commandant Georges, était un centre patriote isolé au milieu de populations hostiles de Montfaucon, Boussay, Torfou, Saint-Hilaire du Bois, etc. Un grand nombre d'insurgés, avec la pensée de s'emparer des fusils des gardes nationaux de Cugand et de la Bruffière, s'étaient concentrés dans la paroisse de la Bernardière, qui relevait de la division de La Rochejaquelein. Le 7 juin, le hameau de Fouques ayant été sérieusement menacé par les Vendéens qui, maîtres de la Bernardière, simulaient une attaque sur Cugand, la garde nationale de Clisson, renforcée de quelques gendarmes et d'une quinzaine de militaires, attaque l'église de la Bernardière, où s'étaient barricadés les Chouans.

Trompés sur le nombre de leurs adversaires, les Vendéens se dirigent vers la Pénissière de la Court, vieille maison bourgeoise « mansardée, couverte en tuiles et percée de quinze ouvertures dispersées sans aucune symétrie. A la maison d'habitation était adossée la chapelle, qui faisait face au midi et donnait sur un vaste jardin planté de vieux arbres. Au dessus des fenêtres du jardin s'élevaient les fenêtres du rez-de-chaussée, à une hauteur d'une douzaine de pieds. Au nord, un pré formant vallon, couvert d'eau, à l'ouest la cour principale, dont les murailles étaient hautes de 4 à 5 mètres. Cette cour était, en communication avec la maison du fermier ».

Dans le château se tiennent, résolus à une défense opiniâtre, quarante-cinq hommes, ayant pour chef un ancien officier de la garde royale, Eugène de Girardin, que secondent ses trois frères Egisthe, Victor et Emmanuel. A leurs côtés se tiennent de Chevreuse, les trois Fouré, les deux Aubert, les deux François Levèque, Aucler, Jamin, Aubry-Leclerc, Raffegeau, Motreuil, Joulin père et fils, Mony, Augé, Bondu, Juret, Guinefolle, Thomassy, Bouleau, Jary, Touche, Mounier, Blandin, Ripoche, Gazeau, Martin, Viaud, Papin, Hérouet, Auray, Guichard et les deux Poiron. Dans cette héroïque phalange se rencontrent quelques nobles, des séminaristes de Beaupréau, dont quelques uns avaient à peine 17 ans, et surtout des paysans jeunes et vieux « qui, unis par les liens d'une étroite parenté, se sentent forts en se serrant les coudes, et surtout en caressant de la main de lourdes espingoles de cuivre, qu'ils chargent jusqu'à la gueule de dix-huit à vingt-cinq balles. Sans doute quelques uns parmi les combattants, poussés par leur sang et excusés par leur âge, ignoraient que la guerre civile est un crime ; mais du moins quand ils allaient lutter contre des Français qu'avait portés la même terre, ils étaient mus par un bel enthousiasme et un bel élan de dévouement; en tombant pour leur fidélité et leurs princes, ils montraient qu'ils étaient de cette race généreuse qu'avait enfantée les temps de Révolution, et qui est remplacée en nos jours languissants « par une génération qui, dès l'adolescence, se traîne trop souvent, sans chaleur, sans haine et sans amour (1) ».

 

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Trop peu nombreux pour opérer avantageusement contre une troupe qui les avait salués d'une terrible décharge de mousqueterie, les philippistes, qui s'étaient sérieusement rafraîchis dans le cellier de la Pénissière, attendent au port d'armes qu'il leur vienne du renfort. Bientôt quarante-cinq hommes arrivent et alors on prend l'offensive vers onze heures, en enfonçant les portes d'une maison de fermier, en communication avec la cour du côté de l'est.. « Un garde national, tailleur de pierres de son métier, pratique une ouverture dans le mur d'un bâtiment servant de pressoir et la fusillade s'engage. »

