Jacques Rousseau, qui devint un de nos plus habiles sculpteurs,
et porta même le titre de sculpteur du roi, naquit à
la Crépelière commune de Chavagnes-en-Paillers, le 17
mai 1681 (1).
Il appartenait à une famille de simples cultivateurs. Dès
son enfance, il se fit remarquer par l'adresse avec laquelle, sans
autre outil que son couteau, il exécutait divers travaux de
sculpture, tel que des Christs et des Saintes Vierges. Aussi l'évêque
de Luçon, Henri de Barilllon. étant venu à Chavagnes,
en visite épiscopale, le 23 août 1697, le curé
lui présenta le jeune artiste et le prélat, charmé
de ses dispositions, le prit sous sa protection et l'envoya étudier
à Paris. Il y eut pour maître le célèbre
Nicolas Coustou, sous lequel il se forma rapidement ; ensuite, il
passa quelque temps à Rome.
A son retour à Paris, l'Académie le reçut au
nombre de ses membres, et, plus tard, il y obtint le grade de professeur.
Son morceau de réception était Ulysse tendant son
arc.
Le roi d'Espagne, Philippe V, l'ayant choisi pour son premier sculpteur,
Bousseau se rendit dans ce royaume, fit beaucoup de travaux à
Madrid et y mourut le 13 février 1740, à l'âge
de 59 ans.
La cathédrale de Rouen, le palais de Versailles et diverses
églises de Paris renfermaient des uvres du sculpteur
poitevin.
Nous citerons le mausolée du cardinal Dubois, aujourd'hui
dans l'église Saint-Roch, et que l'on a, à tort, attribué
à Nicolas Coustou ; - le grand autel de la cathédrale
de Rouen, représentant l'ancienne loi accomplie par la nouvelle
; - Saint Maurice et Saint Louis, placés dans une chapelle
de l'église N.-D. ; - J.-C. donnant les clefs à Saint
Pierre ; - La Religion, le tombeau de M. d'Argenson
à la Madeleine du Tresnel, un bas-relief dans la chapelle
de Noailles, un Zéphir qui ornait le parc Ténars
(bords de la Loire), embelli par Mme de Pompadour, et qui, lors
d'une vente qui eut lieu il y a quelque vingt-cinq ans, atteignit
un prix très élevé.
Au milieu de ses succès, il n'oublia pas sa paroisse natale
; car il sollicita et obtint du pape, en 1719, des reliques de sainte
Gaudence et de saint Restitut, partagées entre la paroisse
de Chavagnes, où elles sont encore, et celle de Saint-Sulpice-le-Verdon,
dont était curé un de ses frères.
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(1) En marge de l'acte de baptême on lit : le
dit Bousseau est actuellement un des premiers sculpteurs du royaume.
RÉAUMUR
René-Antoine Ferchault, seigneur de Réaumur,
naquit à La Rochelle le 28 février 1683. Malgré
l'éloignement de cette naissance, la famille Ferchault n'en
appartient pas moins tout entière au Bas-Poitou, d'où
René Ferchault, seigneur de Réaumur, père du
savant auquel nous consacrons ces lignes, ne s'éloigna que
pendant quelques années pour occuper la place de conseiller
au présidial de La Rochelle.
Après avoir terminé ses études à Poitiers
et fait son droit à Bourges, Réaumur, entraîné
par un goût irrésistible vers l'observation de la nature,
se livra avec une ardeur fébrile à l'étude des
mathématiques et de la physique. En 1703, il se rendit à
Paris, où son parent, le président Hénault, le
mit en relation avec les savants de l'époque. Dès 1708,
alors qu'il n'avait que 24 ans, l'Académie des Sciences à
qui il avait présenté « des mémoires de
géométrie », l'accueillit dans son sein. Il fit
partie pendant près de cinquante ans de cette illustre compagnie.
Il faut voir dans son Eloge prononcé à l'Académie
des sciences, et dans la notice que Cuvier a publiée sur lui,
la liste prodigieuse des découvertes importantes qui lui sont
dues, et dont quelques-unes seulement eussent suffi à la renommée
d'un autre : rien dans les sciences ne lui échappe. Nous n'indiquerons
ici que les principales. En 1710, l'Académie le charge de sa
grande description des arts et métiers. Les études auxquelles
il se livre pour ce travail donnent lieu à une foule de découvertes,
par lesquelles il rend ainsi à l'industrie française
des services aussi nombreux que variés. Dans son traité
sur l'art du cordier, en 1711, il prouve, contre l'opinion commune,
que la torsion diminue la force des cordes. En 1722 il publie un Traité
sur l'art de convertir le fer en acier et d'adoucir le fer fondu.
Le Régent le récompensa de cette brillante découverte
en lui accordant une pension de 12.000 livres.
Réaumur dote ensuite la France de la fabrication du fer blanc
qui y était inconnue. Son mémoire est de 1725. Il sut
retrouver et perfectionner les secrets des Egyptiens dans l'art d'employer
la chaleur artificielle pour l'incubation des ufs, et décide
l'important problème de la digestion chez les animaux. Ses
Mémoires, pour servir à l'Histoire des Insectes,
composés de 6 volumes in-4°, parus de 1734 à 1742,
se font lire avec l'intérêt du roman le plus attachant.
C'est surtout au cinquième volume que brille son génie
observateur, dans la description du gouvernement merveilleux des abeilles.
Mais son titre le plus durable devant la postérité
« plus durable, dit un panégyriste, qu'une colonne et
qu'un obélisque », est son thermomètre.
« Le caractère particulier aux uvres de Réaumur,
dit M. Léon Audé, est le bon sens, la naïveté,
la finesse dans l'observation poussée jusqu'au génie.
Ses travaux l'avaient placé au premier rang dans la science
: entouré de la déférence du gouvernement, il
vit les hommes les plus distingués de l'Europe, par leur naissance
et leurs talents se faire honneur de son amitié. Mais il ne
fut pas seulement un savant illustre, il fut encore un bon et noble
cur, d'un commerce aimable en société, toujours
prêt à prodiguer à ses amis son crédit,
ses connaissances, sa fortune. Chaque année il faisait un voyage
en Poitou, et passait une partie des vacances à son château
de Réaumur. Il mourut le 18 octobre 1757, d'une chute faite
à la Bermondière, dans le Maine, à l'âge
de 74 ans. - Ses collections d'animaux passèrent au cabinet
du roi, et sont devenues le principe du Museum d'histoire naturelle.
Il avait, par son testament, légué à l'Académie
des sciences ses papiers, qui ne remplissaient pas moins de 138 portefeuilles
pleins d'ouvrages commencés ou terminés. Telle fut la
vie de Réaumur ; vie heureuse, exempte de traverses. »
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LE VICE-AMIRAL COMTE D'HECTOR (1722-1808)
Charles-Jean d'Hector, né à Fontenay-le-Comte
le 22 juillet 1722 (1), perdit très jeune son père,
officier de marine. Après avoir reçu une instruction
très élémentaire à Saint-Georges-de-Montaigu,
où s'était retirée sa mère, il fait une
campagne de six mois à la Martinique ; nommé en 1740
officier-garde de la marine, il s'embarque le 28 avril sur l'Apollon
et fait de nombreuses campagnes. En 1757, après la journée
désastreuse des Cardinaux, alors qu'il est commandant de frégate,
il sauve avec l'aide du chevalier de Ternay, six vaisseaux français
retenus par les Anglais dans les eaux de la Vilaine. Nommé
à la suite de sa brillante conduite commandant du Minotaure,
il fait, en 1766, partie de l'escadre de l'amiral d'Estaings, puis
prend le commandement de l'Actif, sur lequel l'amiral Duchaffault
- un autre Vendéen d'illustre mémoire - avait arboré
son pavillon. Il passe ensuite sur l'Orient, vaisseau de soixante-quatorze
canons et s'y couvre de gloire à la fameuse bataille d'Ouessant.
Promu successivement chef d'escadre (4 mai 1779), lieutenant-général
et chevalier de Saint-Louis, il est en 1783, chargé par Louis
XVI de l'inspection générale des ports de France, dans
le but de leur appliquer un règlement uniforme ; nommé
vice-amiral le 10 janvier 1792, il rejoignit bientôt les princes
à Coblentz, où il se mêla aux intrigues des émigrés,
prit part à la fameuse expédition de Quiberon, et mourut
en Angleterre le 18 août 1808, à l'âge de 86 ans,
ayant eu le tort d'oublier un moment qu'au-dessus des partis il y
avait la France. Il fut enterré dans le cimetière de
Saint-Gilles, à Reading, où sa belle-sur lui fit
élever une tombe.
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(1) Il était si faible en venant au monde, que
l'on crut qu'il ne vivrait pas, lui qui devait fournir une si longue
carrière, et qui fut ondoyé dans la maison paternelle
dans la crainte de hâter sa fin en le transportant à
l'église pour y recevoir le baptême.
LE CHEVALIER DES TOUCHES, CHEF D'ESCADRE
Charles-Dominique Sochet, seigneur des Touches, est né
à Luçon le 7 octobre 1727. Entré dans la marine
le 29 décembre 1743, il était capitaine de vaisseau
en 1767, après avoir servi avec distinction sur la Gloire,
le Jason, l'Alcyon, le Tigre et la Friponne. Marié le 3
juillet 1770 à Mlle Mauras d'Hervy, il demeura bientôt
veuf. L'affection très grande qu'il portait au jeune fils issu
de cette union, et le chagrin de s'en séparer, ne purent l'empêcher
de courir à de nouveaux dangers. L'année 1775 venait
d'agiter le Nouveau-Monde, et l'enthousiasme prodigieux qu'avait excité
chez nous le soulèvement des Etats-Unis contre la domination
tyrannique des Anglais, avait trouvé un écho puissant
dans le cur de notre vaillant compatriote. Le 27 juillet 1779,
il prend, en qualité de commandant de l'Artésien
de 64 canons, part au sanglant et glorieux combat d'Ouessant,
où se signalèrent d'autres illustres représentants
du Bas-Poitou : Duchaffault, d'Hector, de Vaugiraud.
Nommé après le combat d'Ouessant, à la tête
d'une flotte de dix navires, il remplace dans les derniers mois de
l'année de 1780, le chevalier de Ternay qui, à la tête
d'une escadre, donnait la chasse à l'amiral anglais Cornwalis,
qui avait envahi la Caroline et ravageait les côtes de la Virginie
(1). Après quelques jours de mer, il court sur une flotille
ennemie qui lui est signalée à l'entrée de la
baie Chesapeak, coule dix bâtiments ennemis et ramène
en triomphe à Newport, le vaisseau anglais le Romulus
de 44 canons.
Dans l'ivresse du succès, le chevalier des Touches ne rêve
rien moins que l'entière délivrance de la Virginie.
Mettant à profit l'enthousiasme général, il veut
attaquer l'ennemi par mer et par terre, sans lui laisser le temps
de se reconnaître. Il se concerte avec le comte de Rochambeau
et le général de La Fayette, qui commandaient chacun
un corps de volontaires français. Il est décidé,
dans un Conseil de guerre, que la flotte recevra à bord un
détachement de 3.000 hommes déterminés, sous
les ordres du baron de Vioménil, qui seront jetés sur
les côtes de la Virginie. Le point du débarquement devait
être la baie de Chesapeak.
L'escadre, après avoir louvoyé pendant plusieurs jours
par un vent contraire, tombe sans s'y attendre, à une heure
après midi, dans une brume épaisse, sur les lignes ennemies.
L'Anglais, qui sans doute avait éventé le plan, s'était
hardiment embossé à l'entrée même de la
baie de Chesapeak et barrait le passage. L'amiral Arbhut présentait
en bataille onze vaisseaux armés de 670 bouches à feu.
Le but du chevalier des Touches était manqué ; il était
impossible de songer au débarquement des volontaires sous le
feu d'une si formidable artillerie. Que faire ? Prendre le large sous
les yeux de l'Amérique attentive ? C'était donner à
la jactance anglaise le droit de se vanter d'avoir mis en fuite notre
pavillon, sans combat, avec des forces presque égales. Cette
seule pensée faisait bouillonner le sang du gentilhomme poitevin,
jaloux de sauver l'honneur des armes du roi de France. Il attaquera
lui-même : le signal du branle-bas est donné et le feu
s'ouvre sur toute la ligne. C'était le 16 mars 1781. Le combat
fut acharné, terrible, manuvres contre manuvres,
feux contre feux. Après deux heures de lutte, la plupart des
vaisseaux anglais, hors d'état de résister, se traînent
au large, laissant le passage libre à la flotte française.
La victoire fut complète, et le débarquement opéré.
C'était, depuis l'ouverture des hostilités, le premier
succès marquant qui eût couronné notre pavillon.
Il produisit sur l'esprit des Américains l'effet désiré
en détruisant à leurs yeux le prestige de la suprématie
navale des Anglais.
Les applaudissements frénétiques du Congrès
américain, les ovations de tout un peuple et l'amitié
particulière du grand Washington furent pour le marin du Bas-Poitou
une récompense flatteuse et méritée. Mais la
victoire était chèrement acquise ; plusieurs de ses
vaisseaux étant endommagés, il se vit momentanément
contraint de suspendre ses opérations et de rentrer à
Newport pour réparer ses avaries.
Washington, enthousiasmé, conçut une telle confiance
dans nos armes que, sans laisser à la flotte le temps de respirer,
il adressa, le 10 avril 1781, de son quartier général
de New-Windsor, au chevalier des Touches, une lettre autographe pour
le presser de se concerter de nouveau avec les généraux
commandants les troupes françaises et d'enlever au plus vite
le fort de Penobscot, dans le Massachussetts, fort dont la garnison
causait de grands ravages. Peu de jours après, les Anglais
avaient quitté le pays.
Le chevalier des Touches était en veine de succès.
Avant la fin de la même année 1781, il eut encore la
gloire de prendre part aux opérations du siège et à
la reddition de la place de New-York, en Virginie. Ce fait d'armes
présenta cette particularité, que les officiers de notre
marine reçurent des éloges des deux côtés
à la fois. Le Congrès américain lit ériger
sur la place publique de New-York une colonne triomphale et offrit
à l'amiral en chef, comte de Grasse, comme témoignage
de la reconnaissance publique envers la flotte française, deux
canons pris sur les Anglais. En même temps, l'amiral Cornwalis
rendant compte à son gouvernement des nobles procédés
de nos officiers envers leurs prisonniers, écrivait :
« La délicatesse des officiers français, la part
qu'ils semblaient prendre à notre triste situation, la générosité
avec laquelle ils nous offrirent toutes les sommes dont nous pouvions
avoir besoin, sont au dessus de toute expression et doivent servir
d'exemple en pareil cas aux Anglais ». Ces dernières
lignes semblaient être inspirées par une secrète
prévision des événements futurs qui ne se réalisa
que trop. L'année suivante une cruelle humiliation était
réservée à notre pavillon. Le 12 avril 1782,
une flotte française aux ordres du comte de Grasse, secondé
par MM. de Verneuil et Bougainville, était, après un
combat héroïque de onze heures, battue dans la mer des
Grandes Antilles par l'amiral anglais Rodney. - Parmi les vaillants
capitaines qui, dans cette lutte inégale, avaient poussé
le devoir jusqu'à l'héroïsme se trouvait le chevalier
des Touches, qui, peu de jours après son retour de captivité,
recevait de la main du roi le cordon rouge de grand'croix de l'ordre
royal et militaire de Saint-Louis, et le grade officiel de chef d'escadre.
L'isolement du veuvage laisse au cur de l'homme un vide, que
les enivrements de la gloire ne peuvent pas toujours remplir. Le marin
épousait, en l'année 1785, à Luçon, Aimée-Prudence-Geneviève
de Racedet, dame de Saint-Martin-Lars, proche parente de sa première
femme. Elle même était veuve de messire Fortuné
Boisson, chevalier seigneur de la Couraizière, ancien lieutenant
des vaisseaux du roi. De ce mariage le chevalier des Touches n'eut
point d'enfant, mais la famille Racodet était riche et se composait
de neuf filles, qui étaient presque toutes mariées dans
ce pays ; par cette alliance le chevalier des Touches étendait
considérablement sa parenté en Bas-Poitou (2).
« Déjà avancé en âge, il ne songea
point à jouir immédiatement du calme que pouvait lui
offrir une douce retraite, et ne se retira point du service. Plus
sensible à ce qui pouvait donner du lustre à son nom
qu'aux avantages de la fortune, il demandait, le 26 février
1789, que le combat de la Chesapeak fut compris au nombre de ceux
dont le pinceau d'un grand maître devait immortaliser le souvenir.
En 1790 le nom du brave chef d'escadre figurait encore sur les états
de la Marine. Peu après il quitta le service, et au lieu d'émigrer
comme le firent presque tous les officiers de la marine appartenant
au Poitou, il se retira à Luçon, ne demandant que le
repos et la paix dus à ses longs et honorables services.
Quoique dès Touches n'eut pris aucune part à l'insurrection
de la Vendée, la conduite de son fils devait le rendre suspect
aux patriotes. Après avoir quitté les gardes françaises
où il était sous-lieutenant, pour suivre les princes
à l'étranger, ce jeune officier avait fait dans l'armée
de Condé la campagne de 1792. Son corps ayant été
licencié, il était passé en Angleterre, d'où
il avait rejoint Charette dans la Vendée. Blessé dangereusement
dans une affaire, aux portes de la Roche-sur-Yon (3), il avait été
obligé de se cacher chez des paysans, où il avait été
découvert et conduit a Nantes. Il allait y être fusillé,
quand un généreux citoyen, M. Caumartin, commissaire
général de l'armée, le fit entrer à l'hôpital
et facilita son évasion. Repris dans le château où
il avait cherché un asile, il fut encore sauvé par Caumartin,
qui le confia à un honnête homme de Nantes (4). Il resta
trois ans chez lui avec deux de ses cousins, MM. Grellier. Dufougeroux
et de Bernon, et n'en sortit qu'au moment ou le décret d'amnistie
lui permit, de se montrer en toute sécurité.
Arrêtéà Luçon, son père fut conduit
à Fontenay, où son procès allait s'instruire
quand la ville fut prise par les Vendéens. Il les suivit alors,
cherchant dans leurs rangs un refuge contre ceux qui le poursuivaient,
plutôt que prenant une part active à la guerre. Il servait
en même temps de protecteur à deux de ses nièces,
les demoiselles de Bernon, qui chassées de leur propriété
de la Guillemandière, étaient venues, après avoir
erré quelque temps sans asile, demander un périlleux
abri aux royalistes. Bien qu'il n'eut aucun commandement dans l'armée,
il avait pourtant voix au Conseil, car on trouve son nom dans celui
qui se tint à Fougères après la désastreuse
expédition d'Outre-Loire.
Il assistait à la bataille de Savenay, si fatale aux armes
des Vendéens. Assez heureux pour se dérober à
la poursuite des républicains, il vint avec ses deux nièces
chercher un asile chez un fermier de la paroisse de Prinquiau,où
Mme de Lescure était cachée. Il y tomba dangereusement
malade, et après avoir reçu les secours de la religion
de la main d'un prêtre qui, lui aussi, avait trouvé l'hospitalité
dans le voisinage, il mourut au commencement de l'année 1794,
âgé de 67 ans. Mme de La Rochejaquelein raconte qu'après
avoir récompensé un domestique fidèle qui l'avait
accompagnée, il lui confia cent louis pour être donnés
à son fils (5). Ce dépôt fut remis entre ses mains,
et elle en donna un reçu, gravé sur une feuille de plomb
que l'on enterra devant témoins. Plus tard, cette somme arriva
à sa destination.
Aujourd'hui le nom de des Touches est éteint, mais il conserve
une place impérissable dans l'histoire de la marine. »
(6)
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(1) La notification officielle qu'il fit de sa nomination
au général américain Washington, lui valut, du
liberateur des Etats-Unis, une lettre autographe des plus flatteuses
conservée précieusement par la famille des Touches,
ainsi que plusieurs autres autographes dont nous parlerons plus loin.
(2) Extrait en partie d'un remarquable article publié
par M. Alexis des Nouhes dans la Revue de Bretagne et de Vendée
(1864).
(3) Affaire du vieux manoir de la Bouchère.
(4) Il s'appelait Roulion et habitait rue Notre-Dame.
(5) Biographies vendéennes, par Merlaud,
T. II, pages 347-348.
(6) Rendu à la liberté, Adrien des Touches,
fils de l'amiral, épousa en 1800, au château de la Rairie
près Bazoges-en-Paillers, Charlotte-Ambroise-Angélique
de Sapinaud, âgée de 24 ans, l'une des trois filles du
gênéral vendéen. Elle lui donna deux enfants :
Adrien, né en 1801 et mort célibataire en 1825 au château
de la, Rairie : avec lui s'éteignit le nom des Sochet des Touches
; Clémence des Touches, mariée vers 1823 à Gustave
Majou de la Débuterie, dont de nombreux descendants existent
en Vendée.
L'AMIRAL DUCHAFFAULT
L'amiral Duchaffault, dont le nom glorieux est porté
par la caserne d'infanterie de Fontenay-le-Comte, naquit accidentellement
à. Nantes, paroisse de Saint-Vincent, le 29 février
1708, alors que son père, plus tard conseiller au Parlement
de Rennes, habitait la Sénardière, près Montaigu.
Allié aux familles des d'Escoubleau du Sourdis, de La Roche-Saint-André
et des Herbiers-l'Etenduère, qui avaient fourni à la
France d'illustres marins, le jeune bas-poitevin se sentit de bonne
heure attiré vers la marine, dans laquelle il entra comme aspirant.
Marié le 7 janvier 1732 à sa cousine Pélagie
de La Roche-Saint-André, dont le père avait été
son premier guide, Duchaffault était, 1736, enseigne de vaisseau,
et en 1747, capitaine de pavillon du vaisseau Le Tonnant, de
quatre-vingts canons, monté par son parent le chef d'escadre
des Herbiers-l'Etenduère, lors du mémorable et sanglant
combat du 25 octobre de la même année. Là, Duchaffault
fit preuve d'un rare courage, et en 1756 il commandait la frégate
de trente canons L'Atalante. Après un violent combat
dans les eaux de la Martinique, le capitaine anglais du Warvick, vaisseau
de soixante-quatre canons, fut obligé de se rendre à
un simple commandant de frégate française, qui, à
cette occasion, reçut de Louis XV une lettre autographe des
plus flatteuses.
Devenu chef d'escadre en 1764 et après divers exploits, Duchaffault
bombarde les ports de Larrache et de Salé, détruit les
batteries, brûle les navires mauresques.
Douze ans après, il commande l'escadre de dix-sept bâtiments,
destinée à une expédition aux îles du Vent,
et au mois de février de l'année suivante, il devient
lieutenant-général des armées navales de France,
ayant ainsi gravi tous les degrés de la hiérarchie militaire,
sans avoir rien « escaladé dans les antichambres »,
mais après en avoir teint tous les degrés de son sang.
C'est ainsi que le 27 juillet 1778, au combat d'Ouessant, alors qu'il
comptait 70 ans, il fut blessé grièvement d'une balle
à l'épaule et d'un coup de feu au pied. Mais ce qui
le frappa encore plus durement au cur, il eut son fils unique,
qu'il se complaisait à voir marcher sur ses traces, tué
près de lui, ainsi que son neveu (1).
A la suite d'une interruption de service motivé par ses blessures,
Duchaffault fut choisi pour commander provisoirement les flottes combinées
de France et d'Espagne en remplacement de d'Orvillier, démissionnaire.
Peu de temps après il se retirait dans ses terres de Montaigu,
consacrant aux bonnes uvres et aux travaux agricoles les dernières
années d'une existence bien remplie.
La Révolution de 1789 surprit Duchaffault dans ses douces
et paisibles occupations. Après s'être montré
un adversaire acharné du nouveau régime, avoir dirigé
lui-même la défense de Montaigu contre les républicains
en septembre 1793, il fut bientôt arrêté par ordre
du commandant de place Chastenet, qui le fit conduire à Nantes.
Devant Carrier, ses magnifiques états de services et aussi
sa vieillesse, lui évitèrent la peine capitale. - Transféré
au château de Luzançay, près de Nantes, il y mourait
le 11 messidor an II (29 juin 1794), après avoir vu périr
sur l'échafaud plusieurs membres de sa famille qui lui étaient
le plus attachés, notamment une de ses filles, Mme veuve de
L'Ecorce, dont la maison avait été pendant longtemps
le lieu de réunion des commandants royalistes. Il fut inhumé
dans le cimetière de Miséricorde à Nantes, et
sur sa pierre tombale se lit cette inscription : A la mémoire
du très haut et très puissant seigneur, Louis-Charles
Duchaffault de Berné, comte Duchaffault, lieutenant-général
des armées navales, grand'croix de l'ordre royal et militaire
de Saint-Louis décédé le 29 juin 1794, à
l'âge de 87 ans.
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(1) Auguste Duchaffault, né
à Montaigu le 19 octobre 1732, marié à Aimé
Jousseaume de la Bretèche. Pour plus de détails (Voir
Les Echs du Bocage, n° 3 et 4 de l'année 1884.)
RENÉ DE GRIMOUARD
René de Grimouard naquit à Foutenay le 25 janvier
1743, dans la maison qui sert aujourd'hui de Justice de paix, et sur
la porte de laquelle on a conservé son nom. Après quelques
études chez les Frères de l'Oratoire de Niort il entrait
à Rochefort dans la compagnie des gardes de la marine. Il monte
tour à tour sur l'Inflexible et le Solitaire
; puis mettant à profit les loisirs que crée à
la marine la paix humiliante signée par Louis XV avec l'Angleterre,
il prend avec les Jean Bougner, Bordé de Villesmet, Charles
Borda, etc., part à ce mouvement intellectuel qui devait faire
de nos officiers de marine des hommes d'une distinction et d'un talent
rares....
La guerre venait d'éclater avec l'Angleterre : le 17 septembre,
de Grimouard, qui commande la frégate La Minerve, livre
au navire anglais le Belkowi un combat terrible, dont l'issue
était l'incendie de ce beau bâtiment chargé d'une
riche cargaison. Un mois après il s'empare de la Debora, puis
de trois autres petits bateaux ennemis. Assailli le 1er janvier 1781
par deux vaisseaux anglais de 74 canons : le Courageux et le
Vaillant, Grimouard, monté à bord de la Minerve,
et grièvement blessé, n'amène son pavillon qu'après
avoir perdu la moitié de son équipage.
Rendu à la liberté, il monte le 16 janvier 1782, en
qualité de second, le Magnifique, qui, grâce à
lui, peut échapper au désastre infligé entre
la Dominique et les Saintes à la division navale du comte de
Grasse par l'amiral Rodney. Le 17 octobre de la même année,
croisant dans les parages des Antilles, à bord du Scipion,
il rencontre une division anglaise. Malgré la disproportion
des forces, de Grimouard offre le combat, et, après une lutte
acharnée et victorieuse, son vaisseau, qui doublait la pointe
d'Icagne, vint se briser sur un rocher qu'aucune carte ne signalait.
Quoique blessé pendant l'action, Grimouard procéda au
sauvetage de son équipage et voulut sortir le dernier de son
vaisseau. Ce combat héroïque fut à bon droit considéré
en France et aux Antilles comme un triomphe, et à Saint-Domingue,
où dix ans plus tard, il devait être couvert de huées,
de Grimouard fut reçu aux acclamations d'une population en
délire.
Après quelques mois de repos auprès de sa femme, Catherine
de Turpin et de ses enfants, il va en 1788, prendre le commandement
de la station française des côtes d'Afrique. C'est la
que la Révolution le trouva, et c'est à Saint-Domingue
qu'à la suite de conflits de races, il fut abreuvé d'injures
imméritées. Le gouvernement sut rendre justice au vaillant
marin qui, le 18 juillet 1792, était nommé contre-amiral.
Le 10 août la monarchie s'écroulait, et avec elle finissait
pour ainsi dire la carrière militaire de Grimouard qui, au
mois de janvier 1794, était destitué de son emploi par
mesure de sûreté générale., Le 9 février
1794, le brave marin, qui méritait une récompense nationale
pour sa belle conduite, était condamné à mort
comme traître à sa patrie et exécuté le
lendemain (1).
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(1) Deux tableaux représentant les combats de
la Minerve et du Scipion sont .aujourd'hui au ministère
de la marine. Des copies de ces tableaux existent aussi dans les galeries
historiques de Versailles et à la Loge, chez les Grimouard
de Saint-Laurent. Un de ses arrière-petits-fils par les femmes,
Régis de Brem, se distingua en 1881, au siège de Sfax,
en dirigeant les torpilleurs.
DE VAUGIRAUD DE ROSNY
De Vaugiraud de Rosny, autre marin fameux, né aux Sables-d'Olonne
en 1740, prenait, dès 1756, part à l'attaque du Greenwich.
Lieutenant de vaisseau en 1773, et chevalier de Saint-Louis, il se
trouve à la bataille d'Ouessant à bord de la Couronne,
commandée par Duchaffault, et quand ce brave chef d'escadre,
atteint à l'épaule d'un coup de mitraille qui met ses
jours en danger, tombe à côté de son fils mortellement
blessé, c'est à Vaugiraud qu'il remet le commandement
de son vaisseau.
Après avoir servi comme major en second, sous les ordres de
d'Orvilliers, le héros d'Ouessant, de Vaugiraud, est nommé
major général et capitaine de vaisseau dans la flotte
qui, sous Duchaffault, devait se couvrir de gloire en Amérique.
Par son sang-froid, il sauve d'une destruction certaine l'Intrépide,
à bord duquel avait pris le feu. Il suit le comte de Grasse,
et à la malheureuse affaire de Saint-Domingue, il est avec
son chef fait prisonnier par les Anglais, non sans avoir coinbattu
avec la plus grande bravoure. Ce ne fut qu'après avoir épuisé
toutes ses munitions, qu'entouré de dix vaisseaux ennemis et
ne comptant plus que quelques hommes debout, que la Ville de Paris
fut obligée d'abaisser son pavillon. Après la paix,
de Vaugiraud vint pendant quelque temps se reposer dans son magnifique
château des Granges-Cathus ; puis il fut chargé d'établir
sur les côtes de Terre-Neuve une croisière, au cours
de laquelle il fit preuve d'une grande énergie vis-à-vis
d'un commandant anglais.
Après la prise de la Bastille, il refuse à Saint-Pierre-de-Miquelon
d'arborer la cocarde tricolore qu'on voulait lui imposer par la force,
mais qu'il acceptera plus tard de bonne grâce au Fort-Royal,
pour éviter des ennuis à M. de Vioménil. Arrivé
à l'île d'Aix le 6 mars 1790, de Vaugiraud recula devant
les exigences populaires, et vint se retirer en Vendée au soulèvement
de laquelle il ne fut point étranger. Il était à
la Proutière quand l'incendie dévora le château
de son voisin le baron de Lézardière. Il fit plus tard
l'expédition de Quiberon, accompagna le comte d'Artois à
l'île d'Yeu et ne rentra en France qu'avec Louis XVIII qui,
le 13 juin 1814, le nommait vice-amiral, grand-croix de l'ordre de
Saint-Louis et gouverneur de la Martinique, où il était
remplacé en 1818. Blessé dans son amour-propre et dans
sa dignité, il succombait à Paris le 13 mai 1819.
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LE CHEVALIER DE LA COUDRAYE
Le chevalier de la Coudraye, né le 25 mai 1743, à
Fontenay, dont son père était gouverneur, se distingua
d'abord dans la marine. Dès 1764, il était reçu
membre de l'Académie royale de marine, à laquelle, en
1770, il adressait les quatre premiers fascicules d'un dictionnaire
ayant trait aux choses de la mer, et en 1778 il publiait La Théorie
des Vents.
En 1780, il abandonne le service pour se consacrer exclusivement
aux sciences, et fait imprimer successivement un mémoire sur
le Régime Végétal des gens de mer (1781)
et la Théorie des Ondes qui lui ouvre les portes de
plusieurs académies étrangères.
Au mois d'avril 1787, devenu le collègue de Robespierre, à
l'Académie des belles-lettres d'Arras, il publie un mémoire
intitulé Observations sur l'histoire naturelle des Sables-d'Olonne.
Successivement délégué de l'élection de
Fontenay (1787), puis membre de la Constituante où il se fait
remarquer par des aptitudes et une grande compétence dans les
questions intéressant la marine, il avait, le 11 décembre
1790, la grande satisfaction de voir un décret réglementer,
suivant ses vux, l'organisation des gens de mer.
Mécontent de la tournure des événements politiques,
il rentre en Vendée aussitôt la fuite du roi et se mêle
à tous les complots qui s'y ourdissent. Au plus fort de la
Terreur il se sauve en Suède ; en 1812, il devient colonel
de la marine russe, membre honoraire de l'amirauté à
ce département et sujet de l'empereur de Russie : il avait
alors 67 ans. - Cette même année, il abjure entre les
mains du général des jésuites, à Saint-Pétersbourg,
les erreurs religieuses et philosophiques dont il se reconnaissait
coupable. Il mourut en 1817.
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LA RÉVEILLIÈRE-LEPEAUX
La Réveillière-Lepaux naquit à Montaigu,
le 24 août 1753, la même année que l'auteur de
la Théorie des Lois de la Monarchie française
; singulier rapprochement de deux vies si différentes dans
leurs aspirations et dans les voies qu'elles ont parcourues. Ses premières
années, confiées à un ecclésiastique brutal,
l'abbé Payraudeau, curé de Saint-Nicolas-de-Montaigu,
ne furent pas heureuses ; les mauvais traitements finirent par altérer
sa santé, et son épine dorsale se dévia. - Envoyé
en 1775 à Paris, par sa famille, qui en voulait faire un avocat,
il ne tarda pas à quitter le barreau pour les sciences, et
peu de temps après son mariage avec Mlle Boylande Chandoiseau,
il professa la botanique à Angers, où la Révolution
le trouva pour en faire un député à la Constituante.
Là, il se fit remarquer par l'énergie et le radicalisme
de ses convictions, et toutes les mesures populaires et républicaines
trouvèrent en lui un chaud apologiste. A la Convention, il
se montra patriote et ami des Girondins. Il fit formuler, en réponse
au manifeste de Brunswich, le décret de Propagande armée,
déploya le 11 mars 1793, en face de Danton, une vigueur
qui retarda de quelques jours la chute des Girondins, et n'échappa
que par miracle à la proscription.
Au cri de : « Au tribunal révolutionnaire ! »
poussé par la Montagne en furie, La Réveillière-Lepeaux
avait répondu : « Ne vous gênez pas un crime de
plus ou de moins ne doit pas vous coûter beaucoup ! »
On allait voter, quand la voix d'un homme qui, sans doute, voulait
le sauver, s'éleva du milieu de la Montagne et fit entendre
ces paroles grossières : « Eh ! ne voyez-vous pas que
le b... va crever ! Il ne vaut pas le coup. - Eh bien ! crève
donc tout seul ! » crièrent d'autres voix. Reparaissant
après le 9 thermidor, il combattit les Terroristes, fut envoyé
au Conseil des Anciens, et prit part à la rédaction
de la Constitution de l'an III. Elu membre du Directoire dès
sa création (1795), il fit partie de la majorité qui
fit le coup d'Etat du 18 fructidor et donna sa démission au
30 prairial. La Réveillière-Lepeaux avait imaginé
une espèce de religion nouvelle, dont le déisme faisait
le fonds, qu'il appelait Théophilanthropie : ce projet
fut mis un instant à exécution en 1797, mais il eut
peu de succès ; le nouveau culte tomba bientôt sous les
coups du ridicule.
BARRÉ. - D'après une photographie de
M. Auguste Douillard, de Montaigu.
Dès le 30 prairial, La Réveillière-Lepeaux s'effaça
complètement de la scène politique et l'empire ne trouva
pas en lui un flatteur : il refusa de prêter serment à
l'Empereur en sa qualité de membre de l'Institut et n'accepta
ni pension, ni fonction du gouvernement impérial à aucune
époque. - Après les Cent jours, il revint en Vendée,
pour y saluer la terre natale encore une fois avant de mourir et y
présenter son fils Ossian à tous ses parents et amis.
Le 27 mars 1824, La Réveillière-Lepeaux, atteint d'une
affection chronique de lapoitrine, s'éteignait doucement en
disant à ceux qui l'entouraient : « Au revoir ».
Avant de mourir il avait, de 1819 à 1823, dicté les
mémoires de sa vie privée et publique à son fils
Ossian, qui les a fait imprimer à Paris, par Claye, et éditer
par Hetzel, 3 volumes in-8e (1873). Ce devoir filial rempli, Ossian
s'éteignait le 28 septembre 1876, à Thouarcé
(Maine-et-Loire) à l'âge de 80 ans. - Le 14 juin 1886,
la ville de Montaigu inaugurait sur une de ses places publiques le
buste d'un de ses enfants les plus marquants (1).
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(1) La liste des ouvrages de La Réveillière
a été publiêe par Dugast-Matifeux, dans une notice
parue en 1886, chez Hetzel, plaquette in-8° de 32 pages. - Voir
la Biograpéie de La Réveillière-Lepeaux dans
Merland. Tonie III, pages 311 à 387.
BONAMY
Né à Maillezais en 1764, maître des eaux et forêts
à Fontenay, en 1790, Bonamy s'engage comme simple volontaire
dans l'armée de La Fayette. Fait sous-lieutenant de cavalerie
en 1792, il assiste aux batailles de Valmy et de Nerwinde et à
la prise de Namur.
Après avoir servi avec distinction sous les ordres de Kléber,
puis ensuite sous Marceau, qui tomba près de lui sur le champ
de bataille, il fut, en 1798, envoyé près de Championnet,
commandant de l'armée de Rome, dont il fut le chef d'état-major.
Disgracié après la campagne d'Italie, il se retire là
la Flocellière, dont il devint maire et qu'il ne cessa d'habiter
jusqu'en 1811. Rentré en grâce auprès de l'Empereur,
auquel il avait présenté une députation de Vendéens,
Bonamy fut autorisé à rejoindre ses anciens compagnons
d'armes. Bien que général de brigade, Bonamy n'avait
même pas la décoration de la Légion d'honneur
quand il fit la campagne de 1812 : « Qu'il la gagne de nouveau,
» avait répondu l'Empereur à ceux qui faisaient
valoir ses droits à cette distinction. - « Il faut donc
qu'il se fasse tuer, avaient répondu ceux-ci ? »Attaché
au corps d'armée de Davoust, Bonamy se distingua devant Smolensk,
mais ce fut surtout à la Moskowa qu'il s'illustra par la prise
d'assaut de la grande redoute, l'un des plus beaux faits d'armes de
cette campagne, raconté avec force éloges par Thiers.
Après une captivité de 22 mois en Russie, Bonamy ne
rentra en France que le 17 août 1814. Louis XVIII le nomma lieutenant-général,
mais sans l'employer. Après le retour de l'île d'Elbe,
Bonamy assista au Champ de Mai, et le 4 juillet suivant fut chargé
par le ministre de la guerre Davoust, de conduire derrière
la Loire, les dépôts et les magasins de l'armée.
Il y réussit et la France lui en dut la conservation.
Son quartier général était à Poitiers,
lorsque le duc et la duchesse d'Angoulême y passèrent.
La ville et les campagnes environnantes étaient encombrées
de soldats blessés, mécontents, privés de tout,
irrités de leurs revers et plus que jamais attachés
à la personne de l'Empereur. Leur attitude fit craindre pour
la suite du prince et de la princesse ; cependant aucun conflit n'eut
lieu, grâce à la prudence et à la fermeté
du général Bonamy.
Rentré après ces événements à
la Flocellière, il y mourut le 7 août 1830, âgé
de 66 ans, en laissant un fils et une fille mariée au colonel
Alquier, fils de l'ambassadeur.
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ALQUIER
Charles Alquier, né à Talmont le 13 octobre
1752, d'une famille originaire de la Flocellière, était
maire de La Rochelle, lorsqu'il fut, en 1789, nommé député
aux Etats-Généraux, puis président du tribunal
criminel du département de Seine-et-Oise, qui l'envoya à
la Convention, où il vota la mort de Louis XVI, à la
condition que l'exécution serait ajournée à la
paix générale. Nommé secrétaire du Conseil
des Anciens, le 21 mars 1795, il fut, en 1801, appelé à
l'Ambassade de Florence et de Naples. En 1806, il remplaça
le cardinal Fesch à Rome, où il rencontra toutes sortes
de difficultés.
Napoléon, qui ne pouvait souffrir de résistance, rappela
son ambassadeur : « Vous êtes un dévot, M. Alquier,
lui dit-il à son arrivée à Paris ; vous avez
voulu gagner des indulgences à Rome ». « Sire,
répondit le spirituel et souple diplomate, je n'ai jamais eu
besoin que de la vôtre ».
En effet, Napoléon ne lui garda pas rigueur et l'envoya, deux
ans après, en Suède et en Danemark. Le succès
fut complet : le Danemark resta fidèle à la politique
de l'Empereur jusqu'à sa chute, et Alquier, rappelé
en 1814 par Louis XVIII, partit comblé de présents par
Frédéric VI. La loi du 12 janvier 1816 contre les régicides,
l'ayant obligé de quitter la France, il se fixa à Vilvorde,
en Belgique, jusqu'en 1818, époque où, sur les pressantes
sollicitations de Boissy d'Anglas, son ami et collègue à
la Convention, devenu pair de France, les portes de la patrie lui
furent rouvertes.
A partir de ce moment, Alquier vécut dans la retraite à
Versailles, où il mourut le 4 février 1826. Homme distingué
et d'esprit cultivé, Alquier fut un des ambassadeurs les plus
remarquables de son temps, et suivant ses contemporains, plus d'un
mot attribué à Talleyrand serait de lui.
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Mademoiselle MARIE-CHARLOTTE-PAULINE
DE LÉZARDIÈRE
Mademoiselle Marie-Charlotte de Lézardière naquit
au château de La Vérie, commune de Challans, le 25 mars
1754, d'une famille noble et distinguée. Elle avait eu pour
trisaïeul maternel le fameux Gabriel de Châteaubriant,
seigneur des Roches-Baritaud, le vainqueur de Soubise. Son père,
Jacques-Gilbert-Robert de Lézardière, ami de Malesherbes,
de Turgot et de Vergennes, était un homme fort instruit, sous
la direction duquel la jeune Charlotte fit, dans l'étude des
lettres, de la géographie et de l'histoire de France surtout,
de rapides progrès. - Indifférente aux jeux de son âge
et aux frivolités de son sexe, elle se livrait avec une ardeur
peu commune à la lecture des anciens monuments historiques,
que renfermait la précieuse bibliothèque du château
paternel, et s'occupait avec délices des formules de Marculphe,
des Capitulaires et des lois des peuples barbares.
En 1776, la, famille de Lézardière abandonnait le château
de la Vérie pour s'établir dans celui de la Proustière,
dont le nom devait, 45 ans plus tard, acquérir une certaine
notoriété lors des premiers troubles de la Vendée.
C'était le temps où les institutions monarchiques,
chancelantes de vétusté, étaient devenues un
objet d'examen. Boulainvilliers, Montesquieu, Dubos, de Mably, etc.,
s'étaient tour à tour engagés avec plus ou moins
de succès dans le labyrinthe de nos origines. Il était
réservé à notre jeune compatriote de saisir mieux
que tout autre, le fil destiné à la guider à
travers les détours les plus obscurs du dédale. Soutenue
par l'ambition justifiée de combler une lacune laissée
à regret dans le livre de l'Esprit des Lois elle voulut
composer la théorie de nos lois politiques que Montesquieu
n'avait pu joindre à sa théorie des lois civiles.