Neuf à dix espingoles, maniées par les plus habiles tireurs vendéens et rechargées avec rapidité par les camarades placés derrière, font pleuvoir une grêle de balles sur les assiégeants, pendant que le clairon Monnier souffle l'ardeur aux siens, en jetant aux champs un appel désespéré. Les soldats, embusqués, ripostent, mais leurs balles vont s'aplatir sur les murs sans blesser personne. Au bout de plusieurs heures, et désespérant de les forcer, on songea à un autre moyen. Les plus courageux, ayant à leur tête Charbonneau, compagnon couvreur, s'élancent et vont se loger dans la chapelle, distante du pressoir de sept mètres environ. Du chœur, par une fenêtre, ils observent les croisées du château qui font face, et là, l'idée de faire « flamber les chouans » émise par Charbonneau, dit Frise-Poulet, est accueillie par des bravos. Le grenadier Fléchaud, d'un coup de crosse fait voler la croisée du chœur en éclats, et par là, on jette auprès des abat-vent du rez-de-chaussée, des fagots de fournilles et genêts qu'on transporte au bout des baïonnettes. Ensuite, on enflamme une pincée de poudre dans le bassinet d'un fusil, on y allume une poignée de filasse et Fléchaud s'élance attacher la mèche incendiaire aux fagots. Sept balles lui transpercent les cuisses. Il tombe. Les camarades, exaspérés, sortent à leur tour. Les fagots flambent bientôt, aux applaudissements des militaires et des nationaux. L'incendie dévore le bois des fenêtres, de la porte ; et la fumée, qui entre par les ouvertures, force les défenseurs à évacuer le rez-dechaussée.

Il pouvait être alors entre trois et quatre heures. A quatre heures, la face du combat change avec le commandant Georges, qui, à 11 heures et demie du matin, fouillait Maisdon, s'emparait des munitions cachées dans la cure et à trois heures et demie était de retour à Clisson. Là, il apprend qu'on se bat à la Pénissière, distante d'une lieue. On dépose les sacs, on bat l'appel et au pas de course le bataillon s'élance dans la direction de la fusillade.

A quatre heures, le commandant, avec ses cinq ou six cents hommes, prend ses positions de combat : « il place à l'arrière-garde un peloton de militaires et de nationaux qu'il charge de veiller sur ses derrières, en même temps qu'ils garderont les blessés étendus sur de la paille et des couvertures, dans un hangar attenant à une maison de fermier, sise en dehors des murs d'enceinte. Puis la bataille commence. Le tambour bat la charge, les grenadiers s'élancent, poussant des hurrahs formidables. Les partisans ripostent en criant : « Vive Madame! Vive Heuri V ! Vive la ligne ! A mort les nationaux ! Le clairon de Monnier répond par des sons stridents, d'une étonnante énergie, aux roulements du tambour ; la flamme qui crépite mêle son grondement, au bruit général ».

Les portes, les croisées sont mises en pièces, à coups de barres de fer, à coups de fusils tirés dans les serrures. La foule

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hurlante s'engouffre dans le rez-de-chaussée qu'elle trouve désert, quand, entre les solives, par les intervalles du plancher décarrelé, les espingoles jettent le désordre dans la troupe des assaillants. Un caporal tombe mortellement frappé, plusieurs grenadiers sont blessés. Des cris de rage répondent aux cris de triomphe sauvages. - Encore une fois la troupe recule. Mais on vient de découvrir une échelle ; on l'applique au mur, et un soldat plus audacieux que ses compagnons, enlève plusieurs tuiles du toit et lance dans la charpente un brandon allumé.

Là encore, l'incendie se propage avec rapidité. Le feu sur la tête, le feu sous les pieds, la petite troupe de Girardin semble une troupe de diables qui se jouent dans une fournaise. Et le clairon, et le tambour et l'incendie font rage. Malgré le feu des fenêtres, un peloton de sept hommes se risque dans le jardin.

Aussitôt, quatre espingoles sont braquées sur les imprudents. Desnos, tambour de la garde nationale, a son bonnet de police traversé par une balle ; un officier, un bouton de son habit emporté : mais pas de mort à déplorer.