« Ses parents, effrayés de la difficulté et de
l'immensité d'une semblable tâche, combattirent d'abord
son projet ; elle triompha bientôt de leur opposition, et reléguée
dans le repos de la province, ignorée du monde, elle put, sans
entraves, se livrer au génie qui l'inspirait, consacrer ses
plus belles années à satisfaire son irrésistible
penchant pour les travaux historiques, et jeter les bases de son ouvrage
» (1).
Les essais de cet ouvrage dressé avec art, divisé en
trois parties la première appelée Discours qui
est l'ouvrage lui-même ; - la deuxième nommée
Sommaire des preuves où l'énumération
des pièces justificatives, et l'indication des Preuves
que contient la troisième, furent confiés par son père
à M. de Malesherbes, son plus intime ami. Celui-ci les communiqua
à M. de Brecquigny, au duc de Nivernais, à Dom Périer,
nommé plus tard censeur de l'ouvrage, et à d'autres
hommes éclairés qui, tous, attachèrent à
ce travail une grande importance, encouragèrent l'auteur à
le poursuivre, et mirent à sa disposition les documents qu'ils
possédaient. Grâce à leur entremise, M. d'Ormesson
envoya à la jeune savante plusieurs livres de la bibliothèque
du roi ; les bénédictins de Poitiers ouvrirent également
leurs trésors, et adressèrent à la Proustière
les ouvrages les plus spéciaux.
« Enhardie par ces suffrages, et surtout par l'approbation
et les conseils de Brecquigny, qui ne pouvait se défendre d'une
sorte d'enthousiasme en voyant dans une femme une maturité
de jugement et une portée d'esprit qui se rencontrent rarement
chez les hommes, Mlle de Lézardière poursuivit laborieusement
son uvre et termina les deux premières époques,
qui s'arrêtent à la fin du règne de Charles-le-Chauve,
en 877. En les livrant à l'impression, elle annonça
dans sa préface, comme étant presque achevée,
la troisième partie, qui devait exposer les modifications et
la tradition du droit public de la monarchie, depuis la division de
l'ancien empire franc jusqu'au règne de Philippe-le-Bel.
La destinée de ce livre eut quelque chose de triste ; fruits
de longues années de travail, il fut, durant ce temps, l'objet
d'une attente flatteuse dans la science et dans la société.
M. de Malesherbes en suivait les progrès avec une sollicitude
mêlée d'admiration ; tout semblait promettre à
l'auteur un grand succès et de la gloire ; mais la publication
fut trop tardive et les événements n'attendirent pas.
La Théorie des Lois politiques de la Monarchie française
s'imprimait en 1791, et elle était sur le point de paraître
lorsque la monarchie fut détruite. Séquestré
par prudence durant les troubles de la Révolution, l'ouvrage
promis depuis tant d'années ne vit le jour qu'en 1801, au milieu
d'un monde nouveau, bien loin de l'époque et des hommes pour
lesquels il avait été composé (2) ».
Le malheur de ce grand travail - nous venons de le dire - fut d'arriver
à son terme au moment où l'ancienne monarchie s'affaissait
; et si la Révolution eût été moins passionnée,
peut-être eût-elle accueilli avec reconnaissance un ouvrage
aussi propre à lui retracer les constitutions primitives de
la patrie.
Examinons maintenant les jugements qui ont été portés
sur la manière dont Mlle de Lézardière a rempli
le cadre qu'elle s'était tracé pour renverser les traditions
universellement admises jusqu'à elle.
Dom Périer, membre de l'Académie des belles-lettres,
chargé de l'examen du manuscrit, s'exprime ainsi dans son attestation
du 31 mars 1791 : « Cet ouvrage, l'un des plus savants et le
plus méthodique que l'on ait composés sur le sujet annoncé
par le titre, est le fruit d'environ 20 années de recherches
immenses et d'un travail assidu... Le style en est simple, clair et
tel qu'il convient à un sujet qui n'en exige point d'autre...
C'est un vrai phénomène au milieu de tant de productions
frivoles et de livres superficiels dont notre littérature est
surchargée ; phénomène littéraire qui
paraîtra encore plus surprenant, lorsque l'auteur aura jugé
à propos de se faire connaître.
« On ne peut que louer l'auteur, dit-il enfin, de n'avoir point
adopté les préjugés de ses devanciers ; mais
elle-même n'a pu se défendre de l'esprit de système,
et le sien, pour différer des autres, n'en est pas moins exclusif.
»
M. de Savigny attaque sur quelques points l'opinion de Mlle de Lézardière,
qu'il prétend être tombée dans diverses méprises,
sur la nature des institutions romaines. « Cette critique fut-elle
fondée (ce qu'il ne faut pas admettre superficiellement), quel
savoir encore dans une femme pour traiter de pareilles questions avec
tant d'habileté, avec une aussi incontestable supériorité
(3) ! »
M. Augustin Thierry (4), après avoir condamné le système,
qu'il ne trouve pas toujours fondé sur l'ensemble et l'intégrité
des monuments historiques, reconnaît que l'ouvrage, plus savamment
et plus fortement motivé que ceux des auteurs qui l'avaient
précédé, est digne de gagner le suffrage des
esprits les plus sérieux, et il ajoute :
« Si Mlle de Lézardière, livrée à
l'étude exclusive des documents législatifs séparés
de l'histoire elle-même, oublie les règles de la méthode
historique pour se livrer à un travail tout spéculatif,
où la chronologie ne joue aucun rôle, ce travail est
complet, ingénieux, sauvent plein de sagacité. Elle
est douée d'une remarquable puissance d'analyse ; elle cherche
et pose toutes les questions importantes et ne les abandonne qu'après
avoir épuisé les textes qui s'y rapportent. »
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Enfin, il est avéré que M. Guizot a beaucoup emprunté
à Mlle de Lézardière, dans ses Essais sur
l'Histoire de France, M. Jourdan fournit, à l'époque
où ils parurent, des preuves d'imitations nombreuses ; et,
après avoir signalé une erreur dans laquelle est tombé
l'habile professeur en parlant des décurions, le critique ajoute
« Pourquoi M. Guizot a-t-il abandonné pour cette fois
son guide accoutumé ? »
« Ce passage n'est-il pas la preuve de l'estime que portent
à l'auteur de la Théorie des Lois politiques ces
deux derniers écrivains ? »
La Théorie des lois politiques de la monarchie française
était divisée en trois Epoques ; - avant Clovis, - de
Clovis à Charles-le-Chauve, - de celui-ci à Saint Louis.
- Les deux premières seulement furent imprimées en 1791
et publiées sans nom d'auteur. Les préoccupations d'alors
en empêchèrent le débit, et le magasin où
l'édition entière était en dépôt,
fut pillé. La famille de Lézardière, de son côté,
souffrit cruellement de la Révolution. Le château de
la Proustière fut incendié deux ans avant l'insurrection
vendéenne, et au moment même où l'ouvrage voyait
le jour, les livres du château, les documents prêtés
par la bibliothèque nationale et par le couvent bénédictin
de Poitiers furent dévorés par les flammes. La famille
se dispersa après cet événement. Deux frères
de notre auteur furent condamnés par les tribunaux révolutionnaires,
et un troisième, prêtre, fut compris dans le massacre
des Carmes. Le baron de Lézardière, qui n'avait pas
émigré, se trouva néanmoins inscrit sur la liste
fatale, et fut obligé de se réfugier à l'étranger.
Melle de Lézardière erra sur le sol français,
emportant avec elle un exemplaire de son ouvrage imprimé, et
le manuscrit inédit contenant la troisième Époque.
Elle revint en 1801, avec deux de ses frères qui avaient survécu,
s'établir à la Proustière, sous un toit modeste,
relevé avec les débris de l'incendie, et qui depuis
la reconstruction du château sert de remise. Elle y a passé
le reste de sa vie jusqu'en 1835, dans cette intimité douce
et distinguée qui, de temps immémorial, a été
le partage de la famille de Lézardière. Comme l'a fait
observer un spirituel biographe de Mlle de Lézardière.
M. Oscar Pinard (5), on ne pourrait citer aucun auteur de quelque
renom qui se soit autant survécu que celui de la Théorie
des lois politiques. Lorsqu'elle vit le résultat de tant
de travaux foulés aux pieds par la Révolution, elle
était âgée de 37 ans, c'est-à dire dans
la force de l'âge et du talent. Dix ans plus tard, elle n'avait
certainement rien perdu de ses facultés ; mais, au lieu de
rentrer dans la lutte, elle accepta l'oubli auquel les événements
semblaient la condamner et quand l'auteur du Dictionnaire des Anonymes
la déclara décédée en 1814. elle ne réclama
pas plus contre son assertion que contre l'injustice révolutionnaire.
Elle remit à Dieu et au temps le soin de la juger. Le jour
de la justice se leva en effet, mais par des lueurs tardives et lointaines.
L'un des rares exemplaires échappés au pillage avait
passé la frontière, et était allé, en
Allemagne, aux mains de l'auteur de l'Histoire du droit romain
pendant le moyen-âge, M. de Savigny. Le savant professeur
prussien, après avoir passé en revue les travaux historiques
de Dubos, de du Buat, de Mably et de Moreau, déclara le plan
et l'exécution du livre de Mlle de Lézardière,
comme étant sans contredit plus profond et plus conforme aux
sources que ceux des ouvrages précédents.
C'était, depuis les voix éteintes de MM. de Malesherbes,
de Brecquigny et de Dom Périer, le premier hommage rendu à
un noble travail, et cet hommage avait dû venir de l'étranger
! L'Atlas historique de Lesage répéta le nom de Melle
de Lézardière. MM. Guizot et Augustin Thierry apprirent
par l'ouvrage de Savigny, l'existence de celui de notre compatriote.
Ils le recherchèrent, le lurent et l'apprécièrent
(6). L'école de ces deux célèbres historiens
publicistes, loin de renier le passé de la patrie, comme l'avait
fait celle de la Révolution, s'appliquait au contraire à
rechercher dans la France d'autrefois les titres de celle d'aujourd'hui,
et à relier l'une à l'autre comme la conséquence
à ses prémices. Ils résolurent d'arracher la
Théorie des lois politiques à l'oubli dont l'avait
recouvert le malheur des circonstances.
Mlle de Lézardière venait de descendre dans la tombe.
Des ouvertures furent faites à sa famille par les hommes illustres
dont nous venons de parler.
Un de ses frères, le Vicomte Charles, député
de la Vendée en 1823, avec qui elle avait passé sa vie
depuis 1801, se chargea de répondre à l'appel si honorablement
adressé par M. Guizot, alors ministre de l'instruction publique.
Il dirigea. la nouvelle édition et la compléta par la
troisième Epoque restée inédite. L'ouvrage, formant
quatre volumes in-8°, fut imprimé sans luxe, mais avec
le mérite préférable que portent avec elles les
presses si renommées de la maison Crapelet. Il parut en 1844,
alors que d'autres travaux, fruits de savantes recherches, s'efforçaient
également de porter la lumière sur nos origines. Ces
études peuvent différer par les nuances, mais toutes
s'accordent sur le fond. La thèse, devenue irrécusable
par un tel concours, est toujours celle-ci : Les Français furent
libres a leur origine, mais dans la marche des événements
et de la civilisation, ils ont vu, par un singulier retour, leurs
libertés politiques se restreindre au lieu de se développer.
Sous Clovis, sous Charlemagne, ils furent libres et barbares ; sous
le règne de Louis XIV ils avaient acquis tout l'éclat
de la civilisation et perdu toute trace de liberté primitive
(7). »
En résumé, comme le dit si justement M. Mourain de
Sourdeval, dans son travail sur Melle de Lézardière
et auquel nous avons fait de nombreux emprunts : « Si vous voulez
connaître à fond les ressorts qui successivement ont
fait mouvoir notre nation, lisez l'ouvrage de Melle de Lézardière
; il n'y a pas de meilleur guide jusqu'au règne de saint Louis,
et après ce grand prince, qui apparaît comme le point
de partage entre l'âge féodal et l'âge administratif,
lisez l'histoire du Tiers-Etat par M. Augustin Thierry, et une histoire
de l'Administration par M. Cheruel. Vous aurez de la sorte une histoire
complète de la constitution française. L'ouvrage de
Melle de Lézardière n'est pas un simple tableau dont
l'effet dépend du jour sous lequel il est placé, de
l'emploi des couleurs, ou dont le mérite provienne de l'imagination
de l'auteur ; c'est plutôt un édifice élevé
par un architecte habile, sur une base solide, et construit avec des
matériaux également bien choisis, taillés, appareillés
et cimentés. Cet édifice peut-être vu de toute
face. Sans doute, il a ses défauts comme toute uvre humaine,
mais ces imperfections ne compromettent ni sa solidité, ni
le mérite de son plan ou de son exécution. Il est peu
de livres autant que celui-là en état de lutter contre
les injures du temps, et de rester intact devant les progrès
de l'avenir. Il a été écrit au fond de notre
province, il a pris rang parmi les titres les plus complets et les
plus authentiques de la patrie ; il en est un immortel pour le
sol vendéen (8) ».
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(1) Histoire littéraire du Poitou. (Dreux-
Duradier).
(2) Augustin Téierry. - Introduction des Récits
Mérovingiens.
(3) M. de La Fontenelle de Vaudoré, à
qui cette dernière phrase est empruntée, a payé
à Mlle de Lézardière son tribut d'éloges
dans un article publié en 1835, dans la Revue de l'Ouest,
pour annoncer Ia mort de cette célèbre bas-poitevine.
Histoire Littéraire du Poitou. - Dreux-Duradier, p.,653.
(4) Loc. jam. cit,.
(5) La notice trés intéressante de M.
Oscar Pinard sur Mlle de Lézardière fait partie d'un
volume de cet auteur intitulê : L'histoire à l'audience
; elle a êté reproduits par le Publicateur, journal
de la Vendée, les 2 et 9 septembre 1849. Une autre notice sur
notre auteur, par le comte de Lastic Saint-Jal, est insérée
au Bulletin de la société de Statistique des Deux-Sèvres
1842, p. 126.
(6) Voir l'avant-propos des Récits des temps
mérovingiens, par M. Augustin Thierry.
(7) Annuaire, Société d'Émulation
de la Vendée, pp. 181-84 et 193.
(8) Annuaire, Société d'Émulation
de la Vendée, pp. 181-84 et 193.
LE CARDINAL DE LA FARE
Le cardinal de La Fare (Anne-Louis-Henri), naquit au château
de Bessay le 9 septembre 1752. Il était le fils de Dominique
de la Fare, ancien officier de cavalerie au régiment de Chabrillant,
et de Gabrielle Gazeau de Champagné, héritière
par sa mère de la branche aînée des Bessay. -
Après de brillantes études au collège Louis-le-Grand,
il fut ordonné prêtre, et à 26 ans nommé
vicaire général de Dijon, grâce un peu à
la recommandation de son parent le cardinal de Bernis.
Successivement nommé élu général du clergé
de la province de Bourgogne (1782-1787), membre de l'Assemblée
des notables qui se réunit à Versailles le 22 février
1787, il était le 7 octobre appelé à l'évêché
de Nancy, et c'est en cette dernière qualité qu'il fit
partie des Etats-Généraux. Ce fut lui qui, au milieu
des applaudissements unanimes des trois ordres, prononça le
discours d'ouverture. Après avoir, au 4 août 1789, fait
preuve d'un grand désintéressement, il fut le 25 septembre
de la même année élu un des secrétaires
de l'Assemblée. La Constitution civile du clergé trouva
en lui un adversaire résolu, qui devant les clameurs de la
foule et les dangers qui naissaient sous ses pas, dut se réfugier
près l'Archevêque de Trèves et de là à
Vienne (Autriche).
Attaché en 1795 à la fille de Louis XVI, en qualité
d'aumônier, ce fut lui qui négocia son mariage avec le
duc d'Angoulême. - Au retour des Bourbons, il fut en 1814 chargé
de faire exhumer de l'ancien cimetière de la Madeleine et transporter
à Saint-Denis les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
- En 1820 il était appelé à l'archevêché
de Sens, et en 1822, élevé à la dignité
de pair de France; et c'est en cette qualité qu'il prononça,
le 25 février 1823, L'éloge funèbre du comte
de Bernis, archevêque de Rouen, dont il était l'obligé,
le parent, le condisciple et l'ami. Le 20 juin de cette même
année, il recevait la barrette cardinalice ; le 26 août
1824, il était nommé ministre d'Etat et membre du Conseil
privé.
Le 29 mars 1825, dans la cathédrale de Reims, il prononçait
à l'occasion du sacre de Charles X, un grand discours religieux,
dont il prit pour texte, ces mots appropriés à la circonstance
:
« Spiritus Domini super, me quod, Dominus unxerit me
». - Il mourut le 11 décembre 1829, au retour d'un voyage
à Rome, et fut inhumé à Sens, dans le caveau
destiné à recevoir la dépouille mortelle des
archevêques.
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CAVOLEAU
Cavoleau, né à Légé, département
de la Loire-Inférieure, le 3 avril 1754, était au moment
de la Révolution, curé de la paroisse de Péault,
près Luçon. Tout en se vouant à l'éducation
morale et religieuse de la population qui lui était confiée,
il comprit qu'il devait encore travailler de tous ses efforts à
l'associer au mouvement de la civilisation et aux améliorations
matérielles, et c'est dans cette pensée que, l'un des
premiers, il conçut et réalisa au milieu de la Vendée,
le projet de ces fermes-modèles, qui, de nos jours, rendent
tant de services à l'agriculture.
Mais pendant que le prêtre-laboureur se livrait dans le calme
et la retraite à ses utiles et paisibles occupations, les vieilles
institutions de la monarchie disparaissaient chaque jour, et déjà
se formait à l'horizon l'orage qui devait modifier de fond
en comble la vieille organisation politique et administrative de la
France. - A peine le département de la Vendée avait-il
été créé, que le 9 novembre 1790, le Directoire
ordonnait à Péault, l'établissement d'une bergerie-modèle,
dont était nommé directeur Cavoleau, qui, ayant prêté
serment à la Constitution civile du clergé, allait devenir
bientôt vicaire-général de l'évêque
constitutionnel de la Vendée, puis à la fin de 1792,
membre et président du Conseil général du même
département. Et c'est dans ces fonctions qu'il se révéla
un administrateur remarquable, en sauvant de la famine les populations
de notre malheureux pays, et un courageux citoyen, en résistant
seul à une bande de forcenés, qui, dans la salle de
l'Union-Chrétienne de Fontenay-le-Comte, voulaient massacrer
quatre-vingts ecclésiastiques destinés à l'exil.
Lorsque la tempête révolutionnaire s'apaisa, Cavoleau
devint successivement membre du Jury de l'Instruction publique, professeur
d'histoire naturelle à l'école centrale de Luçon,
puis secrétaire général du département,
poste qu'il occupa jusqu'au retour des Bourbons.
De 1800 à 1814, il s'occupa de l'organisation syndicale des
marais, en étudia l'histoire depuis les temps les plus reculés,
se pénétra du mécanisme de leur administration,
en signala les abus et les fit réformer. On lui doit spécialement
les décrets impériaux qui ont organisé la société
des travaux de desséchement des marais du Petit-Poitou et qui
ont arrêté les usurpations dans le vaste communal de
Benet. Il fut aussi associé à toutes les études
du célèbre inspecteur-général de Prony,
ayant pour but de créer une navigation intérieure pour
le département. Fondateur d'un Journal politique et littéraire,
qui eut de nombreux lecteurs, il fit paraître des Annuaires
remarquables, publia une fort intéressante Statistique du
département de la Vendée, qui révèle
une connaissance approfondie du pays, et qui obtint une mention honorable
de l'Institut. - Mais l'esprit de parti est aveugle dans les réactions
politiques, tous les services sont oubliés et tous les droits
méconnus. Cavoleau fut destitué. - Après avoir,
grâce à M. de Barante, ancien préfet de la Vendée,
qui avait su l'apprécier, rempli pendant quelque temps les
fonctions de conseil pour les affaires contentieuses de l'administration
des contributions indirectes, Cavoleau se retira chez un de ses amis
de Fontenay, où il mourut en 1839, dans un état voisin
de l'indigence, car il avait au plus haut degré les deux premières
vertus des hommes public : la probité et le désintéressement.
Cavoleau, qui a travaillé jusqu'aux derniers moments de sa
vie, était membre de la Société académique
de Nantes, des Sociétés d'agriculture, philomathique
et d'horticulture de Paris, des Sociétés d'agriculture
de Niort, de La Rochelle, de Poitiers et de plusieurs autres sociétés
savantes.
Une pierre tombale en granit, érigée il y a quelque
trois ans, au cimetière de N.-D., par les soins de la municipalité
de Fontenay-le-Comte, indique l'endroit où reposent les cendres
de Cavoleau. Si le nom de cet homme de bien n'a pas eu de retentissement,
c'est qu'enfant de la Vendée, il a consacré toute sa
vie au pays qui l'a vu naître, et que c'est sur les grands théâtres
et dans les grandes cités que la renommée distribue
surtout ses couronnes.
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Le R. P. BAUDOUIN
Le R. P. Baudouin (Louis-Marie), naquit à Montaigu
le 2 août 1765. Sa mère, restée veuve de bonne
heure, entoura sa jeunesse d'une grande sollicitude et développa
chez lui les sentiments d'une vive piété. A 15 ans il
perdit cette excellente conseillère, et fut, par l'intermédiaire
d'un de ses frères, vicaire à Chantonnay, placé
au séminaire de Luçon, où il se montra un élève
modèle. Effrayé des devoirs qu'impose le sacerdoce,
il hésita un instant à recevoir les ordres majeurs,
et il ne fallut rien moins que la main secourable de son frère
alors curé de Luçon, et de ses supérieurs, pour
lui faire franchir, comme diacre, les degrès qui devaient pour
toujours le séparer du monde. Après avoir professé
avec succès, et par ordre de ses supérieurs, renoncé
aux missions étrangères, il était, par suite
des évènements, ordonné prêtre à
Saint-Malo par Monseigneur de Pressigny, son évêque diocésien,
Mgr de Mercy, étant en ce moment aux Etats-Généraux.
Maison près du pont Jarlet, à Montaigu,
où est né le R.P. Baudouin.
Agé alors de 24 ans, il refuse avec son frère le serment
civil, et au mois de septembre 1792, s'embarque avec lui pour l'Espagne,
d'où ils ne revienrent qu'au mois d'août 1797 : et c'est
alors que d'accord avec son ami Lebédesque, il résolut
de mettre à exécution le projet qu'il avait conçu
depuis longtemps ; je veux parler de la fondation de la Congrégation
des Ursulines de Jésus. Secondé par une femme d'élite,
Mme Charlotte Ranfray de la Rochette, en religion Mme Saint-Benoist,
et après avoir desservi la Jonchère et Saint-Cyr, il
put, après sa nomination de curé de Chavagnes, voir
se réaliser son plus cher désir. En 1802 Mme Saint-Benoist
arriva à Chavagnes accompagnée de Mme Saint-Arsène
et de quelques personnes qui se sentaient une vocation pour la vie
religieuse. L'école s'ouvrit aussitôt et les élèves
y affluèrent. Telle fut l'origine de la Congrégation
des Ursulines de Jésus qui, après un siècle d'existance
compte aujourd'hui plus d'un millier de religieuses et de nombreuses
maissons d'éducation, tant en France qu'à l'étranger.
L'éducation des jeunes filles étant assurée,
il s'occupa de pourvoir à celle des garçons, et à
la fin de 1802, était fondé le séminaire de Chavagnes.
Au mois d'août 1808, le père Baudouin étant allé
offrir ses vux à Napoléon 1er et à l'impératrice
à la Chardière, le grand capitaine lui promit, pour
le développement de son uvre, quatre-vingt mille francs
qui ne furent jamais versés. Mais le zèle du père
Baudouin pourvut à tout. Un décret impérial ayant
soumis à l'inspection de l'Université les écoles
ecclésiastiques secondaires, Mgr Paillou transféra le
grand séminaire à La Rochelle et appela à sa
direction le supérieur de Chavagnes, qui ne laissa pas sans
un déchirement de cur les deux communautés qu'il
avait formées.
A La Rochelle comme partout, le père Baudouin fut un prêtre
admirable, que son évêque nommait bientôt grand
vicaire de la cathédrale. Après des événements
de diverses sortes qui, plus d'une fois, attristèrent le cur
du vénérable prêtre, le fondateur des Ursulines
était, par Mgr Soyer, appelé au poste éminent
de vicaire général et de supérieur du grand séminaire
de Luçon. Mais la perte de sa sur vénérée
et quelques difficultés avec son évêque, altérèrent
profondément sa santé. Les dernières années
passées sur la terre ne furent pour lui qu'une longue souffrance
; ses nerfs se paralysèrent, si bien qu'il devint insensible
aux impressions du chaud et du froid. On pouvait bien appliquer ces
vers du poète :
L'été n'a point de feux
L'hiver n'a point de glaces.
Le 12 février 1835, après une longue agonie, il expirait
au milieu de la communauté qu'il avait créée
par son zèle, pourvue d'un hôpital, soutenue de ses exhortations,
édifiée par son exemple (1).
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(1) La collaboratrice du R. P. Baudouin, Charlotte Ranfray
de la Rochette, née à Luçon le 4 novembre 1755,
l'avait précédé au tombeau. Elle était
morte presque subitement à Saintes, au mois de juillet 1828.
- La Vendée adonné aussi a la fin du siècle dernier
(31 juillet 1796), le jour à une autre noble femme : Rose Virginie
Pelletier, née à Noirmoutier, supérieure de la
Congrégation de N.-D. de Charité du Bon Pasteur, morte
à Angers en 1871.
Voir pour sa biographie et celle de Charlotte de Ranfray
: Les Biographies vendéennes de Merlan T. IV.
GARNEREAU
Garnereau (Francois-Gabriel), naquit à Fontenay-le-Comte
le 14 septembre 1765, d'une famille d'honorables commerçants.
Après de bonnes études au collège de sa ville
natale et au séminaire d'Angers, où il connut l'abbé
Soyer, plus tard évêque de Luçon, et le fameux
abbé Bernier, Garnereau, chassé par la Révolution,
revint à Fontenay, où il occupa, pendant quelque temps,
une chaire de professeur, mais le flot montant de la démagogie
le força de quitter cette ville, et d'aller chercher un asile
au château de la Mothe, où il fit la connaissance d'Henri
de la Rochejaquelein.
Ordonné secrètement prêtre à Nantes, l'abbé
Garnereau, grâce à un passeport que lui procure un garde
national nommé Bompart, se réfugie en Angleterre, où
il devient professeur de français. Il y reste jusqu'au 18 brumaire.
La voix de Bonaparte, réveillant alors la France de sa profonde
léthargie, rouvrit les églises et les collèges,
et Garnereau fut chargé de réorganiser comme Principal
celui de Fontenay, qu'il dirigea d'une façon remarquable jusqu'en
1811. - A cette date, de Fontanes, ministre de l'Instruction publique
dont il était l'ami, le chargea d'aller organiser l'Université
impériale dans les collèges d'Italie. Après avoir
rempli cette mission avec ardeur, l'abbé Garnereau est successivement
promu Principal du collège de Niort, puis Inspecteur d'académie
à Poitiers et à Orléans.
Le chalet de Saint-Luc, actuellement habité
par M. Espierre d'après une photographie de M. Gabriel Espierre.
En 1822 il abandonne l'enseignement pour jouir de sa liberté
et de la fortune qu'il avait acquise. Il revoit l'Angleterre, va en
1836 saluer le vieux roi Charles X en exil, parcourt la Bavière,
la Hollande, et en 1842 toutes les grandes villes d'Italie.
A partir de ce moment, l'abbé Garnereau mena une existence
plus sédentaire. Retiré dans sa solitude de Saint-Luc,
près de Fontenay, au lieu où s'élève le
joli cottage de M. Espierre, reproduit dans notre texte, l'abbé
Garnereau, assis sur ces âpres rochers, sembla poursuivre à
l'horizon le souvenir de son passé, comme un vieux matelot
qui, du port où il est retenu par les ans, voit s'enfuir le
vaisseau où s'écoula sa jeunesse.
C'est dans cet asile de la paix, où il semait à pleines
mains le bien autour de lui, que s'éteignit doucement l'écrivain,
le poète, l'artiste, le grand chrétien que fut l'abbé
Garnereau, dont le cur repose dans un modeste oratoire élevé
au milieu même où le pieux solitaire rendit I'àme
le 3 juin 1847, après avoir donné presque tous ses biens
aux pauvres, et sa précieuse bibliothèque à sa
ville natale.
Ses uvres consistent principalement en deux volumes in-8°
intitulés Opuscules littéraires, en prose et en vers,
et Voyages en quelques parties de l'Europe. Toutes portent
le cachet d'une honnêteté rigide et d'un travail consciencieux.
Le but poursuivi par l'auteur n'a pas été surtout d'amuser
ses lecteurs, mais de les instruire et de les rendre meilleurs en
leur enseignant une morale pure, indispensable au bonheur des individus
et des peuples.
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RENÉ GUINÉ
Parmi les marins illustres que le Bas-Poitou a donnés à
la France, il n'en est pas de plus populaire que celui de René
Guiné, né aux Sables-d'Olonne le 7 janvier 1768.
Sans doute il n'eut pas les grandes places occupées par les
Duchaffault, les Vaugiraud, les Grimouard, les Hector, les des Touches
; mais dans un temps difficile, il protégea le commerce, sauva
la fortune des armateurs de Bordeaux, de La Rochelle des Sables-d'Olonne
et de Nantes.
Pendant que dans la Vendée, Charette, Royrand, Marigny, de
Vaugiraud, Duchaffault et Grimouard, les deux de Lézardière,
et bien d'autres, par peur d'une Révolution qui les épouvante,
refuseront leur concours à la République, et la plupart
iront la combattre, leur place sera prise par une jeunesse inexpérimentée,
mais ardente et patriote, au premier rang de laquelle allait se signaler
le jeune Guiné.
Simple enseigne de vaisseau en 1794, au moment où la France,
triomphante de la coalition des rois, venait de perdre une partie
de ses colonies, Guiné s'empare à l'entrée de
la rivière des Amazones de plusieurs navires portugais, et
sauve Cayenne des mains de l'ennemi.
Chargé en 1796 d'une mission secrète, il reçoit
le commandement de la corvette La Gaîté, armée
de vingt canons, avec ordre d'éviter tout engagement avec l'ennemi.
Rencontré par la frégate anglaise l'Arethuse, que
montaient quatre cents hommes d'équipage, le commandant Guiné
oublia ses instructions, et plutôt que de prendre chasse devant
l'ennemi, se prépara à le combattre.
La supériorité des forces de son redoutable adversaire
ne l'intimida point, et après une lutte acharnée de
plusieurs heures et trois essais d'abordage, La Gaîté,
trouée de boulets, faisant eau de toutes parts, amena son
pavillon. L'Aréthuse conduisit sa prise en Angleterre,
mais elle lui coûtait cher, car elle avait elle-même tellement
souffert qu'elle avait peine à tenir la mer.
Malgré son dénouement, ce combat fut considéré
par tous les gens du métier comme un des plus glorieux qu'eut
livré notre marine. Traduit devant un Conseil de guerre pour
désobéissance aux ordres reçus, et malgré
l'admiration du jury pour tant de bravoure, Guiné n'en fut
pas moins condamné à servir cinq ans en sous-ordre.
- Ce jugement d'une sévérité inouïe produisit
dans le port de Rochefort une sensation pénible, et un brave
marin, le vice-amiral Martin, parti comme Guiné des derniers
rangs de la marine, s'approchant du capitaine de vaisseau qui avait
présidé le Conseil de guerre lui dit à voix basse
: « Monsieur, si j'étais à votre place,
j'irais me pendre ! »
Embarqué en sous-ordre, successivement sur le Rhinocéros,
la canonnière l'Ile-Dieu, la corvette le Citoyen,
la frégate la Thémis, le vaisseau Duguay-Trouin,
la gabarre La Lionne, ses chefs, rendirent de lui un si brillant
témoignage qu'il fut appelé au commandement de la corvette
la Bergère, chargée après la paix d'Amiens
de conduire l'ambassade française à Constantinople et
de déposer des consuls dans toutes les Echelles du Levant.
Mais pendant ce temps-là, les gazettes anglaises redoublaient
de déchaînement contre la France, et comme le disait
le premier Consul « Chaque vent qui se levait de l'Angleterre
ne lui apportait que haine et outrage ». Au mois de mai
1803, la guerre recommença avec un nouvel acharnement.
Guiné commandait alors le lougre l'Angélique, dont
l'artillerie se composait de six canons de quatre. Attaqué
devant la Teste par le cutter anglais la Providence, armé
de seize canons de seize et de dix-huit, il le força après
un combat opiniâtre à prendre le large.
La défaite de Trafalgar venait de donner l'empire des mers
aux Anglais, qui insultaient nos côtes, bloquaient nos ports,
et couraient sus aux navires qui se hasardaient à en sortir.
Mais si nos couleurs ne flottaient plus sur nos escadres, de hardis
corsaires les arboraient encore en haut de leurs mâts.
Pendant qu'ils ruinaient le commerce de l'Angleterre, Guiné
entreprenait de protéger et de défendre celui de la
France. Pour y parvenir, il organise dans le port des Sables, une
flottille composée de quinze péniches, ayant à
leur tête un lougre, Le Rapace, qu'il monte aussi fièrement
que s'il eut été le vaisseau amiral. Pendant dix ans,
avec une activité, une patience, un courage qui ne se lassent
jamais, il accompagne les convois de Bordeaux à La Rochelle,
de La Rochelle à Nantes, ayant Les Sables-d'Olonne pour port
de refuge.
Luttant.contre les tempêtes, côtoyant la terre, et pour
éviter d'être pris, s'exposant au naufrage, il sauve
de 1805 à 1811, plus de trente navires et s'empare de plusieurs
bâtiments anglais.
Le 23 février 1809, trois frégates françaises
aux ordres du vice-amiral Jurien de la Gravière, bloquées
dans le port des Sables par l'escadre de l'amiral Stopfort, sont dégagées
grâce surtout au feu nourri des batteries de terre, dont la
plus importante, celle de Saint-Nicolas, est sous les ordres du capitaine
Guiné. On se battait de si près qu'un nuage de fumée
dérobait souvent la vue des combattants.
La terreur qu'inspirait Guiné à l'Angleterre était
telle, que tous les navires qui sortaient de ses ports avaient pour
mot d'ordre cette recommandation si honorable pour lui : « Défiez-vous
du commodore Guiné dans le golfe de Gascogne ».
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Le 24 mars 1812, la chambre de commerce de Nantes, en témoignage
de gratitude, offrait à Guiné une épée
d'honneur, et la ville de La Rochelle ne voulant pas demeurer en reste
avec celle de Nantes, lui faisait don d'un instrument de marine.
Guiné eut non seulement l'estime de ses concitoyens, mais
aussi celle de ses ennemis, et la paix signée après
la chute de Napoléon, le commandant de la croisière
anglaise, dans le golfe de Gascogne, voulut faire la connaissance
du vaillant capitaine qui avait défendu la station des Sables.
Il l'invita à sa table et lui exprima vivement les entiments
qu'il avait pour sa personne et son caractère.
Nommé officier de la Légion d'honneur par Louis XVIII,
le 18 août 1814, il fut, après les Cent jours, rayé
des cadres de la marine, avec une misérable pension de 750
francs. Triste effet de nos discussions politiques et faute trop souvent
renouvelée par les gouvernements, quand, au lieu d'accueillir
tous les dévouements à la patrie, sous quelque drapeau
qu'ils l'aient servie, obéissant au sentiment de la rancune
ou de la colère, en font une politique d'exclusivisme.
Guiné, qui n'avait que 47 ans quand il fut arrêté
dans sa carrière, ne put se résigner au repos, qui,
pour un homme aussi actif, était une mort anticipée.
- La mer, avec ses tempêtes et ses écueils, conserve
pour tous ceux qui l'ont parcourue longtemps, des charmes irrésistibles,
et Guiné ne voulut pas la contempler du rivage.
Sans fortune, après avoir été capitaine de frégate,
il devint capitaine d'un navire de commerce du port de Nantes. Mais
au sein de ces nouvelles occupations, la certitude de ne plus pouvoir
se mesurer avec l'ennemi, le laissait, en souvenir du passé,
plein de regrets et de tristesse. La conscience d'avoir toujours bien
servi son pays et de pouvoir le servir encore, le sentiment de l'injustice
dont il était victime, et aussi peut-être une noble ambition,
troublaient continuellement sa pensée : il n'en parlait guère,
mais il en était sans cesse tourmenté : il se soumettait,
mais ne se résignait pas. Le chagrin, les fatigues, les
blessures, les infirmités usèrent avant l'âge
un corps d'ailleurs peu robuste, mais qu'animait toujours une âme
ardente. Le 4 décembre 1821, à l'âge de 53 ans,
Guiné mourait à Nantes. La ville qui l'avait tant honoré
de son vivant (1) ne l'a pas oublié après sa mort. Elle
lui a élevé une tombe sur la table de marbre de laquelle
on peut lire encore la recommandation que l'amirauté donnait
aux navires anglais : « Défiez-vous du commandant
Guiné dans le golfe de Gasgogne (2) ».
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(1) La ville de La Roche a donnée le nom de Guiné
à une de ses rues, et celle des Sables à un de ses quais.
(2) Extrait analytique de là biographie de Guiné,
par Merland.
LE GÉNÉRAL BELLIARD
Belliard (Augustin-Daniel), comte de Plock, général
de division, pair de France, ambassadeur à Vienne et à
Bruxelles, grand-cordon de la Légion d'honneur, naquit à
Fontenay-le-Comte, le 25 mai 1769, la même année que
le grand capitaine qu'il devait accompagner sur tant de champs de
bataille. Député par la ville de Fontenay, à
la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, il
revint de Paris plein d'enthousiasme, et l'année suivante,
ses concitoyens l'élisaient capitaine de la 1re compagnie du
bataillon des volontaires formé à Fontenay pour aller
combattre l'ennemi. Belliard rejoignit l'armée du Nord, où
il demeura pendant quelque temps sous les ordres de Dumouriez. A Valmy,
au milieu de la canonnade, il transmet d'un corps d'armée à
un autre, les ordres de Beurnonville. A Jemmapes, bien que blessé
d'une chute de cheval, il prend néanmoins part à la
charge brillante fournie par le 1er hussards de Bercheni, où
se trouvaient beaucoup de Vendéens, et qu'il avait lui-même
conseillée.
En 1796, il va rejoindre cette glorieuse armée d'Italie que
commandait un jeune général de 27 ans, prend part à
tous les combats et, lorsque le vainqueur d'Arcole un drapeau à
la main, se jette au milieu des boulets et des balles pour électriser
ses troupes, Belliard est au nombre des officiers qui l'entourent
et le couvrent de leur corps ; et lorsque Bonaparte est précipité
dans un marais, c'est Belliard qui rallie les grenadiers, se précipite
à son tour sur les Autrichiens et dégage son général.
Nommé général de brigade, sur la présentation
de Bonaparte, Belliard refuse ce nouveau poste, pour lequel il se
juge insuffisamment préparé. Ne croit-on pas être
au. temps des Républiques antiques et lire une page de Plutarque
?
Dans la campagne du Tyrol, il se multiplie au passage du Lavis, à
Trente, à Brixen, où il fait 2.000 prisonniers au général
autrichien Landon, et lui enlève quatre pièces de canon.
Le 9 février 1798, il s'empare de Civita-Vecchia, presque
sans avoir éprouvé de résistance, et rejoint
à Rome le général Berthier, qui bientôt
ne tardait pas à l'envoyer avec une mission diplomatique à
Naples, pour y maîtriser un peu les fureurs de la cour.
La France allait porter son drapeau sur l'antique terre des Pharaons
et, là encore, Belliard devait se couvrir de gloire. Le 10
juin 1798, il contribue puissamment à la prise de Malte ; Alexandrie
n'est qu'une étape pour l'armée française qui
s'avance sur le Caire. Au village de la Chebreiss, les mamelucks se
précipitent sur la division Desaix. Pour la première
fois, nos soldats se mesuraient avec ces hardis cavaliers que, plus
tard, ils devaient rencontrer si souvent. Le général
Belliard forme la vingt-unième demi-brigade en bataillons carrés,
et toute la furie des mamelucks vient se briser contre leurs baïonnettes.
Au combat de Samnhour, Mourad-Bey allait encore se heurter contre
l'aile droite de la petite armée de Desaix, commandée
par Belliard qui, secondée par l'artillerie, devait mettre
les mamelucks en déroute.
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Les poursuites allaient néanmoins recommencer contre un ennemi
insaisissable, mais Belliard ne se bornait pas à combattre
: tout ce qui appartenait à la science, à l'histoire,
à la géographie, était de son domaine et l'intéressait
vivement. Les savants, emmenés par Bonaparte, ne trouvèrent
jamais un meilleur ami que Belliard.
L'armée française sillonnait l'Egypte en tous sens
et franchissait les sables du désert. Belliard toucha presque
les cataractes, et on vit nos drapeaux triomphants dans des contrées
où l'aigle romaine n'avait jamais pénétré.
Après avoir vaincu, au village du Benouth, le shérif
Assan, il prend part à la bataille du Caire où, sous
les ordres de Kléber, dix. mille français eurent à
lutter contre soixante-dix mille ennemis. Les Osmalis s'étant
précipités, suivant leur habitude, sur le premier corps
qu'ils rencontrèrent, corps aux ordres de Belliard, furent
arrêtés par les volées de mitrailles et dispersés.
Après avoir combattu à Héliopolis, à Koraisie,
repris Damiette, s'être trouvé à l'attaque du
Caire où il avait reçu une glorieuse blessure, Belliard
fut nommé général de division et, peu de temps
après, rentrait à Paris, d'où le premier consul,
qui lui avait fait l'accueil le plus flatteur, l'envoyait à
Bruxelles prendre le commandement de la 24e division militaire ; il
y resta jusqu'en 1804.
Chef d'état-major de Murat, il fut à Austerlitz (2
décembre 1805), classé brave parmi les braves,
et nommé grand officier de la Légion d'honneur sur le
champ de bataille. Gouverneur de Berlin pendant quelque temps, Belliard,
dans les trois campagnes d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland,
toujours aux côtés de Murat, partage ses dangers, et
sa gloire.
Maintenant, d'autres guerres et d'autres devoirs vont appeler le
glorieux Fontenaisien sous de nouveaux climats. Nommé gouverneur
de Madrid, Belliard devient le conseiller intime du roi Joseph, qui
bientôt, fuyant devant l'émeute, allait abandonner sa
capitale. Le 2 octobre, Madrid, attaquée par nos troupes, allait
être prise d'assaut, quand la Junte, pour éviter les
horreurs du pillage, en livra les portes au général
Belliard, malgré les cris d'une population furieuse. Redevenu
gouverneur de Madrid, Belliard sut contenir les esprits, autant par
la modération que par la fermeté, et plusieurs fois,
empêcha le sang de couler, en se rendant seul au milieu des
insurgés.
Créé comte de l'Empire et comblé d'honneur par
le roi Joseph, il n'en reportait pas moins souvent ses regards sur
la Vendée, que les longues et cruelles guerres avaient plongée
dans la désolation et la misère. Propriétaire
de vastes domaines en Espagne, il créa à Pahu, près
Fontenay, une bergerie-modèle, par le croisement des mérinos
de la Péninsule avec des brebis du pays, et il arriva ainsi
à un métissage qui ne s'éloignait que très
peu de la race pure. Non content d'avoir doté la Vendée
de ce puissant élément de richesse, il créa un
magnifique haras, où il envoya six belles juments destinées
à la reproduction et des chevaux arabes. D'Espagne, il envoya
également à la terre de Pahu, quatre étalons
et cinq juments provenant de l'Andalousie, et quelque temps après
une jument et un cheval anglais, pris à la Corogne.