A la fin, la situation était devenue intolérable pour les assiégés : le jeu prenait au plancher. Placés sur le palier, étouffés par la fumée ardente, brûlés par le feu qui les embrase, ils renversent leurs ennemis dont les baïonnettes se dressent jusqu'à eux. A chaque coup ils jettent leur cri de « Vive le Roi ! » et le clairon sonne toujours ses fanfares. Mieux valait risquer une sortie que d'attendre le moment où il faudrait périr dans le brasier. « Alors, dit Loudun, ces jeunes gens, qui depuis de longues heures se battent en héros, se retrouvent en ce moment solennel hommes et chrétiens ; tous ils mettent un genou en terre ; l'un deux récite à haute voix la prière des morts et les autres en chœur lui répondent ; puis fortifiés d'une sublime espérance, ils se relèvent et se saisissent les mains pour un suprême adieu » De Girardin confie à Levêque le commandement de huit hommes qui resteront dans le château pour couvrir la retraite du reste de la bande, et aussitôt ils descendent l'escalier, ouvrent la porte. Les uns sautent dans le jardin, les autres dans la prairie du Nord. A cet endroit les fenêtres ont huit mètres de hauteur. Heureusement qu'un grand prunier élève ses branches presque à ce niveau ; s'élancer sur une branche, s'abaisser avec elle, et, grâce à ce jeu de tremplin, dégringoler dans le pré sans se faire de mal, tel est le parti qu'embrasse la majorité. Une fois dans la prairie on avait de l'eau jusqu'à mi-jambes. De là on gagnait un champ de genêt où il était facile de disparaître.

Déjà une partie de la troupe s'était échappée sans bruit, quand, le commandant, qui s'aperçoit de la fuite, donne l'ordre d'ouvrir une brèche dans le mur du jardin pour surveiller la sortie. En ce moment, Emmanuel de Girardin sautait du prunier. « Plusieurs coups de feu l'étendent mor ; Egisthe, Mony, Gazeau, Leclerc, Juret, sont les uns fusillés, les autres percés de baïonnettes au moment où ils essaient de s'enfuir... » En un instant sept d'entre eux étaient tombés morts.

A six heures et demie arrive un nouveau renfort de cent hommes qui veulent prendre part à la chasse à l'homme, fouillent les taillis, tuent ceux qui font feu, et parmi eux un nommé Douillard, qui passait pour être chef de paysans.

Neuf heures. La nuit vient. Plus de cartouches et deux espingoles hors de service. Levêque voit que toute résistance est désormais inutile ; mais se rendre, jamais ! Au-dessus du château en flammes, l'orage gronde toujours. Partout la mort. Blottis dans l'angle d'une grande chambre, les huit abandonnés qui se sont sacrifiés pour sauver leurs compagnons attendent, frémissants d'impatience, l'heure fatale qui approche. Le toit embrasé éclate et s'abîme sur eux. Heureusement un pan de mur détourne l'avalanche du feu. La trouée qui vient de se faire leur donne un peu d'air frais ; il n'était que temps, la fumée commençait à les asphyxier. Le ciel, en même temps, fait ruisseler une pluie d'orage qui apaise la flamme autour d'eux. Bientôt, ils ont découvert l'échelle abandonnée le long du mur de façade. Ils descendent. Levêque veille et ne sort du manoir que le dernier. Ils s'en vont, emportant sur leurs fusils disposés en litière, un de leurs compagnons que la fièvre avait empêché de combattre. Et au moment où Georges les croit ensevelis sous des monceaux de cendres, ils sont en lieu sûr.

Le lendemain on fit des perquisitions dans le château abandonné. Sur un mur on put lire une inscription tracée au charbon « Mort aux traîtres de Z... » en toutes lettres. On découvrit des cachemires, des couverts d'argent, des espingoles, une soutane, mais on ne mit la main sur aucun partisan de la duchesse.