Nommé le 29 août 1811 chef d'état-major de Murat
à la Grande Armée, il alla rejoindre, dans les premiers
jours de juin 1812, le roi de Naples, avec lequel il entrait bientôt
à Wilna. Nous le voyons ensuite à Ostrowno, à
Witeps, à Smolensk, à Dorogobonge, à Borodino.
Dans cette dernière journée, Belliard avait eu deux
chevaux tués sous lui. Le lendemain, 8 septembre, à
Mojaisk, un boulet lui emportait le mollet gauche et l'empêchait
d'être appelé au gouvernement de Moscou que l'Empereur
lui destinait.
Napoléon avait espéré trouver la paix devant
Moscou : il n'y trouva que l'incendie, et alors commença cette
fameuse retraite, disons plutôt cette déroute, où
fut anéantie la plus belle armée qui eut jamais sillonné
l'Europe, où le froid et la faim détruisirent plus de
braves que le fer de l'ennemi n'en avait atteints depuis vingt ans.
Parti de Moscou avec une énorme plaie à la jambe gauche,
Belliard est tantôt conduit en voiture, tantôt à
cheval, et quand le dernier cheval est tombé sur la neige,
les aides-de-camp, les secrétaires et les domestiques le portent
à dos. Robert Dubreuil, Pierre Auman, fils de sa nourrice,
et un domestique nommé Louis Schalie, sont ceux qui le plus
souvent s'en partagent le fardeau.
A peine guéri de ses blessures, il apporte dans ses nouvelles
fonctions de colonel-général des cuirassiers, une activité
prodigieuse pour réorganiser le corps de la cavalerie, et quand
l'Empereur, parvenu à refaire une armée, ouvre la campagne
de Dresde, il l'appelle auprès de lui en qualité d'aide
major de l'armée.
Les victoires de Lutzen et de Bautzen rendirent à l'Empereur
toute sa confiance et aussi, hélas ! tout son intraitable orgueil.
Il ne voulut plus accepter la paix, si honorable qu'elle lui fut proposée
; il voulut l'imposer. Cependant le besoin de la paix était
devenu si général, que jusque dans les rangs de l'armée
on la demandait à haute voix, et Belliard eut le courage de
dire hautement au maître impérieux, ce que beaucoup pensaient,
mais n'osaient exprimer.
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Honorable, mais vaine tentative : l'Empereur demeura intraitable
et Belliard, qui désirait vivement la paix, continua la guerre
avec la même ardeur. Après avoir combattu à Dresde,
il combattit à Leipzick, y eut deux chevaux tués sous
lui et le bras gauche brisé par un éclat de mitraille.
Sa blessure ne lui fit point quitter les rangs et nous le retrouvons
encore à la bataille de Hanau.
Berthier ayant suivi Napoléon à Paris, Belliard est
nommé major général de l'armée et envoyé
en cette qualité à Metz, où il fait preuve d'un
génie organisateur de premier ordre, mettant nos troupes, manquant
de tout, atteintes par le typhus, en mesure de résister au
nouveau choc de l'ennemi.
Alors commence cette héroïque campagne de France, où
le nom de Belliard se rencontre à chaque page dans l'histoire
de cette lutte suprême.
Le 11 février, portant un bras en écharpe, il charge
les Russes retranchés à la ferme de la Haute-Epine et
contribue à la victoire de Montmirail. Le 12, au combat de
Château-Thierry, l'extrème droite de l'armée ennemie,
tournée par ses escadrons, se sauve en désordre à
travers les bois. Le 10 mars, devenu commandant de toute la cavalerie
de la garde, il prend part à la bataille de Laon. Le 12, il
est à Reims, et le 25 à la malheureuse affaire de la
Fère-Champenoise, où la cavalerie ne cède que
devant des forces écrasantes.
Il est un épisode de cette journée qui touche trop
directement à notre pays pour qu'elle ne trouve pas sa place
ici. Le général Pacthod, à la tête de recrues
de paysans des départements de l'Ouest, n'ayant pas reçu
les instructions que le maréchal Mortier lui avait envoyées,
n'arriva sur le champ de bataille de la Fère-Champenoise que
lorsque les maréchaux étaient en pleine déroute.
« Rencontrés par toute l'armée alliée,
dit M. de Norvins, dans son Ilistoire de Napoléon, ils
se disposèrent à vendre chèrement leur vie. Les
gardes russe, prussienne et autrichienne se brisèrent contre
ces bataillons rustiques ; la mêlée devint affreuse.
Les hommes de toutes les nations assaillirent cette poignée
de Vendéens qui, la veille du retour des Bourbons, jurèrent
de mourir pour Napoléon, refusèrent quartier et périrent
presque tous », excitant, ajoute M. Thiers, l'étonnement
et l'admiration du roi de Prusse et de l'empereur de Russie.
Ainsi, quel que soit le drapeau sous lequel aient combattu les Vendéens,
le sentiment de l'honneur les a toujours animés également,
et le moment est venu depuis longtemps de rejeter ces démonstrations
injurieuses qu'enfanta l'esprit de parti. « N'ayons plus
qu'un nom dans la Vendée, nous pourrions difficilement, dit
un écrivain, en trouver un autre plus honorable. »
Le 30 mars a lieu à Fromenteau cette scène poignante
que Thiers a si bien reproduite, et pendant laquelle Belliard apprend
à l'Empereur la capitulation de Paris. Alors commença
l'agitation de l'agonie, et à Fontainebleau, de tous ces généraux
qu'au temps de sa fortune, il avait comblés d'honneur et de
richesses, Napoléon ne trouva autour de lui pour recevoir ses
adieux, que quelques-uns de ses compagnons d'armes : Petit, Drouot,
Bertrand, Gaulaincourt et Belliard.
Délié de ses serments par Napoléon, Belliard
vint offrir ses services aux Bourbons qu'il accompagna jusqu'à
Beauvais, après.avoir indiqué loyalement au duc de Berry,
qui l'affectionnait beaucoup, la ligne de conduite qu'il se proposait
de suivre : « S'il n'y a. pas de guerre, dit-il, je ne
prendrai pas de service, mais si l'ennemi se présente, on me
verra dans l'armée pour défendre mon pays. »
Les couleurs impériales flottent de nouveau au sommet des
Tuileries, Belliard est reçu par le souverain auquel il fait
connaître les obligations qu'il a prises avec les princes, et
le supplie de ne lui offrir en ce moment aucun commandement. Mais
l'Europe était de nouveau liguée contre nous. Le 9 mai
il arrivait à Naples pour seconder Murat. Après la bataille
de Tolentino, si fatale aux armes du beau-frère de l'Empereur,
Belliard, après avoir rendu visite à l'infortunée
reine, s'embarque sur une goëlette qui, à travers les
dangers de toute nature, le débarque à Toulon le 29
mai.
A peine rentré à Paris, Belliard est nommé au
commandement des 3° et 4° divisions militaires et établit
son quartier-général à Metz. Il se hâte
de mettre les places en état de défense et fait appel
à ces braves populations de l'Est. A sa voix le soulèvement
est presque général et dans quelques jours, les seuls
départements des Vosges, de la Meurthe et de la Moselle équipent
et arment quarante-cinq bataillons de garde nationale. Mais c'est
un duel à mort ; dans les champs de Waterloo allait s'abîmer
la fortune du plus grand capitaine du siècle. Le nouveau régime
ne devait pas oublier et comprendre dans sa liste de proscriptions
le vaillant soldat qui n'avait offert son épée à
l'Empereur que pour combattre l'étranger. Le 21 novembre il
fut conduit à l'Abbaye, où il trouva bonne compagnie
: Drouot, Cambronne, Ornano. Après un mois de captivité,
il fut remis en liberté et entra dans la vie privée,
d'où il ne sortit qu'au 5 mars 1819, époque où
le ministère libéral et réparateur Decaze le
rappela à la Chambre des pairs, dont il avait été
nommé membre lors du dernier retour des Bourbons. Profondément
attaché aux principes de 89, préparé par ses
anciennes fonctions à la conduite des hommes et des affaires.
Belliard prit une part sérieuse aux discussions parlementaires
qui eurent tant d'éclat sous les Bourbons, et s'il ne fut pas
un orateur brillant, il eut dans la plupart des grandes Commissions
un rôle prépondérant. Dès l'année
1815, il avait remis entre les mains du duc de Berry un projet d'organisation
de l'armée, qui, refait quelques années après
par le général Gouvion Saint-Cyr, est resté pendant
longtemps sous le nom de loi de recrutement de l'armée, la
base de notre système militaire.
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Sous le ministère de Villèle, il fut chargé
de préparer contre Alger un plan d'attaque. Mais ce plan comportant
un effectif de 50.000 hommes et une dépense de cent millions,
M. de Villèle ne crut pas dans ce moment la France assez riche
pour payer sa gloire, et l'exécution du projet fut ajournée.
Très au courant des questions orientales, il faillit en 1828
être nommé chef de l'expédition de Morée,
mais le général Maison lui fut préféré,
la Restauration ayant à s'acquitter d'une dette envers lui,
et voulant la payer par le bâton de maréchal de France.
Ancien compagnon d'armes de Louis-Philippe d'Orléans, aux
côtés de qui il avait combattu à Valmy et à
Jemmapes et avec lequel il n'avait pas cessé, sous la Restauration,
d'entretenir des relations, Belliard adhéra sans arrière-pensée
au gouvernement de juillet, qui n'allait pas tarder du reste à
faire appel à ses lumières et à sa haute autorité
morale. Accueilli avec une froideur non déguisée par
les cours étrangères, la nouvelle royauté chargea
Belliard d'aller notifier, à Vienne, l'avènement de
Louis-Philippe au trône et de le faire accepter comme roi des
Français.
La tâche était difficile, car il y avait alors non seulement
à la cour d'Autriche, mais chez presque tous les souverains
étrangers, comme un regret du passé. Le renversement
de Napoléon leur paraissait alors une faute politique, parce
qu'ils se souvenaient qu'il avait enchaîné la Révolution
et qu'ils étaient convaincus qu'il n'aurait jamais voulu rouvrir
ce qu'ils appelaient l'outre des tempêtes, c'est-à-dire
d'après eux, donner l'essor aux idées libérales.
Malgré les dispositions peu bienveillantes, au début,
de l'Empereur et de son premier ministre, le prince de Metternich,
l'un des plus vieux et des plus habiles représentants de la
diplomatie en Europe, Belliard partait de Vienne avec la reconnaissance
du gouvernement de juillet par l'Autriche, les vux bien sincères
de l'Empereur pour sa durée.
Le soulèvernentde la Belgique allait fournir à Belliard
une nouvelle occasion de faire montre de ses talents diplomatiques,
et la situation particulière de la France dans ce conflit demandait,
de son côté, un grand tact et l'alliance de la modération
à l'énergie.
Belliard, appelé d'une commune voix par les Belges comme représentant
de la France, se rendit à Bruxelles, où il avait laissé
les meilleurs souvenirs ; mais l'envoi dans cette capitale d'un homme
de guerre aussi distingué que Belliard fut loin de tranquilliser
l'Europe, dont lord Wellington se fit l'organe en déclarant
à la tribune que la nomination comme ambassadeur en Belgique
d'un des meilleurs soldats de l'Europe, n'était pas un symptôme
bien rassurant pour la paix générale. Lord Wellington
se trompait : la France ne désirait pas davantage la guerre
que l'Angleterre. Belliard n'avait donc plus, comme à Vienne,
à faire reconnaître le roi Louis-Philippe ; il devait
travailler à établir sur des bases inébranlables
le gouvernement qui allait se fonder à Bruxelles, et à
cet effet soutenir la Révolution belge et la contenir au besoin.
Comment arriver à une transaction raisonnable entre la Belgique
et la Hollande ? Comment éteindre, ou du moins atténuer
ces sources d'inimitiés profondes et irréconciliables
qui sont la conséquence forcée du partage entre Etats
? Quelle part de la dette publique affecter à chacune des parties
contendantes, etc. Dans des conjonctures aussi graves, Belliard s'étudia
à inspirer à la Belgique une confiance entière
dans la France et il y réussit. Mais la Hollande refusait son
adhésion à la plupart des mesures prises par les puissances
intéressées, réunies en conférences à
Londres et une armée des Pays-Bas entrait en Belgique.
Bientôt une armée française de 50.000 hommes
vint au secours de son alliée, et la ville d'Anvers aurait
été certainement bombardée et détruite
par le général Chasse, sans l'intervention généreuse
de Belliard.
Enfin le 15 novembre 1831, un traité constituait définitivement
la Belgique en Etat indépendant, brisait l'uvre du Congrès
de Vienne et éloignait de ses frontières les soldats
de la Sainte-Alliance. Très jaloux de la dignité de
la France et par conséquent de celle de son représentant,
il ne voulait pas qu'on lui manquât, même quand il ne
s'agissait que de lui, de l'étiquette et du cérémonial.
Choisi par les membres de la Conférence à Bruxelles
pour en présider les séances, il arriva qu'un jour,
où il était un peu en retard, il trouva le fauteuil
de la présidence occupé par le représentant de
la Grande-Bretagne, et comme le noble lord ne se pressait pas à
le lui céder, Belliard prit un fauteuil, le plaça devant
lui et s'y installa carrément.
Le roi Louis-Philippe ne ménageait pas à Belliard les
témoignages de sa haute estime. et le roi Léopold savait
bien montrer en toute circonstance les sentiments que lui inspiraient
l'honneur et la loyauté qu'il avait déployés
dans sa manière d'agir pendant les négociations.
Les difficultés du côté de la Belgique aplanies,
Belliard allait être nommé à l'ambassade de Madrid
et se retrouver ainsi sur un des anciens théâtres de
ses guerres, mais le destin en disposa autrement. Le 28 janvier 1832,
en sortant du palais du roi, il tomba dans le parc de Laeken frappé
d'une apoplexie foudroyante.
Sa mort fut un deuil pour la Belgique tout entière. Les Hollandais,
qu'il n'avait jamais trompés par les roueries de la diplomatie,
et qui avaient apprécié sa droiture et sa franchise,
s'associèrent eux-mêmes à ces regrets, et dans
une lettre intime, complètement étrangère à
la diplomatie, lord Ponsouby rendit hommage à l'homme qui s'était
toujours montré « fidèle à son pays, fidèle
à ses amis, fidèle à ses ennemis. »
Les cendres de Belliard reposent au cimetière du Père-Lachaise,
à Paris.
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OUVRARD, GABRIEL-JULIEN (1770-1846)
Ouvrard (Gabriel-Julien), célèbre financier
français, qui, sous l'Empire et la Restauration a joué
un rôle des plus actifs et des plus considérables dans
tous les grands événements qui ont marqué la
fin du XVIIIe siècle et les débuts du XIXe, naquit le
6 novembre 1770, aux Moulins d'Antières, commune de Cugand,
où son père était contremaître. En possession
d'une instruction élémentaire et simple employé
de commerce à Nantes, à l'âge de dix-sept ans,
il s'y distingua par des dispositions étonnantes pour les mathématiques,
une ambition démesurée et des rêves de fortune
sans fin. - A la veille de la Révolution, alors qu'il n'avait
pas vingt ans, il aborda des spéculations qui, aujourd'hui,
feraient hésiter nos maisons de commerce les plus puissantes.
A vingt-cinq ans, il a acquis une fortune égale à celle
des grands capitalistes qui nous étonnent encore aujourd'hui
à Paris. Pendant trente ans il est le banquier de l'Etat, et
c'est lui qui négocie les emprunts contractés sous l'Empire
et sous la Restauration ; ces négociations atteignent le chiffre
de plusieurs milliards.
Vieux logis d'Antières, où est né
le fameux Ouvrard. (Cliché Aug. Douillard, de Montaigu)
Il fut le grand munitionnaire des armées de la République,
de l'Empire et de la Restauration, qui faillit échouer dans
son expédition d'Espagne pour avoir hésité au
commencement à demander ses services.
« Quand l'empereur déclara le blocus continental, il
fut chargé, auprès du prince de la Paix, de négocier
l'entrée de l'Espagne dans la coalition des Etats, et de stipuler
les subsides que fournirait le gouverment espagnol, et ce fut lui
ensuite qui traita avec l'Angleterre et obtint que sa flotte vint
convoyer les vaisseaux espagnols qui ramenaient ces trésors
d'Amérique ; le grand Pitt ne se doutait pas à coup
sûr qu'il travaillait pour la France. Parmi les missions qui
lui furent confiées par le gouvernement de France, la moins
étonnante n'est certainement pas celle qu'il remplit au Maroc
; il y déploya un luxe qui étonna ces barbares ; il
est le premier ambassadeur qui pénétra à la cour
de Méquinez et en rapporta le premier traité conclu
par notre pays avec ce chef de l'Islamisme occidentale. Le pape Pie
VII, pendant sa captivité, ayant formé le projet de
ressusciter l'ordre des chevaliers de Malte, fit demander à
Ouvrard, par le cardinal Consalvi, un rapport sur cette question et
les ressources financières qui en pourraient résulter
pour les Etats pontificaux. La Grèce, après la bataille
de Navarin, le pria de dresser un état des impôts susceptibles
d'enrichir cette nouvelle monarchie, et les mesures de perception
à introduire chez ces populations récemment émancipées.
Cet homme pourtant a été persécuté de
son vivant, discuté après sa mort; et, chez nous même,
où il a pris naissance, il n'est connu. que par les injures
de journaux jaloux de toutes les supériorités, et les
libelles de ses ennemis qui avaient intérêt à
faire de son nom une cible, à cette époque agitée
par tant de passions et de haines politiques.
Il mourut en 1846 (1).
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(1) Echos du Bocage vendéen, p. 146.
ISIDORE MASSÉ
Ch. Massé Isidore, avocat à Nantes, était
né à Bazoges-en-Paillers, canton de Saint-Fulgent. Après
avoir rempli les fonctions de fourrier ou commissaire des vivres dans
l'armée royaliste, en 1815, il devint instituteur aux Brouzils
et occupa cet emploi pendant quelques années. Son mariage avec
une femme dans l'aisance lui permit de se faire recevoir avocat à
la Faculté de Rennes. C'est alors qu'il vint se fixer à
Nantes, où il plaida, et de royaliste devint libéral.
Il entra en relations avec Mangin et collabora à son journal
l'Ami de la Charte, aujourd'hui le Phare de la Loire.
C'est lui qui signait les articles sous le pseudonyme Hibou de
Launay. Il composa également, dans ses loisirs du barreau
et du journalisme, La Vendée poétique et pittoresque,
éditée en 1829 par l'imprimerie du Commerce. La Révolution
de juillet 1830 ayant eu lieu sur ces entrefaites, il demanda et obtint
la justice de paix des Herbiers, où il mourut (1).
(1) Extrait des Echos du Bocage Vendéen,
Ve année, n° 6.
LE GÉNÉRAL BARON DE
LESPINAY
Le général Louis-Armand de Lespinay, né
à Chantonnay le 19 février 1789, fut le 19 novembre
1804 nommé page de l'Empereur, qu'il accompagna à Milan,
lors du couronnement, puis en 1806 à Iéna, à
Varsovie, à Eylau et à Friedland, où sa brillante
conduite lui valut à 18 ans la croix de la Légion d'honneur.
Nommé par décret du 21 juillet 1808 officier d'ordonnance
de l'Empereur. il va rejoindre à Bayonne Napoléon qu'il
accompagne à la journée de Soino-Sierra, à la
prise de Burgos, à l'entrée à Madrid. Il prend
ensuite part à la pénible campagne de Corogne, inspecte
en 1809 les régiments Wurtembergeois et Westphaliens campés
à Metz, remplit une mission analogue à Dresde et à
Varsovie, et de là se rend à Saint-Pétersbourg,
avec une lettre autographe pour l'Empereur de Russie qui le reçoit
avec la plus brande courtoisie. Après avoir rempli avec beaucoup
de tact et de bonheur la mission diplomatique qui lui avait été
confiée, il rejoint à Schnbrunn l'Empereur qui,
à la suite d'une action d'éclat le comble d'honneurs.
Nommé chef d'escadron le 13 janvier 1811, il prend part à
la funeste campagne de 1812, franchit le Niémen le 22 juin,
assiste aux engagements de Palotok et de la Drisa, et se signale au
passage de la Bérézina. Placé avec les restes
de son escadron à l'arrière-garde, il protège
de son solide courage la retraite sur une longue suite de ponts chancelants,
où tant de braves trouvèrent la mort. Blessé
de plusieurs coups de lances à Vélikia, il fut le 26
février 1814 créé baron de l'Empire.
Nommé rapidement lieutenant-colonel, puis colonel par la Restauration,
il accompagna le 20 mars 1815 (1) le roi fugitif jusqu'à la
frontière. En 1823, il se distinguait pendant la campagne d'Espagne,
obtenait la reddition de la ville du Ferrol, et au mois de mai 1825,
accompagnait à Reims l'escadron de son régiment, 1er
cuirassier désigné pour assister au sacre de Charles
X. Promu au grade de maréchal-de-camp le 29 décembre
1828, et appelé le 25 juillet 1830 au commandement d'une brigade
à Lunéville, il quittait, le 29 du même mois,
Paris, déjà au pouvoir de l'émeute, et rentrait
dans ses foyers, àgé seulement de 41 ans. Le 1er juin
1869, il mourait conseiller général du canton des Essarts
; après avoir rendu les plus grands services à l'agriculture.
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(1) Il avait été promu colonel la veille.
LARGETEAU, MEMBRE DE L'INSTITUT
Largeteau (Charles Louis), naquit en 1791 à Mouilleron-en-Pareds,
de parents peu fortunés. Son père ayant été
tué à la bataille du Mans en 1793, le jeune Largeteau
fut recueilli par un de ses oncles qui habitait Fontenay-le-Comte.
Après avoir fait de brillantes études au collège
de cette ville et au lycée de Poitiers, il entrait en 1809
à l'école polytechnique avec le numéro 19 sur
180. Placé dans le corps des ingénieurs hydrographes,
il prit une part active aux travaux. que le Dépôt de
la guerre faisait exécuter pour la confection de la nouvelle
carte de France. Chargé avec le colonel Brousseaud de mesurer
l'arc du parallèle moyen compris entre l'Océan et
la Savoie, il fit presque tous les calculs ; ce qui lui valut les
plus chaleureuses félicitations de Brousseaud et de Puissant.
Nommé astronome au bureau des longitudes, il fit avec le colonel
Bonne de curieuses observations astronomiques de latitude et d'azimut
sur le parallèle de Paris entre Strasbourg et Brest. En 1825,
le gouvernement français le nommait membre de la Commission
anglo-française chargée de procéder à
une nouvelle mesure de la différence de longitude entre les
observatoires de Paris et de Greenwich. Ces nouveaux travaux lui valurent
les plus chaleureuses félicitations de la part de la Société
royale de Londres. Appelé en 1832 aux fonctions de secrétaire-bibliothécaire
de l'Observatoire et chargé de la vérification des calculs
de la connaissance des temps, Largeteau justifia par des réformes
profondes la confiance qu'on avait mise en lui, et qui lui fut continuée,
lorsque plus tard l'Observatoire lui confia les calculs d'une nouvelle
table de précession, d'aberration et de mutation pour 115
étoiles.
Lorsque le bureau des longitudes nomma une Commission chargée
de calculer la longueur de l'arc du méridien compris
entre les parallèles de Montjouy et de Fromentaro, Largeteau
fut l'un des trois commissaires, et montra à cette occasion
que la méthode de rectification d'un arc du méridien
due à Legendre, pouvait, après avoir subi une modification
convenable, être avantageusement employée (ce qui jusqu'alors
avait été jugé inadmissible), lors même
que les sommets des triangles s'éloignaient considérablement
du méridien principal, comme cela a eu lieu dans la triangulation
de Biot et d'Arago.
Le 10 juillet et le 30 octobre 1843, il présentait à
l'Académie des sciences un travail très important apprécié
de tous les savants, sur les tables lunaires.
Nommé académicien libre le 4 décembre 1817,
il ne cessa depuis cette époque jusqu'à sa mort, arrivée
le 11 septembre 1857, d'être un collaborateur très actif
de la connaissance des temps.
Savant modeste et homme de bien dans, toute l'acception du mot, caractère
franc et loyal, plein de tendresse pour les siens, de dévouement
pour ses amis, Largeteau ne laissa après lui qu'une fille mariée
à M. Naud, qui fut, pendant quelques années, juge de
paix du canton de Pouzauges (1).
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(1) Extrait analytique d'une Biographie sans nom d'auteur
(annuaire 1857, pages 187-194).
Mgr HILLEREAU, VICAIRE APOSTOLIQUE
Né le 21 janvier 1796 au milieu des Landes de Saint-Philbert-de-Bouaine,
Mgr Hillereau se distingua de bonne heure par son goût
très prononcé pour les humanités et les mathématiques,
qu'il professa à Luçon avant de recevoir l'ordination
des mains de Mgr Soyer. - Bientôt il entre dans la Congrégation
des missionnaires du Père Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvre,
se livre avec succès à la prédication, et en
1832, est chargé par son supérieur, le Père Deshayes,
de porter le dossier de béatification du Père Montfort
à Rome, où. il se fait remarquer par ses hautes qualités
morales, intellectuelles et diplomatiques.
Le 22 mars 1832, un bref du pape Grégoire XVI l'appelait à
l'évêché de Calédonie avec le titre de
visiteur apostolique de Smyrne, où il arrivait au mois de décembre
1832. Bientôt nommé coadjuteur de Mgr Correzzi, vicaire
apostolique du patriarcat de Constantinople, avec le titre d'archevêque
de Petra., il se montre vaillant, intelligent, passionné pour
les intérêts matériels et moraux de ses ouailles.
Nommé le 7 mars 1835 titulaire en remplacement de Mgr Correzzi,
le nouveau chef de l'Église d'Orient se prodigue pour le bien
de son troupeau. Il relève son église, envoie des jeunes
gens au collège de la propagande à Rome, ramène
les dissidents, et sur les établissements qu'il crée
à Scutarie, à Brousse, à Varna, à Pan-Stéfaur,
flotte à côté de la croix, symbole de la foi,
le drapeau tricolore, emblème de la France. La peste ayant
envahi Constantinople, Mgr Hillereau donne à tous l'exemple
du courage, du dévouement et de la charité, faisant
l'admiration des musulmans eux-mêmes. Il recueille les pauvres,
les orphelins, fonde des écoles, des séminaires, bâtit
des églises, et visite en entier son immense diocèse
qui comprend entre autres les provinces de Bithynie, de Phrygie, de
Galathée et de Cappadoce.
En 1843, il revient dans sa chère Vendée, quêter
pour ses églises et pour les établissements hospitaliers
qu'il fonde sur les points les plus extrêmes de sa vaste province
ecclésiastique. Au milieu de ce labeur incessant sa santé
avait été très éprouvée, et le
1er mars 1855, il était emporté par le choléra,
dont il avait contracté les germes au chevet des malades. Il
fut inhumé dans la crypte de l'église du Saint-Esprit,
qui trois mois après, recevait aussi la dépouille mortelle
du R. P. Gloriot, aumônier de l'armée d'Orient, lui aussi
sorti de la Congrégation de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
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RICHER EDOUARD
Richer, Edouard, naquit à. Noirmoutier le 12 juin 1792
; l'année suivante son père et un de ses fils étaient
tués à la tête de la garde nationale, en disputant
à Charette la possession de l''île. Entré à
la Flèche en 1801, Edouard Bicher était admis deux ans
après à Saint-Cyr. Sa nature indocile ne pouvant se
plier à la discipline militaire, le força à abandonner
la carrière militaire à la suite d'une visite que lui
fit à la prison de l'école celui qui plus tard devait
être son meilleur ami : François Piet. - Le commerce
auquel il se livra ensuite ne lui convenant point, il se consacra
dès lors à l'étude de l'histoire naturelle et
de la littérature, et vint en 1810 s'établir à
Nantes, où la Société académique de la
Loire-Inférieure ne tardait pas à l'admettre dans son
sein (1).
Mais Nantes ne convenant ni à ses goûts un peu sauvages,
ni à sa nature débile, il se retira bientôt sur
les bords de l'Erdre, puis dans un véritable ermitage, au milieu
d'une lande déserte afin d'y vivre seul avec la nature.
Le moment était pourtant venu où l'âme ardente
du jeune Richer allait s'ouvrir à toutes les tendresses du
cur. Mais son roman d'amour ne fut pas long, et il le ferma
avant d'être arrivé à la dernière page.
Quelques poésies composées dans les premiers jours de
sa passion et ensuite une amère désillusion furent les
seuls fruits de son premier amour. Un voyage qu'il fit à Provins
chez son beau-frère, le mit en relations avec plusieurs hommes
distingués de la capitale, l'abbé Pasques, Letomelier
et Lelièvre, de l'Ecole des mines, Latreille et Lamark, de
l'Institut. Le fruit de ses méditations qu'il livrait à
la publicité, attira sur lui l'attention des hommes les plus
éminents, et le comte Daru confia à son examen le manuscrit
entier de son Histoire de Bretagne qu'il annota. Mais sa santé
ébranlée le força de revenir dans son île
natale, habiter l'abbaye de la Blanche.
Le 21 janvier 1834, malgré le dévouement du docteur
Fouré, son ami, il s'éteignait à Nantes, après
s'être, aux pieds de l'abbé Fournier, plus tard évêque
de Nantes, réconcilié avec l'Eglise dont il avait souvent
attaqué les dogmes.
Richer a beaucoup écrit : il a éparpillé ses
connaissances très variées, son imagination et son esprit,
dans une foule de petits opuscules qui mériteraient d'être
réunis en corps d'ouvrage.
Citons : Ode sur l'immortalité de l'âme, brochure
in-8°, Nantes,1821. - De la philosophie religieuse et morale,
dans ses rapports avec les Lumières, 1822. - Précis
de l'histoire de Bretagne, 1822. - La Vendée, ouvrage
en quatre volumes parus en livraisons, et qui malheureusement est
resté inachevé. - Voyayes à Clisson, à
Paimbuf. - Aspect pittoresque de Noirmoutier, etc.
Dans le Lycée armoricain, il a publié un grand
nombre d'articles remarquahles sur J. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre,
etc. ces morceaux de critique devaient entrer dans le cadre d'un ouvrage
immense qu'il devait publier sous le titre : Des erreurs et des
progrès de l'Esprit humain ; mais la mort ne lui en laissa
pas le temps.
Homme simple, loyal et franc, Richer fut un érudit admirablement
bien doué, tant au point de vue littéraire qu'au point
de vue scientifique, et s'il eut entrepris moins de travaux, il eut
pris le premier rang parmi les hommes qui honorent le Bas-Poitou.
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(1) Il y payait sa bienvenue par la composition d'un
Hymne au Soleil, traduit ou plutôt imité de Thomson.
PIET FRANÇOIS
L'ami de Bicher, Piet, dont nous avons déjà
parlé, n'est point né à Noirmoutier, mais il
s'y est tellement identifié par son mariage, par les fonctions
publiques qu'il y a remplies, et surtout par ses écrits qu'on
peut le considérer comme un compatriote.
Né à Montmédy en 1774, il s'engage dans le bataillon
des Ardennes, assiste à la bataille de Jemmapes, s'y distingue,
et par les hasards de la guerre, il est attaché au général
Dutruy, lorsque ce dernier enlève Noirmoutier aux Vendéens.
Le rôle qu'il joua dans l'interrogatoire de d'Elbée a
été diversement jugé ; aussi nous nous abstiendrons
de crainte de froisser des susceptibilités légitimes.
Après Thermidor, il était nominé commissaire
des guerres à Noirmoutier, s'y mariait et s'y fixait définitivement.
En 1798, il était élu président de l'administration
municipale, et en 1805 il assistait à Paris comme président
de son canton aux têtes du couronnement de l'Empereur. Il demeura
notaire de 1808 à 1830, époque où on lui confia
la place de juge de paix, qu'il occupa jusqu'à sa mort, arrivée
en 1839.
Pendant les années paisibles de sa carrière civile,
Piet a décrit et célébré sa patrie d'adoption.
Sous le titre : Mémoire à mon fils, il a composé
un volume in 4° de plus de 600 pages, qui contient sur sa vie
et sur l'histoire, la topographie, la statistique, la géologie,
la minéralogie, etc., de Noirmoutier, des documents du plus
haut intérêt. Ce livre curieux, tiré à
seize exemplaires seulement, a été imprimé à
l'aide d'une presse à bras par l'auteur lui-même.
Il a fait paraître encore : Mémoires sur la vie et
les ouvrages d'Edouard Richer. - De l'Etymologie de l'île d'Yeu.
- De la pêche des huîtres dans la baie de Noirmoutier.
- Des dunes sur les côtes de l'Ouest et des Moyens de consolider
celles qui ne sont pas encore fixées. - Sur la formation de
la Tourbe des marais, etc.
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CRÉTINEAU-JOLY
Crétineau-Joly, Jacques, naquit à Fontenay-le-Comte
dans la rue des Loges, le 23 septembre 1803, de parents, honnêtes
drapiers, possédant une certaine aisance que leur trop grande
confiance fit évanouir en des mains déloyales.
Elevé au collège de Luçon, Jacques était
bachelier à 17 ans. Entré au Séminaire de Saint-Sulpice
en 1820, deux ans après, Mgr de Frayssinous, grand maître
de l'Université de France, lui confiait la chaire de philosophie
au collège de Fontenay, mais sa santé ne lui permit
pas de tenir cet emploi. Au mois de juin 1823, Crétineau-Joly
accompagnait en qualité de secrétaire particulier le
duc de Montmorency-Laval, nommé ambassadeur à Rome,
où en 1825 (25 août) le jeune secrétaire, qui
n'était encore qu'abbé, prononça par permission
spéciale du pape, et avec quelques heures de préparation,
un remarquable panégyrique de saint Louis. Mais le doute envahissait
cette âme ardente et les exhortations paternelles de Mgr Soyer
non plus qu'une retraite à la Trappe ne purent empêcher
Crétineau-Joly de quitter la soutane. L'année suivante,
le 21 août 1830, il épousait à Confolens Mlle
Labrousse. Alors commença pour notre compatriote une lutte
de tous les instants pour le triomphe de ses idées politiques.
Tour à tour rédacteur du Véridique, du
Vendéen, de l'Hermine, Crétineau se montre
dans la direction de ces divers journaux un royaliste ardent, un homme
de lettres remarquable et un vigoureux homme d'action. En 1839, il
quitte Nantes pour Paris, où nous le retrouvons collaborant
à la Revue du XIX siècle, à la Gazette
de France, à l'Europe monarchique.
Mais si remarquable que fut Crétineau-Joly, comme journaliste,
sa vocation véritable, son terrain propre fut l'histoire. Il
débuta en 1838 par l'Histoire des Généraux
Vendéens où il avait glissé une préface
sur l'Ingratitude des Bourbons et publia ensuite le Fils
d'un pair de France ; Scènes d'Italie et de Vendée,
etc. Mais ce n'était là qu'un prélude, et dans
l'Histoire de la Vendée militaire, dont les deux premiers
volumes parurent en 1840 et les deux autres l'année suivante,
Crétineau-Joly allait se montrer un historien remarquable,
un styliste étonnant, plein de feu et de clarté. Surnommé
par Mme de La Rochejaquelein, l'Homère vendéen, le brillant
écrivain, dont les années n'ont fait que consacrer le
remarquable succès obtenu dès l'apparition de son uvre,
écrivit successivement l'Histoire de la Compagnie de .Jésus
; l'Eglise romaine en face de la Révolution ; l'Histoire de
Louis-Philippe et de l'Orléanisme ; les Mémoires du
Cardinal Consalvi ; Histoire des trois derniers princes de la maison
de Condé, etc.
Réconcilié depuis longtemps avec Bome, il abjura complètement
ses dernières erreurs philosophiques le 11 septembre 1872,
entre les mains d'un Jésuite de ses amis, le R. P. Thailhau,
qui emporta sans peine « cette place qui ne se défendait
plus guère que par un reste de respect humain ».
Le 1er janvier 1875, il expirait à Vincennes entre les bras
de ses enfants, dont deux sont, croyons-nous, prêtres dans les
environs d'Angers (1).
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(1) La Bibliographie des uvres de Crétineau-Joly
a paru dans Les Contemporains (N° du 11 février
1894, page 16).
LE GÉNÉRAL COLLINEAU
Collineau, Edouard-Isaïe, naquit aux Sables-d'Olonne
le 22 novembre 1810, du mariage de Collineau, Guy-Charles et de Catherine
Macouin. Huitième enfant des onze fils qu'eurent ses parents,
Edouard-Isaïe était ouvrier chapelier, quand sa vocation
l'entraîna sous les drapeaux, et à cinquante ans il était
général de division ! Ce seul mot suffit à son
éloge. - « On le vit, écrivait-on de Tien-Tsing,
où il succombait le 15 janvier 1861, des suites d'une petite
vérole, on le vit successivement en Afrique qu'il ne quitta
que pour aller en Crimée, en Italie et en Chine, prendre part
à tous les combats, à tous les assauts, à tous
les faits d'armes ; - à la. tête du 1er régiment
de zouaves, s'illustrer à jamais au siège de Malakoff
; puis, sans prendre ni repos, ni trêve, retourner en Algérie,
se distinguer à l'expédition de la Grande Kabylie et
en rapporter les étoiles de général. La campagne
d'Italie lui valut la croix de Commandeur. Aussitôt revenu à
Paris, et à la première nouvelle qu'on doit organiser
un corps d'armée pour opérer en Chine, il fait, pour
la première fois auprès du ministre, une démarche
et obtient le commandement de la 2e brigade du corps expéditionnaire.
A Tchéfou,, où il commanda en chef les troupes d'infanterie,
on éprouva son talent d'administrateur ; puis, on le vit diriger
l'enlèvement de Pétang, reconnaître le 3 août,
à la tête de notre beau 102°, la chaussée
qui conduit à Takon, coopérer le 14 août à
l'enlèvement de ce fort, diriger deux jours après l'attaque
contre les forts de Peï-Ho, dit du nord, et s'en rendre maître
après une résistance vigoureuse - toujours au premier
rang jusqu'à la fin de l'action. Le 21 septembre, avec trois
compagnies, il enlève le pont Pali-Kia-Ho, défendu par
une armée entière. Ce fut notre dernier combat : ce
dut être sa dernière victoire. - Outre la bravoure qu'il
montrait au feu et qui enlevait si bien ses troupes, ce qu'on devait
admirer le plus chez lui, c'étaient ses vastes connaissances,
son calme, sa sagacité, son sang-froid, et surtout ce coup
d'il d'aigle qui fait les grands capitaines ».
Le général Collineau est mort en véritable héros
chrétien. Son corps embaumé fut transporté de
Tien-Tsing à Pékin, où il repose dans le cimetière
catholique français, à côté des restes
des sept victimes de l'infâme trahison de Tong-Tchou (1).
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(1) Revue de Bretagne et de Vendée (année
1861), E. G.
CHARLES MERLAND
Charles Merland, né au Château-d'Olonne, le 26
juin 1808, exerça avec succès la médecine à
la Roche-sur-Yon, depuis 1832 jusqu'en 1865, époque où,
très fatigué, il résigna ses fonctions. Entre
temps, il avait touché un peu à la politique, fondé
le premier cercle ouvert à Bourbon-Vendée, et collaboré
au Patriote. Mais à partir de 1865, Merland consacra
pour ainsi dire tout son temps aux études littéraires.
Correspondant ou membre de diverses sociétés savantes,
il collabora surtout à La Revue de Bretagne et de Vendée,
au Recueil de la Société d'émulation de
la Vendée, publia de nombreux comptes-rendus, écrivit
diverses brochures, notamment celles ayant pour titre : Narcisse
Pelletier, Monseigneur Coupperie, et enfin mettait le sceau à
sa réputation d'érudit en publiant en 1883, Les Biographies
vendéennes, ouvrage eu cinq volumes, qui lui avait coûté
quinze ans de recherches et de travail. Charles Merland est mort le
8 janvier 1884, à Paris, et ses restes reposent, selon ses
désirs, dans l'humble cimetière du Château-d'Olonne.
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PAUL MARCHEGAY
Paul Marchegay, surnommé le Plutarque vendéen,
naquit à Lousigny de Saint-Germain-le-Prinçay, le 10
juillet 1812. Sa famille s'était, depuis plusieurs générations,
imposée au respect de tous par sa droiture, sa loyauté,
la sincérité de ses opinions politiques et religieuses.
Son grand-père avait été tué à
Chantonnay, le 15 mars 1793, en combattant les Vendéens, et
son père avait, de 1821 à 1832, siégé
à la Chambre comme député de l'opposition libérale
avec Manuel, Perreau, Esgonnière et David. Paul Marchegay avait
donc de qui tenir, et il ne devait pas mentir aux traditions de sa
famille. Après avoir, à 17 ans, obtenu à Paris,
au Concours général, le second prix d'histoire, il fit
la licence en droit, entrait à l'École des chartes en
1835 et en sortait en 1838, avec le titre d'Archiviste paléographe.
Attaché pendant trois ans à la section des manuscrits
de la Bibliothèque royale, il était en 1841, nommé
aux fonctions d'Archiviste de Maine-et-Loire qu'il occupa jusqu'en
1853, après avoir, dans cet intervalle, lutté énergiquement
et démasqué, malgré de hautes protections, un
faussaire haut placé, dont la lucrative spécialité
était la fabrication de titres qu'il introduisait subrepticement
dans les dépôts publics et à l'aide desquels il
dépouillait ensuite les communes de leurs biens.
Depuis lors, il vécut dans l'antique château des Roches-Baritaud,
qu'il aménagea avec goût, et où, pendant 31 ans,
il mena une vie des plus actives, malgré le faible état
de sa santé et une infirmité qui lui rendait la marche
très pénible, ainsi que tous les exercices physiques.
Dans cet asile de bénédictin, il put amasser une collection
considérable de pièces originales et curieuses sur le
Poitou, l'Anjou, la Bretagne et l'Aunis. Grâce à ses
relations avec le duc de la Trémoille, il put puiser à
pleines mains dans le riche chartrier de Thouars et donner au monde
savant ces remarquables monographies où se montre à
chaque ligne le culte profond de la vérité et l'exactitude.
Dès 1843-1845, l'Académie des inscriptions et belles-lettres
honorait d'une médaille d'or et d'un rappel de médaille,
Le Recueil de mémoires et documents inédits sur l'Anjou,
et en 1856-1871, Les Chroniques des comtes et des églises
d'Anjou.
Puis parurent ensuite le Cartulaire des Sires de Rays (1857)
et le Cartulaire du Bas-Poitou, si précieux pour notre
histoire locale.
La Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, le « Bulletin
du Comité des travaux historiques » et de la «Revue
des Sociétés savantes », la « Revue archéologique
», le « Bulletin de la Société du protestantisme
» et différents Recueils périodiques de l'Ouest,
ont reçu de lui plus d'une centaine de notices, dont 44 ont
été imprimées à part à 48 exemplaires
en 1857, sous le titre de Notices et Documents historiques et 41 en
1872, sous celui de Notices et pièces historiques. Sa dernière
publication « achevée sous le coup d'un mal subit
et cruel » et tirée à 20 exemplaires seulement,
est datée de 1884 ; elle renferme 25 nouvelles notices qui
complètent les deux premiers volumes.