La victoire coûta à l'armée philippiste dix blessés et quatre morts, dit le commandant Georges dans le rapport qu'il expédia au général Dermoncourt à la date du 15 juin. A cette date, c'està-dire huit jours après, la Pénissière brûlait encore (2). - De son côté Crétineau-Joly, dans le récit qu'il fait du combat de la Pénissière (3) prétend que les troupes régulières laissèrent sur le champ de bataille deux cent cinquante des leurs, sans compter de nombreux blessés. Ce chiffre est également donné par de Brem et Johanet. Il est assez difficile de démêler la vérité dans ces chiffres si opposés, mais si ceux de Crétineau-Joly nous paraissent entachés d'exagération, ceux donnés par le Moniteur officiel nous paraissent absolument fantaisistes. Ou le gouvernement fut trompé par ses agents, ou il voulait tromper la France. Mais quel que soit le chiffre exact des morts et des blessés, ce combat n'en fut pas moins épique et fameux dans les fastes du parti légitimiste On ne sait ce qu'on doit admirer le plus, ou de l'acharnement de la défense ou du courage déployé dans l'attaque.

« Et aujourd'hui tous ces morts reposent aux abords de la Pénissière, dans le silence et la solitude, sans que nul nom, nulle inscription, nulle croix ne rappelle leur souvenir. Jadis pourtant., près d'une tombe, croissait un laurier : de pieux visiteurs, des compagnons d'armes coupèrent plusieurs fois de ses branches et les plantèrent sur la tombe. Mais comme le laurier de Virgile, il n'a pas poussé de jets nouveaux, et ces morts de 1832 sont déjà enveloppés de ce vague et de cet inconnu que les siècles en s'accumulant déposent tôt ou tard sur la gloire humaine (4).

 

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(1) Loudun, page 48.

(2) Les Echos du Bocage Vendéen, IIIe année, Nos V et VI.

(3) Histoire de la Vendée militaire, T. IV, pages 474 et 489.

(4) Le pays Loudun, page 93.

 

 

ESCARMOUCHES DIVERSES
ARRESTATION DE LA DUCHESSE DE BERRY

 

Du côté de Saint-Aubin-des-Ormeaux et de la Gaubretière, du Chillou, Bernier de Marigny et la Tour du Pin avaient formé des rassemblements, notamment dans le bois des Agenaudières de la Gaubretière (6 juin) et arboré le drapeau blanc au sommet du clocher de la première de ces paroisses. Le 7 juin, ils avaient battu les phïlippistes près du village de la Roulière, entre Saint-Aubin et Saint-Martin-Lars : mais à peine rentrés à la Gaubretière, où ils avaient ramené plusieurs prisonniers, ils apprirent officiellement les insuccès de l'insurrection dans la Vendée proprement dite. Ailleurs, les royalistes avaient eu quelques succès, mais bien insignifiants.

Les paroisses des environs de Chemillé, réunies au Pin-enMauges, sous le commandement de Cathelineau, de la Béraudière et de la Paumelière, enfonçaient le 4 juin un bataillon du 29e de ligne. Sur la rive droite de la Loire, La Roche-Macé et Louis de Bourmont avaient obtenu quelques succès partiels, mais le contre-ordre, pénétrant successivement dans toutes les divisions, comprima l'élan des populations et fit tomber les armes de la main de ceux qui s'étaient mis en campagne.

 

La duchesse de Berry à Blaye en 1832

 

Bientôt l'arrestation de là duchesse de Berry « le seul homme de la famille des Bourbons », découverte à Nantes dans la maison de Mlles de Guiny et transférée a Blaye, acheva de décourager les royalistes. « L'affaire de 1832, où une princesse de sang royal trouva quelques dévouements a la hauteur de son courage, ne fut donc qu'une aventure chevaleresque digne encore de la Bretagne et de la Vendée, et qui, malgré son misérable dénouement, fournira de belIes pages aux historiens et aux poètes de l'avenir, quand le jour sera venu de la raconter sans passion et de la juger sans appel. » (1)

 

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(1) Pitre-Chevalier.

 

 

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