A la fin de 1884, nous étions allé passer quelques
heures auprès du vénérable maître, qui,
pendant de longues années, nous avait fait l'honneur de nous
recevoir dans une grande intimité. Nous avions été
frappé des défaillances qu'éprouvait sa mémoire,
mais nous voulions compter encore sur un retour à la santé,
lorsque vers la fin de février 1885, nous reçumes, ainsi
que tous ses amis, l'original adieu :
Agé de 72 ans et demi, paralysé depuis
le 20 décembre 1883, et. ne faisant que végéter,
M. MARCHEGAY
aspire au repos chrétien, et vous prie d'agréer
ses derniers adieux.
Aux Roches-Baritaud, par Chantonnay (Vendée)
(18 février 1885)
Il n'était que temps : le 3 juillet de la même année,
Dieu rappelait à lui ce grand homme de bien, ce noble caractère
; cet érudit dont les décisions furent et demeurent
toujours appréciées dans les hautes régions de
la science (1).
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(1) Voir pour de plus amples renseignements, la notice
nécrologique et bibliographique, consacrée à
M. Paul Marchegay. par M. Eugène Louis, à qui nous avons
fait de nombreux emprunts (Annuaire 1886, pages 194 à
214).
BENJAMIN FILLON
Benjamin Fillon, écrivain de talent, savant numismate,
collectionneur émérite et profond érudit, naquit
à Grues le 15 mars 1819, mais il vint très jeune à
Fontenay, où il fit ses humanités.
Reçu licencié en droit en 1837, il put, sous la direction
du fameux numismate Poey-d'Avant, son ami avant de devenir son oncle,
se livrer à l'étude des monnaies et des médailles.
Après avoir rempli pendant quelques années les fonctions
peu absorbantes de juge suppléant au tribunal de la Roche-sur-Yon,
il donna sa démission aussitôt le coup d'État
du 2 décembre 1851, afin de pouvoir s'adonner sans trêve
ni merci à ses chères études.
Fontenay-le-Comte, sa patrie d'adoption, eut la meilleure part de
son ardeur juvénile : elle se vit réserver aussi les
dernières pages tracées par sa main défaillante.
En 1847, il publiait en effet le premier volume de ses Recherches
historiques sur Fontenay-le-Comte, et trente-quatre ans plus tard,
il corrigeait sur son lit de mort les dernières épreuves
du tirage à part d'un Mémoire sur les dénominations
des rues de Fontenay donné à lsau mois de
septembre 1881.
A la chute de l'Empire, il fut appelé à la préfecture
de la Vendée, mais il déclina ce poste de confiance,
et après la mort de sa femme et cousine Clémentine Fillon,
survenue le 16 juillet 1873, il se retira dans sa propriété
de La Court, à Saint-Cyr-en-Talmondais. C'est dans cette demeure
restaurée et aménagée selon ses goûts,
au milieu de ses livres et des merveilles amassées à
grands frais, qu'il passa les dernières années de sa
vie, partagée entre le travail de l'esprit, l'administration
de sa commune et les bonnes uvres, qu'il s'éteignit le
23 mai 1881.
Cet homme, qui emporta les regrets du monde savant, qui faisait avec
une grâce charmante les honneurs de son musée archéologique,
dont le moindre objet avait son histoire, était en relations
d'amitié et de savoir avec Jules Quicherat, Riocreux, Chevreul,
Anatole de Barthelemy, de Montaiglon, Michelet, Louis Blanc, Marchegay,
de Rochebrune, les abbés Auber (1), du Tressay (2), Mourain
de Sourdeval (2), et Baudry (4), Jousseaume, Gabriel de Fontaines,
Bitton, son plus fidèle collaborateur, Eugène Louis
et Dugast-Matifeux. C'est chez ce dernier, à Montaigu, où
nous le vimes vers la fin de l'année 1880, qu'il fit sa dernière
sortie, comme s'il avait eu le pressentiment de sa fin prochaine.
Château de la Court d'Aron, où est mort
B. Fillon
Correspondant du Comité des travaux historiques, membre de
la Société des Antiquaires de France, il a publié
une série d'articles remarquables dans la Revue des provinces
de l'Ouest, les Mémoires de la Société des Antiquaires
de l'Ouest, la Gazette des Beaux-Arts la Revue Numismatique, l'Indicateur,
etc.
Guidé par un pieux sentiment, son beau-frère et ami,
M. Charier-Fillon, mort en 1900, maire de Fontenay, a publié
en 1895 la Bibliographie chronologique des ouvrages de Fillon (1838-1881).
Cette bibliographie, éditée par Clouzot, comprend l'indication
détaillée de 439 notices, lettres, brochures, plaquettes,
thèses, livres. Parmi ces ouvrages, mentionnons : l'Art
de terre chez les Poitevin, - Documents pour servir à l'histoire
du Bas-Poitou et de la Révolution en Vendée - Considérations
historiques et artistiques sur les monnaies de France - Les faïences
d'Oiron et les remarquables études historiques intitulées
Poitou et Vendée, entreprises en collaboration avec M.
Octave de Rochebrune et malheureusement inachevées.
Les cendres de cet homme remarquablement doué, qui avait pris
pour devise : Travail est honneur ; de ce savant fontenaisien,
digne émule des Tiraqueau, des Besly, des Viète, reposent
au cimetière Saint-Jean de Fontenay, dans le caveau de famille
où est venu le rejoindre, il y a deux ans, son beau-frère
et ami Arsène Charier.
A cette courte notice, pour laquelle nous nous sommes servi surtout
du remarquable article publié par M. Louis, sur Fillon, dans
l'Annuaire de 1881, nous n'ajouterons qu'un mot:
On pouvait craindre qu'après la mort de l'homme de goût
qui avait fait de la Court une demeure d'artiste, ce beau domaine
tombât entre des mains indignes de le posséder. Il n'en
a rien été heureusement, et le propriétaire actuel,
M. Raoul de Rochebrune, fils du grand artiste, a religieusement conservé
et embelli encore tout ce qui pouvait conserver la mémoire
de celui qui, pendant de longues années, fut un familier de
Terre-Neuve.
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(1) Auber, chanoine de Poitiers,
auteur de plusieurs ouvrages, notamment d'une Histoire du Poitou en
neuf volumes.
(2) Du Tressay, ecclésiastique
de grand talent et de beaucoup de mérite, a écrit notamment
une Histoire fort appréciée des moines et des évêques
de Luçon.
(3) Mourain de Sourdeval, mort à
Saint-Gervais il y a quelque vingt ans, s'est signalé aussi
par de savantes publications sur le Bas-Poitou, la baronnie de la
Garnache et Beauvoir, sur Mlle de Lézardière et une
édition annotée des uvres de Rivaudeau (Aman).
(4) L'abbé Baudry, ancien curé du Bernard,
né à Saint-Philbert-du-Pont-Charrault vers 1822. Antiquaire
de grand mérite, inventeur des fameux puits funéraires
du Bernard, et auteur de remarquables rapports parus dans diverses
publications, notamment dans l'Annuaire de la Société
d'émulation de la Vendée. - Les objets recueillis
par l'infatigable antiquaire dans les nombreuses fouilles entreprises
sur plusieurs points de la Vendée, surtout à Troussepoil,
ornent aujourd'hui plusieurs des vitrines du musée de la Roche-sur-Yon.
D'autres précieux souvenirs de l'érudit
ecclésiastique mort le 24 juillet, 1880, sont religieusement
conservés par sa nièce et son neveu, M.Casimir Puichaud,
bien connu dans le monde des lettres par ses savantes publications.
Pour l'abbé Baudry, voir Grande Éncyclopédie,
t. f., Semaine catholique (1eravril 1888) et Publicateur
de la Vendée (28 juillet 1880).
PAUL BAUDRY
Un des enfants dont la Vendée est le plus fière à
bon droit est Paul Baudry, né à la Roche-sur-Yon
en 1828, d'un modeste sabotier, et qui fut le meilleur des fils, le
plus dévoué des frères, le plus reconnaissant
des élèves. Les dispositions très grandes que,
tout jeune il avait, sous la direction de M. Sartoris, montré
pour le dessin, attirérent sur lui l'attention des représentants
du Conseil général de la Vendée qui, en 1845,
lui allouèrent une subvention de 600 francs avec laquelle il
put, en se privant souvent des choses les plus utiles à la
vie, poursuivre à l'Ecole des Beaux-Arts, dans le recueillement,
ces fortes études qui, en 1852, lui permettaient, 1er grand
prix de Rome avec Bouguereau, d'entrer à la villa Médicis.
Au Salon de 1857, il remportait d'emblée une première
médaille : Baudry y avait exposé la Fortune et l'Enfant
que l'on voit au musée du Louvre, et le Supplice d'une
vestale qui orne aujourd'hui le musée de Lille. Il y avait
encore un charmant petit saint Jean et une délicieuse
petite toile que la lithographie a popularisée Leda,
et le célèbre portrait de M. Beule.
Le Supplice d'une vestale était son envoi de Rome de
cinquième année ; la Fortune, expédiée
à son ami l'éminent statuaire Guitton en vue
de l'Exposition de 1855, était celui de troisième.
An Salon de 1859, Baudry envoya la Madeleine qui est au musée
de Nantes ; la Toilette de Vénus actuellement au musée
de Bordeaux, puis les portraits de Mme de la Bédoyère,
de M. Jard-Panvilliers, une de ses uvres maîtresses, etc.,
une étude intitulée Guillemette, qui eut l'honneur
d'être rapprochée par la critique de la célèbre
petite Infante de Vélasquez. En 1861, paraît Charlotte
Corday, la toile si dramatique du musée de Nantes, puis plusieurs
portraits, ceux de Guizot, du baron Dupin, de Madeleine Brohan, que
sais-je encore, qui le classent au premier rang des portraitistes
français.
Enfin, en 1863, il remporte une victoire définitive avec la
Perle et la Vague, et en 1865 expose Diane et le portrait
de son frère l'architecte, Ambroise-Thomas, qui est un chef-d'uvre
et une merveille.
Après ce Salon de 1865, Baudry disparut des expositions annuelles
pour se consacrer tout entier à la conception et à la
préparation de son grand travail de l'Opéra, qui devait
mettre le sceau à sa renommée. Pour cela il parcourt
les musées de Rome, de Londres, de Madrid, de Florence, copie
les cartons de Raphaël, de Velasquez, et comme pour faire trêve
à ces préoccupations multiples, il envoie au Salon,
en 1869, le portrait de son intime ami Garnier, l'architecte de l'Opéra;
en 1872, celui de son frère Ambroise et d'About.
Enfin, en 1874, sonne l'heure du triomphe : « Les peintures
de l'Opéra achevées furent exposées à
l'Ecole des Beaux-Arts, et il n'y eut qu'un cri d'admiration devant
cet ensemble décoratif, le plus considérable qui ait
été peint en ce siècle. » « Il n'y
eut, dit un de ses biographes, M. Bonnin, qu'une voix pour proclamer
Maître notre illustre compatriote. »
« Une fois son opéra mis en place il reparut aux Salons,
où de nouveaux succès l'attendaient. En 1880, la Glorification
de la loi, le grand plafond de la Cour de Cassation lui mérita
la seule distinction que son art put encore lui donner : la Médaille
d'honneur décernée par le suffrage de ses pairs. En
1882, il exposa pour la dernière fois une petite toile,
La Vérité, puis peignit encore St-Hubert pour
le château de Chantilly, où sont venus les panneaux de
l'hôtel Fould et deux plafonds inspirés par la fable
de Psyché. »
Là se termine l'uvre de celui qu'une mort presque foudroyante
enlevait au monde des arts et à l'affection des siens le 17
janvier 1886 ; et dont M. Eugène Louis à pu dire : «
Le nom de Paul Baudry est un de ceux dont on ne saurait trop souvent
rappeler le souvenir à nos concitoyens, car il a été
l'incarnation vivante du travail couronné et sanctifié
par la gloire. »
Le 28 avril 1890, un monument commémoratif était inauguré
dans le vestibule du musée de la Roche-sur-Yon, à la
mémoire du grand peintre. Puis au mois d'avril 1896, lors d'un
voyage fait en Vendée, M. Félix Faure, président
de la République française, inaugurait une statue en
bronze du grand peintre, due au ciseau de son ami Gérome, et
dont les frais ont été couverts par des souscriptions
particulières, des dons de l'Etat, du département, des
communes et de la famille (1).
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(1) Voir pour Paul Baudry, Paul Baudry, par Bonnin.
Extrait de la Revue du Bas-Poitou. - Plaquette in-8° de
20 pages. - Paul Baudry et le monument du Pére-Lachaize
{où est inhumé le grand artiste, Eugène Louis
(Annuaire 1891, pages 222, 229)}.
GASTON GUITTON
A côté de Paul Baudry, il convient de placer son ami
et compatriote le sculpteur Guitton, né à Bourbon-Vendée
le 25 février 1825. Après avoir étudié
à Nantes dans l'atelier de Ménard, l'auteur du Forban,
il entra chez Rude, et en 1850 exposait au Salon un groupe en
plâtre Saint Louis consolant un blessé. Bientôt
il part rejoindre son ami Baudry dans la Ville Eternelle, où
son talent se fortifie et se développe. De retour à
Paris, il envoie au Salon de 1853, un buste en marbre Portrait
d'enfant, puis successivement : Au printemps, L'attente,
statue de femme d'une grande valeur artistique, - Hypathée,
le buste en marbre avec bras de Mme de Fontenay, qui, pendant long
temps, fut pour Guitton un autre Egérie, - Saint Pierre,
placé au-dessus de la porte de la sacristie des mariages (église
Saint-Sulpice), l'Amour de Circé. - le Marchand d'amour,
le huste d'Alfred de Vigny, etc. En 1875, il expose le modèle
en plâtre de son Eve tentée par le Serpent, qui
devait soulever de si violentes polémiques dans le monde des
arts.
A partir de 1877, Guitton, accablé par la maladie, des revers
de fortune et des déceptions de toutes sortes, commence à
se ralentir, pour s'adonner avec passion aux lettres, car il était
un connaisseur de livres rares et curieux, dont il avait réuni
une magnifique collection.
Néanmoins, quand il venait demander au pays natal le repos
et l'air vivifiant des champs, Guitton reprenait l'ébauche
pour fixer les traits des siens : Mme Ch. Renaud, sa sur,
de M. et Mme H. Renaud, ses neveu et nièce, de Mlle Marie
Renaud, son autre nièce, de ses amis Eugène Moreau,
Charles Merland, etc.
Deux statues en plâtre de Guitton : La Couverture et La
Marbrerie, s'élèvent dans la galerie de l'avant-foyer
du nouvel Opéra, et sur la façade principale de l'Hôtel
de ville de Paris se trouve la statue de E. Pasquier, commandée
en 1880 à Guitton et à qui elle fut payée 4.000
francs. Guitton est mort à Paris à l'âge de 66
ans, n'étant plus que l'ombre de lui-même, et inhumé
selon ses désirs le 24 juillet 1891 dans le cimetière
de sa ville natale.
« Combien il est regrettable, écrivait le lendemain
M. Emile Grimaud dans l'Espérance du Peuple, que les
circonstances n'aient pas mieux favorisé cette vigoureuse nature
d'artiste ! Moins heureux que Paul Baudry, G Guitton n'a pas vu le
vent souffler dans ses voiles, et pour parler comme le cardinal de
Retz, il est, hélas de ceux qui n'ont pas rempli toute leur
destinée. Quoi qu'il en soit, son uvre est assez remarquable
pour faire vivre son nom, et la Vendée peut être fière
de le compter au nombre de ses enfants. » (1)
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(1) Pour la biographie de Guitton, voir la plaquette
in-8° de 24 pages de M. Eug. Louis, dont, nous nous sommes servi
pour la rédaction de cet article. - Gaston Guitton, la Roche-sur-Yon,
Typographie Paul Trernblay, 1891.
BEAUSSIRE EMILE
Beaussire Émile, ancien membre de l'Institut, naquit
à Luçon le 21 mai 1824, et après de brillantes
études entrait avec le n° 2 à l'Ecole normale supérieure,
dont il sortait pour occuper bientôt la chaire de philosophie
au lycée de Lille (1847). Reçu au concours d'agrégation
de 1848, en même temps que Caro et Renan, docteur ès-lettres
en 1855 avec une thèse remarquable sur le Fondement de l'obligation
morale, il était en 1856 nommé professeur de littérature
étrangère à la Faculté des lettres de
Poitiers.
Dix ans plus tard, il revenait professeur de philosophie au lycée
Charlemagne à Paris, et c'est là que la Commune le prit
pour un de ses otages.
Quelques mois après, il entrait dans la politique en qualité
de député républicain libéral de la deuxième
circonscription de Fontenay-le-Comte et s'associait en cette qualité
à toutes les mesures proposées par Thiers, qu'il soutint
presque constamment de ses votes. On lui doit notamment un projet
de loi sur les retraites universitaires qu'il déposa au cours
de la législature de 1876. Battu aux élections d'octobre
1877, il rentra à la Chambre en février 1879, pour,
quelques mois après, aller s'asseoir sous la coupole de l'Institut
(1880).
Mais bientôt dégouté de la politique, il refusa
de se présenter aux élections du 21 août 1881,
pour se consacrer exclusivement aux études philosophiques (1)
qui furent la joie de toute sa vie, et auxquelles se livrait avec
passion cet honnête homme, ce libéral, érudit
et bon, qui, le 8 mai 1889 était à Paris frappé
brutalement, et emporté en quelques jours dans toute la force
de l'âge et de l'intelligence.
Selon ses désirs, ses restes mortels reposent dans le cimetière
de sa ville natale, qui s'est honorée en donnant le nom de
ce glorieux fils à l'une de ses principales avenues.
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(2) En dehors des uvres de longue baleine, de
remarquables rapports à l'Académie des sciences morales
et politiques, Emile Beaussire, qui fut en 1871 l'un des fondateurs
de l'Ecole des sciences politiques, a collaboré au Temps,
à la Revue des Deux Mondes, à la Revue des
Cours littéraires, etc.
LOUIS DE LA BOUTETIÈRE
Louis de la Boutetière naquit à Angers, le 5
janvier 1829. Entré dans l'armée en 1846, il donna sa
démission d'officier en 1860 à la veille de son mariage
avec Mlle de Lépineraie, et aussitôt commença
pour lui cette vie d'étude et de recherches qui, dès
1868, attirait sur lui l'attention du monde savant par la publication
d'un mémoire remarquable sur le rôle joué par
Sapinaud et les Chefs Vendéens du Centre.
Bientôt la guerre de 1870 éclate, et à l'appel
de la France en détresse, de la Boutetière reprend son
épée et part à la tête du troisième
bataillon des mobiles de la Vendée. Frappé de deux balles
à Champigny le 29 novembre, il est fait prisonnier. A peine
rentré dans ses foyers, il reprend la plume et collabore aux
Archives historiques du Poitou, à la Société
d'émulation de la Vendée, à celle des Antiquaires
de l'Ouest, etc. Toutes les productions de ce vaillant soldat
décoré à la suite des blessures reçues
à Champigny, révèlent en lui un caractère
droit, un passionné de la vérité historique,
un écrivain de talent.
Dans les Cartulaires de l'abbaye de Sainte-Croix de Talmont et
de Saint-Jean d'Orbestier, il a fait preuve d'une érudition
remarquable, et dans les quelques semaines que chaque année
il passait dans sa délicieuse et vieille gentilhommière
des bords du Lay, près Saint-Philbert-du-Pont-Charrault, c'était
plaisir de le voir étaler sur sa table de travail les vieux
parchemins et les poudreux registres dont plusieurs lui étaient
souvent et fort aimablement communiqués par son voisin M. Paul
Marchegay.
Le 26 décembre 1881, il s'éteignait à Paris
des suites d'une pleurésie aggravée par les complications
résultants des glorieuses blessures reçues pendant l'année
terrible, et ses restes mortels transportés dans la chapelle
du château de Faymoreau (Vendée), où ils reposent
maintenant.
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DUGAST-MATIFEUX
Dugast-Matifeux, né à Montaigu le 12 octobre
1812, étudia d'abord la médecine, puis le droit. Arrêté
à la suite de l'insurrection républicaine de 1832, il
subit trois mois de prison préventive. - Il collabora ensuite
à l'Histoire parlementaire de la Révolution française,
et en 1833, publiait un Essai sur le fameux évêque
constitutionnel et régicide Grégoire. - Le coup d'État
de 1851 lui valut une nouvelle arrestation et des perquisitions qui
n'aboutirent pas. - Depuis ce moment jusqu'à sa mort, arrivée
le 15 avril 1894, il a collaboré à un grand nombre de
Revues et de Journaux. La Biographie Bretonne, - La Revue des Provinces
de l'Ouest, - l'Annuaire de la Société d'Émulation
de la Vendée, - Les Échos du Bocaye, - Le Phare de la
Loire, - Le Libéral de la Vendée, - l'Indicateur de
Fontenay, etc. Ses ouvrages et opuscules les plus connus et les
plus intéressants sont Etat du Poitou sous Louis XIV, -
Nantes ancien et le Pays Nantais - Carrier à Nantes - Robespierre
et Jullien.
Longtemps collaborateur de Benjamin Fillon, Dugast-Matifeux possédait
une précieuse bibliothèque et une remarquable collection
d'autographes et de manuscrits historiques, ayant surtout trait aux
guerres de Vendée, et qui ont été utilisés
par Chassin pour son grand ouvrage sur les événements
dont notre pays fut le théâtre au XVIIIe siècle.
La bibliothèque et les collections d'autographes de Dugast-Matifeux
ont été par lui léguées à la ville
de Nantes, et constituent l'une des sources les plus importantes de
la Révolution dans l'Ouest de la France.
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DE VILLEBOIS-MAREUIL
Georges de Villebois-Mareuil, le chevaleresque officier français,
qui, par dévouement aux idées de justice et de droit,
était allé prendre du service dans l'année des
Boërs, naquit en 1847, à Nantes, au n° 17 de la rue
du Lycée, mais toute son enfance s'écoula au château
de Bois-Corbeau, commune de Saint-Hilaire-de-Loulay, près Montaigu.
Après de brillantes études chez les Jésuites
de Poitiers et chez les Carmes, il entre à 17 ans à
l'école de Saint-Cyr, s'y distingue par son intelligence et
ses aptitudes, et de là passe par l'école de gymnastique
de Joinville-le-Pont, d'où il sort avec le n° 1... Sous-lieutenant
au 4e régiment d'infanterie de marine, il va servir en Cochinchine,
sous les ordres de son oncle l'amiral de Cornulier.
La guerre de 1870 éclate : de Villebois-Mareuil demande et
obtient de rentrer en France à ses frais. Il se rend à
Bordeaux, où Gambetta lui confie le commandement d'une compagnie
à la tête de laquelle il se couvrira de gloire à
Blois. Le 28 janvier 1871, sous le feu meurtrier des Allemands, il
s'élance seul à l'assaut d'une barricade située
dans le faubourg de Vienne. Grièvement blessé, il se
fait porter par un sous-officier et un clairon, et avec leur aide,
il s'avance sur la route. « Tué pour tué, s'écrie-t-il,
en avant, à la baïonnette ». Et ses jeunes
chasseurs, dont la plupart n'avaient jamais vu le feu, électrisés
par son exemple, s'élancent sur la barricade et l'enlèvent.
Le soir, de Villebois-Mareuil, porté mourant à l'hôpital,
recevait des mains du général Pourcet, la croix d'honneur
et avis de sa nomination au grade de capitaine. Il avait alors 23
ans. - Quelques semaines après, il rejoint son bataillon à
Aix, contribue à la défaite de la Commune à Marseille
et, à la tête d'une compagnie, il enlève la Préfecture.
C'est à Marseille qu'il se maria avec Mlle Estrangin, de laquelle
il eut une fille, Mlle Simonne de Villebois-Mareuil, aujourd'hui baronne
d'Yzernay.
Il tient ensuite garnison à Gap, à Sisteron et en Corse.
Dans cette île, il se fait recevoir licencié ès-lettres
et licencié en droit, et peu de temps après, entre à
l'école de Guerre, d'où il sort dans les premiers numéros.
Breveté, il commande une batterie à la Fère,
devient en Tunisie chef d'état-major du général
Vincendon, s'illustre au combat de Sekelt et rentre en France comme
chef de bataillon. Chef d'état-major du 19e corps d'armée,
il est, à 45 ans, nommé colonel, et commande en cette
qualité le 130e il Paris, le 67e à Soissons et le 1er
régiment étranger à Sidi-Bel-Abbès. Un
avenir magnifique s'ouvrait donc devant lui, quand, à la fin
de 1896, il démissionna pour des motifs plus ou moins connus.
Ecrivain remarquable, le colonel de Villebois-Mareuil continua à
s'intéresser à tout ce qui pouvait contribuer à
grandir l'armée, et en dehors de nombreux écrits politiques
et militaires, il consacra tous ses instants à la constitution
de l'Union des sociétés régimentaires.
Entre temps, il publiait uans le Correspondant et la Revue
des deux Mondes des articles non signés qui portent la
marque d'une claire intelligence et d'une solide érudition
: Le général Boulanger, l'Armée russe et ses
chefs, le maréchal de Moltke. etc.
Après avoir fondé la revue anti-dreyfusiste l'Action
et pris nettement position dans le parti nationaliste, de Villebois-Mareuil,
qui avait été bon pour ses soldats qui l'admiraient,
pour ses collègues, un ami sûr et dévoué
(1), qui, sans s'inquiéter des représailles possibles
avait, devant le Conseil de guerre, défendu énergiquement
le colonel Herbinger, accusé par le général de
Négrier, se sentit attiré vers cette Afrique australe,
où un petit peuple de laboureurs luttait héroïquement
contre l'Angleterre pour conserver son autonomie.
Dès la première heure de cette lutte homérique,
de Villebois-Mareuil, en vrai fils des soldats de Bouvines, avait
résolu de porter aux Boërs le secours de ses conseils
et de son épée. Le 25 octobre 1899, il laisse les siens
qu'il ne devait plus revoir, et s'embarque à Marseille sur
e Peïho, qui le dépose à Diégo-Suarez,
Dans ce port il prend place sur la Gironde, qui atteint Loureuzo-Marquez
une heure avant le croiseur anglais qui lui donnait la chasse. Bientôt
il est au Transvaal et là, avec Léon, représentant
du Creusot, un des directeurs effectifs de l'artillerie et du génie,
et quelques français, il se compose un personnel de noirs avec
lesquels il exécute, afin de connaître parfaitement le
territoire des Républiques surs, ces incursions rapides,
hardies, ces raids quasi fantastiques.
Dans le premier jour de décembre 1899 il se trouve devant
Ladismith avec Joubert qui, malheureusement, ne tient pas suffisamment
compte de ses conseils. Puis on discute ses opinions : on les suit
à Colenso le 15 décembre, et bientôt les Anglais
sont en pleine déroule. Le 6 janvier 1900, Joubert ordonne
l'assaut de Ladismith, mais là encore, suivant l'énergique
expression du colonel, « les Boërs massacrèrent
son plan ». Quelques jours après il est à
Waterworks, devant laquelle du Toit s'immobilise comme Joubert devant
Ladismith. Enfin sur les instances pressantes du colonel français
on décide l'attaque pour le 4 février; mais des bruits
répandus par les Anglais jettent le désordre parmi les
Boërs qui refusent de marcher. Le 12 février il demande
50 hommes à du Toit pour prendre Kimberley et s'emparer de
la cité de Cécil Rhodes. Le 16 février Kimberley
est débloqué. De là, il file sur Colesberg et
Blmfontein, assiégé par le généralissime
anglais. De Blmfontein il se rend à Petrusburg et à
Paaderberg, où il rencontre Kronje acculé par lord Roberts,
qui le 27 février, le force à capituler. Pendant ces
quelques jours, de Villebois sauve divers commandos. Le 10 mars il
prend part au combat d'Abrahamskraal. Le 13 il est au pont de la Modder-River;
le 17 il est à Kroonstad, et le 20 le président Kruger,
qui connaît la valeur de Villebois, le nomme général
de la légion étrangère. Il lance à ses
hommes une proclamation vibrante comme un appel de clairon, et le
24 au soir il quitte Kroonstad avec cent hommes environ, dont 25 français
et une voiture de dynamite. Le 25 avril au matin, la colonne se trouvait
au sud-est de Boshoff, occupé par près de 7.000 Anglais.
A une heure et demie du soir un combat terrible s'engage : il dure
jusqu'au soir, et la position occupée par le général
et sa petite troupe est écrasée sous les projectiles.
Les Anglais sont en ce moment au pied de la colline : ils mettent
baïonnette au canon et arrivent sur le sommet du Kopje. A ce
moment Villebois saisit son revolver et tue un officier anglais :
lui-même est frappé d'une balle dans le flanc et tombe
raide mort sans prononcer une parole.
Le lendemain, il était selon son désir inhumé
sur le champ de bataille, où les ennemis rendirent hommage
à sa valeur. Comme les étendards autrichiens
s'étaient inclinés sur le cercueil de Marceau, les drapeaux
anglais s'abaissèrent devant la tombe de Villebois, au bord
de laquelle le comte de Bréda, son officier d'ordonnance, récita
quelques prières.
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Telle fut, à 53 ans, la fin admirable de ce héros digne
des temps antiques, et ce fait d'armes de Boshoff, ou moins de cent
hommes, sans aucun canon, résistèrent pendant plus de
quatre heures à plus de deux mille, appuyés par de l'artillerie,
est certainement un des plus beaux dont l'histoire fasse mention.
La Vendée tout entière, fière à, bon
droit de son glorieux fils, a voulu consacrer par l'airain le souvenir
de celui qui, en allant combattre les Anglais au Transvaal, s'était
souvenu sans doute que deux de ses aïeux s'étaient distingués
contre les mêmes ennemis à la bataille de Bouvines (2).
Avec le produit d'une souscription publique et d'une subvention allouée
par le Conseil général, on a érigé une
statue au vaillant officier qui versa son sang en défendant
la cause généreuse d'un petit peuple luttant pour son
indépendance. Au seuil du château familial, à
l'entrée de la jolie petite ville de Montaigu, au rond-point
de l'avenue de la gare, le préfet de la Vendée a, le
24 août 1902, en présence des autorités, de MM.
Pierson, ancien consul général du Transvaal à
Paris, du comte de Bréda, officier d'ordonnance de Villebois,
aux côtés duquel il se trouvait à Boshoff, et
d'une foule immense, inauguré la statue du héros, uvre
de son compatriote, le sculpteur Yonnais Guéniot. Sur un piédestal
en granit, de Villebois est représenté en tenue de campagne,
la tête fièrement dressée, l'épée
haute, dans un geste entraînant de commandement : tel il devait
être au soir, glorieux de Boshoff.
Et maintenant, avec M. Bourgeois, le député poète.
« Du héros ; saluons la sublime épopée
!
Par la foi, par la plume ainsi que par l'épée.
Dans nos temps ternes il brilla...
Si dans nos curs blessés, grondent encore
des haines
Bleus et Blancs, faisons trêve
aux querelles lointaines,
Près de ce Français, halte-là
!
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(1) Lorsqu'il était capitaine de chasseurs à
pied, il sauva un camarade sans fortune qui avait. puisé dans
la caisse et remboursa généreusement les 3.000 flancs
que le malheureux avait détournés.
(2) La famille de Villebois-Mareuil avait été
anoblie par Philippe-Auguste, sur le champ de bataille de Bouvines
(1214).
M. ARSÈNE CHARIER
Né en 1828 à Noirmoutier, dans une honorable famille
de modestes artisans, M. Charrier était de la race de
ces hommes vaillants et forts qui, sortis des humbles rangs du peuple,
sont un exemple, en s'élevant par leur travail et leur intelligence
aux premiers degrés de l'échelle sociale.
Bercé par les flots de l'Océan qu'il aimait jusque
dans ses colères, il avait compris tout jeune, que le premier
droit de l'homme est basé sur le travail, et que, selon sa
belle expression, « tout travailleur mérite les égards
de ceux qui l'approchent ».
Paris devait attirer et fasciner ce cerveau supérieurement
organisé, et au contact des Garnier, des Vaudremer, des Baudry,
des Guitton, ce travailleur manuel « ce frappeur du métal
», comme disaient les anciens, était devenu très
vite un architecte de grand mérite. Peu de temps après
sa sortie de l'Ecole, il remportait à la grande Exposition
annuelle des Beaux-Arts, la médaille d'or pour son projet de
construction d'un hôtel de ville à Fontenay.
Après la consécration de son talent par le jury du
Salon, il fut choisi comme architecte de cette ville, qui devint dès
lors sa patrie d'adoption. De cette époque date cette période
de créations qui se poursuivit pendant dix-sept années,
au cours desquelles il édifia successivement le collège
de Fontenay, un des plus beaux de l'Ouest de la France au dire d'Elisée
Reclus, le château de M. Moller, à Bourneau, dont la
richesse et la variété d'ornementation rappellent ceux
d'Anet et d'Azay-le-Rideau, - le collège de Luçon, -
les châteaux de Mme Bry à l'Absie, de M. Bailly du Pont
à la Châtaigneraie, de M. Ernest Brisson à. Loge-Fougereuse,
et tant d'autres monuments qui tous témoignent de la variété
des conceptions architectoniques et du grand talent artistique de
leur auteur.
Le château de Bourneau, construit d'après
les plans de M. Charier
Son esprit, largement ouvert à tous les progrès, s'était
formé par une communion libérale avec tous les travailleurs
et les savants qui s'honoraient de son amitié : nous avons
nommé Benjamin Fillon, Paul Marchegay, Charavay, de Montaiglon,
Chassin (1)... Sur les conseils de Nadailhac et d'Alexandre Bertrand,
dont il était le correspondant (2), il allait consacrer les
dernières années de son existence à l'histoire,
sous toutes ses faces, de son pays natal.
Dans une étude fortement documentée, sur les mégalithes
de Noirmoutier, il nous reporte aux premiers âges de l'île
des vierges celtiques, fort avant son histoire écrite ; vers
des peuplades mystérieuses, dont l'origine est incertaine,
mais dont les traits de race relevés par les squelettes enfouis
dans leurs tombeaux, caractérisent encore en grande partie
les Noirmoutrins de vieille souche.
Tout frustes et muets qu'ils sont, sans écriture aucune, ils
ont eu pour l'érudit archéologue un langage, presque
une âme. - On peut dire que pour lui cette architecture primitive
a été un des feuillets du grand livre de l'humanité.
Dans son travail sur les transformations de Noirmoutier, sur les
mouvements du sol, il traite d'une façon magistrale les différentes
phases géologiques de ce noyau granitique. Il en montre l'influence
considérable et les conséquences lointaines pour son
île de prédilection. - Dans « Péril et
Défense », après avoir pris pour épigraphe
cette belle maxime de son distingué compatriote Piet : «
qu'ils songent que cette terre n'a été conservée
que par des travaux continuels, et que la moindre négligence
peut la perdre à tout jamais », il décrit et indique
d'une façon mathématique, avec cartes à l'appui,
les ouvrages protecteurs qu'il convient d'édifier pour la préserver
contre l'envahissement des flots.
Au sujet de la question tant controversée de l'emplacement
exact du Portus Secor, M Charier a publié un remarquable
mémoire « contributif à l'étude des solutions
cherchées » et c'est faire l'éloge de l'auteur
que de dire que les grands périodiques français et l'Académie
des Sciences de Berlin, ont consacré à ces divers ouvrages
des comptes-rendus aussi flatteurs que justement mérités.
Ajoutons aussi que l'antique chapelle de saint Filibert, le patron
de son île natale, a trouvé en lui un historien consciencieux,
en même temps qu'un archéologue passionné et éclairé
pour la reconstitution d'un passé qui intéresse son
pays.
On peut dire que toute la vie de cet homme de bien fut consacrée
à l'étude et au travail. Même lorsque la mort
est venue le frapper, il préparait un projet d'agrandissement
et d'embellissement de l'hôtel de ville de Fontenay. Cette cité,
qui venait de l'investir pour la troisième fois des fonctions
de maire, et à laquelle il a prodigué son concours aussi
désintéressé qu'intelligent, ne lui sera point
ingrate et conservera à sa mémoire un pieux et fidèle
souvenir (3).
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(1) M. Chassin, Louis-Charles, membre de la société
des gens de lettres, mort en juillet 1900, était né
a Coéx (Vendée). Il a laissé sur les guerres
de notre pays, un ouvrage en onze volumes; dont certaines parties
prêtent à la critique : niais dans son ensemble ce travail
de bénédictin est remarquable. La Table analytique surtout,
est claire, nette et facile à consulter.
(2) Il était également correspondant du
ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
(3) BIBLIOGRAPHIE DES PRINCIPAUX OUVRAGES DE M. CHARIER
L'Ile de Noirmoutier : Etude de ses transformations.
Plaquette grand in-4°de 22 pages, ornée de 7 cartes. Clouzot,
éditeur, 1886.
L'Ile de Noirmoutier : Contribution à l'étude
des mouvements du sol. Brochure in-8° de 48 pages, ornée
de 3 cartes coloriées. Clouzot, 4888.
L'Ile de Noirmoutier : Un dolmen inédit.
Plaquette in-8° de 19 pages, avec dessins à la plume. Clouzot,
éditeur, 1888.
L'Ile de Noirmoutier : Note sur le Promontoire Pictonum
et le Portus Secor. Plaquette in-8° de 16 pages, avec carte
coloriée. Clouzot, 4891,
L'Ile de Noirmoutier : Péril et défense.
Un volume in-8° de 185 pages, avec 9 cartes coloriées.
L'Ile de Noirmoutier : La chapelle de Saint Filibert.
Brochure in-8° de 48 pages, ornée de nombreux dessins.
Clouzot, éditeur, 1896.
L'Ile de Noirmoutier : Notes sur quelques fouilles.
Plaquette in-8° de 22 pages, avec dessins. Clouzot, éditeur,
1898.
OCTAVE DE ROCHEBRUNE
Né en 1824, dans l'antique capitale du Bas-Poitou, qu'il aimait
d'un extraordinaire amour filial, qu'il n'abandonna jamais, et qui
se souviendra de son illustre fils, M. de Rochebrune, dont
la vie fut si pure et d'une si incomparable grandeur dans la simplicité,
se sentit, encore enfant, porté vers les arts, où il
devait briller d'un si vif éclat. C'est en voyant faire le
portrait de son grand'père, et au contact de M. de Montbail,
qu'il eut d'une façon inconsciente, la révélation
de sa véritable vocation.
Après avoir appris au collège de sa ville natale les
premières notions du dessin, il fut envoyé à
Saint-Stanislas de Paris, où sous la direction éclairée
d'un professeur de talent, Jean-Louis Petit, il fit des progrès
si rapides, qu'étant encore sur les bancs du collège,
il fut admis au Salon, en exposant un dessin à la mine de plomb
représentant l'abside de N.-D. de Paris.
L'année suivante, il exposa le même sujet, mais peint
à l'huile, ainsi que Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, et trois
autres dessins. Au Salon de 1847, il envoya entre autres choses, une
peinture représentant les ruines de l'abbaye de Maillezais.
- En 1818, il présenta au Jury deux peintures représentant
la façade du château de Josselin, le château de
Saint-Ouen et trois dessins, les cathédrales de Quimper et
de Saint-Pol, et le clocher de Kreisker. Dès ses premières
uvres, le grand artiste indique clairement une prédilection
très marquée « pour les précieux monuments
et la symphonie harmonique des lignes architecturales », mais
ce n'est que dans l'eau-forte qu'il devait trouver plus tard le mode
d'expression lui permettant d'écrire magistralement sa pensée.
A partir de 1861, commence cette série ininterrompue de gravures,
dont la plupart sont, des chefs-d'uvre, et qui toutes marquent
le caractère si personnel du maître. Parmi ces cinq cents
eaux-fortes, dont quelques-unes de dimensions inusitées, citons
: Chambord, Blois, les cathédrales de Paris, de Rouen, de
Strasbourg, Notre-Dame de Fontenay, les Tuileries, la Rochefoucault,
Valençay, le Lude, Saint-Pierre-de-Caen et le Palais de Justice
de Rouen : un émerveillement de pierres festonnées
comme une dentelle.
Dans toutes ces planches, il a montré une science architectonique
tellement étonnante, une hardiesse de pointe et une sûreté
de dessin tellement incomparables que leur auteur a été,
par un éminent critique d'art, Charles Blanc, appelé
le Piranési français.
Nulle part dans l'uvre de M. de Rochebrune on ne sent l'imitation
; mais partout le sentiment de l'exécution et l'allure de la
pointe variant selon le caractère des planches, dont quelques-unes
ont une réputation européenne. « Se jouant des
difficultés dans les grandes planches surtout », M. de
Rochebrune a eu l'originalité de ne sacrifier ni l'exactitude
au pittoresque, ni le pittoresque à la précision : «
avec une exécution vigoureuse et fière, il est complet
dans le détail, comme un pur architecte, et trouve en peintre
pour l'ensemble, un effet puissant et d'autant plus que le cadre est
plus élargi. »
« L'uvre de ce noble enfant de Fontenay est un héritage
de ce temps que la postérité revendiquera. Elle conservera
soigneusement ces planches, uvres d'art émérites
et documents historiques de haute valeur, qui rediront la splendeur
des vieilles demeures de France après que les siècles
en auront fait des amas de ruines. »
Mais M. de Rochebrune n'était pas seulement l'éminent
graveur que l'on se plaisait à admirer. Il était aussi
un fin lettré, un numismate distingué, un érudit
archéologue.
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Tout le monde connaît les exquises monographies et les remarquables
descriptions qu'il a publiées dans Poitou-Vendée,
en collaboration avec Benjamin Fillon, - dans les Mémoires
de la Société des Antiquaires de l'Ouest, - dans
les Revues de Bretagne et du Bas-Poitou et ailleurs.
Dans la vieille demeure de Nicolas Rapin, à laquelle il s'efforça
de restituer son aspect primitif, il rassembla les monnaies et les
armes rares, les meubles et les tentures précieuses, les objets
d'art et les curiosités artistiques, qui en firent longtemps
un véritable musée, visité chaque année
par de nombreux touristes français et étrangers.
M. de Rochebrune était par-dessus tout un homme supérieur
par la loyauté du caractère, la courtoisie et la sûreté
des relations, auprès duquel les travailleurs de tous ordres
trouvaient bon accueil et bon conseil. - Il avait une nature d'élite,
inaccessible à la haine, dédaigneuse de la vengeance,
fermée à l'envie : cette basse et vile passion des médiocres.
Il ignorait les calculs intéressés, les intrigues, les
manuvres tortueuses ; il suivait à la grande lumière
du jour, le large chemin de l'honneur, de la probité, du travail
et du bien.
M. O. de Rochebrune, après une longue et cruelle maladie,
est mort le 17 juillet 1900, le burin à la main, sa tâche
accomplie. Huit jours à peine avant de dire aux siens l'éternel
adieu, il travaillait encore à une planche destinée
à orner un de nos ouvrages. Cette planche ayant pour titre
: Ruines de l'abbaye de Maillezais est malheureusement demeurée
inachevée. - Elle porte le n° 492 du catalogue que M. Henri
Clouzot a consacré à l'uvre du grand artiste qui
nous honorait depuis de longues années d'une affection toute
particulière, et à qui nous adressons en terminant cet
ouvrage, qu'il voulut bien orner d'un superbe frontispice, un souvenir
particulièrement ému et reconnaissant. (1)
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(1) Pour de plus amples renseignements sur l'uvre
de M. de Rochebrune, consulter notamment l'intéressante brocéure
publiêe par M. Vallette. - Niort, L. Clouzot, et l'article paru
sous la signature A. Bonnin, dans la 3e année de la Revue
du Bas-Poitou, travaux auxquels nous avons fait de nombreux emprunts
pour la rédaction des quelques lignes consacrées par
nous au grand artiste.
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